L’ Embolie pulmonaire grave mise au point High-risk pulmonary embolism

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mise au point
Embolie pulmonaire grave
High-risk pulmonary embolism
O. Sanchez*, **, B. Planquette*, A. Roux*, M. Gosset-Woimant*, G. Meyer*, **
L’
embolie pulmonaire (EP) grave correspond
aux formes compliquées d’un état de choc
cardiogénique. Même si on se limite à cette
définition très restrictive, il est difficile de ne pas
envisager le problème des embolies de gravité
intermédiaire dont la prise en charge pourrait se
rapprocher de celle des formes graves. Les données
concernant le diagnostic des EP graves sont peu
nombreuses, si bien qu’un certain nombre de
suggestions ne sont que l’extrapolation de résultats
obtenus chez des malades cliniquement stables. Le
traitement des formes graves est centré sur la prise
en charge symptomatique et les indications de la
fibrinolyse.
Classification de l’embolie
pulmonaire selon sa gravité
Le pronostic de l’embolie pulmonaire
est lié à sa tolérance clinique
et au terrain sur lequel elle survient
* Université Paris-Descartes ; service
de pneumologie et soins intensifs,
hôpital européen Georges-Pompidou.
** Inserm U765.
Les 2 principaux déterminants de la mortalité des
malades atteints d’EP sont la tolérance hémodynamique et le terrain sous-jacent. Dans l’étude ICOPER,
la mortalité des malades choqués était de 58,3 % et
l’hypotension était un facteur de risque indépendant
de mortalité (1). Ces résultats ont été confirmés dans
un registre multicentrique allemand. L’état de choc
est ainsi habituellement retenu dans la littérature
pour définir les EP graves (2).
Les autres facteurs de risque de mortalité sont l’âge
et l’existence d’une insuffisance cardiaque, d’une
insuffisance respiratoire chronique ou d’un cancer (1).
Un score de gravité reposant sur des éléments exclusivement cliniques a été décrit. Il a été élaboré rétrospectivement à partir d’un registre nord-américain et
a fait l’objet de validations externes dans diverses
cohortes (3). Une version simplifiée de ce score a
été développée (4).
Embolies pulmonaires de gravité
intermédiaire
En l’absence d’état de choc et de maladie grave associée, la mortalité hospitalière de l’EP est généralement inférieure à 5 %. Certaines données suggèrent
toutefois que le retentissement hémodynamique,
évalué sur l’échocardiographie et certains marqueurs
biologiques, pourrait identifier un groupe de maladies de gravité intermédiaire.
◆◆ L’appréciation du retentissement ventriculaire
droit par l’imagerie
A. Ribeiro et al. avaient montré qu’une dysfonction
ventriculaire droite échocardiographique, observée
chez 70 malades, était associée à une mortalité de
14 %, alors qu’aucun décès n’était observé chez les
56 malades indemnes de surcharge ventriculaire
droite (5). N. Kucher et al. ont examiné les cas de
1 035 malades avec une EP sans état de choc et qui
avaient eu une échocardiographie. La mortalité à
30 jours était de 16 % en cas d’hypokinésie ventriculaire droite, alors qu’elle n’était que de 11 % en
l’absence d’hypokinésie ventriculaire droite (6).
D’autres séries ne retrouvent pas de telles différences et rapportent une mortalité constamment
inférieure à 5 % en l’absence d’état de choc, quel
que soit l’aspect échocardiographique. Ces discordances s’expliquent vraisemblablement par de larges
différences dans les critères utilisés pour définir la
surcharge droite, dans la présentation clinique des
malades et dans leur prise en charge thérapeutique,
souvent mal décrite. Dans une revue systématique, la
dysfonction ventriculaire droite échocardiographique
était associée à un risque relatif (RR) de mortalité
précoce de 2,5 (IC95 : 1,2-5,5) chez 475 patients cliniquement stables (7).
Deux études ont évalué la dilatation des cavités
droites mesurée sur l’angioscanner spiralé chez
191 malades cliniquement stables. Leur analyse
montre une augmentation non significative du
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Points forts
»» Le pronostic de l’embolie pulmonaire est lié à sa tolérance hémodynamique et au terrain sur lequel elle
survient. En l’absence d’état de choc, la présence d’une dysfonction ventriculaire droite isolée définit les
embolies pulmonaires de gravité intermédiaire.
