L Douleurs chez un patient atteint de cancer et bon usage des opioïdes

La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 491
MISE AU POINT
Douleurs chez un patient
atteint de cancer et bon usage
des opioïdes
Opioids in cancer pain, state of art
P. Poulain 1, C. Delorme 2, M. Filbet 3, P. Ginies 4, I. Krakowski 5, J.F. Morère 6, F. Scotté 7, A. Serrie 8
L
a gestion des opioïdes chez les patients cancé-
reux douloureux est toujours un sujet d’ac-
tualité. La douleur est en effet un symptôme
extrêmement fréquent chez les patients atteints de
cancer, à tous les stades de la maladie, et en particu-
lier dans les formes avancées. Elle peut survenir dans
différents contextes : elle est associée à la tumeur
cancéreuse et peut annoncer une récidive ou une
progression de la maladie tumorale dans 85 à 92 %
des cas ; elle est due aux traitements antitumoraux
(chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) dans 20 %
des cas ; elle est indépendante de la maladie et de
ses traitements dans 2 à 10 % des cas (1). Chez un
patient douloureux atteint d’un cancer, une évalua-
tion précise de la douleur (intensité, localisation, type
de douleur, traitements suivis, etc.) et une bonne
compréhension des mécanismes sous-jacents sont
indispensables pour une prise en charge thérapeu-
tique adaptée. Dans un grand nombre de cas, les
douleurs associées à un cancer nécessitent l’utilisa-
tion de traitements antalgiques de palier 3 (échelle
OMS), de type opioïdes forts. La prise en charge des
pathologies cancéreuses évolue, nécessitant au fil du
temps une adaptation des traitements de la douleur.
Enfin, la mise à disposition de nouvelles formes galé-
niques d’opioïdes permet d’affiner considérablement
le traitement chez les patients présentant des symp-
tômes très différents dans des contextes somatiques
et psychologiques extrêmement variés.
Épidémiologie
de la douleur cancéreuse
La douleur touche environ 1 patient sur 2 atteint de
cancer tous stades confondus, et 3 patients sur 4
en cas de cancer avancé (1-3). Malheureusement, il
semble que la douleur chez les patients cancéreux
reste encore un symptôme trop souvent sous-traité,
voire parfois non traité : 56 % des patients restent
douloureux, les traitements sont mal adaptés dans
39 à 49 % des cas selon les études, et une absence
de traitement est rapportée dans 30 % des cas (1-5).
Pour plus de 2 patients sur 3, ces douleurs souvent
intenses interfèrent de façon importante avec les
activités de la vie quotidienne (1, 2).
Identifier le type de douleur
pour proposer un traitement
approprié
En pratique clinique et dans un premier temps, la
douleur doit être précisément analysée de façon à
en identifier la cause, l’intensité et les mécanismes
sous-jacents (tableau◆I).
Tableau I. Évaluation de la douleur.
Évolution de la douleur dans le temps • Début soudain ou progressif
• Douleur continue ou intermittente
• Historique
Localisation et irradiations
Intensité • Échelles d’évaluation : EVA, EN, EVS
Caractéristiques • Brûlures, décharges électriques, dysesthésie
Facteurs soulageant ou aggravant la douleur • Mouvements, position, fin de dose, traitement,
caractère prévisible…
Impact de la douleur • Qualité de vie
Activités quotidiennes
Troubles du sommeil
Facteurs psychosociaux Anxiété, dépression, contexte de vie,
entourage…
1 Institut Claudius-Regaud, Toulouse ;
polyclinique de l’Ormeau, Tarbes.
2 Centre hospitalier, réseau régional
douleur, Bayeux.
3 Centre de soins palliatifs, centre
hospitalier Lyon-Sud, Pierre-Bénite.
4 La Buffette, Saint-Clément-La-
Rivière.
5 Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-
lès-Nancy.
