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Médecine
& enfance
Place des antiémétiques dans la prise en charge
des gastroentérites aiguës du jeune enfant
Compte rendu de la présentation de P. Foucaud, centre hospitalier de Versailles, lors du séminaire de gastroentérologie et nutrition pédiatriques organisé
par le service du Pr Cézard, hôpital Robert-Debré, Paris
Rédaction : H. Collignon
Les antiémétiques sont assez largement utilisés en médecine
ambulatoire dans les gastroentérites aiguës (GEA) de l’enfant.
Les plus prescrits, les inhibiteurs de la dopamine, ont été paradoxalement assez peu étudiés dans cette indication et sont
de plus grevés de nombreux effets secondaires.
L’ondansétron, antagoniste des récepteurs 5-HT3 à la sérotonine, a fait l’objet de plusieurs études qui rendent des résultats contrastés mais attestent toutefois une certaine efficacité
du produit, aujourd’hui génériqué, dans les vomissements des
GEA. Des travaux multicentriques complémentaires sont nécessaires pour en définir plus précisément les indications.
a réhydratation avec des solutés
de réhydratation orale (SRO) reste le traitement de première intention de la gastroentérite aiguë. Cette
thérapeutique dotée d’un rapport coûtefficacité excellent et d’une tolérance
remarquable a permis de sauver de très
nombreuses vies d’enfants dans le monde (40 millions selon les estimations).
Ainsi, pour le Lancet, les SRO constituent la plus importante découverte
médicale du 20e siècle. La mise à disposition des SRO n’a toutefois pas résolu
tous les problèmes, et la déshydratation
aiguë au cours des GEA reste actuellement la deuxième cause de mort évitable chez le nourrisson, essentiellement en période automno-hivernale. La
raison essentielle en est précisément la
sous-utilisation des SRO. S’y ajoutent
les difficultés d’administration, qui sont
liées au refus de boire, à l’altération de
l’état de conscience en cas de déshydratation aiguë sévère et enfin aux vomissements, très fréquents chez l’enfant de
moins de trois ans. A cet âge, les vomissements sont inauguraux dans 75 % des
cas environ. Pour faciliter la prise de
SRO en cas de vomissements, il est
conseillé de proposer le soluté réfrigéré
et de façon fractionnée. Mais ces me-
L
sures sont souvent insuffisantes, notamment lorsque la limitation de l’appétit et
les vomissements répétés entraînent
une cétose de jeûne. C’est la raison pour
laquelle les antiémétiques sont fréquemment prescrits en médecine ambulatoire, aux urgences hospitalières comme en ville.
UNE PRESCRIPTION
D’ANTIÉMÉTIQUES
DANS 2 À 23 % DES GEA
DE L’ENFANT
Dans une étude récente concernant différents pays européens ainsi que le Canada et les Etats-Unis, des auteurs allemands ont analysé la fréquence et les
habitudes de prescription (durant l’année 2005) des antiémétiques chez des
enfants âgés de zéro à neuf ans atteints
de GEA [1]. Ils ont retrouvé un taux de
prescription variable selon les pays,
compris entre 2 et 23 % : 23 % aux
Etats-Unis, 17 % en Allemagne, 17 % en
France (75 % si les vomissements
étaient importants), 15 % en Espagne,
11 % en Italie, 3 % au Canada, 2 % au
Royaume-Uni, soit un total d’environ
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2,2 millions d’enfants par an traités par
des antiémétiques.
Les produits les plus prescrits en France
sont le dompéridone, le métoclopramide et la métopimazine. Aux Etats-Unis,
les médecins recourent largement
(92 %) à la prométhazine. La prescription d’ondansétron, seul médicament
dont l’activité antiémétique est prouvée,
reste marginale (3 % des prescriptions
d’antiémétiques aux Etats-Unis, 6 % au
Royaume-Uni). Ainsi, paradoxalement,
la prescription d’antiémétiques chez
l’enfant est le plus souvent une prescription hors AMM de molécules qui ont été
très peu étudiées dans cette indication
et qui sont en pratique inefficaces ou
très peu efficaces. Ils sont par ailleurs
grevés de nombreux effets secondaires :
hyporéactivité, dystonie, dyskinésie,
opisthotonos, crise oculogyres. En 1996,
l’Académie américaine de pédiatrie a recommandé de ne pas recourir aux antiémétiques dans les GEA.
