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URGENCES
THÉRAPEU T I Q U E S
État de mal épileptique :
diagnostic et traitement
●
P. Niclot*
état de mal épileptique
convulsif généralisé est une
urgence diagnostique et
thérapeutique (1, 2). Inaugural, il est
souvent révélateur d’une affection métabolique ou neurologique aiguë sévère
requérant un traitement spécifique (1,
2). Chez l’épileptique, il est le plus souvent en rapport avec un sevrage en
antiépileptiques, bien que dans 20 %
des cas une autre cause soit retrouvée
(1). Malgré le traitement, 20 % des
patients atteints d’état de mal épileptique convulsif généralisé décèdent. Les
facteurs de mauvais pronostic sont la
durée d’évolution avant traitement et
l’étiologie. Dans une étude rétrospective
portant sur 154 patients, le taux de guérison avec un traitement de première
ligne (benzodiazépines, phénytoïne)
était de 60 % (1). Un traitement débuté
dans les 30 minutes suivant le début des
crises était efficace dans 80 % des cas ;
s’il était débuté après deux heures d’évolution, il ne l’était que dans 40 % des
cas (1). Dans la même étude, les états
de mal dus à un sevrage (antiépileptiques, benzodiazépines, alcool) étaient
de pronostic beaucoup plus favorable
(70 % de succès) que ceux en rapport
avec une pathologie métabolique ou une
lésion cérébrale. Cette étude montre que
la définition habituelle de l’état de mal
épileptique : “activité épileptique continue durant plus de 30 minutes” n’est pas
adaptée à la réalité clinique. Le traitement anticonvulsivant doit être instauré
beaucoup plus tôt, dès qu’une crise dure
L’
* Service de neurologie (Pr Bousser),
hôpital Lariboisière, Paris.
plus de 5 minutes ou que deux crises se
succèdent sans retour à la conscience
(1).
Ces règles proposées pour les états de
mal généralisés convulsifs s’appliquent
également aux états de mal partiels,
qu’ils soient convulsifs ou non (2). Ils
reconnaissent en effet les mêmes causes
que l’état de mal généralisé, qu’ils peuvent précéder ; leur pronostic est également réservé. En revanche, l’état de mal
d’absence forme une entité à part, de
pronostic plus favorable (3).
PRÉVENTION DE L’ÉTAT DE MAL
ÉPILEPTIQUE
Les limites du traitement anticonvulsivant doivent conduire à traiter préventivement toutes les situations à risque
d’état de mal :
– les crises en salve : deux crises ou plus
survenues en moins de 24 heures, qu’il
existe ou non un antécédent d’épilepsie ;
– les crises accompagnant une pathologie neurologique aiguë (accident vasculaire cérébral, encéphalite, etc.). Par
exemple, après une première crise survenue à la phase aiguë d’un accident vasculaire cérébral, le risque d’état de mal
épileptique est estimé entre 8 et 25 % ;
– les crises de sevrage : interruption
brutale d’un traitement antiépileptique
ou par benzodiazépines, sevrage éthylique.
Le traitement préventif d’une récidive
dans ces conditions d’urgence repose sur
les benzodiazépines : clobazam
(Urbanyl®), clonazépam (Rivotril®) ou
en cas de contre-indication sur la diphénylhydantoïne (DPH) par voie orale ou
veineuse (voir article Crise d’épilepsie).
La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001
L’intérêt de la fosphénytoïne (Prodilantin®),
précurseur inactif de la phénytoïne qui
peut être administrée par voie intramusculaire, n’est pas encore démontré dans
cette indication à l’exception du traumatisme crânien. Le Valium® est à éviter du
fait de sa courte durée d’action (30 min
environ par voie veineuse) et de son
effet dépresseur respiratoire marqué.
Une prophylaxie efficace nécessite également la correction de tous les facteurs
pouvant favoriser l’état de mal (trouble
métabolique, interruption d’un traitement proconvulsivant, etc.).