6 Hôpital Avicenne, Bobigny.
7 Hôpital européen Georges-
Pompidou, Paris.
8 Hôpital Lariboisière, Paris.
492 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
Résumé
Douleur aiguë ou douleur chronique ?
La douleur cancéreuse peut se manifester de diffé-
rentes manières dans le temps, avec des douleurs
continues (appelées aussi douleurs de fond) et la
survenue d’accès douloureux paroxystiques (1).
La douleur de fond est une douleur présente au
moins 12 heures par jour ou nécessitant un trai-
tement de fond par opiacés pendant au moins la
moitié des jours de la semaine précédant l’évalua-
tion. Elle est jugée contrôlée lorsqu’elle n’est plus
perçue comme habituellement intense par le patient
(6), c’est-à-dire, généralement, inférieure à 30 sur
une EVA.
Des accès douloureux paroxystiques peuvent
survenir et se superposer à la douleur de fond :
ils constituent une entité à part entière, définie
comme une exacerbation transitoire et de courte
durée de la douleur, d’intensité modérée à sévère,
chez des patients présentant des douleurs persis-
tantes habituellement maîtrisées par un traite-
ment opioïde de fond (6, 7). Ces accès douloureux
paroxystiques restent souvent sous-estimés en
pratique quotidienne, malgré leur incidence élevée :
ils sont rapportés chez près de 2 patients sur 3 dans
l’étude de A. Caraceni et R.K. Portenoy (8) et chez
plus de 8 patients sur 10 dans l’étude française de
M. Di Palma et al. (9). Avec une fréquence estimée
en moyenne à 4 épisodes par jour, les accès doulou-
reux paroxystiques sont des douleurs intenses d’ap-
parition rapide, d’une durée variable de moins de
15 minutes à plus d’une heure (6). Une fois l’accès
douloureux paroxystique identifié (tableauII◆et◆
encadré), un traitement spécifique, d’action rapide
et de courte durée, peut être proposé dans le but
d’améliorer la qualité de vie.
Quels sont les mécanismes impliqués
dans ces douleurs◆(tableau◆III) ?
Les douleurs nociceptives sont les douleurs les
plus souvent observées chez les patients atteints de
cancer. Elles sont pures dans 35 % des cas : elles sont
provoquées par la stimulation des fibres nerveuses
au niveau des récepteurs périphériques sensibles à la
La douleur est fréquente chez les patients atteints de cancer, en particulier en cas de formes avancées.
Une évaluation précise de la douleur est indispensable pour permettre une prise en charge thérapeutique
adaptée. Très souvent, les douleurs associées à un cancer nécessitent le recours à des antalgiques de
palier 3, de type opioïdes forts. Des accès douloureux paroxystiques caractérisés par une augmentation
transitoire de la douleur, survenant sur un fond de douleur stable, chez des patients recevant un traitement
de fond par opioïdes, peuvent survenir, mais ils restent encore trop souvent sous-diagnostiqués et sous-
traités. Les nouvelles formes galéniques d’opioïdes agissent rapidement et efficacement sur ces accès
douloureux paroxystiques. Un suivi régulier de l’évolution de la douleur est indispensable pour adapter
le traitement au cours du temps.
Mots-clés
Douleur
Cancer
Accès douloureux
paroxystiques
Opides
Highlights
Pain is frequent in patients with
cancer, especially in advanced
cancers. A specific evaluation of
the pain is necessary to propose
a personalized treatment. Very
often, pain in cancer patients
requires opioid analgesic drugs.
Breakthrough pain is a common
problem in patients with cancer,
a transitory exacerbation of pain
superimposed on a background
controlled pain, and is frequently
under recognized and under
treated. New opioids galenic
formulations produce quicker
and greater analgesia than
oral morphine and are useful
to manage breakthrough pain.
A follow-up of patients with
pain is recommended to adapt
analgesic treatment.
Keywords
Pain
Cancer
Breakthrough pain
Opioids
Tableau II. Caractéristiques des accès douloureux paroxystiques (6).