En France, l’Afssaps (Agence française
de sécurité sanitaire des produits de
santé) a mené une enquête sur cinq ans,
entre janvier 1997 et décembre 2002,
portant sur les effets secondaires (en
particulier le syndrome extrapyramidal) des antiémétiques prescrits chez
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les enfants de moins de quinze ans. L’incidence a été estimée à 11 cas/100 000.
Dans 70 % des cas, ces effets secondaires ont conduit à l’hospitalisation.
Un surdosage était en cause dans globalement 86 % des cas et dans 100 % des
cas chez les nourrissons de moins de
deux ans. L’évolution a toujours été favorable. En 2006, une mise à jour de
l’Afssaps sur le métoclopramide a confirmé les données de 2002, soulignant
le risque de mésusage du produit, lié à
l’utilisation de formes galéniques
inadaptées et au non-respect de la posologie recommandée et/ou de l’intervalle
entre les prises, et pouvant induire la
survenue d’effets indésirables neurologiques [2]. Dans une lettre aux prescripteurs adressée aux médecins en juillet
2007, le laboratoire Sanofi-Aventis a
rappelé, en accord avec l’Afssaps, que le
Primpéran® 2,6 mg/ml enfants et nourrissons solution buvable était la seule
forme pharmaceutique autorisée chez
l’enfant et le nourrisson dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements non induits par les antimitotiques. Chaque prise, était-il précisé,
ne doit pas dépasser 1 goutte/kg, la posologie maximale étant de 4 gouttes/kg
à répartir dans la journée en respectant
un intervalle de temps minimum d’au
moins six heures entre chaque prise
(même en cas de rejet total ou partiel
de la dose administrée).
ONDANSÉTRON :
LES ÉTUDES RENDENT DES
RÉSULTATS CONTRASTÉS
Autre antiémétique, l’ondansétron (Zophren®), commercialisé depuis 1990,
est un antagoniste des récepteurs 5HT3 à la sérotonine. Il est indiqué pour
la prévention et le traitement des vomissements induits par la chimiothérapie cytotoxique et des vomissements
postopératoires. Il est rapidement absorbé par la muqueuse gastro-intestinale après prise orale ; sa tolérance est
bonne, ses effets secondaires les plus
fréquents sont des céphalées, des vertiges, un syndrome extrapyramidal, une
constipation, plus rarement des
troubles du rythme, un allongement de
l’intervalle QT. Le produit est disponible en générique depuis mars 2007.
L’intérêt de l’ondansétron dans les GEA
a été évalué dans cinq études contrôlées, randomisées contre placebo (dont
quatre soutenues par GSK). L’ondansétron a été utilisé par voie intraveineuse
dans deux études, par voie orale dans
les trois autres. L’étude princeps réalisée
en 1997 [3] a porté sur 36 enfants âgés
de six mois à huit ans hospitalisés pour
GEA liée à une infection par adénovirus,
rotavirus ou d’origine bactérienne. Ces
enfants ont été répartis en trois groupes
recevant par voie intraveineuse une dose unique d’ondansétron (0,3 mg/kg),
de métoclopramide (0,3 mg/kg) ou d’un
placebo. Tous ces enfants ont bénéficié
par ailleurs d’une réhydratation par voie
orale pendant quatre heures. Durant les
vingt-quatre premières heures, le
nombre moyen de vomissements a été
significativement plus élevé (n = 5)
chez les enfants sous placebo que chez
les enfants sous ondansétron (n = 2), et
la proportion de patients qui n’avaient
plus aucun vomissement était significativement plus importante dans le groupe
ondansétron (58 %) que dans le groupe
placebo (17 %). Les échecs du traitement étaient moindres avec l’ondansétron (17 %) qu’avec le placebo (33 %)
ou le métoclopramide (42 %). Une aggravation de la diarrhée a été observée
dans les deux groupes traités par antiémétiques. Les auteurs concluent à la
supériorité de l’ondansétron sur le placebo dans la prévention des vomissements associés à une gastroentérite aiguë chez l’enfant.
