Testicules : formes graves et mauvais pronostics dossier thématique Traitement de rattrapage des tumeurs germinales Treatment of relapse in germ cell tumor patients P o i nt s f o rt s C. Chevreau* »»Il est possible de guérir plus de 80 % des patients ayant une tumeur germinale avancée. »»Quinze à 20 % des patients rechutent. »»Il y a une indication à une chimiothérapie de rattrapage à base de cisplatine et d’ifosfamide. »»Des nouveaux médicaments de chimiothérapie ont permis d’améliorer les protocoles (paclitaxel, gemcitabine). »»Un renouveau de l’intérêt des chimiothérapies avec intensification et autogreffe est constaté. Un essai français est en cours (essai TICE). Mots-clés : Tumeur germinale – Chimiothérapie – Haute dose de chimiothérapie – Chirurgie. Keywords: Germ cell cancer – Chemotherapy – High dose chemotherapy – Surgery. L * Institut Claudius-Regaud, Toulouse. 82 es tumeurs germinales (TG) sont des maladies chimio-sensibles et chimio-curables. Toutefois, les taux de rechute après la première ligne de traitement sont respectivement de 10, 20 et 50 % dans les formes de bon pronostic, de pronostic intermédiaire et de mauvais pronostic ; dans ce contexte de rechute, les chances de curabilité sont faibles. Depuis de nombreuses années, de nouvelles combinaisons thérapeutiques et de nouveaux concepts de prise en charge sont développés afin d’essayer d’optimiser les résultats en situation de rattrapage. Malgré cela, encore aujourd’hui, il n’y a pas de consensus sur ce traitement de rattrapage et ce, entre autres, en raison de la problématique posée par la difficulté de comparer entre elles des études rétrospectives “de poids inégal” et le faible arbitrage représenté par la seule étude randomisée publiée sur cette thématique (1-5, 21). La publication récente d’une classification pronostique internationale des rechutes par l’International Prognostic Factors Study Group va dorénavant permettre de lever le premier de ces écueils. Ce travail a été élaboré à partir de données cliniques et biologiques de 1 984 patients en première rechute − traités soit par une chimiothérapie standard, soit par une intensification − recueillies dans 38 centres internationaux (les données de 1 067 patients ont permis d’établir le score pronostique et celles de 527 autres de le valider). Les résultats sont synthétisés dans les tableaux I et II qui présentent les 5 groupes pronostiques ayant été définis (tableau I) et les résultats respectifs de survie sans progression (SSP) à 2 ans et de survie globale (SG) à 3 ans (tableau II) [6]. Les modalités de prise en charge des premières rechutes (à l’exception des rechutes tardives) reposent sur 2 options thérapeutiques : une chimiothérapie (CHT) à dose standard ou une chimiothérapie à haute dose (CHD) avec support de cellules souches périphériques (CSP). Deux traitements conventionnels standards sont à disposition : les protocoles VeIP (vinblastine + ifosfamide + cisplatine) et TIP (paclitaxel + ifosfamide + cisplatine). Les résultats du VeIP ont été publiés à la fin des années 1990 ; les études conduites sur des patients en rechute de tous groupes pronostiques objectivaient 35 à 40 % de réponse objective (RO), mais seulement 25 % de patients longs répondeurs intéressant de surcroît majoritairement des rechutes de bon pronostic (7, 8). Dans le même temps, des données intéressantes publiées sur le paclitaxel en monothérapie chez des patients prétraités et résistant au cisplatine ont conduit à évaluer ce nouveau médicament en association avec une autre CHT (9). Les études avec le protocole TIP (paclitaxel à 250 ­mg/­m2) ont été conduites chez des patients en rechute, mais exclusivement porteurs de rechutes de bon pronostic (10, 11). Elles rapportent 70 % de RO avec 63 % de patients longs répondeurs. Ces résultats témoignent d’un apport incontestable du paclitaxel dans les rechutes de bon pronostic avec l’impossibilité toutefois d’extrapoler de façon objective ce gain pour les