Rapidité d’apparition Survenue extrêmement rapide (quelques minutes)
Durée brève Moins de 30 mn dans 72 % des cas
Intensité d’emblée sévère, voire intolérable Quels que soient le profil des patients et la nature du traitement pris pour la
douleur de fond
Mode de déclenchement variable • Épisodes spontanés et imprévisibles (actions involontaires, comme la toux)
Épisodes prévisibles déclenchés par un mouvement (marche, activité, soins) ou
par d’autres actions volontaires (soins, toilette, déglutition, miction, défécation)
Mécanismes physiopathologiques variables • Nociceptifs
• Neuropathiques
• Mixtes
Tableau III. Les différents types de douleur (1).
Douleur nociceptive Douleur neuropathique
Physiopathologie Stimulation des nocicepteurs Lésions nerveuses périphériques ou centrales
Sémiologie Rythme mécanique ou inflammatoire Décharge, brûlures, fourmillements, élancements
Topographie • Régionale
Envahissement tumoral ou récidive locorégionale
Compatible avec une localisation nerveuse : tronc, plexus,
racine, centrale
Examen clinique Examen neurologique normal Hyposensibilité
(hypoesthésie, anesthésie)
Hypersensibilité (allodynie, hyperpathie, hyperesthésie)
Attention à ne pas
confondre les accès douloureux
paroxystiques avec les douleurs
de fin de dose :
dont la survenue est systéma-
tique entre 1 heure
et 3 heures avant l’horaire
prévu de prise d’une nouvelle
dose d’antalgiques (opioïdes
à libération immédiate
ou prolongée)
dans un contexte de douleurs
chroniques ;
dont l’installation est plus
progressive et la durée plus
longue que dans les accès
douloureux paroxystiques ;
qui nécessitent une adaptation
du traitement de la douleur
de fond : augmentation
des doses et/ou dimi nution
de l’intervalle d’admi nistration
des opioïdes.
Encadré. Accès douloureux
paroxystiques et douleurs de
fin de dose.
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 493
MISE AU POINT
douleur. Dans ce type de douleur, l’objectif du traite-
ment est de diminuer ou de supprimer la transmission
du message nociceptif des récepteurs vers les centres
médullaires et supra-médullaires (1, 3). Lévaluation
de l’intensité de la douleur nociceptive permet de
choisir l’antalgique le mieux approprié, puis de suivre
régulièrement l’efficacité du traitement.
Les douleurs neuropathiques, conséquence d’une
lésion ou d’une maladie affectant le système nerveux
périphérique ou central, présentent des caractéris-
tiques très particulières et peuvent être facilement
identifiées en consultation à l’aide du questionnaire
DN4 (1, 3). Douleurs chimio-induites ou liées à des
compressions nerveuses, les douleurs neuropa-
thiques sont présentes dans 20 % des cas.
Les douleurs mixtes sont des douleurs associant les
2 mécanismes, nociceptif et neuropathique (35 %
des cas).
Principaux opioïdes forts
Les principaux opioïdes forts utilisés dans le traite-
ment des douleurs cancéreuses sont : la morphine,
le fentanyl, l’oxycodone et l’hydromorphone
(tableau◆IV).
La morphine est le premier opioïde fort utilisé dans
la douleur cancéreuse, avec différentes formes galé-
niques et plusieurs dosages disponibles (tableauV). La
morphine est prescrite si possible par voie orale, soit
sous forme de comprimés ou de lules de sulfate de
morphine à libération immédiate ou prolongée, soit
sous forme de solution de chlorhydrate de morphine.
Le fentanyl est un antalgique opioïde 80 à 100 fois
plus puissant que la morphine. Il est disponible
sous forme de dispositifs à longue durée d’action
transdermiques autocollants et sous forme à action
rapide (voie transmuqueuse). Sa lipophilie favorise
Tableau V. Modalités de prescription de la morphine orale.
