Intérêt du stent actif dans l’insuffisance rénale chronique M

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Intérêt du stent actif dans l’insuffisance
rénale chronique
The value of drug eluting stent in patients with chronic renal failure
● C. Le Feuvre*
Points forts
■ Dans l’insuffisance rénale chronique, le risque de throm-
bose de stent après angioplastie coronaire ne semble pas
plus important avec le stent actif qu’avec le stent nu.
■ Le stent actif chez les patients insuffisants rénaux diminue le taux de nouvelle revascularisation pour resténose.
■ Le taux de décès après stent actif reste plus élevé chez
les patients avec insuffisance rénale chronique que chez
ceux sans atteinte rénale.
■ L’amélioration du pronostic après angioplastie avec stent
actif chez les patients insuffisants rénaux nécessite une
approche multifactorielle prenant également en charge
l’anémie, l’hyperparathyroïdie, l’atteinte ventriculaire
gauche, les arythmies et le traitement intensif des facteurs
de risque.
Mots-clés : Stent actif - Angioplastie coronaire - Insuffisance rénale chronique.
Keywords: Drug-eluting stent - Coronary angioplasty Chronic renal failure.
insuffisance rénale chronique augmente le risque
d’événement cardiovasculaire après angioplastie
coronaire. Les stents actifs, au sirolimus ou au paclitaxel, ont démontré l’inhibition de l’hyperplasie intimale et la
resténose intrastent par rapport aux stents nus, avec une diminution majeure de la nécessité d’une nouvelle revascularisation.
Cependant, la plupart des études randomisées ont exclu les
patients avec insuffisance rénale chronique et nous ne disposons
que de peu de données sur le risque de thrombose, de resténose
et de décès cardiaque après angioplastie avec stent actif chez ces
derniers.
L’
* Département de cardiologie médicale, Institut de cardiologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
26
THROMBOSE DE STENT ACTIF
CHEZ L’INSUFFISANT RÉNAL : UN RISQUE
COMPARABLE À CELUI DU STENT NU
La thrombose de stent est la première cause de mortalité après
angioplastie (20 à 25 % de décès, 60 à 70 % d’infarctus onde Q).
Ce risque de thrombose justifie l’association aspirine-clopidogrel pendant au moins 6 mois (habituellement 9 à 12 mois)
après stent actif. Le bénéfice de cette bithérapie a également
été démontré après stent nu (PCI-CURE, CREDO). L’arrêt du
traitement antiagrégant représente le principal risque de thrombose de stent actif comme de stent nu. Le risque de thrombose
lors de l’arrêt des antiagrégants contre-indique l’utilisation du
stent actif en cas de chirurgie extracardiaque programmée ou
de mauvaise compliance au traitement. Dans la population
générale, le risque de thrombose du stent actif, qui se situe
entre 0,5 et 1,6 % selon les études, est identique au risque de
thrombose des stents nus (1). Dans notre expérience portant
sur 152 patients, le risque de thrombose aiguë ou subaiguë chez
le patient avec insuffisance rénale chronique est de 2 %, pourcentage comparable à celui observé chez les patients sans insuffisance rénale, appariés sur des critères cliniques (2). Dans
l’étude TAXUS-IV, comparant stent nu et Taxus® chez
1 314 patients, l’insuffisance rénale définie par une clairance
de la créatinine inférieure à 60 ml/mn n’était pas associée à un
risque accru de thrombose de stent à un an (3). À l’inverse,
dans un registre portant sur 2 974 patients traités par Taxus,
l’insuffisance rénale était, en analyse multivariée, un facteur
indépendant prédictif d’une thrombose de stent, survenue chez
38 patients (1,2 %) [4]. Les autres facteurs prédictifs en analyse multivariée étaient l’arrêt du clopidogrel et les lésions de
bifurcation ou de resténose intrastent (4). La diminution du
risque de resténose après stent actif ne doit pas occulter le
risque de thrombose aiguë liée aux procédures pluritronculaires, aux lésions complexes (longues sténoses, petits vaisseaux, bifurcations) et aux patients (diabète, dysfonction ventriculaire gauche, infarctus aigu et, dans certaines séries,
insuffisance rénale). Le risque de décès lié à la thrombose de
stent justifie de suivre les recommandations des sociétés
savantes et la liste des produits et prestations remboursables
(LPPR) dans l’indication des stents actifs, tout particulièrement chez les patients ayant une hypercoagulabilité due à une
insuffisance rénale terminale.
