PROSTATE R e v u e d e ... Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris)

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R ev u e
de
presse
Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris)
PROSTATE
Morbidité de la prostatectomie totale
après traitement par ultrasons focalisés
de haute intensité
Les ultrasons focalisés de haute intensité (High Intensity
Focused Ultrasound [HIFU]) sont de plus en plus fréquemment proposés aux patients qui recherchent un
traitement curatif associé à une faible morbidité. Les
auteurs ont étudié le devenir des hommes ayant eu
une prostatectomie totale après un échec de traitement de l’ensemble de la glande prostatique par HIFU.
L’étude prospective a enrôlé, entre 2007 et 2010, des
hommes présentant, après un traitement par HIFU,
une augmentation du PSA et un cancer de la prostate
objectivé par la ponction-biopsie prostatique et qui
ont été traités par prostatectomie totale. Le suivi, d’une
durée médiane de 22 mois, incluait l’évolution du PSA,
le volume prostatique, les résultats anatomopathologiques, la continence et la fonction érectile.
Quinze patients ont été inclus. Ils avaient un âge médian
de 64 ans (extrêmes : 55-69), un score de Gleason avant
HIFU de 6 (n = 8) ou de 7 (n = 7), un taux médian de biopsie
positive de 39 % (17 %-63 %) et un PSA médian de 7 ­ng/­ml
(5-8 ­ng/­ml). Le nadir médian du PSA obtenu après HIFU
était de 1,1 ­ng/­ml (0,5-3,1 ­ng/­ml). Les biopsies après HIFU
ont mis en évidence un score de Gleason de 6 (n = 3), de 7
(n = 9) ou de 8-9 (n = 3), et 42 % (25 %-50 %) des biopsies
étaient positives. La prostatectomie totale a été réalisée
dans un délai médian de 22 mois après HIFU. La morbidité péri-opératoire a été limitée à un cas de transfusion
sanguine chez un patient ayant eu, de plus, une plaie
rectale. D’un point de vue anatomopathologique, une
fibrose périprostatique a été observée. Dans 10 cas sur 15,
le cancer de la prostate était pT3a. Le score de Gleason sur
la pièce de prostatectomie a été de 6 (n = 2), de 7 (n = 9)
et de 8-9 (n = 4) avec des marges positives dans 4 cas. Le
PSA postopératoire a été inférieur aux valeurs minimales
dosables chez 13 patients sur 15, un patient a dû recevoir
une radiothérapie et une hormonothérapie complémentaire, et un autre a été traité par hormonothérapie. Au
terme d’un suivi postopératoire médian de 12 mois, ne
concernant que 10 patients sur 15, 6 étaient continents,
3 ne nécessitaient pas plus d’une protection journalière
et 1 était incontinent. Le score IIEF, évaluant la fonction
érectile, n’était pas significativement différent avant HIFU
et avant prostatectomie totale, mais était diminué chez
tous les patients après prostatectomie totale.
Les auteurs concluent que la prostatectomie de sauvetage après HIFU est faisable, mais associée à une plus
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011
forte morbidité que la prostatectomie totale de première
intention. Les résultats anatomopathologiques ont été
inquiétants, montrant une majorité de cas d’­extension
extraprostatique alors que le délai après HIFU était court.
Ces résultats doivent être mentionnés lors de l’information des patients choisissant le traitement par HIFU.
Commentaire. Cette étude apporte une information
prévisible : la chirurgie prostatique après HIFU semble plus
morbide que la chirurgie prostatique de première intention.
Elle n’en fait cependant pas la preuve formelle car il ne s’agit
pas d’une étude comparative mais d’une simple étude rétrospective de cohorte. Le lecteur peut néanmoins en tirer une
conclusion importante : l’indication du traitement par HIFU
doit être mûrement réfléchie si le patient est susceptible d’être
ultérieurement opéré d’une prostatectomie totale. Les sociétés
savantes française et européenne recommandent de proposer
un traitement par HIFU pour les cancers de la prostate de T1-T2
N0 M0 avec un score de Gleason de 7 (3 + 4) maximum, associé
à un PSA inférieur à 15 ­ng/­ml, avec un volume prostatique
inférieur à 50 cc, un volume tumoral limité (moins de 4 zones
prostatiques atteintes sur 6) chez des patients âgés de plus
de 70 ans ­et/­ou dont l’espérance de vie est au moins de 7 ans.