Forme prescrite Intérêt Utilisation Dose initiale Adaptation de la posologie
Libération immédiate • Équilibration rapide
Gestion des douleurs de fin de
dose
• Risque moindre de surdosage
Titration
• Douleurs très instables
• Patient fragile
• 10 mg/4 h
5 mg/h (voir moins) si patient
fragile
Toutes les 24 à 48 h
Utilisation d’interdoses de LI
si besoin
Libération prolongée • Commodité de prescription
1 prise/24 h (LP12)
Patient bien équilibré
par la forme LI
• 30 mg/12 h
• 10-20 mg/12 h si patient fragile
Toutes les 48 h
Avec interdoses de LI si besoin
Tableau IV. Principaux opioïdes forts actuellement disponibles (3).
Spécialités Délai d’action Durée d’action
Formes orales à libération prolongée (LP)
Sulfate de morphine : Moscontin® (comprimés 10, 30, 60, 100, 200 mg) et Skenan® (gélules 10, 30, 60, 100 et 200 mg)
Chlorhydrate d’oxycodone : Oxycontin® (comprimés 5, 10, 15, 20, 30, 40, 60, 80 et 120 mg)
Chlorhydrate d’hydromorphone : Sophidone® (gélules 4, 8, 16 et 24 mg)
2 h
1 h
2 h
12 h
Dispositifs transdermiques de fentanyl à libération prolongée (LP)
• Durogésic® patch : 12, 25, 50, 75 et 100 μg/h
• Fentanyl Ratiopharm® patch : 12, 25, 50, 75 et 100 μg/h
• Matrifen® patch : 12, 25, 50, 75 et 100 μg/h
12 h 72 h
Formes injectables à libération immédiate
• Chlorhydrate et sulfate de morphine injectable (ampoules 10, 20, 50, 100, 200, 250, 400 et 500 mg)
• Chlorhydrate d’oxycodone injectable (ampoules 10, 20, 50 et 200 mg)
I.v. : 10-15 mn
S.c. : 20- 30 mn 4 h
Formes orales à libération immédiate
Morphine solution buvable (ampoules 10 et 20 mg)
Sirop de morphine du codex (6 mg/ml) sans ordonnance sécurisée
Sulfate de morphine : Sévredol® en comprimé sécable 10 et 20 mg ; Actiskénan® en gélules 5, 10, 20 et 30 mg ;
Oramorph® (soluté en récipients unidoses 10, 30 et 100 mg/5ml) et Oramorph® solution compte-goutte 20 mg/ml (4
gouttes = 5 mg)
Chlorhydrate d’oxycodone : OxyNormORO® (gélules 5, 10 et 20 mg), Oxynorm orodispersible® 5, 10 et 20 mg
30-45 mn 4 h
Formes orales à action rapide (absorption transmuqueuse) : fentanyl
Abstral® (comprimé sublingual 100, 200, 300, 400, 600 et 800 μg )
Actiq® (comprimé avec applicateur buccal 200, 400, 600, 800, 1 200 et 1 600 μg)
15 mn
15 mn
estimée à 1-2 h
1-2 h
494 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
Douleurs chez un patient atteint de cancer et bon usage des opioïdes
MISE AU POINT
son absorption par voie transmuqueuse et le passage
rapide de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Les
patchs constituent une alternative intéressante en cas
de douleurs stables (10). L’utilisation du fentanyl doit
être privilégiée chez les insuffisants rénaux, dialysés
ou non. Les constipations secondaires sont moins
fréquentes avec le fentanyl qu’avec les autres opioïdes
(11, 12). Le fentanyl en comprimés avec applicateur
buccal ou en comprimé orodispersible permet une
absorption transmuqueuse : en évitant l’effet de
premier passage hépatique, la biodisponibilité de
la molécule active augmente et le passage rapide
de la BHE procure un effet antalgique précoce, dès
15 minutes. Des essais randomisés comparatifs menés
avec une méthodologie rigoureuse ont validé l’effet
antalgique du tonnet transmuqueux, avec des diffé-
rences significatives versus placebo et versus morphine
à libération immédiate. Le fentanyl transmuqueux
est indiqué dans le traitement des accès douloureux
paroxystiques chez les patients cancéreux recevant
déjà un traitement de fond opioïde, quel qu’il soit :
morphine, oxycodone, fentanyl LP ou hydromorphone
