Introduction
Les progrès réalisés ces vingt dernières années dans la prise en charge des
tumeurs germinales du testicule ont considérablement amélioré les espoirs de
guérison des patients concernés. Il est actuellement possible, tout en conser-
vant un maximum de chance de guérison, d’optimiser les schémas thérapeu-
tiques dans un souci de préserver la qualité de vie de ces patients tout en
gardant la meilleure efficacité, et ce quel que soit le stade, en prenant en
compte différents facteurs pronostiques.
Les facteurs prédictifs de rechute des séminomes de stade I
Le séminome pur de stade I se caractérise sur le plan anatomopathologique
par l’absence de tout autre contingent tumoral associé et l’absence d’aug-
mentation de l’alpha-fœto-protéine.
Quinze pour cent environ des patients atteints de séminome de stade I pré-
sentent une évolution métastatique dans les mois ou les années qui suivent
le diagnostic. Le traitement historique des séminomes de stade I reposait sur
l’irradiation ganglionnaire prophylactique. Différentes équipes ont actuelle-
ment fait le choix de ne plus effectuer cette irradiation, permettant par la
même occasion une meilleure connaissance de l’histoire naturelle de cette
tumeur (1, 2).
Le Danish Testicular Carcinoma Study Group (Dateca) a ainsi pu souligner
l’importance de la taille de la tumeur primitive. Warde et al. (3) ont analysés
les données de 638 patients. La taille de la tumeur et l’envahissement du rete
testis sont considérés par ces auteurs comme des facteurs indépendants chez
les patients atteints de séminome de stade I. Le risque de rechute est évalué
à 15 % s’il existe un ou deux facteurs de risque, à 30 % environ si les deux
facteurs de risque sont présents.
En 1999, le SGCCG a démarré un nouvel essai reposant sur les critères
de Warde et al. (4). Parmi 300 patients avec un séminome de stade I, 96
(32 %) n’ayant pas de facteurs de mauvais pronostic ont été surveillés,
Facteurs pronostiques des tumeurs germinales
S. LEMOULEC et A. HOULGATTE
125 (42 %) avec une tumeur de plus de 4 cm, 31 (10 %) avec un envahis-
sement du rete testis et 48 (16 %) avec ces deux facteurs de risque ont été
traités par deux cycles de carboplatine (AUC 7) à 21 jours d’intervalle. Le
taux de rechute était de 4,2 % chez les patients sous surveillance et de 2,4 %
chez les patients traités par carboplatine. Le temps moyen jusqu’à progression
tumorale était de 8 mois : toutes les rechutes étaient rétropéritonéales. Ces
récidives ont été traitées avec succés par cisplatine-étoposide. La survie sans
progression était de 96,4 % pour les patients traités par chimiothérapie et
94,5 % pour ceux sous surveillance. Ces résultats sont en faveur d’un traite-
ment adapté aux facteurs pronostiques adoptés par Warde et al. (3)
Facteurs prédictifs de rechute des tumeurs germinales
non séminomateuses de stade I (TGNS)
Depuis 1996, le German Testicular Cancer Study Group (5) a étudié prospec-
tivement les facteurs de récidive des TGNS de stade I afin d’orienter au mieux
les décisions thérapeutiques et d’en réduire la morbidité tout en conservant
la meilleure efficacité, sachant qu’environ 99 % de ces patients seront guéris.
L’analyse concernant 165 patients traités par curage lombo-aortique et suivis
plus d’un an (médiane de 34,5 mois) a montré qu’il s’agissait en fait d’un
stade II pathologique dans 28 % des cas. Seuls 0,6 % des patients de stade I
confirmé après curage ont rechuté en situation lombo-aortique. L’invasion vas-
culaire apparaît comme le facteur d’histopronostic le plus spécifique en analyse
multivariée. La valeur prédictive positive d’une maladie métastatique ou d’une
rechute est de 53 % pour ce qui concerne la présence d’emboles vasculaires.
En l’absence d’invasion vasculaire pour les patients de bon pronostic, la
valeur prédictive négative est de 77 %. En combinaison avec d’autres facteurs
de risque (pourcentage de carcinome embryonnaire inférieur à 50 %, MIB-1
inférieur à 70 %, taux de prolifération), la valeur prédictive négative atteint
86,5 %.
