Chapitre 6 LES NEO-CLASSIQUES

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Chapitre 6
LES NEO-CLASSIQUES
Les économistes néo-classiques ont renouvelé de façon profonde et durable
l'analyse économique. C'est un nouveau paradigme qui se met en place et qui
fait autorité aujourd'hui puisque, pour l'essentiel, la plupart des cours qui sont
enseignés sont des raffinements de l'analyse néo-classique. Ceci est valable
aussi pour la macroéconomie, qui au départ a fortement subi l'influence
keynésienne, mais qui par la suite est revenue en partie dans le "camp" néoclassique, tant sous l'influence de la "nouvelle économie keynésienne", qui ne
renie pas certains concepts néoclassiques, que sous l'influence de la "nouvelle
économie classique", qui fait opérer un retour en force aux analyses néoclassiques.
I- ECOLES ET LES COURANTS DE PENSEE
S'agissant de l'école néo-classique, il existe plusieurs courants en son sein,
mais ces courants ne sont pas forcément opposés. Il vaut mieux les concevoir
comme ayant chacun contribué à la mise en place des "briques" néoclassiques. Les six principaux courants sont :
L'école autrichienne, qui compte parmi elles les pionniers de la "révolution
marginaliste" : Carl MENGER (1840-1921), à l'université de VIENNE, Friedrich
VON WIESER (1851-1926) et Eugen von BÖHM BAWERK (1851-1914). Leurs
héritiers furent Ludwig von MISES (1881-1973) et Friedrich von HAYEK (18991992). L'école autrichienne a rayonné à l'université de Vienne jusqu'aux
années 1930, après quoi ses membres s'exilèrent soit au Royaume-Uni, soit
aux Etats-Unis. Dans ce chapitre, nous n'étudierons qu'un tout petit aspect de
la pensée autrichienne, celle qui concerne son apport à la théorie de l'utilité
marginale, à travers Carl MENGER et Friedrich VON WIESER et il est bon de
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préciser que les autrichiens se sont très vite détachés du courant néoclassique
orthodoxe, notamment en ce qui concerne l’utilisation des dérivées en
économie.
L'école de Lausanne, qui compte principalement Léon WALRAS (1834- 1910)
et Vilfredo PARETO (1848-1923). C'est l'un des courants les plus importants de
l'école néo-classique, puisque c'est à WALRAS que l'on doit, entre autres, a) la
première
formulation
de
la
maximisation
de
l'utilité
sous
contrainte
débouchant sur une fonction de demande et b) la mise en équation d'un
système économique d'équilibre général. Quand à Vilfredo PARETO, on lui doit
la notion d'optimum, que l'on qualifie d'ailleurs d'optimum de Pareto, c'est-àdire une situation d'équilibre entre agents économiques qui, lorsqu'on l'a
atteint, ne peut plus être améliorée pour aucun agent sans nuire à aucun
autre.
L'école anglaise et son prolongement Cambridgien qui commence avec
Stanley JEVONS (1835-1882), Philip WICKSTEED (1844-1927), Francis Ysidro
EDGEWORTH (1845-1926) et Henry SIDGWICK (1838-1900)83. Elle se
poursuit avec Alfred MARSHALL (1842-1924), Arthur Cecil PIGOU (1877- 1959)
L'école Française avec principalement Nicolas-François CANARD (17501833), Jules Étienne DUPUIT (1804-1866), Augustin COURNOT (1801-1877) et
Joseph BERTRAND (1804-1866). Ils développent des outils de calcul qui sont
encore utilisés aujourd'hui en microéconomie. COURNOT et BERTRAND sont
connus pour l'analyse du duopole.
L'école suédoise et plus particulièrement l'école de Stockholm, dont nous
retiendront seulement quelques noms : Knut WICKSELL (1851-1926), Eli
HECKSCHER (1879-1952), Bertil OHLIN (1899-1979) et Gunnar MYRDAL
(1898-1987).
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L’école américaine avec en particulier John Bates CLARK (1847-1938) et
Irving FISHER (1867-1947).
LES 6 ECOLES DU COURANT NEO-CLASSIQUE
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II – LES CARACTERISTIQUES DE L’APPROCHE NEO-CLASSIQUE
Après avoir identifié les différentes écoles, on peut essayer de dégager le noyau
commun à l'analyse néo-classique. De façon générale, c'est une théorie de la
valeur qui se fonde sur l'échange économique. C'est une théorie qui décrit la
formation de la valeur à travers l'échange. De façon quelque peu caricaturale,
on a parfois tendance à ramener l'école néo-classique de la valeur à un
diagramme sur lequel une courbe d'offre croissante croise une courbe de
demande décroissante. Mais, caricaturale ou non, cette vision contient une
part importante de vérité. En effet, ce qui caractérise l'école néo-classique, c'est
la conviction que les prix et les quantités d'équilibre sont simultanément
déterminés par des facteurs liés à l'offre et des facteurs liés à la demande. De
façon plus précise, les traits suivants sont typiques une bonne part des
analyses néo-classiques :
Une définition restrictive du champ de l'analyse économique Les préférences
des agents économiques, la technologie et les ressources ("dotations") des
agents
économiques
sont
considérés
comme
des
données.