DIAGNOSTIC DE L’ÉTAT DE MAL
ÉPILEPTIQUE
Le diagnostic d’état de mal convulsif,
qu’il soit partiel ou généralisé, ne pose
pas de problème. Seuls les états de mal
dits “larvés” (subtle status epilepticus)
sont de reconnaissance difficile (1). Il
s’agit soit d’états de mal évolués, où les
troubles de conscience sont consécutifs
à l’état de mal ou aux traitements anticonvulsivants, soit d’états de mal survenant chez des patients ayant une affection responsable de troubles de
conscience sévères (coma anoxique,
etc.). L’observation attentive du patient
montre des clonies des extrémités, de la
face (menton, commissures labiales) et
des secousses nystagmiques des globes
oculaires, continues, rythmiques et synchrones. Ces caractéristiques les différencient des myoclonies asynchrones,
intermittentes et multifocales observées
dans les encéphalopathies métaboliques. La survenue de crises tonicocloniques généralisées est possible mais
rare. Le tracé électro-encéphalographique confirme le diagnostic en mon193
URGENCES
trant des pointes ondes continues ou
des activités rythmiques stéréotypées, à
début et fin brusque, se répétant à une
fréquence variable. Parfois, il existe une
discordance électro-clinique : devant
des clonies localisées et rythmiques, le
tracé électro-encéphalographique montre
des ondes lentes et des pointes asynchrones, non spécifiques. Inversement, il
n’existe parfois aucun signe clinique
évocateur et c’est le monitoring EEG qui
permet le diagnostic d’état de mal devant
un coma d’origine inexpliquée. Le pronostic de l’état de mal “larvé” est défavorable : 50 à 60 % de mortalité (1, 4).
Les états de mal non convulsifs (2, 3) se
présentent comme des syndromes confusionnels d’installation brutale, avec
alternance de phases où le patient
semble hébété, hagard, et d’autres où il
est présent, répondant de façon plus ou
moins adaptée aux questions. Des automatismes ou des signes moteurs (clonies
du menton, des commissures labiales,
des extrémités, déviation tonique de la
tête et des yeux) sont souvent présents.
Parfois le diagnostic est plus difficile,
les signes se limitant à des troubles du
comportement dont la survenue brutale
et inopinée est évocatrice. L’EEG affirme
le diagnostic et permet de différencier
deux formes électro-cliniques :
– L’état de mal d’absence, où l’activité épileptique est généralisée, faites de pointes
ondes ou polypointes ondes de 1 à 4 cycles
par seconde (3). Il survient souvent chez
des patients épileptiques, à l’occasion de la
prise de médicaments proconvulsivants ou
de troubles métaboliques. Lorsqu’il est
inaugural, il est le plus souvent révélateur
d’un sevrage en benzodiazépines, isolé ou
associé à d’autres facteurs métaboliques ou
toxiques. Les pathologies neurologiques
aiguës semblent exceptionnellement en
cause. L’effet des benzodiazépines en i.v.
est souvent spectaculaire, avec une guérison en quelques minutes (3). Le pronostic
est favorable.
– Les états de mal partiels qui ont un
aspect électrique variable, comportant
toujours une activité rythmique localisée, le plus souvent frontale ou temporale. Les étiologies sont celles des états
de mal généralisés convulsifs. Leur pro194
THÉRAPEUTIQUES
nostic dépend de la rapidité du diagnostic et de l’étiologie.
PRISE EN CHARGE
Le traitement initial de l’état de mal épileptique doit reposer sur les benzodiazépines, du fait de leur rapidité d’action et
de leur facilité d’emploi (1-4).
L’administration de Valium® par voie
intramusculaire doit être proscrite (2),
du fait de sa résorption variable par
cette voie et des risques de surdosage
secondaire liés à sa libération aléatoire
dans la circulation. Le Rivotril® par voie
veineuse est en France la drogue de
choix, du fait de sa durée d’action prolongée pendant plusieurs heures. Les
crises cessent habituellement en
quelques minutes (1, 2). Le Rivotril® ne
doit pas être administré en continu à la
seringue électrique, du fait de son
absence d’efficacité et du risque de
sédation excessive ou d’hypoventilation
(2). Il peut être renouvelé une fois en
cas d’échec, associé à un traitement de
seconde ligne : fosphénytoïne (FPH) ou
phénobarbital (PB) (tableau I) (1, 2, 4).