rechutes de pronostic péjoratif. La recherche d’une optimisation des résultats, la chimiosensibilité et le concept effet/dose applicables à ces tumeurs ont conduit au développement du concept de HD. À la fin des années 1980, C.R. Nichols et al. (12) Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 Traitement de rattrapage des tumeurs germinales ont été les premiers à publier, les résultats d’une étude de phase I-II de CHD par carboplatine VP16 ; ils avaient rapporté un taux de 15 % de longs répondeurs chez des patients multitraités. Depuis ce travail princeps, de nombreuses équipes ont continué à s’intéresser à cette approche en développant différents protocoles au prorata de l’évolution des techniques et des publications et de l’apparition de nouveaux médicaments (2, 4, 11, 13-18). De façon schématique, cette évolution peut être résumée de la manière suivante. ➔➔Approche technique Par l’évolution : ✓✓ des techniques de greffe, d’abord par cellules souches médullaires puis CSP ; ✓✓ dans le nombre et le type de protocoles choisis pour la mobilisation des CSP, avant et après paclitaxel ; ✓✓ des modalités des protocoles d’intensification : un seul cycle ou une intensification séquentielle (cette question a été évaluée dans le cadre d’une étude randomisée [19], avec des résultats en faveur de l’intensification séquentielle en termes de toxicité ; cette étude a été interrompue prématurément pour toxicité sévère dans le bras comportant un seul cycle de HD) ; ✓✓ des protocoles d’intensification, notamment en ce qui concerne l’optimisation du calcul de la dose du carboplatine, en se fondant sur l’aire sous la courbe (ASC) préférentiellement à un calcul en m ­ g/­m2. Ainsi, dans le protocole TICE développé par le Memorial SloanKettering Cancer Center (MSKCC) [2 cycles de paclitaxel + ifosfamide suivis d’une triple intensification par HD de carboplatine et d’étoposide]), le carboplatine est administré à des ASC totales de 21 à 24 par cycle. Les résultats actualisés et récemment publiés, avec une médiane de suivi de 61 mois, témoignent de conclusions intéressantes avec, chez 107 patients porteurs de rechutes majoritairement de pronostic péjoratif, une SSP et une SG à 5 ans respectivement de 47 % et 52 % (18). ➔➔Approche clinique Introduction plus précoce de la HD dans le parcours ­thérapeutique : ✓✓ en première ligne de rattrapage préférentiellement à une deuxième ligne ou plus ; ✓✓ par un souhait d’homogénéiser les facteurs pronostiques de la rechute rendant plus aisée la comparaison des études entre elles ; ✓✓ une seule étude de phase III a été conduite quant à l’intérêt de la HD en première ligne de rattrapage. Publiée par J.L. Pico et al. en 2005 (20), elle comparait une chimiothérapie standard (4 cycles de VeIP/VIP) à Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 une approche intensifiée (3 VeIP/VIP + un cycle HD carboplatine PEC). Deux cent quatre-vingts patients ont été inclus. Les résultats observés sont équivalents, avec des résultats en termes de SSP et de SG à 3 ans respectivement de 35 % versus 42 % et de 53 % versus 59 %. L’analyse en sous-groupes suggérait des résultats en faveur de la HD chez les patients de bon pronostic. On notera toutefois que la négativité de cette étude randomisée n’a paradoxalement pas mis fin à la controverse sur l’intérêt de la HD et ce d’autant que les patients étaient majoritairement porteurs de rechutes de pronostic favorable et que le schéma d’intensification choisi n’était pas optimal. Ainsi, les résultats de plus de 20 années d’études n’ont pas permis de positionner objectivement et de façon consensuelle la place de la HD en situation de rattrapage, ni de définir un schéma d’intensification optimal. Toutefois, la majorité de ces résultats suggèrent incontestablement l’intérêt de cette approche, y compris chez les patients porteurs de rechutes de mauvais pronostic. La publication récente de A. Lorch et al. (21) abonde dans ce sens et réactualise le