Doit-on proposer un dépistage systématique de l`infection à

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Le Président
et le Bureau du Collège « en direct »
12.06.2003 Communiqué professionnel
Doit-on proposer un dépistage systématique de l’infection à
Parvovirus au cours de la grossesse ?
Le laboratoire Biotrim, qui commercialise les tests sérologiques, a envoyé en mars 2003 aux gynécologues
obstétriciens français un carnet d’information concernant le parvovirus B19. Il propose un dépistage systématique
des femmes enceintes dans le but de rassurer les femmes immunisées et de rechercher une éventuelle
séroconversion chez les femmes séronégatives (ce qui implique la répétition des tests pour les femmes
séronégatives); dans cette éventualité, une surveillance échographique rapprochée est proposée.
Données concernant l’infection à Parvovirus B19
Epidémiologie
Le parvovirus B19 est un virus à ADN connu essentiellement pour être responsable de l’érythème infectieux aigu
ou cinquième maladie chez l’enfant. Chez l’adulte non immunodéprimé, il est asymptomatique dans 20 à 25 %
des cas ; dans les autres cas, hormis l’érythème infectieux aigu, il se traduit par des arthralgies, beaucoup plus
rarement par une myocardite ou une anémie. La transmission se fait principalement par les voies respiratoires et
les contacts avec la bouche. L’immunité acquise serait définitive et la séroprévalence serait de 50 à 60 % dans
des études publiées en Grande-Bretagne et en Scandinavie ; il n’y a pas d’étude en population en France sur la
séroprévalence.
Pendant la grossesse
Les risque principaux d’une séroconversion en cours de grossesses sont les fausses couches spontanées (FCS)
et la mort fœtale in utero (MFIU) liée à la survenue d’un anasarque non immun (anémie sévère, myocardite). Le
risque de séronconversion chez les femmes séronégatives serait de 1 à 2 % avec une transmission fœtale dans
20 à 30 % des cas. Dans la grande majorité d’entre eux, l’atteinte fœtale est sans conséquences. L’augmentation
du risque de FCS avant 20 SA est discutée dans les études car comparable au taux retrouvé dans la population
générale (10-15 %) ; celui des FCS après 20 SA ou MFIU après 20 SA serait de 2 %. Le risque d’anasarque
serait de 1 % en cas de séroconversion ; les conséquences de cet anasarque sont très variables selon les
séries : MFIU dans 10 à 30 % des cas, guérison sans séquelles. En cas d’anasarque sévère, les données sont en
faveur d’un bénéfice à la transfusion in utero. En cas de séroconversion, et en dehors de la survenue d’un
anasarque, les données n’ont pas montré de risque de handicap chez les enfants.
Les recommandations actuelles des professionnels
Il n’existe pas de recommandation officielle en France concernant l’infection à Parvovirus B19 pendant la
grossesse. Les recommandations des experts et d’autres sociétés comme la Société d’Obstétrique et de
Gynécologie Canadienne sont les suivantes. Le dépistage systématique ne repose sur aucune donnée
scientifique et n’est pas recommandé. Il est conseillé de réaliser un sérodiagnostic en cas de signes cliniques
évocateurs (ou de contage) chez une femme enceinte ; si le diagnostic de séroconversion est confirmé, une
échographie toutes les 1 à 2 semaines pendant les 2 à 3 mois qui suivent est souvent proposée à la recherche
d’un anasarque. Dans ce cas là, la patiente devra être adressée à un centre de diagnostic prénatal. Les mesures
d’éviction du milieu professionnel dans le but de prévenir une séroconversion chez les femmes séronégatives ne
sont pas conseillées. Même si des conseils généraux de principes concernant l’hygiène peuvent être donnés aux
femmes séronégatives, il n’existe aucune donnée concernant un quelconque bénéfice de ce type de mesures.
Arguments contre le dépistage systématique au cours de la grossesse
Nous ne reviendrons pas sur les principes généraux requis avant de proposer un dépistage dans une population.
Reprenons cependant schématiquement ces pré-requis à la lumière de nos connaissances actuelles sur le
parvovirus :
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- Il n’existe aucune donnée en population sur les conséquences en terme de santé périnatale du
parvovirus. Si on considère les chiffres présentés précédemment, on peut estimer le nombre de
séroconversions en cours de grossesse à 1 à 2 pour 100 femmes séronégatives. La conséquence
majeure serait 40 à 80 cas d’anasarque par an en France entraînant 8 à 40 cas de décès in utero (en
comptant des décès in utero à 20-28 SA sans anasarque vu) sur une population de départ de 800.000
femmes enceintes (séronégativité = 50 % environ). Il ne semble pas évident qu’en terme de santé
publique le dépistage systématique chez les femmes enceintes soit un objectif majeur.
- Il n’existe pas de mesures préventives primaires ou secondaires efficaces : pas de traitement pour
éviter la séroconversion (vaccin, hygiène), pas de traitement pour éviter l’atteinte fœtale en cas de
séroconversion (antiviral), pas de traitement curatif en cas d’atteinte fœtale sans anasarque (antiviral).
Le seul traitement probablement efficace (la transfusion in utero) concerne certains cas d’anasarque. Il
n’y a aucune donnée permettant de penser que la réalisation d’un dépistage sérologique systématique
permettrait d’éviter des MFIU grâce à un repérage plus précoce des anasarques par rapport à la
surveillance prénatale habituelle (clinique et échographique).
- La stratégie concernant la répétition des tests à réaliser n'est pas définie, la couverture et l'application
de ce dépistage n'ont pas été étudiées.
- Ce dépistage entraînera une multiplication des examens (sérologies, échographies, amniocentèses
etc.) avec un coût financier et psychologique non estimé.
- Les tests utilisés pour définir une séroconversion et une transmission materno-fœtale présentent
probablement des faux-négatifs et des faux-positifs mal estimés. Par exemple, les IgM restent positives
plusieurs mois après une séroconversion.
- Parmi les atteintes fœtales les plus sévères (anasarque), une proportion non négligeable est identifiée
par la surveillance prénatale habituelle.
Les données ainsi que les avis d’experts sont donc unanimes pour ne pas réaliser un dépistage du
parvovirus B19 au cours de la grossesse. Le CNGOF recommande donc de ne pas faire ce dépistage
systématique dans l’état actuel des connaissances. Sous prétexte “d’améliorer” la prise en charge, le
laboratoire inquiète les patientes et fait pression sur les praticiens pour la réalisation de ce test dans un but
commercial évident. Cette campagne de dépistage ne repose sur aucune donnée pertinente et n’a pas été
réalisée en concertation avec les professionnels. Le CNGOF dénonce ce genre de politique commerciale qui
semble être de plus en plus fréquent.
Contact scientifique :
Service de presse et de communication :
Pr. François Goffinet
Tél. : 01.42.34.55.84 ou 01.58.41.20.69
[email protected]
Marie-Hélène Coste
MHC Communication
Tél : 01 55 42 22 10 - Fax : 01 55 42 00 40
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