C'est
particulièrement vrai des préférences. Par la suite, les néo-classiques de la
seconde moitié du 20ème siècle s'attelleront au difficile problème de l'analyse du
progrès technique, mais les premiers néo-classiques ignorent largement le
problème du progrès technique. S'agissant des dotations, on peut distinguer
les analyses dites de "l'échange sans production", où l'on étudie le mécanisme
de l'échange en supposant que les quantités de biens sont données et les
analyses de l'échange "avec production" où l'on admet que les biens sont
produits au moyen d'une fonction de production qui utilise principalement du
capital et du travail, mais ce sont alors les quantités de travail qui sont
considérées comme des données fixes, c'est à dire des dotations (c'est le cas par
exemple dans la théorie néo-classique du commerce international).
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L'économie, science de l'allocation optimale des ressources par le marché Par
opposition aux classiques, qui privilégiaient l'étude de la production et de la
répartition des richesses, les néoclassiques se sont concentrés sur le
mécanisme de l'allocation des ressources entre leurs usages alternatifs.
Lorsqu'ils s'intéresseront de nouveau aux mécanismes de la création de
richesse (théorie de la croissance des années 1950), ce sera en conservant
l'idée d'allocation optimale des ressources tant sur le plan statique que
dynamique. Les ressources étant fixées, l'analyse néo-classique se concentre
sur leur allocation optimale, c'est-à-dire leur répartition efficiente entre les
agents économiques. Cette allocation optimale se fait à travers l'échange
volontaire des ressources entre les agents économiques, par l'intermédiaire
d'un mécanisme de marché. Les prix des biens se forment sur les marchés et
les agents économiques sont confrontés à ces prix qui sont pour eux des
données sur lesquelles ils n'ont pas d'influence.
La théorie quantitative de la monnaie et la loi des débouchés : La théorie
quantitative et la loi de SAY font partie intégrante des raisonnements néoclassiques mais ne sont pas des caractéristiques distinctives de cette école
puisque ces deux éléments leurs sont antérieurs.
Les divergences sur l’utilisation des mathématiques : S'il est vrai que des
économistes comme WALRAS (1834-1910) ou EDGEWORTH (1845-1926), ou
encore COURNOT (1801-1877) et MARSHALL (1842-1924) ont utilisé de façon
relativement importante l'outil mathématique, ce n'est pas le cas de tous les
néo-classiques. En particulier, les économistes de l'école autrichienne se sont
souvent distingués par un refus prononcé de l'utilisation des mathématiques
en économie.
La négation de l'utilité et de la rareté par les classiques :
La rareté, pour
les classiques, n'est jamais qu'une aberration en ce qui concerne les biens
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productibles : ils insistent sur le fait que si un bien peut être produit, c'est que,
intrinsèquement, il n'est pas "rare". Seuls les biens non reproductibles sont
rares aux yeux des classiques. RICARDO parle d'ailleurs de "prix de monopole"
pour qualifier le prix de ces biens qui sont exclusivement déterminés par leur
rareté : ce sont les biens "dont la quantité ne peut d'aucune façon être accrue
et pour lesquels, par conséquent, la concurrence n'est que du côté des
demandeurs" (RICARDO, 1817)) et "dont le prix n'est limité que par le pouvoir
et la volonté des acheteurs" (RICARDO, 1817). Il s'agit de biens tels que
"statuettes, tableaux et pièces rares, vins de qualité, etc.". Les classiques ont
donc reconnu la rareté, mais celle-ci ne tient aucune place centrale dans leur
théorie de la valeur.
Quant à l'utilité, ils la réduisent à l'utilitaire à travers le concept de valeur
d'usage. Cela dit, les classiques (et d'ailleurs aussi les mercantilistes et les
physiocrates) avaient noté qu'un bien devait être utile pour être produit. Mais
ce n'est pas pour autant que pour eux l'utilité propre d'un bien devait
déterminer sa valeur. S'ils n'accordent à la rareté et à l'utilité qu'un rôle
résiduel dans leur théorie de la valeur, c'est qu'ils ne parviennent pas à
intégrer le paradoxe de l'eau (qui, à l’époque, avait une grande valeur d'usage
mais une faible valeur d'échange du fait de sa "non rareté" (ce n’est plus le cas
aujourd’hui puisque l’eau est devenu un bien rare) et du diamant (qui a une
grande valeur d'échange mais une faible "valeur d'usage"). Et ils ne parviennent
pas à intégrer ce paradoxe précisément parce qu'ils se refusent à distinguer en
théorie l'utilité et l'utilitaire. C'est-à-dire qu'ils ne prêtent pas d'attention
théorique au fait qu'un bien non utilitaire peut être jugé utile par celui qui le
désire. Ce qu'ils ne reconnaissent pas (à l'exception notable du courant
utilitariste), c'est que l'utilité ne se réduit pas à la valeur d'usage. Ainsi, même
si les diamants n'ont pas de valeur d'usage, ils peuvent néanmoins être utile à
la satisfaction de ceux qui les désirent et donc avoir de l'utilité.
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