La Lettre du Cardiologue - n° 396 - juin 2006
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LE STENT ACTIF DIMINUE LA RESTÉNOSE
APRÈS ANGIOPLASTIE CHEZ L’INSUFFISANT
RÉNAL
Avant l’ère du stent, l’angioplastie au ballon était considérée
comme inefficace chez les patients avec insuffisance rénale terminale, en partie en raison d’un taux très élevé de resténose,
nécessitant une nouvelle revascularisation chez 60 % des patients
et se révélant souvent par un infarctus ou un décès, en particulier chez le diabétique. L’utilisation du stent nu a permis de diminuer le risque de resténose chez les patients ayant une insuffisance rénale terminale, avec un taux de nouvelle revascularisation
à 6 mois de 20 à 35 % versus 15 à 30 % chez les patients sans
insuffisance rénale.
Dans notre expérience, le taux de nouvelle revascularisation pour
resténose intrastent nu est comparable chez les patients dialysés
et sans insuffisance rénale (20 % versus 22 %, NS) [5]. L’utilisation d’un stent actif diminue encore le risque de resténose et de
nouvelle revascularisation. Le taux de nouvelle revascularisation
pour resténose après stent actif est de 11 % chez l’insuffisant rénal
(clairance créatinine < 60 ml/mn) [2]. Dans l’étude TAXUS-IV,
le risque de resténose et de nouvelle revascularisation à 9 mois
est diminué de manière comparable avec le stent actif, que les
patients soient insuffisants rénaux ou non (tableau I) [3].
Tableau I. Efficacité du stent actif sur la prévention de la resténose
chez les patients avec ou sans insuffisance rénale chronique (IRC) [3].
Stent actif
et IRC
Stent nu
et IRC
Stent actif
Absence
d’IRC
Stent nu
Absence
d’IRC
Resténose
angiographique
à 9 mois (%)
3,3
20,5
9,2
27,8
Nouvelle
revascularisation
pour resténose
à un an (%)
2,1
12,2
4,7
15,8
Dans l’étude de P.A. Lemos et al., portant sur un registre de
1 080 patients traités par Cypher® ou stent nu, l’insuffisance
rénale (clairance créatinine < 60 ml/mn) n’était pas un facteur
indépendant prédictif de nouvelle revascularisation pour resténose à un an, alors que ce risque était diminué par l’utilisation
d’un stent actif (HR 0,43 ; p < 0,01) [6].
L’INSUFFISANCE RÉNALE EST ASSOCIÉE
À UN RISQUE PLUS ÉLEVÉ DE DÉCÈS
APRÈS ANGIOPLASTIE, APRÈS STENT NU
COMME APRÈS STENT ACTIF
Les risques de décès après stent nu chez l’insuffisant rénal
Le risque de décès cardiaque après revascularisation par angioplastie avec stent nu est trois à six fois plus élevé chez l’insuffisant rénal, dialysé ou non, que chez le patient avec fonction rénale
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normale. Dans la série de Rubenstein et al. (7), les taux de mortalité à un an sont identiques chez les patients dialysés et chez
ceux non dialysés avec une créatininémie supérieure à 1,5 mg/dl,
alors qu’ils sont beaucoup plus faibles chez les témoins non insuffisants rénaux appariés selon l’âge et le sexe (5 % versus 30 %
chez l’insuffisant rénal).
Dans la série de Hemmelgarn et al. (8) portant sur 196 dialysés, 262 insuffisants rénaux non dialysés et 2 962 patients avec
un taux de créatinine inférieur à 2,3 mg/dl, le taux de décès à
4 ans après coronarographie est 2,5 fois plus élevé chez l’hémodialysé ou chez les patients avec une créatininémie supérieure à 2,3 mg/dl que chez les patients avec une créatininémie
inférieure à 2,3 mg/dl, alors que le pronostic est le même chez
l’insuffisant rénal dialysé ou non dialysé avec une créatininémie supérieure à 2,3 mg/dl (OR = 1) [8]. Le risque accru d’événement cardiaque après revascularisation chez l’insuffisant
rénal ne doit pas faire oublier que la mortalité serait encore plus
élevée sans revascularisation. Dans cette étude, 50 % des
patients avec insuffisance rénale, dialysée ou non, avaient bénéficié d’une revascularisation myocardique ; en analyse multivariée intégrant les variables cliniques et angiographiques, le
pontage et l’angioplastie, comparés au traitement médical,
étaient associés à une réduction respectivement de 27 % et de
32 % de la mortalité à quatre ans.