»» La létalité de l’embolie pulmonaire grave est particulièrement élevée, surtout dans les premières heures
suivant l’admission à l’hôpital. Le diagnostic doit être rapide, non invasif et réalisé au lit du malade en
cas d’instabilité clinique.
»» Sauf contre-indication, la prise en charge de ces formes graves associe traitement symptomatique,
héparine et fibrinolyse. La situation des embolies de gravité intermédiaire est plus confuse. La puissance
des études disponibles ne permet ni d’affirmer ni d’exclure un bénéfice cliniquement significatif de la
fibrinolyse dans cette circonstance.
RR de mortalité hospitalière en présence d’une
dilatation ventriculaire droite (RR = 2,3 ; IC 95 :
0,9-5,98) [7]. Plus récemment, C. Becattini et al.
ont inclus 460 patients avec une EP confirmée
par angioscanner multibarette. Cet examen était
également utilisé pour évaluer le retentissement
ventriculaire droit. Un rapport des diamètres télédiastoliques des ventricules droit et gauche (VD/VG)
≥ 0,9 définissait une dysfonction ventriculaire droite.
En analyse multivariée, la dysfonction ventriculaire
droite évaluée sur le scanner était associée au risque
de détérioration clinique ou de décès au cours de
l’hospitalisation (HR = 3,0 ; IC95 : 1,4-6,8) après ajustement sur l’âge et le sexe. Des résultats similaires
étaient retrouvés chez les sujets non choqués (8).
◆◆ L’appréciation du retentissement ventriculaire
droit par les marqueurs myocardiques :
BNP et troponine
Plusieurs études ont cherché à évaluer la valeur
pronostique d’une élévation du taux de Brain
Natriuretic Peptide (BNP) ou de NT-pro-BNP chez
les patients atteints d’EP. Trois méta-analyses ont
résumé leurs résultats (7, 9, 10). Deux d’entre elles,
qui concernaient des études ayant inclus des malades
avec ou sans état de choc, démontrent qu’une élévation du taux de BNP ou de NT-pro-BNP est associée
à une dysfonction ventriculaire droite et à un risque
plus élevé de mortalité précoce (respectivement,
OR = 7,6 [IC95 : 3,3-17,1] et OR = 6,2 [IC95 : 3,0-12,7])
et de complications (OR = 6,8 [IC95 : 4,4-10,5] et
OR = 6,7 [IC95 = 3,9-11,6]) [9, 10]. Des résultats
similaires étaient retrouvés chez les malades cliniquement stables (7).
La valeur pronostique de la troponine cardiaque chez
les malades atteints d’EP a fait l’objet de plusieurs
études. Ces résultats ont été résumés dans des
méta-analyses (7, 11). Ils démontrent qu’une élévation du taux de troponine I ou T est associée à une
augmentation du risque de mortalité précoce chez
les malades ayant une EP compliquée ou non d’état
de choc (OR = 5,2 ; IC95 : 3,3-8,4) [11]. Des résultats
similaires sont observés chez les malades cliniquement stables (RR = 8,3 ; IC95 : 3,6-19,3) [7]. De façon
intéressante, parmi les malades ayant un taux de
BNP ou NT-pro-BNP élevé, ceux qui présentent une
élévation de la troponine ont un risque accru de
mortalité précoce (OR = 8,0 ; IC95 : 3,0-21,4) et de
complications (OR = 13,3 ; IC95 : 2,4-74,2) [10].
◆◆ Utilisation combinée de ces outils pronostiques
Une étude multicentrique a inclus 570 patients
atteints d’EP qui avaient à l’admission une échocardiographie et un prélèvement sanguin pour mesure
centralisée du BNP, du NT-pro-BNP et de la troponine
I (12). Quarante-deux de ces patients ont présenté
une complication définie par la survenue d’un décès,
d’un état de choc ou d’une récidive thromboembolique dans les 30 jours suivant le diagnostic d’EP (12).
Le rapport VD/VG et les taux de BNP, de NT-pro-BNP
et de troponine étaient significativement plus élevés
chez les malades ayant présenté une complication.
De façon intéressante, les malades en état de choc
avaient un taux médian de BNP, de NT-pro-BNP et
de troponine I, et un rapport VD/VG élevé, mais qui
n’était pas significativement différent de celui des
patients présentant une complication. En revanche,
chez les patients stables hémodynamiquement, ces
taux étaient significativement plus élevés chez les
malades avec complication (12). En analyse multivariée, la confusion mentale, témoignant d’un bas
débit cérébral, l’état de choc, le cancer, le BNP et le
rapport VD/VG étaient les 5 facteurs de risque de
complication précoce indépendants retrouvés (12).