Si les auteurs ont respecté ces recommandations du point
de vue des caractéristiques du cancer, il n’en a pas été de
même concernant l’âge des patients. Ainsi, en proposant un
traitement par HIFU à des patients jeunes, la situation d’échec
thérapeutique a conduit les auteurs à proposer un traitement
chirurgical “de sauvetage”. À la lumière de cet article, le lecteur
comprendra les réserves actuelles (qu’il pourra transmettre à
ses patients), concernant l’âge pour les indications de l’HIFU.
Par ailleurs, le fait que des patients de cette étude aient
été traités par HIFU dans d’autres centres que celui où les
prostatectomies “de sauvetage” ont été réalisées et le manque
d’information sur les caractéristiques de l’ensemble de la
population traitée par HIFU ne permettent pas d’interpréter les
résultats anatomopathologiques rapportés dans cet article.
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Y. Neuzillet, Suresnes
• Lawrentschuk N, Finelli A, Van der Kwast TH et al. Salvage radical prostatectomy following primary high intensity focused ultrasound for treatment
of prostate cancer. J Urol 2011;185(3):862-8.
Étude randomisée de phase III comparant
le dénosumab à l’acide zolédronique
dans les cancers de la prostate résistant
à la castration et avec métastases osseuses
Le dénosumab est un anticorps monoclonal complètement humanisé bloquant RANKL. Cette étude
de phase III (1:1) [1], de non-infériorité et menée en
63
R ev u e
double aveugle, a comparé l’efficacité et la
tolérance du dénosumab à celles du zolédronate chez 1 901 patients de 342 centres
(39 pays). Ces patients n’avaient jamais été
traités par biphosphonate antérieurement
et ils ont reçu soit du dénosumab (n = 950)
à la dose mensuelle s.c. de 120 mg associé
à un placebo i.v., soit du zolédronate i.v. à
une dose adaptée à la fonction rénale avec
un placebo s.c. (n = 951). Ils recevaient des
suppléments en calcium et en vitamine D. Le
critère de jugement principal était le temps
jusqu’au premier événement osseux (SkeletalRelated Events [SRE]) défini par une fracture
pathologique, une irradiation ou une chirurgie
osseuse, une compression médullaire.
Le dénosumab permet de retarder de façon
statistiquement significative le premier SRE
(hazard-ratio [HR] = 0,82 ; IC95 : 0,71-0,95
[p = 0,008]). Le temps médian jusqu’au
premier événement osseux est de 20,7 mois
(IC95 : 18,8-24,9 mois) versus 17,1 mois (IC95 :
15,0-19,4 mois) avec le zolédronate, soit une
différence de 3,6 mois.
Il réduit également les autres SRE (HR = 0,82 ;
IC95 : 0,71-0,94 [p = 0,004]) ainsi que les marqueurs de turn-over osseux comme le uNTx et
le BSAP. À l’exception des hypocalcémies plus
fréquentes avec le dénosumab (13 % versus
6 % [p < 0,001]), les effets indésirables ont
été identiques dans les 2 groupes, et notamment en ce qui concerne les ostéonécroses
de la mâchoire (2,3 % versus 1,3 % respectivement [p = 0,09]). Le dénosumab vient donc
de montrer − en présence de métastases
osseuses − sa supériorité dans la prévention et
le retard de l’apparition des SRE. Il ne modifie
pas en revanche la survie globale.
Commentaire. Deux autres essais de phase III
ont confirmé la supériorité du dénosumab dans
les cancers du sein (2) ou d’autres tumeurs
solides avec des métastases osseuses (les
myélomes également) [3]. L’analyse intégrée
de 5 723 patients inclus dans les 3 études de
phase III a montré que le dénosumab permettait
de retarder la survenue du premier SRE avec un
délai median de 8,3 mois (27,7 mois versus
19,5 mois ; HR = 0,83 ; IC95 : 0,76-0,90) ainsi que
les SRE suivants de 18 %. L’Autorisation de mise
sur le marché est en cours…
P. Beuzeboc, Paris
64
de
presse
1. Fizazi K, Carducci M, Smith M et al. Denosumab versus
zoledronic acid for treatment of bone metastases in men
with castration-resistant prostate cancer: a randomised,
double-blind study. Lancet 2011;377(9768):813-22.
