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Entretiens Enseignants Entreprises 2014 : la croissance, une question de
confiance ?
L'enquête mensuelle de conjoncture publiée par l'INSEE le 30 juillet 2014 révèle que
l'indicateur synthétique de la confiance des ménages a été divisé par deux entre 2007 et 2014.
Or, au cours de la même période, plus précisément entre 2007 à 2013, le taux de croissance du
PIB en volume est passé de 2,4% à 0,3%. Faut-il voir dans la perte de confiance des ménages
la cause ou la conséquence de la crise ? Doit-on considérer qu'une confiance excessive aurait
incité les ménages à tous les excès qui accompagnent les périodes d'euphorie dont se
nourrissent les bulles spéculatives?
Quel rôle joue vraiment la confiance dans la croissance?
Selon le prix Nobel d'économie en 1972, John Kenneth Arrow « la confiance est le facteur
primordial de la croissance, et à l'inverse la défiance agit comme une taxe et une entrave au
développement. La confiance favorise la réactivité des salariés, l'adoption de méthodes
efficaces, le travail en équipe et l'innovation. ».
Nécessaire au bon fonctionnement des marchés, au financement de l'économie et à l'efficacité
des politiques économiques, la confiance est également au cœur de la vie de l'entreprise au
travers des relations sociales et des relations avec ses parties prenantes et son environnement.
Dans La Fabrique de la défiance (2012), Y Algan, P Cahuc et A Zylberberg citent un
chiffre significatif:
« La hausse d'un degré sur l'échelle de confiance envers les managers a le même effet sur la
satisfaction dans la vie d'un salarié qu'une hausse de 30 % de son revenu ».
Intervenants :
Jézabel Couppey-Soubeyran, Professeur au centre d’économie de La
Sorbonne
Robert Leblanc, Président –directeur général d’AON France
Modérateur : Béatrice Couairon, professeur de SES au lycée Jacques Amyot
à Melun
La croissance économique est nécessaire face aux défis des ressources. Jésabel Couppey
Soubeyran lors de cet entretien développe l’idée directrice suivante : « Si toute crise se
caractérise par une situation de défiance, la défiance n’est en fait que le symptôme et non
la cause de la crise ». L’origine de la crise se situe dans un excès de confiance (« paradoxe de
la tranquillité » d’Hyman Minsky). Pour retrouver la croissance économique, il faut restaurer
la confiance, c’est-à-dire guérir la défiance et empêcher les situations d’excès de confiance
qui ont mené à la crise économique. Il faut empêcher l’excès de confiance au moyen de
mécanismes aptes à contrer le cycle financier. Les entreprises ont besoin de confiance pour
lancer les décisions d’investissement et qu’ils soient financés. Le bon déroulement du
financement de l’économie est aussi nécessaire à la confiance. La confiance est nécessaire à la
croissance économique. La confiance est le support nécessaire aux fonctions de la monnaie,
la clé de l’activité bancaire. Cependant, un excès de confiance favorise l’instabilité financière
propice au déclenchement d’une crise financière.
« Quand bascule-t-on dans l’excès de confiance ? ».
Les crises naissent dans des contextes macroéconomiques tranquilles (La grande modération
des années 1990 avec une inflation maîtrisée). L’excès de confiance nourrit la sphère
financière et favorise l’endettement excessif des agents économiques. Durant « la grande
modération », le crédit a fortement progressé et on assiste à une augmentation incontrôlée des
bilans bancaires. La titrisation, l’essor des produits dérivés, les modèles VAR ont donné le
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sentiment de bien gérer les risques. Cet excès de confiance a alimenté la croissance du secteur
bancaire et financier (on peut parler d’hyperfinance). Il a entraîné une explosion du crédit, de
la dette des actifs, au point de rompre la relation positive entre la finance et la croissance
économique.
La confiance est certes, nécessaire à l’activité bancaire, car une perte de confiance entraîne
des paniques : bank run ou ruée aux guichets hier, market run sur le marché interbancaire
aujourd’hui d’où des risques d’’illiquidité bancaire et de faillites. Il faut donc maintenir la
confiance dans le système bancaire pour garantir les dépôts. Cependant le problème « d’aléa
moral » rend difficile la régulation efficace du système bancaire. Le système bancaire a
besoin de « garanties » pour instaurer une confiance, mais ces « garanties » entraînent « un
risque d’aléa moral » qui est à l’origine de l’instabilité financière. Les « garanties » ont
conduit les banques à prendre plus de risques, à se développer davantage. Elles peuvent être
porteuses de « risques systémiques ».
« Comment empêcher les situations d’excès de confiance et de défiance ? ».
L’excès de confiance caractérise la phase ascendante du cycle financier et la défiance la phase
descendante. Pour relancer la croissance économique, il est nécessaire de réduire le rôle
procyclique de la confiance sur la croissance. Il faut mettre en place des politiques
contracycliques afin de réduire la procyclicité du secteur financier. Les politiques
macroprudentielles et un ajustement de la politique monétaire peuvent jouer ce rôle en
calmant les excès de la confiance.
Robert Leblanc a abordé la question de la confiance sous un angle microéconomique. La
croissance est nécessaire : les exclus sont encore trop nombreux. On peut sortir de la crise par
le haut grâce à des investissements dans les nouvelles technologies. L’entreprise, « cette
aventure improbable » doit être dans un climat de confiance pour innover, investir. Cette
confiance s’exerce à l’égard de nombreux acteurs :
Les salariés : il faut savoir être honnête même quand il y a des choses difficiles à
annoncer, ex : les plans sociaux. L’entreprise a besoin de salariés motivés, innovants
donc de confiance.
Les partenaires sociaux.
Les clients (exemple : mauvaise publicité sur le forum des pages jaunes si les clients
n’ont pas été satisfaits d’un produit, perte de confiance de la part d’autres clients).
Les actionnaires
La cité et l’environnement.
L’entreprise ne reçoit jamais trop de confiance, sauf la confiance en soi car un leader doit
avoir des convictions.
La crise de 2008 provient sûrement en partie des incompréhensions parmi les décideurs. Un
décideur doit toujours s’assurer qu’il comprend tous les termes sur lesquels il a à décider.
Dans le domaine de l’assurance (AON est une entreprise de conseil et de courtage en
assurance et réassurance), la confiance s’exerce de différentes façons :
- La relation courtiers/souscripteurs : il s’agit d’un transfert de risque. La confiance est
primordiale pour la durée de la relation.
- Le contrat écrit/oral
- La segmentation (en fonds de risques) et les mouchards (par exemple le nombre de
kilomètres effectués, la vitesse)
- L’encaissement confié
- L’assurance-vie.
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