Tableau I. Le traitement s’applique à tous les états de mal épileptiques quelle que soit leur durée
d’évolution. Le délai d’action du Rivotril® intraveineux est de 3 à 5 minutes, celui du Valium® intrarectal de 5 à 10 minutes. La brièveté de l’action du Valium® (30 min) impose de lui associer systématiquement un traitement relais. La toxicité potentielle du glucose dans l’état de mal épileptique, le risque d’œdème cérébral par diminution de l’osmolarité plasmatique et d’aggravation
d’une hyponatrémie ou d’une hyperglycémie sous-jacente rendent impérative l’utilisation du sérum
physiologique comme soluté de perfusion. Les contre-indications respectives de la DPH (cardiopathie) et du PB (insuffisance hépatique ou respiratoire) guident le choix du traitement de
seconde ligne. Le délai d’action de la DPH (30 min) justifie de renouveler l’injection de benzodiazépines ; lorsque le PB est utilisé, cette injection est moins utile du fait de l’action rapide (10
min) du PB dont elle peut potentialiser les effets secondaires (sédation et hypoventilation). La
fosphénytoïne n’a pas la toxicité locale de la DPH et a une vitesse d’administration plus rapide,
mais son délai d’action est inchangé. PLS : position latérale de sécurité.
État de mal épileptique débutant (0-10 min) : crise partielle ou généralisée > 5 min
ou deux crises successives sans retour à la conscience entre les crises
Traitement symptomatique
Liberté des voies aériennes supérieures : canule de Guedel, PLS
Oxygénothérapie nasale 6-10 l/min
Pression artérielle, fréquence cardiaque, température, Sa02, glycémie capillaire, ECG
2 amp (30 ml) de G 30 % i.v.d. + 1 amp (600 mg) de vitamine B1 i.v.d.
Prélèvement : (glycémie), ionogramme sanguin, créatinine, calcémie, phosphorémie, transaminases, TP,
CPK, GDS, dosage d’antiépileptiques
Perfusion : sérum physiologique
Traitement anticonvulsivant
Rivotril® 1 mg (1 amp) en i.v.d. lent (30-60 s) ; âge > 60 ans : 0,5 mg i.v.d. lent
Patient “impiquable” : Valium® 10 mg (1 amp) en intrarectal
État de mal épileptique confirmé : persistance des crises > 10 à 30 min
1er choix thérapeutique
0,5-1 mg de Rivotril® i.v.d. lent + Prodilantin i.v. (flacon 500 mg d’EP) à la SE :
15 mg/kg d’EP, vitesse 100 à 150 mg/min
diminuer la posologie de 10-25 % après 60 ans
2e choix thérapeutique
Phénobarbital® i.v. (amp 200 mg) à la SE :
10 mg/kg, vitesse < 100 mg/min
Surveillance PA, ventilation : hypoventilation, hypotension
La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001
URGENCES
La fosphénytoïne (Prodilantin®) est une
prodrogue de la phénytoïne ; sa meilleure tolérance locale et sa plus grande
vitesse d’administration (10 à 20 min)
en font l’intérêt. Sa posologie (exprimée
en équivalent phénytoïne) est identique
à celle de la phénytoïne (voir fiche spécifique). Quel que soit l’anticonvulsivant
utilisé, une posologie adéquate est
impérative, sous peine d’échecs thérapeutiques (doses insuffisantes) ou d’effets secondaires (doses excessives).
Simultanément au traitement anticonvulsivant, un traitement symptomatique
doit être mis en place (tableau I)
(1, 2).
Deux démarches complémentaires doivent être engagées en parallèle au anticonvulsivant :
– Le dépistage des complications de l’état de mal (tableau II) (1, 2).
– Le diagnostic et le traitement étiologique (tableau III) (1, 2, 5). L’oubli de
l’une de ces étapes conduit inévitablement à des rechutes dans les heures suivantes.
Lors de l’enquête étiologique, deux
situations peuvent être opposées :
– Les états de mal survenant chez des
épileptiques connus, le plus souvent liés
à un sevrage en antiépileptiques, parfois
associé à d’autres facteurs déclenchants
(sevrage éthylique, infection, etc.).