Des résultats similaires étaient observés chez les
malades non choqués. Ces résultats ont permis
d’élaborer un score.
Mots-clés
Embolie pulmonaire
Pronostic
BNP
Troponine
Fibrinolyse
Highlights
»» Short term prognosis of
pulmonary embolism depends
on haemodynamic status and
on underlying diseases. »» In normotensive patients
with pulmonary embolism,
the presence of isolated right
ventricular dysfunction is associated with an intermediate risk
of early death. These patients
need close monitoring and the
role of fibrinolysis is currently
assessed in a large trial.
»» High-risk pulmonary embolism is defined by shock and
represents a life-threatening
emergency with high shortterm mortality requiring rapid
non invasive diagnosis with
specific therapeutic strategy
with inotropic agents and
fibrinolysis.
Keywords
Pulmonary embolism
Prognosis
BNP
Troponin
Fibrinolysis
◆◆ Les D-dimères
Plusieurs études suggèrent que les D-dimères
pourraient avoir un intérêt pronostique. D. Aujesky
et al. ont inclus 366 patients avec une EP et ont
rapporté que les patients décédés à 30 jours
avaient un taux médian de D-dimères significativement plus élevé que les survivants (4 578 versus
2 946 ng/­ml ; p = 0,005) [13]. F.A. Klok et al. ont
analysé les données d’une cohorte de 674 patients
présentant une EP, parmi lesquels 262, avec une
probabilité clinique non forte, avaient eu un
dosage de D-dimères : un taux élevé de D-dimères
(> 3 000 ng/­ml) était associé à la présence d’une
EP proximale et à une mortalité précoce (14). Enfin,
J.L. Lobo et al. ont analysé les données relatives à
1 707 patients avec une EP et suivis 3 mois : la mortaLa Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 | 63
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Embolie pulmonaire grave
lité au quinzième jour augmentait avec le taux de
D-dimères et passait de 2,7 % dans le premier quartile (< 1 050 ng/ml) à 7 % dans le dernier quartile
(≥ 4 200 ng/ml) [15].
Toutefois, ces résultats doivent être interprétés
avec prudence car ils sont issus d’études diagnostiques dans lesquelles le dosage des D-dimères
était uniquement réalisé chez les patients ayant
une probabilité clinique d’EP non forte. L’intérêt
pronostique de ce dosage n’a donc pu être évalué
sur l’ensemble des patients avec une EP, ce qui en
limite l’utilité potentielle en pratique quotidienne.
Prise en charge
diagnostique
La mortalité de l’EP grave est particulièrement
élevée dans les premières heures. La rapidité du
diagnostic est donc un objectif prioritaire. Dans les
formes graves, la probabilité clinique est souvent
forte et la prévalence de l’EP est généralement supérieure à 70 %. Dans ce contexte, il est donc inutile
de doser les D-dimères. Positifs, ils n’ont aucune
spécificité, et un résultat négatif ne permettra pas
d’éliminer l’EP avec une sécurité suffisante. Le transport des malades hémodynamiquement instables
étant associé à un risque important de complications et de décès, le diagnostic au lit du malade
devra être privilégié. L’échographie cardiaque transthoracique, dont les performances diagnostiques
sont médiocres dans une population non sélectionnée susceptible d’avoir une EP, peut s’avérer
utile chez les malades instables. En effet, la mise en
évidence d’une dilatation des cavités droites chez un
patient sans antécédent cardiorespiratoire et avec
une forte probabilité clinique permet le plus souvent
une confirmation diagnostique au lit du malade.
En revanche, l’absence de dilatation des cavités
droites ne permet pas d’éliminer le diagnostic,
sauf si l’échocardiographie met en évidence un
diagnostic alternatif (infarctus du ventricule droit,
tamponnade péricardique, défaillance ventriculaire
gauche). La présence de thrombus dans les cavités
droites ou l’artère pulmonaire est exceptionnelle et
n’est pas nécessaire au diagnostic. Quand il existe
des signes de thrombose veineuse, une échographie
de compression des veines sus-poplitées peut être
réalisée au lit et confirmera le diagnostic. Chez les
patients stables, il faudra réaliser un angioscanner
spiralé ou une scintigraphie pulmonaire en cas
de contre-indication à l’injection de produit de
contraste iodé.
