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MISE AU POINT
Usage hors AMM d’un
médicament en gynécologie
obstétrique : l’exemple
du misoprostol
Off-label use of misoprostol in obstetrics and gynecology:
what could we do?
H. Marret*, E. Simon*
Création d’une commission
au sein du CNGOF
* Service de gynécologie-obstétrique
et médecine fœtale, hôpital Bretonneau, CHRU de Tours ; UMR INSERM
930, Tours ; université FrançoisRabelais, Tours.
La prescription d’un médicament en dehors de son
autorisation de mise sur le marché (AMM) est une
situation délicate, bien qu’assez répandue et souvent
nécessaire dans certaines circonstances médicales,
particulièrement en gynécologie-obstétrique. Comme
toute prescription médicamenteuse, elle doit se justifier, d’autant plus qu’elle n’est pas protégée par une
AMM. C’est pourquoi cette situation nécessitait une
règle d’utilisation du fait de la loi de 2011. Depuis
quelque temps, l’Agence nationale de sécurité du
médicament et des produits de santé (ANSM), les
centres de pharmacovigilance et la Haute Autorité de
santé (HAS) alertent sur l’utilisation de médicaments
en dehors de leur AMM ou sur les complications
survenant après utilisation de médicaments. Pour
éviter de nous retrouver dans des situations pénalisantes, il fallait anticiper. L’un des rôles du Collège
national des gynécologues et obstétriciens français
(CNGOF) est d’aider les gynécologues par l’élaboration de règles visant à améliorer et à uniformiser les
pratiques cliniques, comme celui de l’ANSM est de
nous alerter sur les risques liés aux médicaments. La
constitution d’un dossier d’AMM permet de justifier
scientifiquement une indication, une posologie et
une voie de prescription protégeant le prescripteur.
Néanmoins, l’AMM répond à la volonté d’un laboratoire de commercialiser un produit, puis ensuite de
solliciter son éventuel remboursement par la Sécurité
sociale. Toutefois, la prescription d’un médicament
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s’oriente souvent parallèlement vers de nouvelles
indications, soit dans des situations proches mais
différentes de l’étude initiale, soit avec une nouvelle
posologie ou une nouvelle voie d’administration,
soit dans une indication différente correspondant à
un effet pharmacologique différent. Certains de ces
médicaments sont prescrits depuis de nombreuses
années, et les praticiens n’ignorent pas le caractère
“hors AMM” de leurs prescriptions. Il y a parfois une
argumentation et des études pour justifier cette utilisation hors AMM, mais ce n’est pas toujours le cas, et
la banalisation des prescriptions risquerait de conduire
à un usage inapproprié de ces médicaments dans des
situations non ou insuffisamment évaluées.
Si l’AMM garantit la bonne évaluation du médicament, du moins à court et à moyen termes, le
défaut d’AMM ne signifie pas pour autant l’absence
de données scientifiques favorables. En effet, les
médecins, par la recherche clinique, ont souvent
effectué les études nécessaires justifiant la prescription. Mais, il est possible qu’un laboratoire n’ait
pas d’intérêt à commercialiser un produit dans une
autre indication ni à demander une nouvelle AMM,
soit pour des raisons commerciales, soit pour des
raisons politiques. C’est pourquoi le CNGOF a mis
en place en décembre 2012 une “commission hors
AMM”, qui a pour vocation d’étudier la littérature
pour les médicaments en question et de produire
une synthèse argumentée sur chacun des usages
hors AMM. De la même façon que le CNGOF élabore
des recommandations pour la pratique clinique, il
peut produire des guides qui, sans avoir la puissance
Résumé
Face à la loi de 2011 qui répondait au stress de l’affaire du Médiator®, il fallait pouvoir nous protéger
vis-à-vis de la prescription du misoprostol hors AMM, l’un des médicaments les plus utilisés à l’heure
actuelle, en raison, notamment, de son très faible coût. Cet état des lieux de la littérature nous permet
de sélectionner les bonnes indications du misoprostol et de pouvoir justifier son utilisation en gynécologie
obstétrique.
d’une recommandation, permettent de justifier des
pratiques et des prescriptions, afin d’éviter aux praticiens de se retrouver dans des situations délicates.
La commission a été créée dans ce contexte, pour
permettre de justifier par la médecine fondée sur
les preuves (Evidence-based medicine [EBM]) une
prescription hors AMM. Elle essaie de répondre à la
pratique courante d’utilisation du médicament hors
AMM dans le but d’améliorer la prise en charge des
patientes. Elle a aussi pour objectif d’envisager des
études complémentaires afin de pouvoir solliciter
une demande d’extension d’AMM ou une recommandation temporaire d’utilisation.