2. Stopeck AT, Lipton A, Body JJ et al. Denosumab compared
with zoledronic acid for the treatment of bone metastases
in patients with advanced breast cancer: a randomized,
double-blind study. J Clin Oncol 2010;28(35):5132-9.
3. Henry DH, Costa L, Goldwasser F et al. Randomized,
double-blind study of denosumab versus zoledronic acid in
the treatment of bone metastases in patients with advanced
cancer (excluding breast and prostate cancer) or multiple
myeloma. J Clin Oncol 2011;29(9):1125-32.
4. Lipton A, Siena S, Rader MB et al. Denosumab versus
zoledronic acid (ZA) for treatment of bone metastases in
advanced cancer patients: an integrated analysis. ESMO
2011.
Commentaire. Cette molécule est plus efficace
que le 5-FU, et présente une toxicité digestive
moindre. Avant de la considérer comme intégrée
à l’arsenal thérapeutique, il faudrait l’évaluer sur
des patients européens. En effet, elle a été évaluée
au Japon, et il se peut que le profil enzymatique
des patients et la pharmacocinétique soient différents d’une population à l’autre. L’association
se révélerait potentiellement intéressante avec
les inhibiteurs de tyrosine kinase ou de mTOR en
raison de l’absence de toxicité croisée.
S. Oudard, Paris
• Naito S, Eto M, Shinohara N et al. Multicenter phase II trial
of S-1 in patients with cytokine-refractory metastatic renal
cell carcinoma. J Clin Oncol 2010;28(34):5022-8.
REIN
Molécule S-1 dans le cancer du rein
La molécule S-1 est un analogue du 5 fluorouracile (5-FU), tégafur associé à un agent
inhibiteur de la dihydropyrimidine déshydrogénase et inhibiteur de la phosphorylation du
FU au niveau intestinal. La molécule S-1 administrée par voie orale a comme intérêt d’être
plus active que le 5-FU, avec une moindre
toxicité digestive. Cette molécule a été testée
chez 45 patients atteints d’un cancer du rein
métastatique réfractaire aux cytokines, et elle
montre un taux de réponse de 24,4 % d’après
les critères RECIST. Aucune réponse complète
n’a été notée. La réponse objective est identique quel que soit le groupe pronostique
des patients d’après les critères du Memorial
Sloan-Kettering Cancer Center. La médiane de
SSP est de 9,2 mois, avec une survie médiane
non encore atteinte.
Ce traitement s’accompagne de peu d’effets
indésirables. Les principales toxicités de grade
3-4 sont l’anorexie et la neutropénie (8,9 %).
Une réduction de dose de la molécule S-1 a
été observée chez 27 % des patients. Il existe
une corrélation entre l’expression ARN de
la thymidilate synthase (TS) et la réponse
objective. En cas de taux d’expression ARN
bas de la TS, les réponses objectives sont plus
fréquentes et la survie sans progression est
prolongée. Du fait du profil de cette molécule,
celle-ci pourrait être associée avec des antiangiogéniques ou des inhibiteurs de mTOR. Le
S-1 devrait enrichir l’éventail, déjà important
(8 produits), des molécules actuellement disponibles dans le cancer du rein.
VESSIE
Corrélation entre la SSP à 2
ou 3 ans et la SG à 5 ans chez
les patients traités par cystectomie
radicale pour une tumeur
de la vessie envahissant le muscle
La survie globale (SG) à 5 ans constitue le
critère de jugement principal utilisé dans
l’évaluation des traitements systémiques périopératoires des tumeurs de la vessie infiltrant
le muscle. Cette large étude rétrospective
avait pour objectif de savoir si les données
de survie sans progression (SSP) à 2 ans ou
3 ans permettaient d’anticiper les résultats
de SG à 5 ans.
