Infection à parvovirus B19 et grossesse ● M.H. Poissonnier* L e parvovirus humain B19 peut avoir une incidence dans plusieurs pathologies humaines, aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, et même chez le fœtus. STRUCTURE DU VIRUS Le parvovirus B19 appartient à la famille des Parvoviridae. Il possède un tropisme particulier, les précurseurs érythrocytaires. On pourra retrouver, en dehors des régions classiques de l’érythropoïèse, des îlots d’inclusions virales typiques dans des organes contenant des hématies atteintes ou au niveau des vaisseaux sites des pro-érythroblastes ; ce sera le cas pour le myocarde notamment. ÉPIDÉMIOLOGIE L’infection à parvovirus B19 est absolument ubiquitaire. Elle peut apparaître sous forme épidémique sporadique. En termes de prévalence, 50 % des enfants et 60 % des adultes présentent une immunité. Mode de transmission Le parvovirus B19 est essentiellement transmis par voie respiratoire. D’autres modes de transmission sont possibles : – la transmission parentérale par transfusion sanguine (le risque étant évalué à moins de 1/50 000), par tatouage ou toxicomanie ; – la voie transplacentaire, avec risque d’atteinte fœtale. ASPECTS CLINIQUES DE L’INFECTION À PARVOVIRUS B19 Cette infection peut passer pratiquement inaperçue, mais elle peut également présenter un certain nombre de manifestations cliniques : – La crise érythroblastopénique : les symptômes observés sont : fièvres, malaises, symptômes gastro-intestinaux et respiratoires, rash cutané. – Le mégalérythème ou “cinquième maladie”. Ce symptôme est particulièrement fréquent chez les jeunes enfants qui présentent un visage avec des pommettes rouges. – Les arthrites, qui sont retrouvées dans 80 % des mégalérythèmes et sont plus fréquentes chez les femmes. * Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, bd Denfert-Rochereau, 75014 Paris. La Lettre du Gynécologue - n° 264 - septembre 2001 L’infection à parvovirus B19 au cours de la grossesse Les manifestations cliniques chez la femme enceinte sont les mêmes que celles précédemment décrites. Si environ 1 % des femmes enceintes risquent de faire une infection à B19 pendant leur grossesse, un tiers à un quart des fœtus feront une crise aplasique. Parmi ceux-ci, 8 à 24 % (selon les études) évolueront vers un tableau d’anasarque fœtoplacentaire, dont la plupart présenteront une évolution spontanée vers la mort in utero. Quelques-uns seulement auront une réticulocytose qui régressera avant la fin de la grossesse. Une étude prospective pour essayer d’évaluer l’incidence de l’infection à parvovirus B19 sur le fœtus en cas d’infection chez la femme enceinte a été entreprise. Cent quatre-vingt-six patientes ayant présenté une infection en cours de grossesse ont été étudiées. Ces patientes ont eu 156 enfants bien portants, ce qui correspond à un taux de 84 %, mais il est à noter que 27 d’entre eux présentaient une sérologie positive à la naissance. Trente femmes enceintes ont fait une perte fœtale, et 17 (soit 9 %) d’entre elles sont imputables au parvovirus B19. Les différentes études confirment un pourcentage d’environ 10 % de pertes fœtales dues à cette infection. On peut noter dans cette série qu’un certain nombre de ces enfants ont fait une infection in utero et se sont “guéris” spontanément ; cela soulève la question du pronostic évolutif de l’atteinte fœtale et de la possibilité d’une régression spontanée. DIAGNOSTIC POSITIF DE L’INFECTION À PARVOVIRUS B19 Chez la mère Le diagnostic pourra être évoqué en fonction de la symptomatologie clinique déjà évoquée ou devant la notion de contage ou d’épidémie. Le diagnostic sera formellement posé grâce à la biologie : – la sérologie maternelle avec recherche de séroconversion et apparition d’IGM ; – la PCR est une autre possibilité diagnostique ; – le dosage d’alpha-fœtoprotéine permet pour certains de présumer de la gravité de l’atteinte fœtale si elle a lieu. Chez le fœtus Ce diagnostic pourra être posé grâce à certains éléments. L’échographie Cette surveillance permettra d’évaluer la vitalité fœtale et de dépister les signes d’anasarque, en sachant qu’en moyenne, lors d’une infection maternelle, les signes échographiques peuvent apparaître dans les 8 à 12 semaines qui suivent. 