Nous avons décidé d’étudier prioritairement l’usage
du misoprostol en gynécologie-obstétrique, car ce
médicament possède une AMM très restrictive, mais
de nombreuses utilisations en dehors de celle-ci.
Choix du misoprostol
Le 25 février 2013, l’ANSM a publié un communiqué
dans lequel elle mettait en garde les professionnels
de santé contre les risques potentiels liés à l’utilisation hors AMM du misoprostol dans le déclenchement artificiel de l’accouchement. L’Agence
rappelait que l’AMM du misoprostol, obtenue en
1986, concerne le traitement de l’ulcère gastrique
ou duodénal évolutif, les lésions gastroduodénales
induites par les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS) ou, à titre préventif, les lésions gastriques
et duodénales et les complications graves induites
par les AINS. Le misoprostol n’a pas d’AMM pour le
déclenchement artificiel du travail d’accouchement,
ni en gynécologie obstétrique de manière générale.
Le communiqué met en avant les risques de rupture
utérine, d’hémorragie maternelle ou d’anomalies
du rythme cardiaque fœtal. L’ANSM rappelle que le
déclenchement artificiel du travail peut être obtenu
par le décollement des membranes ou par d’autres
médicaments ayant l’AMM dans cette indication,
notamment ceux contenant du dinoprostone.
La mise en garde de l’ANSM dans l’usage du Gymiso®
renvoie aux recommandations de la Haute Autorité
de santé (HAS) sur le déclenchement artificiel du
travail. Par ailleurs, l’Agence rappelle qu’elle avait
diffusé en 2005 une information sur les conditions
d’utilisation et les règles de bon usage de l’association mifépristone/misoprostol dans l’interruption
volontaire de grossesse (IVG), des cas mortels étant
survenus aux États-Unis après utilisation hors AMM
du misoprostol par voie vaginale lors d’IVG.
Toutefois, les effets secondaires attribués au misoprostol dans le déclenchement du travail (rupture
utérine, hémorragie ou anomalies du rythme cardiaque fœtal) peuvent être observés au cours de tout
déclenchement et sont liés à la contractilité utérine
ainsi induite. Dès lors, ces événements indésirables
peuvent être le fait d’un mauvais usage du médicament (dose inappropriée, contexte obstétrical
inadapté), et non d’une dangerosité intrinsèque du
médicament. C’est la raison pour laquelle une revue
de littérature sur cette question était nécessaire.
Dans ce contexte de vigilance accrue à l’égard de
la prescription hors AMM du misoprostol, il était
utile et urgent que le CNGOF produise une synthèse
des données scientifiques sur cette utilisation, dont
l’usage hors AMM est jugé utile par la plupart des
gynécologues obstétriciens.
Mots-clés
Prescription
hors AMM
Misoprostol
Summary
Given the law passed in 2011
in response to the stress caused
by the Médiator® affair, we
had to set in place adequate
protection as far as the offlabel prescription of misoprostol. Misoprostol is one of the
most widely used drugs today,
due, essentially, to its very
low cost. This review of the
literature allows us to select
the appropriate indications of
the drug and to justify its use
in obstetrics and gyneacology.
Keywords
Prescription without
marketing authorization
Misoprostol
La prescription hors AMM
en France
Il convient, en premier lieu, de définir ce qu’est
une prescription hors AMM. Celle-ci concerne les
médicaments disposant d’une AMM européenne
ou nationale, à l’exclusion des traitements en cours
d’évaluation dans les essais cliniques. Par ailleurs, la
non-conformité à l’AMM concerne tous les usages
non prévus du médicament, mais également les
conditions d’utilisation inhabituelle du produit,
même lorsque la situation justifiant la prescription
est conforme à l’AMM.
La liberté de prescription est un principe solidement
ancré en France. Si certaines prescriptions font l’objet
de restrictions spécifiques (médicaments réservés à
l’usage hospitalier, médicaments à prescription hospitalière, médicaments à prescription initiale hospitalière, prescriptions réservées à certains spécialistes
ou justifiant une surveillance particulière), le recours
au médicament hors AMM constitue toutefois une
situation originale. Soulignons d’emblée que la prescription hors AMM n’est pas interdite en France, le
La Lettre du Gynécologue • n° 389 - mars-avril 2014 | 39
MISE AU POINT
Usage hors AMM d’un médicament en gynécologie obstétrique :
l’exemple du misoprostol
Code de déontologie garantissant la liberté de prescription dans la limite des compétences du médecin.