Les taux de succès d’angioplastie avec stent nu chez les patients
bien sélectionnés sont élevés (90-95 %) et comparables chez les
hémodialysés, les transplantés rénaux et les patients sans insuffisance rénale. En revanche, un risque plus élevé d’événement
cardiaque persiste lors de l’hospitalisation initiale (6-10 % chez
l’hémodialysé ou le transplanté rénal versus 2 % en l’absence
d’insuffisance rénale), ainsi qu’un taux plus élevé de décès cardiaque à un an (15-30 % versus 2-5 %) et un taux plus élevé
d’événement cardiaque majeur à un an (50 % versus 33 %). Dans
notre expérience, l’angioplastie coronaire réalisée avec un stent
nu permet d’obtenir des taux de succès angiographique et des
taux de revascularisation pour resténose comparables chez les
patients hémodialysés et sans insuffisance rénale (9). Le risque
de décès à 2 ans reste plus élevé chez l’hémodialysé (15 % versus 5 % chez les non-hémodialysés) [10]. Le risque de décès cardiaque et d’infarctus à 4 ans après angioplastie est plus élevé chez
les patients dialysés et diabétiques (39 %) que chez les dialysés
non diabétiques (23 %), les diabétiques (11 %) et les non-diabétiques sans insuffisance rénale (11 %) [11].
Les risques de décès après stent actif chez l’insuffisant
rénal
L’intérêt du stent actif en termes de réduction de mortalité chez
l’insuffisant rénal est controversé. Dans l’étude de Lemos et al. (6),
la mortalité à un an après angioplastie est plus élevée chez l’insuffisant rénal (7,6 % versus 2,5 % ; p < 0,01), mais sans différence entre stent actif ou stent nu (HR = 0,91, IC95 : 0,49-1,68 ;
p = 0,8). Dans notre étude portant sur 152 patients, l’insuffisance
rénale chronique augmente le risque de décès 16 mois après angioplastie quel que soit le type de stent implanté : 8 % versus 2 % de
décès après stent actif, 26 % versus 2 % de décès après stent nu
(p = 0,001). Chez le patient insuffisant rénal, le risque de décès
est plus faible après stent actif (8 % versus 26 % après stent nu,
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p < 0,05) [figure 1]. De même, on observe une tendance à un plus
faible risque de décès et/ou infarctus chez l’insuffisant rénal après
stent actif (8 versus 21 % après stent nu) [figure 2] (2).
Survie globale
Stent nu
Rein normal
100
Stent actif
Rein normal
Stent actif
IRC
90
80
70
Stent nu
IRC
Stent nu-IRC versus stent nu-rein normal : p < 0,009
Stent nu-IRC versus stent actif-IRC : p < 0,05
3
6
9
12
18
21 mois
Figure 1. Courbes de survie globale chez les patients avec stent actif ou
stent nu, rein normal ou insuffisance rénale chronique (IRC) [2].
Survie sans décès cardiaque
ou infarctus (%)
Stent nu
Rein normal
100
Stent actif
Rein normal
90
Stent actif
IRC
80
70
Stent nu
IRC
Stent nu-IRC versus stent nu-rein normal : p < 0,009
Stent nu-IRC versus stent actif-IRC : NS
3
6
9
12
18
21 mois
Figure 2. Courbes de survie sans décès/infarctus chez les patients avec
stent actif ou stent nu, rein normal ou insuffisance rénale chronique
(IRC) [2].
L’EXCÈS DE MORTALITÉ APRÈS ANGIOPLASTIE
CHEZ L’INSUFFISANT RÉNAL : UNE ORIGINE
MULTIFACTORIELLE
L’excès de mortalité après angioplastie chez l’insuffisant rénal
chronique est secondaire à l’accélération de l’athérome et à l’atteinte ventriculaire gauche. Dans le registre américain USRDS
portant sur 627 983 patients dialysés, la mortalité annuelle est de
10 % chez un patient non diabétique de moins de 44 ans et de
40 % chez un patient diabétique de plus de 65 ans. La moitié de
ces décès est d’origine cardiovasculaire : mort subite ou insuffisance cardiaque (30 %), infarctus (15 %), accident vasculaire
cérébral (5 %). Chez l’hémodialysé, les taux de mortalité à 1 et
à 5 ans après infarctus du myocarde sont respectivement de 59 %
et 90 % (12).