L’évolution est le plus souvent favorable
avec un traitement par benzodiazépines
et la reprise du traitement antiépileptique initial (3). Il est cependant primordial de rechercher les complications
métaboliques ou cérébrales (hémorragie
intracrânienne post-traumatique) de l’état de mal, qui peuvent nécessiter un
traitement spécifique. Les états de mal en
rapport avec un sevrage éthylique posent
des problèmes analogues ; la survenue
d’une rhabdomyolyse et d’une hypoglycémie post-alcoolique est dans ce cas particulièrement fréquente (1, 2).
– Les états de mal inauguraux, survenant chez des patients non-épileptiques
posent des problèmes diagnostiques,
pronostiques et thérapeutiques complexes. La plupart des étiologies requièrent un traitement en extrême urgence
dont le diagnostic repose sur un bilan
THÉRAPEU T I Q U E S
Tableau II. Traitement des principales étiologies de l’état de mal épileptique. Le risque d’arrêt respiratoire dans l’encéphalopathie hyponatrémique et de trouble du rythme cardiaque dans l’hypo calcémie rend impératif un transfert en réanimation. Les hyperglycémies non cétosiques peuvent
occasionner des états de mal partiels moteurs sans qu’existent d’hyper-osmolarité majeure ou
de troubles de conscience.
Étiologie
Traitement
Hyponatrémie
Sérum salé hypertonique (réanimation)
Hypocalcémie
Gluconate de calcium (réanimation)
Hyperglycémie non cétosique
Insuline i.v. 5-10 U/h
Hématome sous-dural aigu
Évacuation neurochirurgicale
Encéphalite herpétique
Zovirax™ i.v. 10 mg/kg/8 h
Méningite purulente
Antibiotiques adaptés selon le contexte
Toxoplasmose cérébrale
Malocid® 50 mg/j + Adiazine® 6 g/j
Thrombose veineuse cérébrale
Héparine i.v. bolus 80 U/kg + 18 U/kg/h
Tumeur cérébrale œdémateuse
Solu-médrol® 2-3 mg/kg/j i.v.
Tableau III. Complications de l’état de mal épileptique. Chacune de ces complications peut favoriser la pérennisation de l’état de mal. L’hypoglycémie fait suite à l’hyperglycémie initiale et apparaît
après la deuxième heure d’évolution. L’hypotension est fréquente après 45 minutes, principalement
si l’état de mal n’est pas contrôlé. Le seuil de traitement peut être plus élevé en cas d’infarctus
cérébral récent. L’alcalinisation repose sur le bicarbonate de sodium à 1,4 % et se justifie si le pH
est < 7,30.
État de mal épileptique : prévention des complications
Complication
Détection
Hypoglycémie
Glycémie capillaire répétée
Sérum glucosé à 10 %
Hyperthermie
Surveillance répétée
de la température
Refroidissement externe, Pro-dafalgan® 2 g/8 h
en 30 min dans 100 ml de sérum physiologique
Hypotension
Monitoring PA pendant
et après le traitement
Arrêter la perfusion d’anticonvulsivant
Dopamine i.v. 2-5 µg/kg/min si PAS < 100 mmHg
Hypoxie
Saturométrie, RP (inhalation)
Oxygénothérapie, antibiothérapie à large spectre
Engagement
cérébral
Recherche répétée
d’une asymétrie pupillaire
Mannitol® 20 % 100 ml en 15 min
Rhabdomyolyse
Initialement : ECG (signes
d’hyperkaliémie), diurèse
Puis : CPK, créatinine
Remplissage vasculaire (sérum physiologique)
et alcalinisation
biologique systématique, le scanner cérébral et éventuellement la ponction lombaire, l’IRM encéphalique (tableau II).