Un cadre juridique plus contraignant a été mis en
place avec la loi Bertrand du 29 décembre 2011
relative au renforcement de la sécurité sanitaire du
médicament et des produits de santé. La prescription
d’un médicament hors AMM est ainsi possible, à
condition de respecter 3 conditions :
➤ qu’il n’existe pas d’alternative thérapeutique avec
un médicament ayant une AMM ou une autorisation
temporaire d’utilisation (ATU) ;
➤ que l’usage du médicament hors AMM ait fait
l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), établie par l’ANSM pour 3 ans maximum ;
➤ que le recours au médicament hors AMM soit
indispensable pour améliorer ou stabiliser l’état
clinique du patient au regard des données scientifiques actuelles. Ces données doivent être publiées.
La présomption d’efficacité ne suffit pas à justifier
de telles prescriptions.
Si la 3e condition est remplie, la 2e condition n’est
pas exigible.
On estime que l’utilisation de médicaments hors
AMM représenterait 15 à 20 % de l’ensemble des
prescriptions. Il est clair que, pour le misoprostol,
l’utilisation hors AMM constitue la majorité des
prescriptions, l’AMM étant très restrictive.
La prescription hors AMM concerne :
➤ la préparation du col utérin avant une interruption chirurgicale de grossesse au cours du premier
trimestre ;
➤ l’interruption médicale de grossesse intra-utérine, en association à la mifépristone, au plus tard
au 49e jour d’aménorrhée.
L’administration se fait per os.
Le misoprostol est actuellement utilisé hors AMM
dans de nombreuses indications allant de l’IVG à
tout terme, de la fausse couche ou de l’interruption
médicale de grossesse, au déclenchement du travail
et au traitement de l’hémorragie de la délivrance
pour les indications obstétricales. La voie d’abord
préférentielle des gynécologues est la voie vaginale.
Il a donc semblé évident, au sein de la commission,
de débuter par le misoprostol afin de définir pour
chaque indication la balance bénéfice/risque justifiant l’utilisation hors AMM.
Dans l’hypothèse d’un contentieux engagé après
la survenue d’une complication, la responsabilité
directe du praticien peut être mise en cause si un
risque injustifié a été pris impliquant le misoprostol
(notamment si la littérature ne montre aucun bénéfice vis-à-vis du risque encouru). En principe, la responsabilité du praticien n’est engagée que s’il existe
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une faute ou un défaut d’information (le médecin
a l’obligation d’informer la patiente de l’utilisation hors AMM du produit). Sa responsabilité ne
sera donc pas engagée sur le seul argument de la
prescription hors AMM. Tout praticien doit pouvoir
justifier que sa prescription allait dans l’intérêt du
patient, et que la prise de risque était légitime.
Utilisation hors AMM
du misoprostol : les données
de l’EBM
Le groupe de travail a donc recensé toutes les utilisations hors AMM du misoprostol et analysé la littérature et les essais publiés. L’analyse de ces essais a
permis de retenir certaines situations pour lesquelles
le misoprostol est une alternative nécessaire ou possible ; il peut alors être proposée à la patiente dans
la mesure où son utilisation est raisonnable (EBM)
en termes d’efficacité, de balance bénéfice/risque,
de tolérance et de satisfaction des patientes.
Ainsi, les voies vaginale et sublinguale sont plus efficaces que la voie orale pour la dilatation du col au
premier trimestre. L’administration de misoprostol
par voie vaginale à la dose de 800 μg, éventuellement renouvelée au bout de 24 ou 48 heures, est une
alternative possible pour l’évacuation des grossesses
arrêtées. En revanche, pour l’évacuation d’une fausse
couche incomplète, il n’a pas été montré de bénéfice
autre que pour la dilatation du col avant l’aspiration.
Le schéma thérapeutique associant mifépristone
200 mg par voie orale suivi, dans les 24 à 48 heures,
d’une dose de 800 μg de misoprostol par voie
vaginale, sublinguale ou buccale (éventuellement
complétée d’une nouvelle dose de 400 μg après 3 à
4 heures) est une alternative à l’aspiration, moins efficace mais moins agressive, pour les IVG ou les interruptions médicales de grossesse (IMG) du premier
trimestre ; cette alternative perd de son efficacité
au fur et à mesure que l’âge gestationnel augmente.