28
L’accélération de l’athérome chez l’insuffisant rénal chronique
est en partie expliquée par la présence fréquente d’autres facteurs
de risque d’athérosclérose. Les dyslipidémies peuvent être favorisées par un syndrome néphrotique et, après transplantation
rénale, par un traitement corticoïde ou immunosuppresseur. Le
diabète et l’hypertension artérielle sont des facteurs de risque
communs à l’insuffisance rénale et à l’athérosclérose. L’hyperparathyroïdie secondaire à l’insuffisance rénale favorise la médiacalcose coronaire. L’hypercoagulabilité, fréquente dans l’insuffisance rénale terminale, augmente le risque de syndrome
coronaire aigu. L’hyperhomocystéinémie, facteur de risque indépendant d’athérosclérose, augmente avec l’insuffisance rénale,
et est peu modifiée par les dialyses.
Le risque de mort subite par trouble du rythme ventriculaire chez
l’insuffisant rénal pourrait être favorisé par une diminution de la
tolérance à l’ischémie, par des anomalies du métabolisme myocardique et de la microcirculation. L’angor fonctionnel chez l’hémodialysé est secondaire à une diminution des apports en O2 (anémie, élévation des pressions de remplissage ventriculaire gauche,
diminution du temps diastolique, hypotension artérielle) et à une
augmentation des besoins en O2 (hypervolémie, fistule artérioveineuse, hypertrophie ventriculaire gauche, hypertension artérielle, tachycardie).
L’hypertrophie avec dysfonction ventriculaire gauche est fréquente chez l’insuffisant rénal chronique, et contribue également
à aggraver le pronostic de ces patients. L’hypertrophie ventriculaire gauche a une origine multifactorielle : hypertension artérielle, hypervolémie, hypertonie sympathique, anémie. Elle
contribue à diminuer la compliance et la réserve coronaire ainsi
qu’à augmenter le risque de troubles du rythme ventriculaire. Les
autres causes de cardiopathie urémique associent à des degrés
divers une séquelle d’infarctus, une fibrose myocardique, la cardiotoxicité des toxines urémiques (surcharges en mercure, cobalt,
phosphore, fer, plomb, lithium), une valvulopathie mitrale ou aortique par calcifications liées à l’hyperparathyroïdie.
COMMENT AMÉLIORER LE PRONOSTIC
DES PATIENTS INSUFFISANTS RÉNAUX
APRÈS ANGIOPLASTIE AVEC STENT ACTIF ?
L’amélioration du pronostic repose sur la prévention de l’aggravation de l’insuffisance rénale, l’optimisation de la procédure
d’angioplastie, du suivi et du traitement médical après angioplastie.
Prévention de l’insuffisance rénale aiguë postangioplastie
L’aggravation de la fonction rénale après angioplastie est associée à une surmortalité et doit être prévenue. L’insuffisance rénale
aiguë postcoronarographie peut être secondaire à la néphrotoxicité du produit de contraste, avec nécrose tubulaire aiguë, précoce
et réversible en deux à trois semaines, ou être liée à des embolies
rénales de cholestérol (livedo, orteils bleus, nécroses distales, éosinophilie, anomalies au fond d’œil), retardée de trois à quatre
semaines et irréversible, nécessitant une dialyse définitive.