La deuxième étude [4], randomisée en
double aveugle contre placebo, a inclus
107 patients âgés de un mois à vingtdeux ans (âge moyen : 5,3 ans) présentant une GEA et recevant soit de l’ondansétron par voie intraveineuse (n
= 54), soit un placebo (n = 53). Une
disparition des vomissements a été notée chez 70 % des enfants du groupe
ondansétron et chez 51 % de ceux du
groupe placebo. Une hospitalisation
s’est avérée nécessaire pour 30 % des
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patients du groupe ondansétron et pour
26 % de ceux du groupe placebo. La différence n’est pas significative.
Une étude menée au Texas Chidren’s
Hospital de Houston et publiée la même
année [5] a porté sur 145 enfants âgés de
six mois à douze ans présentant une
GEA avec au moins cinq vomissements
par vingt-quatre heures. Ces enfants ont
reçu soit un traitement par ondansétron
soluté buvable, soit un placebo, associé
pendant vingt-quatre heures à une réhydratation orale par SRO relayée par un
régime antidiarrhéique (une réhydratation par perfusion était instituée si l’enfant refusait le SRO ou présentait plus
de trois vomissements). Après la sortie
de l’hôpital, le nombre d’épisodes de vomissements a été évalué par téléphone à
H24 et H48. L’ondansétron a eu un impact supérieur à celui du placebo sur les
vomissements durant le séjour aux urgences ; après la sortie, en revanche, il
n’existait plus aucune différence significative entre les deux groupes. Le recours
à une perfusion a été moins fréquent
dans le groupe ondansétron que dans le
groupe placebo (respectivement 8 et
22 %), de même que la nécessité d’une
hospitalisation (respectivement 2 % et
16 %). Les faiblesses de cette étude doivent toutefois être notées : l’étude portait sur un effectif relativement réduit ;
la population incluse était mal ciblée
puisque 90 % des enfants du groupe placebo était âgés de un à douze ans ; la
diarrhée ne faisait pas partie des critères
d’inclusion dans l’étude ; l’efficacité de
l’ondansétron était limitée aux vomissements présentés par l’enfant durant son
séjour aux urgences.
Dans une autre étude [6], l’ondansétron
a été comparé à un placebo chez 214
enfants âgés de six mois à dix ans qui
étaient traités aux urgences pour GEA
et déshydratation. Le traitement médicamenteux était associé à une réhydratation par SRO durant une heure ou, si
nécessaire, à une réhydratation par perfusion intraveineuse. Chacun des deux
groupes comprenait 107 enfants âgés
en moyenne de deux ans. La proportion
d’enfants qui ont présenté des vomissements durant la réhydratation orale a
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été plus faible dans le groupe ondansétron (14 %) que dans le groupe placebo
(35 %). Une réhydratation par voie intraveineuse s’est avérée nécessaire pour
14 % des enfants du groupe ondansétron et 31 % de ceux du groupe placebo. Aucune différence significative
entre les deux groupes n’a été notée
pour le taux d’hospitalisation ou de
nouvelle consultation aux urgences. Enfin, la diarrhée était plus importante
chez les enfants sous ondansétron. Cette étude accuse également des faiblesses méthodologiques (score de DHA
non valide, protocole de réhydratation
en une heure au lieu des quatre recommandées…).
La dernière étude en date [7] a inclus
106 enfants âgés de un à dix ans (âge
moyen : 3,8 ans) présentant une GEA et
traités par une dose orale (0,15 mg/kg)
d’ondansétron (n = 51) ou recevant un
placebo (n = 55). Une réhydratation
par perfusion a été nécessaire pour 11
des 51 enfants du groupe ondansétron
(22 %) et 30 des 55 enfants du groupe
placebo (54 %). 3 enfants (5,9 %) du
groupe ondansétron et 7 du groupe placebo (12,7 %) ont dû être hospitalisés.
