La Lettre du Cardiologue - n° 396 - juin 2006
31
MISE AU POINT
insuffisance cardiaque, d’une hypotension artérielle, d’une déshy-
dratation, d’un myélome, d’une hypercalcémie, d’un traitement
néphrotoxique, d’un important volume d’iode. La prévention
repose sur l’hydratation par sérum salé isotonique 9 g/l (un litre
à passer en intraveineuse 8 heures avant et à renouveler sur une
durée de 8 heures après l’examen si la fonction ventriculaire
gauche est normale). Le bicarbonate de sodium (154 Meq/l,
3 ml/kg/h une heure avant et 6 heures après) serait plus néphro-
protecteur que le chlorure de sodium à la même concentration
(154 Meq/l) [13]. Le volume de produit de contraste doit être le
plus faible possible. Les indications de coronarographie doivent
être limitées aux patients pouvant bénéficier d’une amélioration
de leur pronostic par revascularisation, ce qui est démontré en pré-
sence d’une ischémie myocardique sévère ou diffuse. Un inter-
valle de 5 jours doit être respecté entre deux injections iodées (la
créatininémie sera contrôlée 24 heures, 48 heures et trois semaines
après l’injection iodée). Dans l’étude NEPHRIC portant sur 129
diabétiques avec un taux de créatinine compris entre 1,5 et
3,5 mg/dl, le risque d’insuffisance rénale aiguë était de 3 % après
Visipaque®(non ionique iso-osmolaire) et de 26 % après Omni-
paque®(faiblement osmolaire) [14]. Cependant, dans notre expé-
rience, le risque de complication thrombotique après angioplas-
tie est plus élevé avec un produit de contraste non ionique
iso-osmolaire qu’avec un produit ionique de faible osmolarité (6 %
avec iodixanol versus 0,3 % avec ioxaglate, p < 0,0001) [15].
D’autres mesures ont été proposées comme l’acétylcystéine, mais
aucun bénéfice clinique n’a cependant été rapporté avec ce trai-
tement, et son effet néphroprotecteur n’est plus significatif dans
une méta-analyse de plus de 30 études (16). Marenzi et al. ont
rapporté l’intérêt de l’hémofiltration (1 000 ml/heure) 4 à
8 heures avant et 18 à 24 heures après angioplastie coronaire chez
114 patients avec un taux de créatinine supérieur à 2 mg/dl ; dans
cette étude, le risque d’insuffisance rénale aiguë diminuait de 50
à 5 %, le risque de dialyse de 25 à 3 % et le risque de décès à un
an de 30 à 10 % (17).
Optimisation de la procédure d’angioplastie et du suivi
L’amélioration du pronostic après angioplastie repose sur une
sélection appropriée des patients, avec lésions coronaires acces-
sibles au stent. Le pontage chirurgical sera préféré chez les
patients pluritronculaires avec ischémie sévère et risque chirur-
gical acceptable, lorsque la revascularisation chirurgicale sera
plus complète, ou en cas de nécessité de chirurgie valvulaire asso-
ciée. Dans l’étude ARTS comparant pontage et angioplastie coro-
naire chez le pluritronculaire, 142 patients avaient une clairance
de la créatinine inférieure à 60 ml/mn. À 5 ans, les taux de décès
et/ou d’infarctus sont identiques dans les deux groupes (14 %
après stent nu versus 12 % après pontage), la seule différence
portant sur un taux plus élevé de nouvelle revascularisation après
angioplastie (19 % après stent nu versus 8 % après pontage). Cette
différence pourrait disparaître avec l’utilisation des stents actifs.
Dans le registre ARTS 2, le taux d’événement un an après stent
actif est moins élevé que dans le groupe chirurgical d’ARTS 1.
Le choix de la voie d’abord artérielle est discuté chez les insuf-
fisants rénaux candidats à l’angioplastie. Les complications
hémorragiques peuvent mettre en jeu le pronostic vital avec la
voie fémorale, et rendre inutilisable l’axe vasculaire en vue d’une
fistule en cas de voie radiale ou humérale. La littérature rapporte
un taux de 10 % d’occlusion radiale après coronarographie par
cette voie, avec un risque d’autant plus élevé que la radiale est
de petit diamètre. La mesure du diamètre artériel par Doppler
pourrait orienter le choix de l’abord vasculaire.
L’environnement antithrombotique doit être optimal, associant
héparine, aspirine et clopidogrel. Bien que nous ne disposions
pas d’étude randomisée sur l’intérêt des inhibiteurs des récep-
teurs GPIIb/IIIa dans l’angioplastie chez l’insuffisant rénal, les
patients avec lésions à haut risque thrombotique (syndrome coro-
naire aigu avec troponine élevé) bénéficient probablement de ce
traitement (tirofiban à demi-dose, l’abciximab sans réduction de
dose n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché en France
dans l’insuffisance rénale).
La détection d’une resténose nécessite une recherche systéma-
tique d’ischémie résiduelle par évaluation non invasive six mois
après angioplastie. Lors du suivi ultérieur, les tests non invasifs
de dépistage d’ischémie myocardique silencieuse sont utilisés
chez les patients à haut risque d’événement cardiaque, en parti-
culier chez les diabétiques ou avant transplantation rénale ou en
chirurgie vasculaire.
Traitement médical après stent actif chez l’insuffisant
rénal chronique
Tous les patients doivent être sous aspirine 75 mg/j et clopido-
grel 75 mg/j pendant 9 à 12 mois, puis sous aspirine 75 mg/j à
vie. La lutte contre l’athérome accéléré repose sur une correc-
tion intensive des facteurs de risque (tableau II).
Tableau II. Traitement médical après stent actif chez l’insuffisant
rénal chronique.
●
Traitement antiagrégant plaquettaire : aspirine-clopidogrel 9-12 mois,
puis aspirine à vie
●
Arrêt du tabac
●
Statines avec adjonction d’ézétimibe si LDL > 1 g/l
●
IEC ± ARA II si tension artérielle > 130/80 mmHg
●
Bêtabloquants si arythmies ventriculaires, séquelles d’infarctus, dys-
fonction ventriculaire gauche, ischémie résiduelle non revascularisable,
tension artérielle > 130/80 mmHg malgré IEC/ARA II
●
Insuline pour HbA1c < 6,5 %
●
Prévention de l’hypotension artérielle sous dialyse (éviter les dérivés
nitrés)
●
Exercice physique modéré
●
Alimentation selon conseils d’une diététicienne
●
Contrôle de l’hyperparathyroïdie (carbonate de calcium, vitamine D,
chélateur du phosphore : sévélamer)
●
Correction de l’anémie (EPO, fer ; objectif Hb > 10 g/100 ml)
Le seuil pour traiter une hypertension artérielle est de
130/80 mmHg (125/75 mmHg en cas de protéinurie), en utilisant
de préférence les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les anta-
gonistes des récepteurs de l’angiotensine II et les bêtabloquants.
En cas de diabète, l’HbA1C doit être abaissée à moins de 6,5 %.
Le LDL-cholestérol doit être abaissé à moins de 1 g/l par régime,
avec un exercice physique modéré, des statines sous surveillance
biologique (métabolisme hépatique), et, si nécessaire, un inhibi-
teur de l’absorption intestinale. Il est impératif d’arrêter le tabac.
L’hypertriglycéridémie sans élévation du LDL-cholestérol relève
.../...