Les facteurs de risque sont le degré d’insuffisance rénale calculée par la formule de Cockcroft, la présence d’un diabète, d’une
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insuffisance cardiaque, d’une hypotension artérielle, d’une déshydratation, d’un myélome, d’une hypercalcémie, d’un traitement
néphrotoxique, d’un important volume d’iode. La prévention
repose sur l’hydratation par sérum salé isotonique 9 g/l (un litre
à passer en intraveineuse 8 heures avant et à renouveler sur une
durée de 8 heures après l’examen si la fonction ventriculaire
gauche est normale). Le bicarbonate de sodium (154 Meq/l,
3 ml/kg/h une heure avant et 6 heures après) serait plus néphroprotecteur que le chlorure de sodium à la même concentration
(154 Meq/l) [13]. Le volume de produit de contraste doit être le
plus faible possible. Les indications de coronarographie doivent
être limitées aux patients pouvant bénéficier d’une amélioration
de leur pronostic par revascularisation, ce qui est démontré en présence d’une ischémie myocardique sévère ou diffuse. Un intervalle de 5 jours doit être respecté entre deux injections iodées (la
créatininémie sera contrôlée 24 heures, 48 heures et trois semaines
après l’injection iodée). Dans l’étude NEPHRIC portant sur 129
diabétiques avec un taux de créatinine compris entre 1,5 et
3,5 mg/dl, le risque d’insuffisance rénale aiguë était de 3 % après
Visipaque® (non ionique iso-osmolaire) et de 26 % après Omnipaque® (faiblement osmolaire) [14]. Cependant, dans notre expérience, le risque de complication thrombotique après angioplastie est plus élevé avec un produit de contraste non ionique
iso-osmolaire qu’avec un produit ionique de faible osmolarité (6 %
avec iodixanol versus 0,3 % avec ioxaglate, p < 0,0001) [15].
D’autres mesures ont été proposées comme l’acétylcystéine, mais
aucun bénéfice clinique n’a cependant été rapporté avec ce traitement, et son effet néphroprotecteur n’est plus significatif dans
une méta-analyse de plus de 30 études (16). Marenzi et al. ont
rapporté l’intérêt de l’hémofiltration (1 000 ml/heure) 4 à
8 heures avant et 18 à 24 heures après angioplastie coronaire chez
114 patients avec un taux de créatinine supérieur à 2 mg/dl ; dans
cette étude, le risque d’insuffisance rénale aiguë diminuait de 50
à 5 %, le risque de dialyse de 25 à 3 % et le risque de décès à un
an de 30 à 10 % (17).
Optimisation de la procédure d’angioplastie et du suivi
L’amélioration du pronostic après angioplastie repose sur une
sélection appropriée des patients, avec lésions coronaires accessibles au stent. Le pontage chirurgical sera préféré chez les
patients pluritronculaires avec ischémie sévère et risque chirurgical acceptable, lorsque la revascularisation chirurgicale sera
plus complète, ou en cas de nécessité de chirurgie valvulaire associée. Dans l’étude ARTS comparant pontage et angioplastie coronaire chez le pluritronculaire, 142 patients avaient une clairance
de la créatinine inférieure à 60 ml/mn. À 5 ans, les taux de décès
et/ou d’infarctus sont identiques dans les deux groupes (14 %
après stent nu versus 12 % après pontage), la seule différence
portant sur un taux plus élevé de nouvelle revascularisation après
angioplastie (19 % après stent nu versus 8 % après pontage). Cette
différence pourrait disparaître avec l’utilisation des stents actifs.
Dans le registre ARTS 2, le taux d’événement un an après stent
actif est moins élevé que dans le groupe chirurgical d’ARTS 1.
Le choix de la voie d’abord artérielle est discuté chez les insuffisants rénaux candidats à l’angioplastie. Les complications
hémorragiques peuvent mettre en jeu le pronostic vital avec la
voie fémorale, et rendre inutilisable l’axe vasculaire en vue d’une
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fistule en cas de voie radiale ou humérale. La littérature rapporte
un taux de 10 % d’occlusion radiale après coronarographie par
cette voie, avec un risque d’autant plus élevé que la radiale est
de petit diamètre. La mesure du diamètre artériel par Doppler
pourrait orienter le choix de l’abord vasculaire.
L’environnement antithrombotique doit être optimal, associant
héparine, aspirine et clopidogrel. Bien que nous ne disposions
pas d’étude randomisée sur l’intérêt des inhibiteurs des récepteurs GPIIb/IIIa dans l’angioplastie chez l’insuffisant rénal, les
patients avec lésions à haut risque thrombotique (syndrome coronaire aigu avec troponine élevé) bénéficient probablement de ce
traitement (tirofiban à demi-dose, l’abciximab sans réduction de
dose n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché en France
dans l’insuffisance rénale).
La détection d’une resténose nécessite une recherche systématique d’ischémie résiduelle par évaluation non invasive six mois
après angioplastie. Lors du suivi ultérieur, les tests non invasifs
de dépistage d’ischémie myocardique silencieuse sont utilisés
chez les patients à haut risque d’événement cardiaque, en particulier chez les diabétiques ou avant transplantation rénale ou en
chirurgie vasculaire.