Les données de 2 724 patients traités entre
1980 et 2008 dans 10 centres européens et
américains ont été examinées. Tous avaient
bénéficié d’une cystectomie radicale suivie
pour 844 (31 %) d’entre eux d’une chimiothérapie adjuvante. Les patients métastatiques,
avec des marges positives, ayant reçu une
radiothérapie péri-opératoire ou une chimiothérapie néo-adjuvante étaient exclus. L’étude
de la survie était effectuée selon la méthode de
Kaplan-Meier ; l’analyse de l’association entre
les SSP à 2 ans ou SSP à 3 ans et la SG à 5 ans
selon le modèle de Cox. Les SSP à 2 ans et SSP
à 3 ans étaient respectivement de 63 % et 57 %,
la SG à 5 ans, de 47 %. La concordance globale
entre SSP à 2 ans et SG à 5 ans était de 79 %,
celle entre SSP à 3 ans et SG à 5 ans, de 81 %,
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011
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similaire quel que soit le sous-groupe (stade,
période de traitement 1980-1990 versus 19902008, modalités de traitement). Le hazard-ratio
(HR) comme variable indépendante était
de 12,7, indiquant ainsi une forte corrélation
entre SSP et SG.
Une validation interne a été effectuée dans
les 3 centres principaux recruteurs faisant
ressortir des résultats comparables.
Les auteurs ont conclu à la possibilité d’utiliser dans l’avenir les SSP à 2 ans et à 3 ans
comme surrogate marker de SG dans les essais
de chimiothérapie préopératoire.
Commentaire. Exiger des résultats en termes de
SG oblige à d’importantes ressources financières
pour le monitoring des essais, expose à des biais
et à des difficultés d’interprétation liés à l’emploi
de multiples lignes de chimiothérapie et au retard
apporté à la validation d’un traitement efficace
empêchant les patients d’en bénéficier plus précocement. Néanmoins avant que la SSP, à l’instar
des traitements adjuvants des cancers coliques,
ne s’impose comme critère de jugement principal
plus précoce que la SG à 5 ans, une validation
externe et une confirmation par des études
prospectives sont nécessaires.
G. Roubaud, Bordeaux
• Sonpavde G, Khan MM, Lerner SP et al. Disease-free survival at 2 or 3 years correlates with 5-year overall survival of
patients undergoing radical cystectomy for muscle invasive
bladder cancer. J Urol 2011;185(2):456-61.
Expression d’ERCC1 :
facteur prédictif d’efficacité
de la radio-chimiothérapie
du cancer de la vessie ?
Des données semblent indiquer que l’expres­
sion du gène ERCC1 (excision repair crosscomplementing group) est associée à une
résistance au cisplatine et à la radiothérapie.
Dans cette étude japonaise, les auteurs ont
examiné la corrélation entre l’expression
d’ERCC1 et l’efficacité d’une association radiochimiothérapie (RT-CT) à la fois in vitro et
in vivo (1).
In vitro, le niveau d’expression d’ERCC1 et
l’inhibition de croissance avec le cisplatine
et la radiothérapie ont été étudiés dans les
lignées de cancer de la vessie T24, 5637, C18-2
(sous-lignée de T24 présentant une résistance
multidrogue) et CDDP10-3 (lignée cisplatine
de T24 résistante au cisplatine).
Les cellules C18-2, qui ont une expression
d’ERCC1 5,96 fois plus élevée que les T24,
étaient plus résistantes au cisplatine et à la
radiothérapie. La résistance à la radiothérapie,
mais non celle au cisplatine, était levée en
bloquant ERCC1 par des siARN, à la fois dans
les lignées C18-2 et CDDP10-3.
En clinique, l’expression en immuno­
histochimie (IHC) d’ERCC1 chez 22 patients
apparaissait corrélée à l’efficacité d’une RT-CT
avec du cisplatine ; 6 des 8 cas positifs en IHC
n’avaient pas répondu, alors que 12 des 14 cas
étaient en réponse complète.
