L Growing teratoma syndrome : une longue histoire qui se règle au scalpel

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histoire
Growing teratoma syndrome :
une longue histoire
qui se règle au scalpel
P. Beuzeboc1, S. Ropert2, P. Bonnichon3, A. Chapelier4, F. Goldwasser2
L
e Growing Teratoma Syndrome (GTS) est rare. Il
a été décrit la première fois il y a près de 30 ans
(1982) par C.J. Logothetis et al. (1), à propos de
6 cas de récidives présumées au départ réfractaires à la
chimiothérapie et limitées lors de l’exérèse des masses
tumorales à la présence d’un tératome mature sans
cellules malignes.
Observation
En 1996, un patient âgé de 23 ans est traité en Roumanie
pour une tumeur germinale non séminomateuse du
testicule gauche, avec d’emblée des adénopathies
lombo-aortiques. Il reçoit 4 cycles de BEP entre juillet
et septembre 1996 sans chirurgie d’exérèse des masses
résiduelles. Il est perdu de vue entre 1996 et 2000, et
vient en France en décembre 2000. Son état général est
très altéré, avec une distension abdominale majeure. Au
toucher rectal, on retrouve même la partie inférieure
des masses tumorales.
Les AFP sont élevées (148 μg/l) ainsi que les β-HCG
(0,8 µg/­l). Les sérologies VIH, hépatites C et B sont négatives.
La ponction d’ascite retrouve un liquide exsudatif
(protides = 53 g/l), sans éléments cytologiques
­suspects.
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien montre l’occupation de l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne
par de volumineuses masses kystisées refoulant tous
les organes de voisinage (images). Il n’y a pas de
métastases hépatiques, pulmonaires ou osseuses.
Une chimiothérapie de rattrapage par 4 cycles de
VIP va permettre de normaliser les marqueurs, sans
modification très mesurable des volumineuses lésions
kystiques abdomino-pelviennes. Il est décidé de réaliser une exérèse maximale des lésions. Il sera retiré,
en août 2001, par laparotomie, une masse de 18 kg
développée aux dépens du mésentère, correspondant
à l’histologie du tératome mature sans cellules tumorales viables. Les suites seront compliquées d’une
occlusion du grêle à J17. En août 2002, le patient
est de nouveau opéré − alors que les marqueurs
sont restés normaux − d’une récidive ganglionnaire
latéro-aortique gauche avec cure d’éventration et
mise en place d’une plaque de Mersuture. En 2003,
est réalisée l’exérèse d’une masse médiastinale de
Département d’­oncologie
médicale, Institut Curie,
Paris.
1
Service d’oncologie,
hôpital Cochin, Paris.
2
Service de chirurgie
digestive, hôpital Cochin,
Paris.
3
Service de chirurgie
thoracique, hôpital Foch,
Suresnes.
4
Images. Coupes de scanner abdomino-pelvien montrant les volumineuses masses kystiques occupant la majorité de la cavité abdomino-pelvienne.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011
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histoire
✓✓ une normalisation des marqueurs (AFP, HCG) ;
✓✓ une composante prédominante de tératome mature.
5 cm de l’espace infra-médiastinal postérieur. En
juillet 2008, le patient est réopéré d’une récidive
para-aortique gauche de 5 cm × 3,8 cm. Les nombreuses adhérences ont rendu difficile l’opération et
l’accolement à l’­uretère gauche a imposé l’aide d’un
urologue. En juin 2009, une dernière intervention pour
récidive ganglionnaire sus-claviculaire mesurant 3 cm
de diamètre permet de retrouver une nouvelle fois
une masse tumorale kystisée présentant les caractéristiques morphologiques d’un tératome mature.
Le patient est actuellement en rémission complète
et poursuit une surveillance annuelle clinique, biologique et scanographique.
Les sites peuvent être multiples : rétropéritonéaux,
médiastino-pulmonaires (4) mais aussi inguinaux,
périto­néaux, etc. Le taux de croissance peut être très
variable. Dans la série du MD Anderson Cancer Center,
le taux de croissance médian était estimé à 0,7 cm par
mois (ou encore 12,9 cc par mois). Dans certains cas,
un aspect typique kystique du tératome apparaît.
