La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 | 63
Points forts
»
Le pronostic de l’embolie pulmonaire est lié à sa tolérance hémodynamique et au terrain sur lequel elle
survient. En l’absence d’état de choc, la présence d’une dysfonction ventriculaire droite isolée définit les
embolies pulmonaires de gravité intermédiaire.
»
La létalité de l’embolie pulmonaire grave est particulièrement élevée, surtout dans les premières heures
suivant l’admission à l’hôpital. Le diagnostic doit être rapide, non invasif et réalisé au lit du malade en
cas d’instabilité clinique.
»
Sauf contre-indication, la prise en charge de ces formes graves associe traitement symptomatique,
héparine et fibrinolyse. La situation des embolies de gravité intermédiaire est plus confuse. La puissance
des études disponibles ne permet ni d’affirmer ni d’exclure un bénéfice cliniquement significatif de la
fibrinolyse dans cette circonstance.
Mots-clés
Embolie pulmonaire
Pronostic
BNP
Troponine
Fibrinolyse
Highlights
»
Short term prognosis of
pulmonary embolism depends
on haemodynamic status and
on underlying diseases.
»
In normotensive patients
with pulmonary embolism,
the presence of isolated right
ventricular dysfunction is asso-
ciated with an intermediate risk
of early death.These patients
need close monitoring and the
role of fibrinolysis is currently
assessed in a large trial.
»
High-risk pulmonary embo-
lism is defined by shock and
represents a life-threatening
emergency with high short-
term mortality requiring rapid
non invasive diagnosis with
specific therapeutic strategy
with inotropic agents and
fibrinolysis.
Keywords
Pulmonary embolism
Prognosis
BNP
Troponin
Fibrinolysis
RR de mortalité hospitalière en présence d’une
dilatation ventriculaire droite (RR = 2,3 ; IC
95
:
0,9-5,98) [7]. Plus récemment, C. Becattini et al.
ont inclus 460 patients avec une EP confirmée
par angioscanner multibarette. Cet examen était
également utilisé pour évaluer le retentissement
ventriculaire droit. Un rapport des diamètres télé-
diastoliques des ventricules droit et gauche (VD/VG)
≥ 0,9 définissait une dysfonction ventriculaire droite.
En analyse multivariée, la dysfonction ventriculaire
droite évaluée sur le scanner était associée au risque
de détérioration clinique ou de décès au cours de
l’hospitalisation (HR = 3,0 ; IC95 : 1,4-6,8) après ajus-
tement sur l’âge et le sexe. Des résultats similaires
étaient retrouvés chez les sujets non choqués (8).
◆L’appréciation du retentissement ventriculaire
droit par les marqueurs myocardiques :
BNP et troponine
Plusieurs études ont cherché à évaluer la valeur
pronostique d’une élévation du taux de Brain
Natriuretic Peptide (BNP) ou de NT-pro-BNP chez
les patients atteints d’EP. Trois méta-analyses ont
résumé leurs résultats (7, 9, 10). Deux d’entre elles,
qui concernaient des études ayant inclus des malades
avec ou sans état de choc, démontrent qu’une éléva-
tion du taux de BNP ou de NT-pro-BNP est associée
à une dysfonction ventriculaire droite et à un risque
plus élevé de mortalité précoce (respectivement,
OR = 7,6 [IC
95
: 3,3-17,1] et OR = 6,2 [IC
95
: 3,0-12,7])
et de complications (OR = 6,8 [IC
95
: 4,4-10,5] et
OR = 6,7 [IC
95
= 3,9-11,6]) [9, 10]. Des résultats
similaires étaient retrouvés chez les malades clini-
quement stables (7).
La valeur pronostique de la troponine cardiaque chez
les malades atteints d’EP a fait l’objet de plusieurs
études. Ces résultats ont été résumés dans des
méta-analyses (7, 11). Ils démontrent qu’une éléva-
tion du taux de troponine I ou T est associée à une
augmentation du risque de mortalité précoce chez
les malades ayant une EP compliquée ou non d’état
de choc (OR = 5,2 ; IC
95
: 3,3-8,4) [11]. Des résultats
similaires sont observés chez les malades clinique-
ment stables (RR = 8,3 ; IC95 : 3,6-19,3) [7]. De façon
intéressante, parmi les malades ayant un taux de
BNP ou NT-pro-BNP élevé, ceux qui présentent une
élévation de la troponine ont un risque accru de
mortalité précoce (OR = 8,0 ; IC95 : 3,0-21,4) et de
complications (OR = 13,3 ; IC95 : 2,4-74,2) [10].
◆Utilisation combinée de ces outils pronostiques
Une étude multicentrique a inclus 570 patients
atteints d’EP qui avaient à l’admission une échocar-
diographie et un prélèvement sanguin pour mesure
centralisée du BNP, du NT-pro-BNP et de la troponine
I (12). Quarante-deux de ces patients ont présenté
une complication définie par la survenue d’un décès,
d’un état de choc ou d’une récidive thromboembo-
lique dans les 30 jours suivant le diagnostic d’EP (12).
Le rapport VD/VG et les taux de BNP, de NT-pro-BNP
et de troponine étaient significativement plus élevés
chez les malades ayant présenté une complication.
De façon intéressante, les malades en état de choc
avaient un taux médian de BNP, de NT-pro-BNP et
de troponine I, et un rapport VD/VG élevé, mais qui
n’était pas significativement différent de celui des
patients présentant une complication. En revanche,
chez les patients stables hémodynamiquement, ces
taux étaient significativement plus élevés chez les
malades avec complication (12). En analyse multi-
variée, la confusion mentale, témoignant d’un bas
débit cérébral, l’état de choc, le cancer, le BNP et le
rapport VD/VG étaient les 5 facteurs de risque de
complication précoce indépendants retrouvés (12).
Des résultats similaires étaient observés chez les
malades non choqués. Ces résultats ont permis
d’élaborer un score.
◆Les D-dimères
Plusieurs études suggèrent que les D-dimères
pourraient avoir un intérêt pronostique. D. Aujesky
et al. ont inclus 366 patients avec une EP et ont
rapporté que les patients décédés à 30 jours
avaient un taux médian de D-dimères significati-
vement plus élevé que les survivants (4 578 versus
2 946 ng/ ml ; p = 0,005) [13]. F.A. Klok et al. ont
analysé les données d’une cohorte de 674 patients
présentant une EP, parmi lesquels 262, avec une
probabilité clinique non forte, avaient eu un
dosage de D-dimères : un taux élevé de D-dimères
(> 3 000 ng/ ml) était associé à la présence d’une
EP proximale et à une mortalité précoce (14). Enfin,
J.L. Lobo et al. ont analysé les données relatives à
1 707 patients avec une EP et suivis 3 mois : la morta-
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