Commentaire. Il apparaît important de pouvoir
mieux sélectionner les patients pouvant bénéficier
d’une association RT-CT, et donc d’une conservation de la vessie, en cas de tumeur envahissant
le muscle. Jusqu’à présent, seuls des critères
cliniques ont été utilisés. La recherche de critères
biologiques prédictifs pourrait permettre d‘affiner
le choix thérapeutique. L’expression d’ERCC1
semble être une piste intéressante ; elle nécessite
une validation en clinique à large échelle pour
avoir un niveau de preuve acceptable…
J. Bellmunt et al. (2) avaient déjà rapporté
qu’ERCC1 apparaissait comme un nouveau
marqueur pronostique dans une série de
57 cancers de la vessie avancés ou métastatiques
traités soit par gemcitabine + cisplatine, soit par
gemcitabine + cisplatine + paclitaxel. Le niveau
d’expression évalué par RT-PCR était corrélé à
la survie, au temps jusqu’à progression et à la
réponse à la chimiothérapie. La médiane de survie
était de 25,4 mois en cas d’expression faible, versus
15,4 mois en cas de forte expression (p = 0,03).
A.C. Hoffmann et al. (3) ont, plus récemment,
publié des résultats concluant que les expressions d’ERCC1 et de MDR1 pouvaient aider à
identifier un groupe de patients présentant un
cancer localement avancé et pouvant bénéficier
d’une chimiothérapie adjuvante. Ces expressions
étaient toutes 2 indépendamment associées à la
survie sans progression.
P. Beuzeboc, Paris
1. Kawashima A, Nakayama M, Kakuta Y et al. Excision
repair cross-complementing group 1 (ERCC1) may predict
the efficacy of chemoradiotherapy for bladder cancer. Clin
Cancer Res 2010 (sous presse).
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011
2. Bellmunt J, Paz-Ares L, Cuello M et al. Spanish Oncology
Genitourinary Group. Gene expression of ERCC1 as a novel prognostic marker in advanced bladder cancer patients receiving
cisplatin-based chemotherapy. Ann Oncol 2007;18(3):522-8.
3. Hoffmann AC, Wild P, Leicht C et al. MDR1 and ERCC1
expression predict outcome of patients with locally advanced
bladder cancer receiving adjuvant chemotherapy. Neoplasia
2010;12(8):628-36.
TUMEUR GERMINALE
Traitement des tumeurs
germinales de mauvais pronostic :
échec de l’intensification
en première ligne
Le traitement des tumeurs germinales doit
suivre les recommandations internationales pour permettre la meilleure chance
de guérison. Selon la classification de
l’IGCCCG (International Germ Cell Consensus
Classification Group), publiée en 1997, il est
indispensable de classer les patients atteints
de tumeurs germinales métastatiques selon
le site métastatique, le taux des marqueurs
tumoraux et la présence de métastases viscérales. Le traitement des patients de mauvais
pronostic (tumeur médiastinale primitive,
présence de métastases viscérales et un taux
de marqueurs tumoraux très élevé) reste un
défi pour l’oncologue médical en ce début
de XXIe siècle.
G. Daugaard et al. ont publié, dans Annals
of Oncology, les résultats de l’étude de
l’EORTC 30974, qui avait pour objectif de
démontrer un bénéfice de l’intensification avec autogreffe en première ligne de
traitement pour les patients atteints de
tumeurs germinales de mauvais pronostic.
Les auteurs ont comparé un traitement
par 4 cycles de BEP (traitement standard)
versus 1 cycle de VIP, et 3 cycles de chimiothérapie à haute dose. Cette étude a porté
sur 137 patients au lieu des 222 initialement
prévus, car elle a été fermée en raison des
difficultés d’inclusion.
Les résultats ne montrent pas de différence
significative en termes de taux de réponse
complète (44,6 % versus 33,3 %), de rechute
à 2 ans (44,8 % versus 58,2 %) et de survie
globale entre le traitement par chimiothérapie à haute dose et le traitement
standard.
65
R ev u e
Commentaire. Cette étude souligne qu’il est
particulièrement difficile d’améliorer le pronostic
des patients atteints de tumeurs germinales
de mauvais pronostic. Rappelons que l’étude
américaine de R. Motzer qui avait posé la même
question était aussi négative. Une autre étude est
en cours en France (GETUG 13), qui teste l’intérêt
d’une chimiothérapie dose-dense (utilisation du
paclitaxel, de l’oxaliplatine, de l’ifosfamide en plus
du BEP standard), et il serait plus que souhaitable
que tous les patients porteurs d’une tumeur
germinale de mauvais pronostic soient inclus
dans cette étude prospective.
