Le Courrier des addictions (11) – n ° 4 – octobre-novembre-décembre 2009 18
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6 mois, prise concomitante d’alcool) permettent
d’évaluer le potentiel de détournement des TSO.
Les résultats indiquent que les TSO font l’objet
d’un détournement d’usage, en particulier la BHD.
En effet, la proportion de consommateurs hors
protocole est significativement plus élevée pour la
BHD que pour la méthadone. En outre, des indi-
cateurs de détournement tels que la voie d’admi-
nistration détournée, l’obtention illégale et la souf-
france à l’arrêt témoignent d’un mésusage sous
protocole plus marqué pour la BHD que pour la
méthadone. Certains facteurs peuvent expliquer
que la méthadone soit moins détournée que la
BHD en France, comme l’existence d’une forme
sirop uniquement (jusqu’à 2008) et les conditions
de prescription et de délivrance de la méthadone
(circulaire du 30 janvier 2002). En effet, un traite-
ment par la méthadone peut être initié unique-
ment dans un CSST ou dans un établissement
de soins alors que la BHD peut être prescrite en
première intention par tout médecin. En outre, la
littérature internationale rapporte que le potentiel
d’abus et de dépendance de la méthadone est plus
important que celui de la BHD (9, 10). Cela n’est
pourtant pas contradictoire avec la situation fran-
çaise telle que décrite par OPPIDUM et d’autres
sources de données (et rapportée également dans
d’autres pays), puisque l’impact de galénique et de
l’accessibilité dans le potentiel de détournement
des produits en général et dans le cas présent des
TSO est bien connue (10, 11).
Les sujets de notre étude consomment d’autres
produits psychoactifs comme les benzodia-
zépines, consommation qui peut être réalisée
dans un but thérapeutique ou non comme ré-
cemment souligné par Lavie et al., 2009 (12).
Les benzodiazépines sont davantage consom-
mées par les patients sous BHD (24,9 %) versus
21,7 % chez les patients sous méthadone. Les
résultats de notre étude sont à interpréter à la
lumière des données OPPIDUM antérieures.
En effet, la situation socio-économique des
consommateurs de TSO semble globalement
meilleure au regard des données OPPIDUM
2007 comparées aux données 1995-1997. Les
sujets consommateurs de BHD et de métha-
done exerçaient une activité professionnelle
pour respectivement 29 % et 35 % d’entre eux en
1997 contre 46,2 % et 46,3 % en 2007. En outre, la
proportion de sujets consommateurs de BHD et
de méthadone en situation de grande précarité
ou de précarité avec compensation sociale est
passée respectivement de 65 % et 60 % en 1997 à
45,3 % et 44,4 % en 2007 (5). Depuis 2004, l’admi-
nistration par voie intraveineuse de la BHD sous
protocole est passée de 11 % en 2004 à 8,0 % en
2007. L’obtention illégale est passée de 11 % en
2004 à 9,3 % en 2007. Depuis 2004, La consom-
mation de benzodiazépines était identique entre
les deux sous-populations autour de 24-25 %.
Elle est donc passée à 21,7 % dans le groupe mé-
thadone en 2007 et il serait intéressant de voir
si cette tendance se confirme en 2008 et surtout
d’analyser plus finement cette consommation
pour déterminer si elle est liée à un usage simple
ou problématique comme l’a récemment fait La-
vie et al. (12).
La consommation d’héroïne parmi les sujets
sous protocole de substitution est par contre
préoccupante, d’autant plus que la part d’héroïne
dans cette population a augmenté depuis 2004.
De fait, la consommation d’héroïne est passée de
9 % en 2004 à 15,8 % en 2007 chez les sujets sous
BHD et de 13 % à 17,9 % chez les sujets sous mé-
thadone inclus dans les enquêtes OPPIDUM (8).
DES LIMITES
Notre étude comporte certaines limites, dont
celle d’étudier une population qui n’est pas re-
présentative de celle des consommateurs de
TSO en France, du moins en termes de réparti-
tion puisque, dans notre étude, 40,5 % des sujets
substitués sont sous BHD et 59,5 % sont sous mé-
thadone. En France, en 2007, la part des patients
sous protocole méthadone était estimée à envi-
ron 25 % des patients sous protocole de substitu-
tion aux opiacés (2). Cette limite est en partie ex-
pliquée par le fait que les centres d’enquête sont
des CSST ou des structures hospitalières. Afin de
recueillir des informations valides et régulières
en médecine ambulatoire, une nouvelle enquête
pharmaco-épidémiologique intitulée Observa-
tion des psychotropes en médecine ambulatoire
(OPEMA) a été mise en place en 2008 dans le
cadre du réseau des CEIP. Les centres d’enquête
recrutés sont exclusivement des médecins géné-
ralistes. Les résultats annuels de cette enquête
permettront de consolider ainsi les données dis-
ponibles sur les TSO via le système sanitaire.
Depuis cette étude réalisée en 2007, des géné-
riques de la BHD ainsi que la forme gélule de
la méthadone ont été commercialisés. L’étude
OPPIDUM réalisée en 2008 (actuellement en
cours d’analyse) et celle à venir en octobre 2009
(en préparation) permettront d’évaluer l’impact
de ces nouveaux produits sur les modalités de
consommations par les patients vus dans ces
structures sanitaires.
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Remerciements
Nous tenons à remercier l’ensemble des équipes des centres
d’enquête qui ont recueilli les données et qui participent
à OPPIDUM depuis de très nombreuses années. Le pro-
gramme OPPIDUM est réalisé grâce au soutien de la Mis-
sion interministérielle de lutte contre les drogues et toxico-
manies (MILDT) et l’Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé (Afssaps). Conflits d’intérêt : Aucun.
Références bibliographiques
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LES OUTILS MIS EN PLACE
EN FRANCE
En France, l’évaluation du potentiel d’abus
et de pharmacodépendance des substances
psychoactives médicamenteuses ou non est
effectuée par la Commission nationale des
stupéfiants et psychotropes (CNSP), sous la
tutelle de l’Agence française de sécurité sani-
taire des produits de santé (AFSSAPS). Dans
ce cadre, l’AFSSAPS a mis en place le réseau
des Centres d’évaluation et d’information
sur la pharmacodépendance (CEIP). Répar-
tis sur le territoire, ils ont développé plu-
sieurs outils pharmaco-épidémiologiques
pour collecter des informations sur l’usage
et/ou le mésusage des produits psychoactifs
afin de suivre les consommations au plus
proche des situations réelles d’utilisation.
Les outils développés par les CEIP sont :
la Notification spontanée (NotS) ;
les enquêtes Ordonnances suspectes in-
dicateur d’abus et de pharmacodépendance
(OSIAP) ;
les Décès en relation avec l’abus de médica-
ments et de substances (DRAMES) ;
Antalgiques stupéfiants et ordonnances sé-
curisées (ASOS), soumission chimique ;
le programme Observation des produits
psychotropes illicites ou détournés de leur uti-
lisation médicamenteuse (OPPIDUM) [7].