Traitement symptomatique
Oxygénothérapie et ventilation
mécanique
L’hypoxémie est en règle générale facilement corrigée
par l’oxygénothérapie nasale. Les indications de la
ventilation mécanique sont rares : il s’agit soit de
troubles de la conscience secondaires au bas débit,
soit d’un arrêt cardiorespiratoire. Un faible volume
courant et une pression expiratoire nulle sont utilisés
afin d’éviter une augmentation trop marquée des
pressions intrathoraciques.
Expansion volémique
L’utilisation de l’expansion volémique repose sur
l’application de la loi de Starling au ventricule droit.
Cependant, 2 phénomènes peuvent s’opposer au
bénéfice attendu : l’interdépendance ventriculaire,
qui risque de faire chuter la précharge ventriculaire gauche du fait de la compression des cavités
cardiaques gauches par les cavités droites dilatées,
et l’ischémie ventriculaire droite secondaire à la
diminution du gradient de perfusion coronaire droit
liée à l’augmentation des pressions ventriculaires
droites. Un remplissage modéré est donc recommandé (500 à 1 000 ml de sérum physiologique).
Inotropes
Les inotropes sont indiqués quand le choc persiste
malgré l’expansion volémique. La dobutamine
semble être la molécule la plus appropriée. L’utilisation de la noradrénaline est réservée à la persistance d’une hypotension artérielle profonde malgré
l’expansion volémique et la dobutamine à forte
dose (> 15 γ/kg/mn).
Traitement étiologique
Anticoagulation
La gravité du tableau impose, en l’absence de contreindication, de commencer le traitement dès que
le diagnostic est suspecté. Il n’y a pas de donnée
sur l’emploi des héparines de bas poids moléculaire
et du fondaparinux dans cette circonstance, ni sur
leur association avec un traitement fibrinolytique.
Il semble donc plus prudent d’utiliser l’héparine non
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fractionnée par voie i.v. à une posologie suffisante
pour obtenir une héparinémie entre 0,3 et 0,6 unité
anti-Xa (16).
Traitement fibrinolytique
Onze essais, 3 en double aveugle versus placebo
et 8 ouverts, ont comparé l’héparine et le traitement fibrinolytique dans des populations
restreintes (748 patients) et hétérogènes.
◆ Effets du traitement fibrinolytique sur
l’hémodynamique et l’obstruction vasculaire
pulmonaire
Le traitement fibrinolytique désobstrue l’artère
pulmonaire plus rapidement que l’héparine. Dans
une étude randomisée, l’obstruction vasculaire
pulmonaire, estimée par un score angiographique,
diminuait significativement de 28,3 ± 2,9 points
à 24,8 ± 5,2 points après 2 heures de traitement
par l’activateur tissulaire du plasminogène (rtPA)
alors qu’aucune modification n’était observée sous
héparine (17). Cette différence persistait 24 heures
après le début du traitement mais disparaissait au
bout de 7 jours (17). La désobstruction se traduisait
par une amélioration des paramètres hémodynamiques (baisse des résistances artérielles pulmonaires, de la pression artérielle pulmonaire moyenne
et amélioration de l’index cardiaque) sous rtPA, alors
qu’ils ne se modifiaient pas significativement sous
héparine (17).
◆ Complications hémorragiques
Les critères d’hémorragie majeure n’étaient pas
définis dans 6 essais et différaient sensiblement dans
les 5 études qui les décrivaient. Les complications
hémorragiques graves sont plus fréquentes chez
les patients fibrinolysés, mais la différence n’apparaît pas significative. La majorité des complications
graves sous fibrinolyse sont le fait des essais, qui
ont fait appel à des explorations invasives (angiographie et cathétérisme cardiaque droit) pendant
la fibrinolyse.
◆ Effet du traitement fibrinolytique
sur la mortalité
En présence d’un état de choc
Une seule étude a comparé fibrinolyse et héparine chez des malades atteints d’EP grave (18).
