Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012
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Revue de presse
Un chimérisme temporaire avait pu être mis en évidence.
Alors qu’un sujet avait présenté un rejet humoral irréver-
sible, une tolérance avait pu être induite chez les 4 autres,
avec une fonction rénale stable à distance de l’arrêt des
immunosuppresseurs. Le suivi à plus long terme a néan-
moins montré les limites de cette approche, avec la sur-
venue de plusieurs accidents immunologiques à type de
rejets aigus et d’apparition d’anticorps spécifiques du
donneur. Une seule autre publication, également dans
le New England Journal of Medicine avait aussi rapporté
une tolérance induite chez des greffés de rein ayant reçu
une transplantation combinée de rein et de moelle d’un
donneur vivant HLA identique, avec, cette fois, un chimé-
risme stable observé chez uniquement 1 patient sur 12
ayant reçu ce protocole (2).
Pour l’instant, donc, aucune étude n’avait rapporté de
résultats encourageants dans la situation de transplan-
tation HLA incompatibles. C’est dans ce sens qu’un
article publié en mars dans la revue Science Translational
Medicine pourrait bien révolutionner notre vision de
l’induction de tolérance en clinique. Ces équipes de
Chicago et de Louisville ont développé une approche
novatrice d’induction de tolérance par induction d’un
chimérisme hématopoïétique. Les auteurs ont associé
à un conditionnement non myéloablatif (fludarabine,
irradiation corporelle totale de 200 cGy, cyclophospha-
mide) du receveur l’injection d’un mélange de cellules
souches hématopoïétiques (CSH) enrichies en cellules
“tolérogènes facilitantes”, constituées essentiellement de
cellules CD8+ mais n’exprimant pas le TCR, qui seraient
représentées essentiellement par une sous-population
de précurseurs de cellules dendritiques plasmacytoïdes.
Dans des modèles expérimentaux, ces cellules avaient
déjà montré leur potentiel pour améliorer la prise des
greffes de cellules hématopoïétiques tout en dimi-
nuant l’incidence de la réaction du greffon contre l’hôte
(GVH). Dans l’étude rapportée dans Science Translational
Medicine, l’immunosuppression initiale comportait, après
la phase de conditionnement, l’association de mycophé-
nolate mofétil, arrêté à 6 mois après la transplantation,
et de tacrolimus, arrêté à 1 an.
Huit patients âgés de 29 à 56 ans ayant reçu un greffon
rénal de donneurs apparentés ou non ont été inclus dans
cette étude. Parmi les 4 patients ayant reçu un rein appa-
renté, le degré de compatibilité HLA allait de 3 à 5 sur 6.
Parmi les receveurs d’un rein non apparenté, le degré de
compatibilité n’était que de 1 sur 6 pour 3 patients et de
2 sur 6 pour le quatrième. Un chimérisme a été observé
chez tous les patients à 1 mois de greffe. Dans 2 cas, ce
chimérisme n’a été que transitoire et les patients ont
été maintenus en monothérapie par tacrolimus à faible
ritaire, mais susceptible de se voir étendue, à l’avenir, si elle
est officiellement reconnue. L’une des questions essentielles
concerne la mauvaise acceptation de la TH pour maladie
alcoolique non sevrée par la population, avec le risque de
voir augmenter le taux des refus de prélèvement d’organes.
D’autres indications peuvent être également mal considérées,
comme l’hépatite fulminante par absorption de paracétamol,
ou les maladies virales liées à une ancienne toxicomanie. Un
débat public houleux risque toujours d’avoir lieu.
Même si la période d’abstinence a été brève dans ce travail,
les autres paramètres pris en compte ont été clairement
efficaces, puisque la récidive alcoolique n’a concerné que 3
cas sur 26, un taux plutôt inférieur à celui dont font état les
études réalisées chez les patients transplantés pour cirrhose
alcoolique après un sevrage de 6mois. La durée du sevrage
apparaît de plus en plus comme un critère médiocre, choisi
du seul fait de sa simplicité.
Une prophylaxie antifongique est clairement indispensable
dans ce groupe de patients, où le risque d’aspergillose invasive
est élevé, probablement en raison du déficit immunitaire
profond induit par l’HAA et de la corticothérapie administrée
avant la greffe.
Yvon Calmus (Paris)
•Mathurin P, Moreno C, Samuel D et al. Early liver transplantation for
severe alcoholic hepatitis. N Engl J Med 2011;365:1790-800.
1.Louvet A, Naveau S, Abdelnour M et al. The Lille model: a new tool for
therapeutic strategy in patients with severe alcoholic hepatitis treated
with steroids. Hepatology 2007;45:1348-54.
Tolérance du greffon rénal :
enfin des résultats encourageants !
L’induction d’un état de tolérance constitue l’objectif
ultime de la recherche en immunologie de la transplan-
tation, puisqu’elle permettrait de faire disparaître l’en-
semble des complications de l’immunosuppression tout
en maintenant la fonction de l’allogreffe. Si cet état peut
être relativement aisément obtenu chez le petit animal
de laboratoire, les exemples chez le grand animal sont
beaucoup plus rares et, chez l’humain, exceptionnels. Une
des stratégies utilisées pour induire une tolérance est de
générer un état de chimérisme hématopoïétique dans
lequel les cellules de l’immunité du receveur viennent
en partie du donneur. Une telle stratégie avait déjà été
développée dans le New England Journal of Medicine, en
2008, par l’équipe de David Sacks, qui rapportait les cas de
5 patients ayant reçu une transplantation combinée de
rein et de moelle de donneurs vivants apparentés haplo-
identiques après une induction non myéloablative (1).