débat. Le travail de cette équipe a reposé sur les données d’une large database de 1 594 patients en rechute (réfractaires exclus) tous primo-traités après 1990 et ayant reçu en Tableau I. Score pronostique. Paramètre 0 1 Site primitif Gonade Extragonadique CR/PRm – PRm +/SD Réponse préalable Intervalle libre (mois) 2 3 Médiastinal non séminome PD – >3 ≤3 – – αFP à la rechute Normal ≤ 1,000 > 1,000 – β-HCG à la rechute ≤ 1,000 > 1,000 – – Métastases foie, os, cérébral Non Oui – – Somme score (valeur de 0 à 10) Regroupement somme score en catégories : (0) = 0, (1 ou 2) = 1, (3 ou 4) = 2 Ajout score en histologie : séminome pur = – 1 non séminome ou tumeurs mixtes = 0 Groupes pronostiques : – 1 = très faible risque, 0 = risque faible, 1 = risque moyen, 2 = haut risque, 3 = très haut risque Tableau II. Taux de SSP et de SG en fonction des groupes pronostiques. Catégorie pronostique (n = 654) SSP à 2 ans SG à 3 ans Très faible risque (%) 75,1 77,0 Risque faible (%) 51,0 65,6 Moyen (%) 40,1 58,3 Haut risque (%) 25,9 27,1 Très haut risque (%) 5,6 6,1 83 Testicules : formes graves et mauvais pronostics dossier thématique première ligne de rattrapage soit une CHT standard (773 patients [49 %]), majoritairement du TIP, soit une CHD (821 patients [51 %]), majoritairement HD de VP16 + carboplatine (dose fixe ­mg/­m2 ou ASC), administrée pour moitié en 1 cycle d’intensification et pour l’autre moitié en intensification séquentielle. Les patients étaient classés selon les 5 groupes pronostiques de la classification internationale (6). Avec une médiane de suivi de 58 mois, les médianes de SSP et de SG de la population globale sont de 9,8 mois et de 41 mois. En comparant les données de survie des patients traités par CHT standard et HD, les résultats objectivent une différence significative en faveur de la HD avec une SSP à 2 ans respectivement de 29 % et 50 % (p < 0,01) et une SG à 5 ans de 40,8 % versus 53,2 % (p < 0,001). Ces résultats restent significatifs dans tous les sousgroupes, à l’exception de ceux portant sur la SG dans le groupe faible risque. Conclusion La publication récente d’une classification pronostique internationale des rechutes nous permet dès à présent d’homogénéiser les critères d’inclusion et la comparaison des études, et d’affiner les indications thérapeutiques au prorata des différents sous-groupes. Le traitement par CHT standard est, de façon consensuelle, le traitement des rechutes de bon pronostic. L’intensification thérapeutique est une option de prise en charge pour les rechutes, à l’exception des rechutes de pronostic favorable. S’il est préférable de continuer à évaluer cette approche dans le cadre d’études prospectives, il est licite, au vu des résultats de la littérature, de proposer la HD en routine dans le traitement des rechutes de pronostic péjoratif. Le schéma optimal d’intensification reste à définir. Une Encadré. Essai d’intensification de rattrapage dans les tumeurs germinales. Compte tenu des résultats des études testant l’intensification dans les tumeurs germinales, un essai de phase II, coordonné par le Dr C. Chevreau à Toulouse, est en cours en France. Cette étude évalue l’intérêt de la CHD chez des patients en rechute (essai TICE : étude de phase II d’intensification de dose dans les TG réfractaires et en rechute de mauvais pronostic avec adaptation individuelle de la dose de carboplatine). Cette étude a pour objectif de montrer des taux de réponse tumorale comparables à ceux des études américaines, mais aussi de bien définir les hautes doses de chimiothérapie. En effet, dans les résultats du MSKCC sur le protocole TICE (4), il a été clairement établi une différence négative entre l’ASC de carboplatine théoriquement administrée et la dose réellement reçue. De plus, un projet international de phase III randomisé évaluant la CHD est en cours de discussion sur le plan européen. Pour toute information complémentaire, vous pouvez joindre C. Chevreau ou C. Massard ([email protected]). des voies d’optimisation proposée est d’intégrer, pour le calcul des doses (de carboplatine, en l’occurrence), l’utilisation de la pharmacocinétique, qui permet − grâce à une adaptation individuelle des doses − d’optimiser la dose de médicament réellement reçue (encadré). En complément de la CHT, le traitement des rechutes repose, comme pour le primo-traitement, sur l’indication chirurgicale en cas de masses résiduelles. On soulignera enfin la problématique spécifique que représente le traitement des rechutes tardives, en règle générale moins chimio-sensibles, et pour lesquelles, de ce fait, le traitement de première intention doit être si possible privilégié. ■ Références 1. Beyer J, Kramar A, Mandanas R et al. High-dose chemotherapy as salvage treatment in germ cell tumors: a multivariate analysis of prognostic variables. J Clin Oncol 1996;14(10):2638-45. 2. Einhorn LH, Williams SD, Chamness A et al. High-dose chemotherapy and stem-cell rescue for metastatic germ-cell tumors. N Engl J Med 2007;357(4):340-8. 3. Fossa SD, Stenning SP, Gerl A et al. Prognostic factors in patients progressing after cisplatin-based chemotherapy for malignant non-seminomatous germ cell tumours. Br J Cancer 1999;80(9):1392-9. 4. Motzer RJ, Mazumdar M, Sheinfeld J et al. Sequential dose- intensive paclitaxel, ifosfamide, carboplatin, and etoposide salvage therapy for germ cell tumor patients. 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Des progrès importants dans le traitement du cancer de la prostate avancé ont été réalisés au cours de ces 10 dernières années, en particulier dans le domaine de la chimiothérapie avec le docétaxel indiqué chez les patients présentant un cancer de la prostate métastatique h­ ormono-résistant. Mais, jusqu’à maintenant, en cas de progression après ce traitement ou de développement d’une résistance au docétaxel, seule la mitoxantrone pouvait être proposée. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle chimiothérapie, le cabazitaxel, inhibiteur des microtubules, a été développée par les laboratoires Sanofi-Aventis. L’étude TROPIC, de phase III, a évalué l’efficacité et la tolérance du cabazitaxel associé à la prednisone/­prednisolone par comparaison avec l’association mitoxantrone et ­prednisone/­prednisolone, chez 755 patients atteints d’un cancer de la prostate ayant progressé après un traitement par docétaxel et ­prednisone/­prednisolone. Le critère principal de cette étude était la survie globale. Les premiers résultats, publiés dans The Lancet en octobre 2010, ont mis en évidence l’efficacité de cette nouvelle chimiothérapie avec des résultats significatifs sur le critère principal se traduisant par une réduction du risque de décès de 30 % (HR = 0,70 ; IC 95 : 0,59-0,83 [p < 0,0001]) et un allongement de la médiane de survie (15,1 mois dans le groupe traité par cabazitaxel versus 12,7 mois dans le bras mitoxantrone). Les données complé- Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011 mentaires présentées en mars dernier au congrès de l’EAU (European Association of Urology) ont confirmé l’intérêt du cabazitaxel, montrant en particulier : ✓✓ une augmentation du taux de réponse objective (14 % versus 4,4 %) ; ✓✓ un contrôle de la maladie obtenu chez 61,7 % des patients traités par cabazitaxel et prednisone/prednisolone (versus 47,5 % dans le groupe mitoxantrone et prednisone/ prednisolone [p = 0,004]) ; ✓✓ une durée de traitement plus longue dans le groupe cabazitaxel que dans le groupe mitoxantrone (6 cycles versus 4 cycles). Les événements indésirables de grade 3 ou 4 le plus fréquemment observés (incidence ≥ 5 %) ont été des neutropénies, des leuco­pénies, une asthénie, des neutropénies fébriles et des diarrhées. Cette AMM du cabazitaxel marque une nouvelle étape dans le traitement du c­ ancer de la prostate ­hormono-résistant avec désormais la possibilité d’envisager plusieurs lignes de traitement à ce stade de la maladie. N. Charbonnier 85