Le suivi par téléphone atteste une évolution équivalente (absence de vomissements) dans les deux groupes. Là encore, les enfants sous ondansétron ont
présenté une diarrhée plus importante
que ceux recevant un placebo. Cette
étude présente des faiblesses méthodologiques du même ordre que celles citées précédemment.
Au total, les antiémétiques, notamment
les inhibiteurs de la dopamine, ont été
relativement peu étudiés dans les vomissements des gastroentérites de l’enfant. Ils sont inefficaces ou peu efficaces
dans cette indication et sont, de plus,
grevés de nombreux effets adverses.
L’ondansétron apparaît en revanche
bien toléré. Il semble avoir une certaine
efficacité vis-à-vis des vomissements,
permettant ainsi de faciliter la réhydratation orale et de diminuer le recours
aux perfusions IV. Toutefois, les données disponibles à ce jour n’autorisent
pas à émettre une recommandation.
Des études prospectives multicentriques aux urgences sont nécessaires
pour déterminer la population cible susceptible de bénéficier de cette prescription. L’aggravation de la diarrhée en cas
de recours aux antiémétiques est retrouvée dans chacun des travaux publiés. Cela suggère que les vomissements initiaux d’une GEA constituent
un mécanisme d’adaptation tendant à
réduire la charge toxinique ou virale,
jusqu’à ce qu’ils évoluent pour leur
propre compte (cétose de jeûne).
Références
GUARIGUATA J., SEIJAS J., MILLER I.A., PASKA W. : « Antiemetic activity of ondansetron in acute gastroenteritis », Aliment.
Pharmacol. Ther., 1997 ; 11 : 185-91.
[4] REEVES J.J., SHANNON M.W., FLEISHER G.R. : « Ondansetron decreases vomiting associated with acute gastroenteritis : a
randomized, controlled trial », Pediatrics, 2002 ; 4 : e62.
[5] RAMSOOK C., SAHAGUN-CARREON I., KOZINETZ C.A.,
MORO-SUTHERLAND D. : « A randomized clinical trial comparing oral ondansetron with placebo in children with vomiting
from acute gastroenteritis », Ann. Emerg. Med., 2002 ; 39 : 397403.
[6] FREEDMAN S.B., ADLER M., SESHADRI R., POWELL E.C. :
« Oral ondansetron for gastroenteritis in a pediatric emergency
department », N. Engl. J. Med., 2006 ; 354 : 1698-705.
[7] ROSLUND G., HEPPS T.S., MCQUILLEN K.K. : « The role of
oral ondansetron in children with vomiting as a result acute gastritis/gastroenteritis who have failed oral rehydratation therapy : a
randomized controlled trial », Ann. Emerg. Med., 2008 ; 52 : 22-9.
[1] PFEIL N., UHLIG U., KOSTEV K., CARIUS R., SCHRÖDER H.,
KIESS W., UHLIG H.H. : « Antiemetic medications in children with
presumed infectious gastroenteritis. Pharmacoepidemiology in
Europe and North America », J. Pediatr., 2008 ; 153 : 659-62.
[2] Communiqué Afssaps, juillet 2007, www.afssaps.fr.
[3] CUBEDDU L.X., TRUJILLO L.M., TALMACIU I., GONZALEZ V.,
CONCLUSION
SERVICE DE DERMATOLOGIE DE L’HÔPITAL NECKER-ENFANTS MALADES
Staffs de dermatologie pédiatrique
ouverts aux pédiatres de ville
le prochain staff aura lieu le lundi 28 septembre 2009 de 9 h à 12 h
à l’amphithéâtre du pavillon Robert-Debré
Le but est de discuter de cas cliniques à messages très concrets, didactiques, et de refaire un point d’actualité
sur les dermatoses courantes de l’enfant.
La discussion de ces cas cliniques est précédée par un exposé de mise au point sur une pathologie précise.
La dernière partie du staff est consacrée à la discussion d’une ou deux observations, soumises par les
participants, et qui posent un problème de diagnostic ou de prise en charge thérapeutique.
Ceux d’entre vous qui souhaiteraient présenter une observation peuvent le proposer (au moins un mois à
l’avance) au Pr Christine Bodemer ([email protected]).
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