Octobre-novembre-décembre 2005
De la domination
néo-classique
L’Economie politique
81
Edward Fullbrook
p.
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émergents, montra que l’habitude influence le choix économique
plus que ne le fait le calcul rationnel, rejeta toute forme de réduc-
tionnisme et souligna l’importance de la connaissance dans l’évolu-
tion économique. Cette approche gagna régulièrement des adhérents
jusqu’à la Première Guerre mondiale et, en 1917, un de ses principaux
tenants, John R. Commons, fut élu président de l’Association des
économistes américains (AEA). L’année suivante, cette nouvelle école
fut baptisée « économie institutionnelle » dans les réunions de l’AEA,
et adoptée par l’Association comme un moyen de construire une
théorie économique capable de traiter les problèmes du développe-
ment de l’après-guerre
[3]
. Dans les années 1920, les institutionnalistes
ont fait jeu égal avec les néo-classiques aux Etats-Unis, mais dans
les années 1930, leur nombre a diminué. Comme l’économie néo-
classique, l’économie institutionnaliste ne savait ni expliquer ni
résoudre la crise qui avait frappé les économies capitalistes.
C’est alors qu’intervint John Maynard Keynes. Il offrait une nou-
velle interprétation des économies capitalistes expliquant leur effon-
drement et fournissant dans le même temps quelques mesures pra-
tiques susceptibles de les faire repartir et fonctionner sans à-coups,
sans remettre en cause leurs principes fondamentaux. Etant donné
l’état catastrophique du capitalisme et la crainte grandissante d’une
révolution, même les économistes néo-classiques n’osèrent pas empê-
cher que l’on essaie la théorie de Keynes. Quand on vit qu’elle fonc-
tionnait, la discussion s’arrêta à ce niveau. Désormais, pour la conduite
ordinaire de l’économie tous les présidents des Etats-Unis seraient
keynésiens. Mais au niveau de la théorie, qui est, dans la tradition
néo-classique, fondée sur les axiomes plus que sur l’empirisme (sinon
les axiomes auraient été abandonnés depuis longtemps), le débat ne
faisait que commencer. Keynes mourut en 1946, et les économistes néo-
classiques lancèrent leur contre-révolution. Cette fois, ils ne seraient
pas satisfaits tant que la plupart des facultés de sciences écono-
miques du monde ne seraient pas débarrassés des économistes qui
exprimaient des idées autres que néo-classiques.
Le rôle du Pentagone
Keynes a étudié les mathématiques à Cambridge. A vingt-cinq ans,
il écrivit un Traité sur la probabilité dont Whitehead et Russell firent
l’éloge et qui donna naissance à ce qui est connu sous le nom de
théorie « logico-relationniste » de la probabilité. Lorsqu’il commença
à s’intéresser à l’économie, il fut choqué de voir combien les éco-
nomistes mathématiciens abusaient des mathématiques, les appli-
quant sans discernement à des phénomènes qui ne s’y prêtaient
[3] Geoffrey M. Hodgson,
How Economics Forgot
History, Londres, Routledge,
2001, p. 155