Traitement médical après stent actif chez l’insuffisant
rénal chronique
Tous les patients doivent être sous aspirine 75 mg/j et clopidogrel 75 mg/j pendant 9 à 12 mois, puis sous aspirine 75 mg/j à
vie. La lutte contre l’athérome accéléré repose sur une correction intensive des facteurs de risque (tableau II).
Tableau II. Traitement médical après stent actif chez l’insuffisant
rénal chronique.
● Traitement
antiagrégant plaquettaire : aspirine-clopidogrel 9-12 mois,
puis aspirine à vie
● Arrêt du tabac
● Statines avec adjonction d’ézétimibe si LDL > 1 g/l
● IEC ± ARA II si tension artérielle > 130/80 mmHg
● Bêtabloquants si arythmies ventriculaires, séquelles d’infarctus, dysfonction ventriculaire gauche, ischémie résiduelle non revascularisable,
tension artérielle > 130/80 mmHg malgré IEC/ARA II
● Insuline pour HbA1c < 6,5 %
● Prévention de l’hypotension artérielle sous dialyse (éviter les dérivés
nitrés)
● Exercice physique modéré
● Alimentation selon conseils d’une diététicienne
● Contrôle de l’hyperparathyroïdie (carbonate de calcium, vitamine D,
chélateur du phosphore : sévélamer)
● Correction de l’anémie (EPO, fer ; objectif Hb > 10 g/100 ml)
Le seuil pour traiter une hypertension artérielle est de
130/80 mmHg (125/75 mmHg en cas de protéinurie), en utilisant
de préférence les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et les bêtabloquants.
En cas de diabète, l’HbA1C doit être abaissée à moins de 6,5 %.
Le LDL-cholestérol doit être abaissé à moins de 1 g/l par régime,
avec un exercice physique modéré, des statines sous surveillance
biologique (métabolisme hépatique), et, si nécessaire, un inhibiteur de l’absorption intestinale. Il est impératif d’arrêter le tabac.
L’hypertriglycéridémie sans élévation du LDL-cholestérol relève
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du régime : huile de poisson, et fibrates si besoin est. L’hyperparathyroïdie semble responsable des dépôts calciques artériels et
valvulaires par le biais de l’hyperphosphorémie, dont le traitement repose sur le sévélamer (Renagel®) et les apports en carbonate de calcium. L’anémie est un facteur aggravant l’hypertrophie
ventriculaire gauche (HVG) et l’insuffisance cardiaque. Une
régression au moins partielle de l’HVG est possible avec l’EPO.
L’hyperfibrinogénémie, l’inflammation chronique avec élévation
de la protéine C réactive (CRP) et l’hyperhomocystéinémie sont
des facteurs de risque bien établis, mais sans traitement spécifique. Le traitement par acide folique, vitamines B6 et B12 n’a
pour l’instant pas démontré de réduction de la mortalité.
L’hypoalbuminémie représente l’un des principaux facteurs prédictifs de mortalité chez l’hémodialysé. Elle est favorisée par la
dénutrition et le syndrome inflammatoire chronique, avec élévation de la CRP et de la fibrinémie. Chaque baisse de 10 g/l de l’albuminémie multiplie par cinq le risque coronaire (18). Une nutrition équilibrée doit être conseillée par une diététicienne.
■
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C
FM
1. En termes de prévention de la resténose, l’utilisation
d’un stent actif chez l’insuffisant rénal est :
3. Le risque de décès après angioplastie avec stent actif
chez l’insuffisant rénal est :
a. plus efficace que le stent nu
b. aussi efficace que le stent nu
c. moins efficace que le stent nu
a. plus élevé qu’après angioplastie avec stent nu et fonction rénale normale
b. plus élevé qu’après angioplastie avec stent actif et fonction rénale normale
c. moins élevé qu’après angioplastie avec stent nu et fonction rénale normale
C
FM
32
RÉPONSES
a. plus important que le risque de thrombose de stent nu
b. aussi important que le risque de thrombose de stent nu
c. moins important que le risque de thrombose de stent
nu
1. a ; 2. b ; 3. a, b.
2. Dans la plupart des études, le risque de thrombose de
stent actif chez l’insuffisant rénal est :
La Lettre du Cardiologue - n° 396 - juin 2006
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