Dans une étude rétrospective française menée à propos de 88 patients (6),
trois groupes de risque ont été identifiés :
– le groupe à faible risque de récidive ne présentant pas d’emboles vascu-
laires et avec présence de tératome sur la pièce d’orchidectomie, ayant moins
de 5 % de rechutes ;
– le groupe à risque intermédiaire présentant un seul facteur d’histopro-
nostic, à savoir des emboles vasculaires avec présence de tératome ayant un
risque de récidive estimé à 29 % ;
– un groupe à haut risque présentant une tumeur avec invasion vasculaire
et sans tératome avec un risque de récidive estimé à 61 %.
Les auteurs proposent une simple surveillance dans le groupe à faible risque
de récidive, plutôt qu’un traitement immédiat (curage ganglionnaire ou chi-
miothérapie adjuvante).
94 Cancer du testicule
L’existence d’emboles vasculaires (lymphatiques ou veineux) apparaît
actuellement comme le facteur de risque le plus consensuel. Le pourcentage
de carcinome embryonnaire et l’absence de tératome restent encore l’objet de
débats.
Certaines études actuellement en cours cherchent à évaluer la place de la
tomographie à émissions de positons, les données préthérapeutiques de la
tomodensitométrie sous-évaluant dans 30 % des cas les TGNS et dans 20 %
les séminomes de stade I.
La TEP-FDG apparaît plus performante que la TDM mais aucune des deux
techniques n’apparaît capable de détecter une atteinte ganglionnaire de taille
inférieure à 5 mm ; la place de la TEP-FDG dans le bilan d’extension initial
est à confirmer à ce jour par des études complémentaires.
Facteurs pronostiques des stades métastatiques
En 1997, l’American Joint Cancer Committee (AJCC) et l’Union internationale
contre le cancer (UICC) ont révisé la classification TNM (7, 8). Cette nou-
velle classification prend en compte les localisations métastatiques et le dosage
des marqueurs, elle reflète les groupes pronostiques identifiés par l’International
Germ Cell Consensus Collaborative Group (IGCCCG).
Cette classification prend en compte trois types de paramètres indépendants :
le taux des marqueurs sériques (HCG, LDH, AFP), le site de la tumeur pri-
mitive et l’existence de métastases viscérales extrapulmonaires.
Cette classification parue en 1997, différencie trois groupes de pronostic
différent : un premier groupe de bon pronostic avec une survie globale de
95 %, un groupe de pronostic intermédiaire avec une survie de 80 %, et un
groupe de mauvais pronostic avec une survie de 50 %.
Pour les séminomes avancés, seul un critère est retenu afin de différencier
les formes de bon pronostic de celles de pronostic intermédiaire : la présence
de métastases viscérales extrapulmonaires.
Une série française de 145 patients atteints de séminomes avancés traités
par une première ligne de chimiothérapie à base de sels de platine confirme
ces données. Une rémission complète est obtenue dans 130 cas (90 %), la
survie globale à 5 ans étant de 81 %. La présence de métastases viscérales non
pulmonaires au diagnostic apparaît comme le seul facteur de mauvais pro-
nostic. La survie étant de 7 % en cas de métastases hépatiques ou cérébrales
contre 58 % en cas de métastases ganglionnaires, pulmonaires ou osseuses.
Les douze patients atteints de séminome médiastinal sont tous vivants à long
terme.
Le tableau I rappelle la classification pronostique de l’IGCCCG.
Dans les TGNS de mauvais pronostic, il semble que l’étude de la cinétique
de décroissance des marqueurs permette d’affiner la classification et d’identi-
fier ainsi le véritable sous-groupe de mauvais pronostic.
Facteurs pronostiques des tumeurs germinales 95
Ainsi, en 2001, Mazumbar et al. (9) ont étudié le rôle pronostique de la
décroissance des marqueurs AFP et HCG. Entre 1986 et 1998, 189 patients
ont ainsi été évalués, les patients étant classés dans les trois groupes pronostic
de l’IGCCCG.
Il existe une corrélation significative entre le pourcentage de réponse com-
plète et la survie globale à deux ans en cas de décroissance significative du
taux des marqueurs, les différences les plus prononcées étant observées dans
le groupe de faible risque.
En 2004, dans une étude multicentrique, Fizazi et al. (10) à partir de
données rétrospectives sur la décroissance de l’AFP et des HCG à J21 après
le premier cycle de chimiothérapie chez 653 patients inclus dans des essais
thérapeutiques (139 patients étaient selon la classification internationale de
mauvais pronostic), montrent qu’un temps de TTN favorable (prédiction
d’une normalisation des HCG après deux cycles et des AFP après trois cycles
selon une formule logarithmique) était un facteur prédictif fort, indépendant
en analyse multiparamétrique de survie globale à quatre ans pour les formes
de mauvais pronostic (83 % contre 58 % ; p = 0,002). Ce modèle pronostique
reste à valider par des études prospectives.