(11, 12). La posologie doit être adaptée individuelle-
ment jusqu’à obtention d’un effet antalgique adéquat,
et il est important de retenir l’absence de relation
entre la dose de fentanyl transmuqueux efficace pour
traiter un accès douloureux et la dose du traitement
opioïde de fond quel qu’il soit (10). La forme galé-
nique avec applicateur buccal présente certains avan-
tages : l’application locale pourra être interrompue
dès le soulagement de la douleur, avant même que
la totalité de la dose soit délivrée ; la titration pourra
être adaptée à l’intensité de la douleur du fait du
caractère progressif de la dissolution du comprimé
au contact de la muqueuse (11, 12). La recherche de
la dose efficace doit être effectuée avec précaution
chez les patients présentant des perturbations de la
fonction hépatique et rénale.
Loxycodone est environ 10 fois plus puissante que
la codéine et 2 fois plus que la morphine (11). Il ne
semble pas exister de différence d’efficacité et de
tolérance entre l’oxycodone, l’hydromorphone et
la morphine orale utilisées à doses équiantalgiques
(11). Elle peut être utilisée en première intention ou
en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine
chez les patients âgés de plus de 18 ans, mais aussi
en cas d’efficacité insuffisante des traitements sur
la douleur neuropathique (12).
L’hydromorphone est un dérivé semi-synthétique
de la morphine (agoniste opioïde pur actif sur les
récepteurs μ et δ), avec une puissance de 5 à 8 fois
celle de la morphine (11). Les 12 essais randomisés
comparant cette molécule à la morphine indiquent
une efficacité et une tolérance comparables à celles
des autres opioïdes à dose équiantalgique (11). L’hy-
dromorphone est indiquée dans le traitement des
douleurs intenses d’origine cancéreuse en cas d’in-
tolérance ou de résistance à la morphine. Elle est
métabolisée par le foie en métabolites peu actifs ; il
existe peu de données chez les insuffisants rénaux
et hépatiques ; son utilisation est cependant plus
maniable chez l’insuffisant rénal.
Le traitement de première intention des douleurs
de fond cancéreuses intenses ou rebelles aux antal-
giques de niveau plus faible fait appel en France à la
morphine, à l’oxycodone et au fentanyl transdermique
(la méthadone est en cours d’évaluation dans cette
indication en 2e intention). Les formes orales transmu-
queuses à action rapide sont scifiquement réservées
au traitement des accès douloureux paroxystiques,
en complément d’un traitement opioïde de fond (3).
Traitements
Les objectifs du traitement de la douleur chez un
patient cancéreux sont l’action rapide, l’administra-
tion facile, une gestion simple pour le patient et pour
son entourage, et l’adaptation à chaque situation (11).
Les 3 paliers définis par l’OMS restent une référence
pour le traitement de ces douleurs. Les traitements
antalgiques, notamment les opioïdes, doivent être
adaptés au profil de chaque patient, en particulier
en cas d’insuffisance rénale ou hépatique.
Traitement opioïde
et douleurs nociceptives
Les opioïdes sont le traitement de référence des
douleurs nociceptives d’intensité modérée à sévère
associées à un cancer. Ils doivent être prescrits selon
les 5 principes rappelés par l’OMS en 2002 (10) :
préférer un traitement par voie orale ;
administrer les antalgiques à intervalles réguliers ;
choisir l’antalgique en respectant l’échelle de
l’OMS à 3 paliers ;
proposer un traitement antalgique personnalisé ;
prescrire le traitement avec un souci constant
du détail.
