La physiopathogénie de l’anasarque fœtoplacentaire due au
parvovirus B19 est différente de celle de l’anasarque par allo-
immunisation ; en effet, l’anémie n’est pas le seul élément qui
déclenche l’anasarque en créant une insuffisance cardiaque
fonctionnelle. Les œdèmes et les épanchements peuvent être
dus à l’augmentation de la pression hydrostatique capillaire,
elle-même conséquence d’une défaillance myocardique orga-
nique (lésions des myocytes ou myocardite).
Cette différence interviendra alors dans la constitution du tableau
d’anasarque : les épanchements vont dans la majorité des cas être
majeurs au niveau péritonéal pour un anasarque confirmé.
Sur le plan échographique, on pourra distinguer deux types
d’anasarques :
• l’anasarque débutant :
– épanchement péricardique,
– ascite, hépatomégalie,
– augmentation de liquide amniotique,
– accroissement d’épaisseur du placenta ;
• l’anasarque confirmé :
– épanchement péricardique,
– myocardiopathie suspectée devant un dysfonctionnement
cardiaque et une augmentation de l’index cardiothoracique,
– ascite, œdème cutané,
– diminution des mouvements actifs,
– polyhydramnios,
– hypertrophie placentaire.
On sera cependant toujours étonné de la résistance du fœtus
par rapport à une anémie qui pourra être majeure, en sachant
que la décompensation fatale sera alors très rapide, d’où
l’urgence de la prise en charge.
La biologie fœtale
Le diagnostic positif sera fait sur les signes spécifiques
d’infection : la recherche d’IGM, la PCR sur le liquide et sur
le sang, la culture classique, la recherche d’ADN viral ou
d’inclusion nucléaire.
Les signes non spécifiques d’infection sont principalement la
thrombopénie fœtale et l’augmentation des gamma-GT.
L’histologie
Les lésions déjà décrites seront recherchées au niveau des
organes cibles : cœur, poumons, rein, thymus, etc.
POSSIBILITÉS THÉRAPEUTIQUES
Il existe deux situations que nous pouvons rencontrer.
Le fœtus présente un tableau d’anasarque fœtoplacentaire
révélé par une échographie systématique. C’est à l’occasion du
bilan étiologique que le diagnostic d’infection à parvovirus
pourra être évoqué. Il s’agit alors d’une urgence thérapeutique,
car le fœtus peut présenter une anémie majeure et bénéficier de
façon salutaire d’une transfusion in utero.
Avant de pratiquer la cordocentèse pour le bilan, il est donc
indispensable d’avoir du sang prêt pour une éventuelle correc-
tion de l’anémie fœtale.
On pourra envisager soit une transfusion en intravasculaire
directement soit, plus volontiers, une exsanguino-transfusion in
utero. Cette dernière technique a l’avantage de corriger l’ané-
mie sans risque de perturbation hémodynamique, en sachant
que ces fœtus sont particulièrement fragiles dans ce domaine.
Ces thérapeutiques ont l’avantage de corriger une carence, en
sachant que le pronostic final dépendra du niveau de l’atteinte
myocardique.
Il existe une notion de contage chez une femme enceinte.
Certains proposent des injections d’immunoglobulines spéci-
fiques, mais le problème se pose alors du repérage de la date
optimale de l’injection.
L’autre attitude sera la surveillance et le dépistage de l’atteinte
fœtale par le dosage des alpha-fœtoprotéines maternelles ou
l’échographie. Il n’est absolument pas nécessaire de faire des
prélèvements in utero (amniocentèse, cordocentèse) pour poser
le diagnostic d’une contamination fœtale. En effet, les théra-
peutiques in utero seront uniquement envisagées lorsque le
fœtus se mettra en anasarque.
ÉVOLUTION DES INFECTIONS À B19
Une étude récente de Miller et al. concernant 255 femmes
enceintes infectées par le parvovirus B19 a permis de souli-
gner différents points importants.
1. Sur ces 255 patientes infectées, 11 ont eu des interruptions
médicales de grossesse, 29 des morts in utero, et 215 enfants
bien portants sont nés.
On retrouve donc environ 12 % d’arrêts de grossesse, qui cor-
respondent tous à des infections maternelles avant 20 semaines
d’aménorrhée.
2. Les anasarques qui ont été diagnostiqués correspondaient à
une séroconversion maternelle entre 9 et 20 semaines d’amé-
norrhée.
Selon cette série, le risque de présenter un tableau d’anasarque
fœtoplacentaire est estimé à 2,9 %.
L’intervalle entre l’infection et l’apparition de l’anasarque se
situe entre 2 et 17 SA.
3. Si la gravité de l’atteinte fœtale est corrélée à la période de
l’infection maternelle, il ne semble pas y avoir de différence
significative quant au passage transplacentaire du virus au
cours de la grossesse.
4. Le suivi à long terme des 129 enfants infectés in utero n’a
pas révélé de pathologie particulière ; trois enfants ont pré-
senté une déficience modérée en fer, ce qui ne semble pas très
différent de ce qui est observé dans la population générale du
pays. Par ailleurs, un enfant a présenté un épisode de thrombo-
pénie idiopathique qu’il est difficile de relier à l’infection à
B19 en cours de grossesse.
Les enfants ayant présenté un tableau d’anasarque in utero
spontanément régressif ou ceux qui ont benéficié d’un traite-
ment transfusionnel in utero n’ont pas un pronostic différent.
Cette étude apporte les mêmes conclusions qu’une série anté-
rieure réunie par le Club francophone de médecine fœtale
concernant la prise en charge de 24 anasarques fœtoplacen-
taires dus à une infection à parvovirus B19.
CONCLUSION
L’infection à parvovirus B19 est une infection anodine et sou-
vent asymptomatique chez l’adulte et chez l’enfant ; en
revanche, en cours de grossesse, une contamination du fœtus
DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 264 - septembre 2001