C. Massard, Paris
• Daugaard G, Skoneczna I, Aass N et al. A randomized
phase III study comparing standard dose BEP with sequential
high-dose cisplatin, etoposide, and ifosfamide (VIP) plus
stem-cell support in males with poor-prognosis germ-cell
cancer. An intergroup study of EORTC, GTCSG, and Grupo
Germinal (EORTC 30974). Ann Oncol 2010 (sous presse).
Une nouvelle classification
­internationale dans les cancers
du testicule en rechute
Les tumeurs germinales métastatiques
sont des tumeurs hautement curables par
la chimiothérapie (qui doit toujours être
adaptée au pronostic des patients, défini par
la classification de l’IGCCCG publiée en 1997),
et par la chirurgie des masses résiduelles.
Cependant, 10 à 15 % des patients vont
rechuter, et sont traités par une chimiothérapie
à dose conventionnelle à base d’ifosfamide ou
par une chimiothérapie à haute dose avec
autogreffe de cellules souches. Plusieurs classifications cliniques ont été proposées durant
ces 15 dernières années pour définir le pronostic des patients en rechute.
Il y a 2 ans, J. Beyer et al. étaient à l’origine
d’une fabuleuse initiative pour collecter
en rétrospectif les cas de patients traités
dans plus de 38 centres de par le monde,
en Europe mais aussi aux États-Unis et au
Canada. Ils ont ainsi pu collecter les données
de 1 984 patients ayant présenté une rechute
après une chimiothérapie à base de cisplatine et traités par chimiothérapie à dose standard ou à haute dose. L’analyse univariée et
multivariée a permis d’identifier 7 facteurs
pronostiques : le site de la tumeur primitive,
66
de
presse
l’histologie, la réponse à la première ligne, le
délai de rechute, la présence de métastases
viscérales et les taux des marqueurs tumoraux
(AFP et HCG). Ces facteurs pronostiques ont
permis d’établir une nouvelle classification
pronostique avec 5 groupes ayant des survies
différentes : very low risk, low risk, intermediate
risk, high risk et very high risk.
Commentaire. Cet article est important pour
plusieurs raisons. Premièrement, en raison de
la rareté de ces cancers, cette étude montre
qu’il est indispensable de travailler en groupes
afin de pouvoir générer des données robustes
dans le domaine des tumeurs germinales.
Deuxièmement, l’identification d’une nouvelle
classification pronostique va permettre de
repenser le traitement de rattrapage de ces
patients. Enfin, et non des moindres, la constitution d’un groupe international ayant un intérêt
dans le traitement de ces formes graves en rechute
a permis l’émergence d’une équipe d’investigateurs qui réfléchissent ensemble à la mise en
place des études prospectives internationales
permettant de répondre à certaines questions et,
en particulier, à celle de la place de l’intensification
dans les tumeurs germinales en rechute. Une
étude prospective comparant une chimiothérapie
à dose standard à base d’ifosfamide versus une
intensification est en cours de validation, et nos
patients qui malheureusement rechutent après
un traitement de première ligne pourront prochainement être inclus dans cette étude.
C. Massard, Paris
• International Prognostic Factors Study Group, Lorch A, Beyer
J, Bascoul-Mollevi C et al. Prognostic factors in patients with
metastatic germ cell tumors who experienced treatment
failure with cisplatin-based first-line chemotherapy. J Clin
Oncol 2010;28(33):4906-11.
Les patients avec tumeurs
­germinales sont-ils bien traités
en Europe ? L’exemple du Portugal
Le traitement des tumeurs germinales nécessite un suivi “obsessionnel” des recommandations internationales pour permettre un
taux de guérison optimal, proche des 100 %,
dans les stades localisés (stade I) et supérieur
à 90 % dans les stades métastatiques (en fonction du pronostic défini par la classification
de l’IGCCCG publiée en 1997).