Au deuxième trimestre, précédé d’une posologie de
mifépristone de 200 mg au moins et après un délai
de 24 à 48 heures, le misoprostol par voie vaginale
à la dose de 800 à 2 400 μg/24 h est une alternative
à la chirurgie, au sulprostone et au géméprost.
Peu de données documentent son utilisation au
troisième trimestre.
Le misoprostol par voie vaginale à la dose de 25 μg
toutes les 3 à 6 heures sur col défavorable et sur
utérus sain est une alternative aux prostaglandines E2 (PGE2) pour la maturation cervicale à terme
MISE AU POINT
sur fœtus vivant. Néanmoins, le misoprostol n’existe
pas en comprimé à cette posologie, en dehors de la
fabrication au sein d’une pharmacie centrale.
Lorsque l’ocytocine n’est pas disponible, le misoprostol peut être utilisé après la naissance de
l’enfant, en prévention de l’hémorragie du postpartum (HPP), à une dose unique de 600 μg par
voie sublinguale, et pour le traitement de l’HPP à
la posologie de 800 μg. Cela répond à l’AMM que
vient d’accorder l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) et l’Union européenne pour cette indication, notamment dans les pays en développement,
lorsque la chaîne du froid n’est pas garantie.
L’administration de misoprostol avant une procédure d’hystéroscopie diagnostique ou opératoire,
afin de favoriser la dilatation du col, présente un
bénéfice chez la patiente avant la ménopause qui ne
semble plus exister après la ménopause. Néanmoins,
compte tenu des effets indésirables du misoprostol,
il semble que le recours à ce traitement ne soit pas
indiqué en première intention et qu’il devrait être
réservé aux seuls cas supposés difficiles.
Il n’y a pas de bénéfice à utiliser le misoprostol pour
la pose ou le retrait des dispositifs intra-utérins utilisés en Europe, quelle que soit la parité.
Le coût des différentes
spécialités pharmaceutiques
du misoprostol
De façon générale, le prescripteur doit prendre en
compte le coût des traitements qu’il propose. Parmi
les arguments en faveur de la prescription hors AMM
du Cytotec®, le moindre coût de ce médicament est
souvent mis en avant (18 € pour 60 cp, versus 15 €
pour Gymiso® 2 cp). Toutefois, seules des études
médico-économiques rigoureuses pourraient permettre de conclure au bénéfice économique d’un tel
traitement, en prenant en compte les coûts directs
et indirects des prises en charges comparées ; or,
de telles études sont rarement disponibles. De
plus, l’ANSM précise que le coût est un argument
insuffisant pour utiliser un produit hors AMM. Nous
ignorons le prix du MisoOne® (1 cp à 400 μg ), qui
va arriver sur le marché, ni celui de Misodel™, bandelette contenant 100 μg de misoprostol à libération prolongée. De plus, il est très probable que
le Cytotec®, très peu utilisé, ne soit bientôt plus
commercialisé. Si le médecin peut prescrire par DCI,
le seul coût ne nous paraît pas suffisant pour utiliser
un produit hors AMM face à une alternative l’ayant.
Les obstacles à l’extension
d’AMM
Les essais sont difficiles à conduire pour certaines
catégories de patients comme les femmes enceintes.
Les obstacles peuvent être de nature réglementaire.
En effet, les femmes enceintes sont considérées
comme des personnes vulnérables : les exigences des
comités de protection des personnes (CPP) sont plus
grandes lorsque les participantes à une recherche biomédicale sont enceintes. Aux risques encourus par la
femme s’ajoutent, selon le terme, les possibles complications fœtales. De plus, certains contextes chargés
émotionnellement, tels que les IMG, se prêtent mal à
l’expérimentation clinique. Il en va de même avec les
situations d’urgence ou de semi-urgence que l’on rencontre parfois dans les déclenchements artificiels du
travail. Par ailleurs, les laboratoires pharmaceutiques
ont peu d’intérêt à demander l’extension de l’AMM
initiale d’un produit pour de nouvelles indications.
En effet, la procédure d’AMM est longue et coûteuse,
et les bénéfices financiers ne sont pas toujours au
rendez-vous. Aux contraintes du dossier d’AMM, il
faut ajouter des considérations portant sur l’image
de la firme pharmaceutique. Le fait d’être associé
aux interruptions de grossesse peut être jugé négativement dans certains secteurs de l’opinion ou dans
certains pays, et être ainsi contraire aux intérêts du
laboratoire. Pour autant, les patients devraient bénéficier des meilleures thérapeutiques, même dans de
telles situations.
Faut-il modifier nos pratiques ?