Troubles métaboliques
Les troubles métaboliques les plus souvent en cause sont l’hypoglycémie,
l’hyperglycémie non cétosique, l’hyponatrémie et l’hypocalcémie (1, 2). Une
hyperglycémie aiguë et sévère (> 2030 mmol/l) sans cétose peut être révélée
par un état de mal partiel moteur, dont
La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001
Traitement
la régression n’est obtenue qu’avec le
traitement par insuline. Certaines affections métaboliques s’accompagnent fréquemment d’état de mal épileptique, de
pronostic péjoratif (anoxie cérébrale,
insuffisance rénale terminale) (3). Les
intoxications médicamenteuses (théophylline, tricycliques, isoniazide, sympathomimétiques, etc.) et la prise de
drogues (cocaïne, amphétamines) doivent être systématiquement dépistées
par dosage sanguin ou urinaire.
195
URGENCES
L’importance des troubles métaboliques ne
doit jamais être sous-estimée, même lorsqu’une pathologie cérébrale a été identifiée : leur correction est un facteur clé
dans la guérison de l’état de mal (1, 2).
Pathologies neurologiques
En urgence, le scanner cérébral est le
premier examen neuroradiologique à
demander (5) : il permet de visualiser
une hémorragie intracrânienne, un
œdème cérébral, un effet de masse, anomalies pouvant justifier un traitement
spécifique en urgence (neurochirurgie,
corticoïdes, Mannitol®). Les traumatismes crâniens fermés se compliquent
rarement d’état de mal épileptique mais,
dans ce cas, la recherche d’une lésion
hémorragique justifiant un traitement
chirurgical est impérative (5).
En cas d’hypodensité au scanner, son
aspect (atteinte de la substance blanche
ou cortico-sous-corticale) et son rehaussement après injection (gyriforme ou
annulaire) permettent souvent de trancher entre processus expansif (tumeur
ou abcès) et infarctus cérébral.
L’extrême fréquence de l’accident vasculaire cérébral (AVC) explique qu’il représente la principale cause d’état de mal
épileptique (1), en phase aiguë ou au
stade séquellaire. Pourtant, les crises
d’épilepsie sont rares à la phase aiguë de
l’AVC : 5 % des cas environ, la fréquence
étant plus grande dans les thromboses
veineuses cérébrales (40 %) et dans les
hématomes lobaires (10-15 %) que dans
les infarctus (5 %). Cette rareté a deux
conséquences :
– il faut envisager le diagnostic de
thrombose veineuse cérébrale devant
tout infarctus ou hématome intracérébral
révélé par un état de mal épileptique et
effectuer une IRM ou un angio-scanner si
ce diagnostic apparaît plausible ;
– les toxiques potentiellement responsables d’accident vasculaire cérébral
(alcool, cocaïne, amphétamines) doivent être recherchés ainsi que d’éventuels troubles métaboliques ou la prise
de médicaments proconvulsivants.
Les tumeurs cérébrales peuvent se révéler par un état de mal épileptique (1).
La prescription de corticoïdes est justi196
THÉRAPEUTIQUES
fiée si le scanner montre un œdème
cérébral et que les diagnostics d’encéphalite ou d’abcès cérébral sont éliminés. Un abcès cérébral peut en effet se
révéler par un état de mal épileptique :
la cause la plus fréquente est la toxoplasmose cérébrale.
La ponction lombaire doit être systématique si le diagnostic étiologique reste
incertain et que le scanner ne montre pas
d’effet de masse. L’état de mal épileptique est en effet fréquent dans les encéphalites et dans les méningites purulentes,
surtout en cas d’alcoolisme sous-jacent
(1). Si l’hypothèse étiologique la plus
vraisemblable est celle d’une méningite
purulente, le traitement antibiotique doit
impérativement être commencé avant le
scanner et la ponction lombaire.
Théoriquement, la ponction lombaire
devrait être effectuée après contrôle des
crises, du fait du risque d’engagement
cérébral induit par l’œdème cérébral associé. En pratique, si les crises persistent
ou que le scanner a montré un œdème
cérébral important, une perfusion de
Mannitol® peut être effectuée auparavant.
En dehors de la recherche d’une thrombose veineuse cérébrale, l’IRM encéphalique est un examen de deuxième intention, ne pouvant être réalisée qu’une fois
les crises contrôlées, du fait des artéfacts
liés aux mouvements du patient. Elle
peut objectiver un gliome de bas grade
non visible au scanner ou authentifier
une encéphalite herpétique débutante
(lésions bilatérales et asymétriques des
lobes temporaux). Toutefois, la décision
thérapeutique (Zovirax™ ou corticoïdes)
peut le plus souvent être prise sur la
conjonction des données cliniques, du
scanner et de la ponction lombaire.
