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Scènes de confiance
En 2007, deux économistes (Yann Algan et Pierre Cahuc) ont montré que la France s’est
progressivement transformée en « société de défiance » dans laquelle le civisme et la
confiance mutuelle se sont lentement érodés depuis 1950. La crise économique de 2008 a
encore aggravé la situation: selon plusieurs études, les Français ont perdu confiance dans
leurs représentants, dans les institutions ou encore dans les grandes entreprises.
Dans ce contexte, plusieurs personnalités appartenant à des univers très différents
(philosophes, sociologues, acteurs, cuisiniers, sportifs…) tentent de définir la confiance,
cet état aussi fragile que variable. Dans l’ouvrage « Scènes de confiance », ils partagent
certaines expériences ou réflexions personnelles pour raconter le rôle de la confiance dans
leur carrière.
La confiance comme une épreuve
Loin d’être un acquis, la confiance s’éprouve dans la durée à travers les différents défis de
la vie. Par exemple, de retour dans l’île d’Ithaque après un périple de dix ans, Ulysse doit
regagner la confiance des siens. Comment va-t-il surmonter cette épreuve pour retrouver
sa place auprès de sa femme Pénélope et de son fils Télémaque ?, s’interroge la
sociologue Irène Théry. De même, comment conserver son calme lorsque la mer chahute
votre bateau ? Cette fois, c’est la navigatrice Maud Fontenoy qui revient sur ce jour
inoubliable où elle a bien cru mourir noyée. Comment rassurer ses équipes lorsque son
restaurant perd une étoile ? La chef Hélène Darroze raconte cette désagréable expérience
qui a suscité une profonde remise en question, avant de se muer en véritable force
motrice, un challenge pour l’avenir. De son côté l’actrice Charlotte de Turckheim se
demande comment garder confiance en soi lorsque l’on est, comme elle, timide et
complexée. Mises à l’épreuve de la vie, ces personnalités soulignent l’importance d’avoir
confiance en soi mais également dans les autres. « Il faut se persuader que tout est
possible et avoir confiance en ses capacités et en celles des personnes qui vous
accompagnent », précise Stefania Parigi, directrice du Samusocial.
Une défiance dans la politique, l’économie ou la finance
Pascal Perrineau, le directeur du centre de recherches politiques de sciences Po met en
exergue la forte défiance politique qui frappe actuellement la France : 60% des personnes
interrogées en octobre 2011 trouvent que « la démocratie ne fonctionne pas bien »,
contre 48 % en décembre 2009. A cette situation déjà peu réjouissante, il faut ajouter un
profond pessimisme économique. La crise des subprimes a emporté avec elle la confiance
dans les marchés financiers. Paul Jorion, anthropologue et blogueur démontre que «
confiance » et « argent » vont de pair et analyse les conséquences de cet équilibre rompu.
Désormais, l’ère de la confiance aveugle dans les banques est bien terminée. L’économiste
Thomas Picketty prend quant à lui l’exemple de l’impôt pour illustrer la méfiance des
Français : « On trouve souvent dans l’espace public des gens pour s’ériger contre l’impôt
comme si on volait l’argent du contribuable », estime-t-il. Comment faire pour restaurer la
confiance dans l’économie ? Le chef d’entreprise Jean-François Zobrist propose d’agir à la
base en supprimant les rapports hiérarchiques dans son entreprise. Dans le nouveau
système managérial qu’il a mis en place, il fait pleinement confiance à ses salariés:
« chacun définissant librement ses horaires, ses équipes et leur alternance, ses
investissements, ses implantations et d’une certaine manière ses augmentations de
salaire».

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La confiance dans le couple
Et dans l’intimité, est-il plus facile de se faire confiance ? Dans une relation amoureuse,
comment se livrer à l’autre sans s’abandonner soi-même ? Peut-on s’engager dans un
couple en préservant sa capacité à être seul ? « Une relation bâtie sur la confiance est
avant tout un rapport qui se développe et évolue à partir de la certitude que c’est avec
l’autre que je peux chercher à traverser mon propre manque, la manque à être
ontologique, selon la belle expression de Lacan, qui caractérise chaque personne »,
déclare Michela Marzano, philosophe. Pour autant, faire confiance à l’autre relève de la
gageure, du pari. « C’est faire le saut qui consiste à oser croire que l’on trouvera en l’autre
des capacités qu’il n’a pas encore manifesté, qu’il ne sait pas être siennes », selon le
philosophe Jean-Philippe Pierron. Dans notre société de séduction généralisée, la règle
d’or conjugale a changé : « Plus les incartades anodines se développent (même si elles
sont tolérées), plus le besoin abstrait de confiance et de fidélité se renforcent », relève
Jean-Claude Kauffman, sociologue. Dans un climat de compétition, dans une société
guidée par des impératifs de réussite, le couple reste en quelque sorte le lieu de réconfort
et de consolation.