
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 495
MISE AU POINT
la morphine orale ou l’oxycodone et d’adapter les
posologies de façon progressive en fonction de l’ef-
ficacité sur la douleur et de la tolérance. Cela peut
être réalisé :
➤avec de la morphine ou de l’oxycodone à libéra-
tion immédiate, par voie orale, de préférence jusqu’à
ce que le patient soit soulagé (avec ensuite un relais
par une forme à libération prolongée, si cela est plus
pratique pour le patient) ; pour la morphine, la dose
initiale recommandée pour commencer un traitement
de fond est de 10 mg par prise toutes les 4 heures,
soit 60 mg/j (posologie à adapter chez les patients
fragiles par une réduction des doses ou un espace-
ment des prises), plus des interdoses supplémentaires
allant de 1/10 (de préférence) à 1/6 de la dose jour-
nalière, toutes les heures en fonction des besoins,
sans dépasser 6 doses par 24 heures (10). Lorsque
la douleur est contrôlée pendant 2 à 3 jours, il est
possible de proposer un traitement par morphine
à libération prolongée avec une prise toutes les
12 heures ou toutes les 24 heures (10) ;
➤
d’emblée avec de la morphine ou de l’oxycodone
à libération prolongée associée à des interdoses de
morphine ou d’oxycodone à libération immédiate
allant de 1/10 (de préférence) à 1/6 de la dose jour-
nalière en cas d’accès douloureux (3, 10). Dans ce cas,
il est recommandé de commencer par une dose de
30 mg matin et soir de morphine ou de 10 à 20 mg
d’oxycodone. En cas de douleurs persistantes, le
patient pourra prendre une interdose (de 5 à 10 mg
de morphine à libération immédiate ou 5 mg d’oxy-
codone) toutes les heures, sans dépasser 6 prises par
24 heures, avec une dose adaptée en fonction de la
dose journalière d’opioïdes. Si le patient présente
aussi des accès aigus paroxystiques, un traitement
spécifique associé au traitement de fond est recom-
mandé (10).
Les patients doivent être informés du risque de
survenue de certains effets indésirables, en parti-
culier la constipation, les nausées et la somnolence.
La constipation peut être évitée avec un traitement
laxatif systématique associé à des mesures hygiéno-
diététiques, et les nausées et vomissements par un
traitement spécifique (après avoir éliminé les autres
causes possibles).
Patients recevant déjà un traitement
par opioïdes
Chez un patient déjà traité par opioïdes forts et
toujours douloureux, et après vérification de l’ob-
servance et de l’adéquation de la posologie des inter-
doses, une réévaluation clinique de la douleur doit
être réalisée afin de rechercher d’autres causes éven-
tuelles (en particulier une douleur neuropathique
pouvant expliquer le manque partiel d’efficacité du
traitement opioïde). Toute modification du caractère
de la douleur (intensité, fréquence) doit amener à
rechercher une évolution de la maladie cancéreuse,
notamment métastatique, surtout devant une diffi-
culté d’équilibration du traitement.
En cas de résistance ou d’intolérance au traitement
opioïde, il y a plusieurs possibilités :
➤
adapter le traitement avec de la morphine ou de
l’oxycodone à libération immédiate, plus simple et
plus rapide que la morphine à libération prolongée ;
➤
remplacer l’opioïde par un autre (rotation des
opioïdes), à dose équiantalgique (10). D’un point
de vue pratique, compte tenu du recours possible
aux interdoses, il est toujours conseillé de privilé-
gier la sécurité à la rapidité d’action en prenant la
valeur la plus faible des coefficients de conversion
(10). Une rotation des opioïdes est aussi indiquée en
cas d’effets indésirables incontrôlables associés au
traitement opioïde fort. La tolérance croisée entre
opioïdes étant partielle ou inexistante, remplacer un
opioïde par un autre permet souvent un nouveau
contrôle satisfaisant de la douleur, sans néces-
sairement augmenter la dose équiantalgique. Le
schéma de rotation dépend de la pharmacologie
et de la galénique des opioïdes prescrits, et le choix
de l’opioïde de remplacement est laissé à la liberté
du prescripteur.
Traitement opioïde et accès douloureux
paroxystique (3)
Bien qu’il existe des traitements spécifiques à action
rapide (citrate de fentanyl transmuqueux), dont
l’avantage est d’avoir une cinétique adaptée au profil
du pic douloureux, les accès douloureux paroxys-
tiques sont encore insuffisamment diagnostiqués et
insuffisamment traités. Devant un épisode doulou-
reux, il convient, dans un premier temps, de rappeler
l’importance de l’évaluation de la douleur pour
personnaliser la prise en charge médicamenteuse.
La seconde étape est l’instauration d’un traitement
avec profil cinétique adapté aux caractéristiques
temporelles des accès douloureux paroxystiques ; les
nouvelles formes galéniques disponibles répondent
à ces critères, permettant d’offrir aux patients une
analgésie proche de celle procurée par la PCA (anal-
gésie autocontrôlée par le patient) : administration
autonome de doses supplémentaires, possibilité
de prévention d’un épisode de douleur récurrent,
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Références
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