Le tératome mature peut croître pendant et après la
chimiothérapie.
Le traitement est chirurgical (5, 6). Chez la majorité
des patients, cette approche est curative, confirmant
l’absence de rechute en cas de résection adéquate.
À l’exception des autres équipes, P. Maroto et al. (7) ont
décrit un taux de récidive non négligeable, conduisant
à insister sur la nécessité d’une qualité d’exérèse ; dans
le cas contraire, on s’expose à une reprise tumorale
mettant en jeu le pronostic vital (8).
Les patients doivent avoir normalisé les marqueurs
tumoraux (AFP et HCG). Il n’y a pas de taille ou de croissance des masses résiduelles pour définir le GTS. Si le
PET scan peut avoir une valeur d’orientation (9), l’exérèse
s’impose quel que soit son résultat selon les consensus
européens (10). Les difficultés chirurgicales potentielles
du fait de reprises en territoires déjà opérés avec adhérences aux organes de voisinage rendent nécessaire le
recours à des équipes chirurgicales spécialisées. Enfin,
il est important d’effectuer une surveillance au long
cours en raison du risque de rechute tardive (11). ■
Discussion
Cette observation est assez remarquable par l’atteinte
péritonéale initiale qui reste exceptionnelle (2), par
la lenteur de l’évolution et le nombre de résections
chirurgicales qui ont été nécessaires pour obtenir une
rémission complète durable 15 ans après la prise en
charge initiale.
Le GTS est un syndrome qui reste peu fréquent, avec
9 cas rapportés par P.E. Spiess et al. (3) en 25 ans au MD
Anderson Cancer Center, ce qui représente 2 % des cas
de cancer du testicule durant cette période.
Cette entité est fondée sur 3 critères :
✓✓ une lésion métastatique qui augmente en taille pendant ou après la chimiothérapie chez les patients avec
une tumeur germinale non séminomateuse ;
Références
1. Logothetis CJ, Samuels ML, Trindade A et al. The growing
5. Tongaonkar HB, Deshmane VH, Dalal AV et al. Growing
2. Andre F, Fizazi K, Culine S et al. Peritoneal carcinomatosis
6. Jeffery GM, Theaker JM, Lee AH et al. The growing teratoma
teratoma syndrome. Cancer;1982;50(8):1629-35.
in germ-cell tumor: relations with retroperitoneal lymph node
dissection. Am J Clin Oncol 2000;23(5):460-2.
teratoma syndrome. J Surg Oncol 1994;55(1):56-60.
syndrome. Br J Urol 1991;67(2):195-202.
3. Spiess PE, Kassouf W, Brown GA et al. Surgical management
7. Maroto P, Tabernero JM, Villavicencio H et al. Growing
of growing teratoma syndrome: the MD Anderson cancer
center expérience. J Urol 2007;177(4):1330-4.
teratoma syndrome: experience of a single institution. Eur
Urol 1997;32(3):305-9.
4. Basheda SG, Gephardt G, Meeker DP. The growing teratoma
8. Karam JA, Raj GV. Growing teratoma syndrome. Urology
syndrome. Chest 1991;100(1):259-60.
2009;74(4):783-4.
9. Aide N, Comoz F, Sevin E. Enlarging residual mass after treatment of a non seminomatous germ cell tumor: growing teratoma
syndrome or cancer recurrence? J Clin Oncol 2007;25(28):4494-6.
10. Schmoll HJ, Jordan K, Huddart R et al.; ESMO Guidelines
Working Group. Testicular non-seminoma: ESMO Clinical
Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up.
Ann Oncol 2010;21(Suppl. 5):v147-54.
11. André F, Fizazi K, Culine S et al. The growing teratoma
syndrome: results of therapy and long-term follow-up of
33 patients. Eur J Cancer 2000;36(11):1389-94.
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