Instauration d’un traitement
chez un patient naïf d’opioïdes
Chez un patient non déjà traité par un opioïde, il
est recommandé de commencer un traitement par
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 495
MISE AU POINT
la morphine orale ou l’oxycodone et d’adapter les
posologies de façon progressive en fonction de l’ef-
ficacité sur la douleur et de la tolérance. Cela peut
être réalisé :
avec de la morphine ou de l’oxycodone à libéra-
tion immédiate, par voie orale, de préférence jusqu’à
ce que le patient soit soulagé (avec ensuite un relais
par une forme à libération prolongée, si cela est plus
pratique pour le patient) ; pour la morphine, la dose
initiale recommandée pour commencer un traitement
de fond est de 10 mg par prise toutes les 4 heures,
soit 60 mg/j (posologie à adapter chez les patients
fragiles par une réduction des doses ou un espace-
ment des prises), plus des interdoses supplémentaires
allant de 1/10 (de préférence) à 1/6 de la dose jour-
nalière, toutes les heures en fonction des besoins,
sans dépasser 6 doses par 24 heures (10). Lorsque
la douleur est contrôlée pendant 2 à 3 jours, il est
possible de proposer un traitement par morphine
à libération prolongée avec une prise toutes les
12 heures ou toutes les 24 heures (10) ;
d’emblée avec de la morphine ou de l’oxycodone
à libération prolongée associée à des interdoses de
morphine ou d’oxycodone à libération immédiate
allant de 1/10 (de préférence) à 1/6 de la dose jour-
nalière en cas d’accès douloureux (3, 10). Dans ce cas,
il est recommandé de commencer par une dose de
30 mg matin et soir de morphine ou de 10 à 20 mg
d’oxycodone. En cas de douleurs persistantes, le
patient pourra prendre une interdose (de 5 à 10 mg
de morphine à libération immédiate ou 5 mg d’oxy-
codone) toutes les heures, sans dépasser 6 prises par
24 heures, avec une dose adaptée en fonction de la
dose journalière d’opioïdes. Si le patient présente
aussi des accès aigus paroxystiques, un traitement
spécifique associé au traitement de fond est recom-
mandé (10).
Les patients doivent être informés du risque de
survenue de certains effets indésirables, en parti-
culier la constipation, les nausées et la somnolence.
La constipation peut être évitée avec un traitement
laxatif systématique associé à des mesures hygiéno-
diététiques, et les nausées et vomissements par un
traitement spécifique (après avoir éliminé les autres
causes possibles).
Patients recevant déjà un traitement
par opioïdes
Chez un patient déjà traité par opioïdes forts et
toujours douloureux, et après vérification de l’ob-
servance et de l’adéquation de la posologie des inter-
doses, une réévaluation clinique de la douleur doit
être réalisée afin de rechercher d’autres causes éven-
tuelles (en particulier une douleur neuropathique
pouvant expliquer le manque partiel d’efficacité du
traitement opioïde). Toute modification du caractère
de la douleur (intensité, fréquence) doit amener à
rechercher une évolution de la maladie cancéreuse,
notamment métastatique, surtout devant une diffi-
culté d’équilibration du traitement.
En cas de résistance ou d’intolérance au traitement
opioïde, il y a plusieurs possibilités :
adapter le traitement avec de la morphine ou de
l’oxycodone à libération immédiate, plus simple et
plus rapide que la morphine à libération prolongée ;
remplacer l’opioïde par un autre (rotation des
opioïdes), à dose équiantalgique (10). D’un point
de vue pratique, compte tenu du recours possible
aux interdoses, il est toujours conseillé de privilé-
gier la sécurité à la rapidité d’action en prenant la
valeur la plus faible des coefficients de conversion
(10). Une rotation des opioïdes est aussi indiquée en
cas d’effets indésirables incontrôlables associés au
traitement opioïde fort. La tolérance croisée entre
opioïdes étant partielle ou inexistante, remplacer un
opioïde par un autre permet souvent un nouveau
contrôle satisfaisant de la douleur, sans néces-
sairement augmenter la dose équiantalgique. Le
schéma de rotation dépend de la pharmacologie
et de la galénique des opioïdes prescrits, et le choix
de l’opioïde de remplacement est laissé à la liberté
du prescripteur.