Les facteurs pronostiques des masses résiduelles
À l’issue de la chimiothérapie, de 10 % à 33 % des patients atteints de TGNS
avancées présentent des masses résiduelles contenant du tissu actif (11).
96 Cancer du testicule
Pronostic
Bon Intermédiaire Mauvais
AFP (ng/mL) < 1 000 1 000-10 000 > 10 000
hCG (UI/L) < 5 000 5 000 -50 000 > 50 000
Lactate déhydrogenase < 1,5 N 1,5-10 N > 10 N
Site primitif Testicule Testicule Médiastin
ou rétropéritoine ou rétropéritoine
Métastase viscérale extrapulmonaire Absence Absence Présence
Proportion de patients 56 % 28 % 16 %
Survie à 5 ans 92 % 80 % 48 %
(International Germ Cell Cancer Collaborative Group, 1997)
AFP : alpha-fœto-protéine, hCG : human chorionic gonadotrophin. On tient compte du dosage
des marqueurs effectués après l’orchidectomie.
Tableau I – Classification pronostique internationale des tumeurs germinales non séminoma-
teuses métastatiques (IGCCCG).
Facteurs prédictifs d’imagerie de la viabilité des masses résiduelles
L’imagerie conventionnelle ne peut malheureusement pas différencier les foyers
de cellules viables au sein de masses résiduelles. La TEP-18 FDG a montré
son intérêt dans cette indication pour un grand nombre de tumeurs (12).
Appliquée aux TGNS, cette technique s’est montrée fiable pour la détection
des cellules tumorales viables au sein des masses résiduelles (13, 14).
Néanmoins, la TEP- 18 FDG n’est pas assez sensible pour différencier la
nécrose tumorale du tératome.
Une étude prospective multicentrique SEMPET (15) a étudié la valeur de
la TEP dans l’estimation de la viabilité de la tumeur résiduelle pour les sémi-
nomes après chimiothérapie. Cette étude porte sur 51 patients atteints de sémi-
nomes purs métastatiques. La spécificité, la sensibilité, les valeurs prédictives
positive et négative pour évaluer la viabilité tumorale de masses résiduelles
après chimiothérapie ont été respectivement de 100 %, 80 %, 100 % et 96 %
comparativement à la tomodensitométrie pour laquelle on sait que persistent
des résidus viables de 3 % et 27 %, selon que les résidus sont supérieurs ou
inférieurs à 3 cm. Une TEP positive dans cette situation est hautement pré-
dictive de la présence de tumeur viable et pourrait contribuer à adapter la
prise en charge des masses résiduelles, évitant ainsi un certain nombre d’exé-
rèses chirurgicales.
Facteurs prédictifs histologiques avant une chirurgie pour masses résiduelles
Steyerberg et al. (16) ont publié un modèle permettant de prédire l’analyse
anatomopathologique des masses résiduelles pulmonaires en fonction des gan-
glions rétropéritonéaux, de la valeur des marqueurs avant chimiothérapie et
du nombre de nodules résiduels pulmonaires. Ce modèle peut permettre de
prédire la présence de nécrose au sein des masses résiduelles pulmonaires dans
plus de 90 % des cas pour certains sous-groupes de patients. Cependant, ce
modèle n’a pu être validé. L’équipe du Memorial Sloan Kettering Cancer Center
l’a appliqué à un groupe de 70 patients sans succès : dans 24 % des cas, du
tératome ou de la tumeur viable étaient retrouvés alors que le modèle prédi-
sait de la nécrose (17).
Il n’existe donc pas à l’heure actuelle de facteur prédictif histologique uti-
lisable en pratique.
Facteurs prédictifs histologiques
en cas d’atteinte pulmonaire bilatérale
Une étude rétrospective multicentrique portant sur 71 patients (18) atteints
de TGNS et présentant des masses résiduelles après une première ligne de
chimiothérapie évalue la concordance histologique en fonction des sites opé-
ratoires. Il existe une discordance histologique entre les masses résiduelles rétro-
péritonéales et thoraciques, mais il existe une bonne concordance histologique
Facteurs pronostiques des tumeurs germinales 97
1 / 10 100%