Les 8 premiers patients étaient tous en état de
choc à l’inclusion. Ceux qui ont reçu de l’héparine
sont décédés rapidement alors que les 4 malades
traités par streptokinase ont survécu, et l’essai a
été interrompu (18). Quatre essais ont inclus des
malades choqués mais également des malades
stables. La méta-analyse de ces 5 essais rapporte
une forte tendance, non significative, à la réduction
de mortalité hospitalière chez les malades fibrinolysés. Il faut combiner les récidives et la mortalité pour mettre en évidence une supériorité de la
fibrinolyse (OR = 0,45 ; IC95 : 0,22-0,92) [19]. En
l’absence d’études contrôlées de puissance suffisante, l’emploi du traitement fibrinolytique semble
justifié par l’importante mortalité observée chez les
malades atteints d’EP compliquée de choc. Même
si la mortalité est en partie liée au terrain sousjacent, l’état de choc est indépendamment associé
à un important excès de mortalité. Sachant que
les décès surviennent dans les premières heures
suivant l’admission et que la fibrinolyse réduit de
30 % les résistances pulmonaires en 3 heures, alors
que l’héparine ne modifie pas l’hémodynamique
dans les 24 premières heures, le niveau très élevé
de mortalité dans ce groupe de malades semble
justifier la légère augmentation des complications
hémorragiques graves induite par la fibrinolyse (2).
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En l’absence d’état de choc
Le plus grand essai comparant fibrinolyse et héparine
a inclus 256 malades atteints d’EP cliniquement
bien tolérée (20). Le taux de mortalité et d’escalade
thérapeutique (fibrinolyse secondaire, ou traitement inotrope), qui constituait le critère principal de
jugement, était plus élevé chez les malades traités
par héparine (24,6 % versus 11 % ; p = 0,006), en
raison d’un recours plus fréquent à la fibrinolyse
en deuxième intention, mais cette différence ne se
traduisait pas par une baisse de la mortalité (3,4 %
chez les malades fibrinolysés et 2,2 % sous héparine ;
p = non significatif) [20]. Toutefois, seuls 31 % des
patients avaient une défaillance droite établie sur
des critères échocardiographiques, ce qui explique la
faible mortalité du groupe contrôle. Dans la métaanalyse de S. Wan et al., qui porte sur les essais
ayant inclus des malades stables, la mortalité était
de 4,3 % après fibrinolyse et de 5,9 % sous héparine (OR = 1,16 ; IC95 : 0,44-3,05) [19].
Un essai multicentrique (étude PEITHO) est
actuellement en cours. Le recrutement de 1 100
malades cliniquement stables, atteints d’EP avec
une élévation de la troponine et une dilatation des
cavités droites devrait enfin permettre de répondre
à cette question. Dans l’attente des résultats de cet
essai, la fibrinolyse n’est pas recommandée chez les
patients stables. Elle peut être envisagée chez les
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mise au point
Embolie pulmonaire grave
Tableau. Contre-indications au traitement fibrinolytique.
Contre-indications absolues
• Hémorragie active
• Accident ischémique cérébral datant de moins de 2 mois
• Hémorragie intracrânienne
Contre-indications relatives
• Chirurgie majeure, accouchement, biopsie profonde, ponction d’un vaisseau non compressible
datant de moins de 10 jours
• Traumatisme datant de moins de 15 jours
• Neurochirurgie ou chirurgie ophtalmologique datant de moins de 1 mois
• Hypertension sévère (systolique > 180 mmHg, diastolique > 120 mmHg)
• Massage cardiaque prolongé
• Taux de plaquettes < 100 000/mm3
• Grossesse
• Endocardite
• Rétinopathie diabétique proliférative
patients avec une EP de gravité intermédiaire sans
contre-indication (même relative) à la fibrinolyse
(tableau) [2].
Désobstruction artérielle pulmonaire
mécanique
Elle ne se discute que chez les rares malades dont
l’état de choc persiste malgré le traitement symp-
tomatique et la fibrinolyse, ou lorsque celle-ci
est contre-indiquée. La technique de référence
reste l’embolectomie chirurgicale réalisée par un
abord direct de l’artère pulmonaire sous circulation extracorporelle. La mortalité opératoire reste
de l’ordre de 30 à 40 % et s’élève encore quand
un arrêt cardiaque est survenu avant l’intervention (21). L’embolectomie par cathéter peut être
réalisée au moyen d’appareillages divers. L’expérience clinique de ce type de procédure est le plus
souvent limitée. Ces méthodes n’ont jamais été
comparées à la poursuite du traitement symptomatique, et les séries publiées rassemblent de
faibles effectifs.
Place de l’interruption de la veine cave
inférieure
Les indications de l’interruption de la veine cave
n’ont aucune particularité dans les EP graves et
sont réservées aux EP (avec ou sans thrombose
veineuse détectée) avec contre-indication absolue
aux anticoagulants et aux récidives sous traitement bien conduit (2).
■
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