Traitement opioïde et accès douloureux
paroxystique (3)
Bien qu’il existe des traitements spécifiques à action
rapide (citrate de fentanyl transmuqueux), dont
l’avantage est d’avoir une cinétique adaptée au profil
du pic douloureux, les accès douloureux paroxys-
tiques sont encore insuffisamment diagnostiqués et
insuffisamment traités. Devant un épisode doulou-
reux, il convient, dans un premier temps, de rappeler
l’importance de l’évaluation de la douleur pour
personnaliser la prise en charge médicamenteuse.
La seconde étape est l’instauration d’un traitement
avec profil cinétique adapté aux caractéristiques
temporelles des accès douloureux paroxystiques ; les
nouvelles formes galéniques disponibles répondent
à ces critères, permettant d’offrir aux patients une
analgésie proche de celle procurée par la PCA (anal-
gésie autocontrôlée par le patient) : administration
autonome de doses supplémentaires, possibilité
de prévention d’un épisode de douleur récurrent,
1.◆SOR 2003 (www.sor-cancer.fr).
2.◆www.painineurope.com
3.◆Béziaud N, Laval G, Rostaing S.
Traitements de la douleur chez le
patient adulte recevant des soins
palliatifs. La revue du praticien
2009;59:799-808.
4.◆Larue F, Fontaine A, Brasseur L.
Evolution of the French public’s
knowledge and attitudes regar-
ding postoperative pain, cancer
pain, and their treatments: two
national surveys over a six-year
period. Anest Analg 1999;89:
659-64.
5.◆Larue F, Brasseur L, abstract
EFIC 2006.
6.Scotte F. Accès douloureux
paroxystiques chez des patients
souffrant de douleurs d’origine
cancéreuse. La lettre du Cancé-
rologue 2008;XVII(8):407-10.
7.Labrèze L, Delorme T,
Poulain P. Douleurs chroniques,
accès douloureux paroxystiques
(ADP) : les challenges. Douleurs
2009;10:185-91.
8.Caraceni A, Portenoy RK. A
working group of the IASP Task
Force on Cancer Pain. Pain 1999;
82:263-74.
9.◆Di Palma M, Poulain P, Filbet M
et al. Évaluation et caractéris-
tiques des accès douloureux
paroxystiques chez les patients
souffrant de douleurs d’origine
cancéreuse. Douleurs 2005;
6(2):75-80.
10.◆Standards, Options : Recom-
mandations SOR 2002 (www.
sor-cancer.fr).
11.◆Ripamonti C, Bandieri E. Pain
therapy. Crit Rev Oncol Hematol
2009;70:145-59.
12.◆Béziaud N, Pellat JM,
Villard ML et al. Opioïdes forts et
douleurs liées au cancer : quelles
galéniques et quelles équianal-
gésies ? Médecine palliative
2009;8:27-34.
13.Hagen NA, Fisher K, Victo-
rino C et al. A titration strategy is
needed to manage breakthrough
cancer pain effectively: obser-
vations from data pooled from
the clinical trials. J Palliat Med
2007;10(1):47-55.
14.◆Davies A, Dickman A, Reid C
et al. The management of cancer-
related breakthrough pain:
recommendations of a task group
of the Science Committee of the
Association for Palliative Medi-
cine of Great Britain and Ireland.
Eur J Pain 2009;13:331-8.
Références
bibliographiques
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!