SURVEILLANCE ULTÉRIEURE
Une fois les crises contrôlées et le traitement étiologique débuté, une surveillance clinique rapprochée pour
dépister une rechute ou une complication de l’état de mal doit être instaurée
(tableau III). Un contrôle biologique
(CPK, ionogramme, créatinine, glycémie)
doit être effectué à la sixième heure. Un
EEG est nécessaire pour vérifier l’absence
de crises “infracliniques”. Un dosage des
antiépileptiques doit être effectué. Bien
que les taux plasmatiques des antiépileptiques ne soient pas validés comme
des taux “efficaces” au cours d’un état
de mal, ils peuvent aider en cas de récidive pour décider de l’augmentation d’un
traitement ou du changement pour un
autre.
ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE
RÉFRACTAIRE
L’état de mal réfractaire est défini
comme la persistance des crises 45 à
60 minutes après le début du traitement. Il faut d’abord rechercher les
erreurs potentielles dans la prise en
charge pouvant expliquer cet échec.
• Traitement à doses insuffisantes :
une nouvelle injection de FPH
(5 mg/kg) ou de PB (5 mg/kg) doit être
effectuée.
• Absence de traitement relais : de
manière systématique (Valium®) ou à la
troisième heure (Rivotril®), un traitement relais doit être associé au traitement initial si celui-ci ne comportait
que des benzodiazépines. La FPH et le
PB ont une durée d’action d’environ
8 heures, ce qui autorise un relais plus
tardif. En cas de traitement antiépileptique antérieur, la reprise de celui-ci est
impérative. Dans les autres cas, le plus
simple est de poursuivre l’administration
de FPH ou de PB.
• Absence de traitement des complications métaboliques.
• Traitement étiologique non fait.
• Erreurs diagnostiques : pour certains
auteurs (2), 30 % des états de mal épileptiques réfractaires sont en fait des
encéphalopathies d’autre nature. Elles
peuvent se ranger sous trois catégories
principales :
– encéphalopathies métaboliques ou
toxiques (encéphalopathie respiratoire
ou hépatique, syndrome sérotoninergique responsable de confusion mentale
et de myoclonies, etc.) ;
– coma iatrogène, dû à l’administration
intempestive d’antiépileptiques, souvent
à la suite d’un EEG montrant des anomalies périodiques focalisées ou “décharges
périodiques épileptiformes latéralisées”,
La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001
URGENCES
qui n’ont pas la signification de crises
épileptiques mais d’une souffrance cérébrale (2) ;
– pseudo-crises, dont le diagnostic est difficile et nécessite souvent la vidéo-EEG.
En l’absence d’erreurs dans la prise en
charge, la poursuite du traitement anticonvulsivant ne peut se faire dans des
conditions de sécurité qu’en réanimation. Le transfert s’impose dans les cas
où un pronostic favorable peut raisonnablement être envisagé ou bien lorsque
les données cliniques et paracliniques
incomplètes justifient un traitement
maximal, jusqu’à ce qu’un diagnostic et
un pronostic précis puissent être établis.
Le patient est alors intubé et ventilé
THÉRAPEU T I Q U E S
artificiellement ce qui permet d’administrer des traitements fortement sédatifs
et dépresseurs ventilatoires : benzodiazépines à fortes doses (midazolam,
clonazépam), barbituriques à doses
anesthésiques, anesthésiques non barbituriques (propofol) (1, 2). Le traitement
est évalué sur l’EEG, l’objectif étant la
suppression des pointes ou l’obtention
d’un tracé de burst-suppression (1, 2).
L’intubation ventilation assistée ne doit
être envisagée plus précocement que
dans les seuls cas où existe une détresse ventilatoire (inhalation bronchique,
etc.). La priorité du traitement de l’état
de mal épileptique reste toujours au
contrôle des convulsions (2).
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La lettre du neurologue - n° 4 - vol. V - avril 2001
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