À ce jour, nous ne disposons pas d’enquête de pratique concernant tous les usages du misoprostol
en France. Néanmoins, une enquête de ce type
est en cours pour l’usage de ce médicament par
les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). Le misoprostol est utilisé par tous
les CPDPN français au cours des IMG du 2e et du
3e trimestres et au cours des morts fœtales in utero.
Les premières données disponibles soulignent une
grande hétérogénéité dans les modalités d’utilisation de ce médicament pour une même indication.
Cette diversité dans la prescription du produit était
également retrouvée au cours des discussions entre
les membres de la “Commission hors AMM”, lorsque
ceux-ci comparaient les usages du misoprostol dans
leurs centres respectifs. Il faut uniformiser nos pratiques sur un référentiel fondé sur l’EBM. Nous envisageons à ce sujet une vaste étude nationale sur le
La Lettre du Gynécologue • n° 389 - mars-avril 2014 |
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MISE AU POINT
Usage hors AMM d’un médicament en gynécologie obstétrique :
l’exemple du misoprostol
misoprostol pour les IMG des 2e et 3e trimestres,
qui pourrait être validée par les CPDPN français.
L’information des patientes
Dans une telle situation, le prescripteur a un devoir
d’information vis-à-vis de sa patiente. Cette dernière doit être informée de ce que la prescription est
réalisée hors AMM et qu’il n’existe pas d’alternative
thérapeutique. Elle doit également être informée des
effets indésirables possibles, ainsi que des contraintes
et des bénéfices d’une telle prescription. De plus,
l’information doit porter sur les conditions de prise
en charge par l’Assurance maladie : un médicament
prescrit hors AMM n’est pas remboursable. Le prescripteur doit mentionner sur l’ordonnance “prescription hors AMM” (il n’est plus nécessaire de préciser le
caractère non remboursable du médicament).
Comment gérer
nos prescriptions hors AMM ?
Les auteurs déclarent ne pas avoir
de liens d’intérêts en relation
avec cet article.
Pour justifier l’absence d’une prise de risque inconsidérée, le prescripteur ne peut s’appuyer que sur
les revues scientifiques, les recommandations ou
les référentiels validés. Nos textes permettent cette
référence scientifique, même si elle ne peut avoir
valeur de recommandation compte tenu du caractère hors AMM de la prescription.
La réglementation en matière de prescription hors
AMM stipule qu’il ne doit pas exister d’alternative
thérapeutique possédant une AMM. Nous soulignons dans nos travaux que ces alternatives peuvent
exister, mais être néanmoins inférieures en termes
d’efficacité et/ou de tolérance au médicament hors
AMM. Dans ces cas bien documentés, l’intérêt du
patient peut justifier la prescription hors AMM, et
une prescription justifiée semble entrer dans le cadre
des pratiques conformes au Code de déontologie,
couvrant ainsi le praticien. Il faut savoir passer
outre le hors-AMM pour le bien du malade, car le
médicament n’obtiendra peut-être jamais d’AMM
si cela n’est pas l’une des priorités du laboratoire
producteur.
La commission hors AMM du CNGOF a travaillé pour
la première fois sur le misoprostol en gynécologie
obstétrique. Un tel travail devra être étendu aux
autres prescriptions hors AMM de notre spécialité. Les plus emblématiques sont les inhibiteurs
calciques dans la tocolyse, le méthotrexate dans
le traitement de la grossesse extra-utérine, ou les
macroprogestatifs utilisés en contraception. À ce
jour, la commission hors AMM s’est entourée de
nouveaux experts pour les prescriptions concernées,
et va produire, pour chaque médicament, un travail
de synthèse de la littérature.
Ces dernières procédures impliquent un accord avec
le laboratoire de commercialisation du produit, qui
est le seul à pouvoir déposer un dossier. Un contact
avec la production du Gymiso® pour le misoprostol
a ainsi été initié. Néanmoins, un dépôt de dossier
par une société savante pourrait être envisagé avec
l’HAS et l’ANSM, avec les mêmes exigences, afin
d’obtenir une AMM qui serait alors académique et
non pas commerciale. Ce travail sera long et nous
n’avons aucune certitude d’aboutir à des extensions
d’AMM. Tout au plus, cela permettra d’essayer d’harmoniser les pratiques et de lutter contre des utilisations abusives, tout en justifiant l’usage en cas de
questions ou de complications.
■
Pour en savoir plus…
Sur l’AMM
Sur le misoprostol
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Retrouvez l’intégralité
des références bibliographiques
sur www.edimark.fr
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