35 D O S S I E La physiopathogénie de l’anasarque fœtoplacentaire due au parvovirus B19 est différente de celle de l’anasarque par alloimmunisation ; en effet, l’anémie n’est pas le seul élément qui déclenche l’anasarque en créant une insuffisance cardiaque fonctionnelle. Les œdèmes et les épanchements peuvent être dus à l’augmentation de la pression hydrostatique capillaire, elle-même conséquence d’une défaillance myocardique organique (lésions des myocytes ou myocardite). Cette différence interviendra alors dans la constitution du tableau d’anasarque : les épanchements vont dans la majorité des cas être majeurs au niveau péritonéal pour un anasarque confirmé. Sur le plan échographique, on pourra distinguer deux types d’anasarques : • l’anasarque débutant : – épanchement péricardique, – ascite, hépatomégalie, – augmentation de liquide amniotique, – accroissement d’épaisseur du placenta ; • l’anasarque confirmé : – épanchement péricardique, – myocardiopathie suspectée devant un dysfonctionnement cardiaque et une augmentation de l’index cardiothoracique, – ascite, œdème cutané, – diminution des mouvements actifs, – polyhydramnios, – hypertrophie placentaire. On sera cependant toujours étonné de la résistance du fœtus par rapport à une anémie qui pourra être majeure, en sachant que la décompensation fatale sera alors très rapide, d’où l’urgence de la prise en charge. La biologie fœtale Le diagnostic positif sera fait sur les signes spécifiques d’infection : la recherche d’IGM, la PCR sur le liquide et sur le sang, la culture classique, la recherche d’ADN viral ou d’inclusion nucléaire. Les signes non spécifiques d’infection sont principalement la thrombopénie fœtale et l’augmentation des gamma-GT. L’histologie Les lésions déjà décrites seront recherchées au niveau des organes cibles : cœur, poumons, rein, thymus, etc. POSSIBILITÉS THÉRAPEUTIQUES Il existe deux situations que nous pouvons rencontrer. Le fœtus présente un tableau d’anasarque fœtoplacentaire révélé par une échographie systématique. C’est à l’occasion du bilan étiologique que le diagnostic d’infection à parvovirus pourra être évoqué. Il s’agit alors d’une urgence thérapeutique, car le fœtus peut présenter une anémie majeure et bénéficier de façon salutaire d’une transfusion in utero. Avant de pratiquer la cordocentèse pour le bilan, il est donc indispensable d’avoir du sang prêt pour une éventuelle correction de l’anémie fœtale. On pourra envisager soit une transfusion en intravasculaire directement soit, plus volontiers, une exsanguino-transfusion in utero. Cette dernière technique a l’avantage de corriger l’ané36 R mie sans risque de perturbation hémodynamique, en sachant que ces fœtus sont particulièrement fragiles dans ce domaine. Ces thérapeutiques ont l’avantage de corriger une carence, en sachant que le pronostic final dépendra du niveau de l’atteinte myocardique. Il existe une notion de contage chez une femme enceinte. Certains proposent des injections d’immunoglobulines spécifiques, mais le problème se pose alors du repérage de la date optimale de l’injection. L’autre attitude sera la surveillance et le dépistage de l’atteinte fœtale par le dosage des alpha-fœtoprotéines maternelles ou l’échographie. Il n’est absolument pas nécessaire de faire des prélèvements in utero (amniocentèse, cordocentèse) pour poser le diagnostic d’une contamination fœtale. En effet, les thérapeutiques in utero seront uniquement envisagées lorsque le fœtus se mettra en anasarque. ÉVOLUTION DES INFECTIONS À B19 Une étude récente de Miller et al. concernant 255 femmes enceintes infectées par le parvovirus B19 a permis de souligner différents points importants. 1. Sur ces 255 patientes infectées, 11 ont eu des interruptions médicales de grossesse, 29 des morts in utero, et 215 enfants bien portants sont nés. On retrouve donc environ 12 % d’arrêts de grossesse, qui correspondent tous à des infections maternelles avant 20 semaines d’aménorrhée. 2. Les anasarques qui ont été diagnostiqués correspondaient à une séroconversion maternelle entre 9 et 20 semaines d’aménorrhée. Selon cette série, le risque de présenter un tableau d’anasarque fœtoplacentaire est estimé à 2,9 %. L’intervalle entre l’infection et l’apparition de l’anasarque se situe entre 2 et 17 SA. 3. Si la gravité de l’atteinte fœtale est corrélée à la période de l’infection maternelle, il ne semble pas y avoir de différence significative quant au passage transplacentaire du virus au cours de la grossesse. 4. Le suivi à long terme des 129 enfants infectés in utero n’a pas révélé de pathologie particulière ; trois enfants ont présenté une déficience modérée en fer, ce qui ne semble pas très différent de ce qui est observé dans la population générale du pays. Par ailleurs, un enfant a présenté un épisode de thrombopénie idiopathique qu’il est difficile de relier à l’infection à B19 en cours de grossesse. Les enfants ayant présenté un tableau d’anasarque in utero spontanément régressif ou ceux qui ont benéficié d’un traitement transfusionnel in utero n’ont pas un pronostic différent. Cette étude apporte les mêmes conclusions qu’une série antérieure réunie par le Club francophone de médecine fœtale concernant la prise en charge de 24 anasarques fœtoplacentaires dus à une infection à parvovirus B19. CONCLUSION L’infection à parvovirus B19 est une infection anodine et souvent asymptomatique chez l’adulte et chez l’enfant ; en revanche, en cours de grossesse, une contamination du fœtus La Lettre du Gynécologue - n° 264 - septembre 2001 peut entraîner chez ce dernier une sidération transitoire de l’érythropoïèse. Si une majorité de ces atteintes est asymptomatique ou spontanément résolutive, dans un pourcentage non négligeable de cas, le fœtus se mettra en anasarque et l’anémie importante qui y est associée pourra bénéficier d’un traitement in utero. On évitera ainsi la mort in utero, le pronostic du fœtus se situant au niveau du myocarde et de sa fonction. Le pronostic des enfants qui ont passé le cap de l’infection in utero est tout à fait favorable. ■ A B O N N E R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S ❒ Morinet F. Érythropoïèse fœtale et parvovirus B19. Éditions INSERM, p. 215-7. ❒ Savey L, Poissonnier MH, Leblanc M, Colau JC. Infection à parvovirus et grossesse. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1995 ; 24 : 170-6. ❒ Hall CJ. Parvovirus B19 infection in pregnancy. Arch Dis Child Fetal Neonatal 1994 ; 71 (1) : F4-5. ❒ Sheikh AU,Ernest JM,O Shea M. Log outcome in fetal hydrops from parvovirus B19 infection. Am J Obstet Gynecol 1992 ; 167 (52) : 337-41. Z - V O U S ✁ ! À découper ou à photocopier Tarifs 2001 Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. FRANCE / DOM-TOM / Europe ÉTRANGER (autre qu’Europe) ❐ 580 F collectivités (88,42 €) ❐ 700 F collectivités (127 $) Dr, M., Mme, Mlle ........................................................................... ❐ 460 F particuliers (70,12 €) ❐ 580 F particuliers (105 $) Prénom .......................................................................................... ❐ 290 F étudiants (44,21 €) ❐ 410 F étudiants (75 $) ❏ Particulier ou étudiant joindre la photocopie de la carte Pratique : ❏ hospitalière ❏ libérale ❏ autre............................... 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