J.L. Passos-Coelho et al. ont publié une étude
courageuse concernant le taux de survie des
patients traités pour une tumeur germinale
au Portugal. Cette étude présente de nombreux biais méthodologiques, mais elle a le
mérite de s’intéresser au taux de survie des
patients traités pour un cancer. Pendant les
années 1999 et 2000, les auteurs ont revu
rétrospectivement les données de 87 patients
traités pour une tumeur germinale, dont 81
pour une tumeur germinale testiculaire et 3
pour tumeur médiastinale primitive. Parmi
ces patients, 35 avaient un stade localisé, 13
un stade II et 3 un stade III. Selon la classification de l’IGCCCG, 17 patients étaient classés
comme ayant un mauvais pronostic. Après
un suivi médian de 89 mois, la survie à 5 ans
était de 100 % pour les stades I, de 92 % pour
les stades II et de 53 % pour les stades III.
Commentaire. Cette étude semble suggérer que
le taux de survie des patients avec des tumeurs
germinales métastatiques est inférieur à ceux
obtenus dans les autres pays européens, ce qui
pourrait s’expliquer par un non-suivi des recommandations ou par le traitement de patients plus
avancés dans la maladie.
Malgré certains biais évidents, il faut reconnaître
l’intérêt de ce type d’analyse de survie des patients
traités, et il serait très intéressant de réaliser ce
genre d’étude en France. Rappelons que N. Mottet
et S. Culine avaient montré, en France, un fort
taux de discordance entre la prise en charge des
patients avec tumeur germinale et les recommandations des sociétés savantes.
C. Massard, Paris
• Passos-Coelho JL, Castro Ribeiro M, Santos E et al.
Suboptimal survival of male germ-cell tumors in southern
Portugal-a population-based retrospective study for cases
diagnosed in 1999 and 2000. Ann Oncol 2010 (sous presse).
TUMEUR UROTHÉLIALE
Micrométastases médullaires : un
facteur pronostique indépendant
dans les tumeurs urothéliales
traitées par cystectomie ?
M. Retz et al. (1) s’étaient intéressés en 2001
à la détection, à un stade précoce d’une
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011
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tumeur urothéliale avant traitement radical
(chirurgie ± chimiothérapie adjuvante), des
cellules tumorales sur des échantillons de
moelle osseuse (aspiration de moelle dans les
2 crêtes iliaques antérieures). Cette détection
était réalisée en mesurant l’expression de la
cytokératine 20 (CK20) par RT-PCR qualitative.
Les échantillons provenaient de 51 patients
ayant une tumeur uro­théliale n’infiltrant
pas le muscle (TUNIM) à haut risque ou une
tumeur urothéliale infiltrant le muscle (pT2pT4a, pN1-pN2). En 2010, M. Retz et al. (2)
ont publié les données de survie à long
terme, en mesurant la survie sans progression (SSP), la survie spécifique (SS) et la survie
globale (SG) de ces patients (suivi médian :
50 mois [1-108]). L’expression de la CK20 a
été retrouvée chez 16 patients (31,4 %), tous
stades confondus. Les patients sans expression de la CK20- dans la moelle avaient, à
7 ans, une SSP de 64 %, une SS de 70,2 % et
une SG de 65,7 % versus 35,2 % (p = 0,007),
46,9 % (p = 0,012) et 35,7 % (p = 0,006) respectivement pour les patients CK20+. En
analyse multivariée, seuls les statuts pN+ et
CK20+ constituaient des variables pronostiques indépendantes parmi tous les autres
facteurs testés (âge, sexe, stade T, grade,
chimiothérapie postopératoire). Plus précisément, concernant le statut CK20+ : HR = 3,32
(IC95 : 1,33-8,27) pour la SSP, HR = 3,75 (IC95 :
1,4-10,1) pour la SS, et HR = 3,55 (IC95 : 1,478,55) pour la SG. Le statut CK20+ restait un
facteur pronostique indépendant dans un
sous-groupe de patients pN0 (n = 41).
Commentaire. La recherche de micrométastases
médullaires a montré sa valeur pronostique dans
certaines tumeurs solides, notamment dans les
cancers du sein, dans une analyse poolée de
4 703 patientes (3). Elle n’est cependant toujours
pas utilisée en routine. Dans cette étude, elle fait
appel à une technique de RT-PCR qualitative dont
le seuil de détection peut être discutable. De plus, il
peut être difficile d’établir la sensibilité et la spécificité de ce test (exemple de faux positif [patient
ayant une autre néoplasie] ou de faux négatif
[expression CK20 perdue au cours de la transition
épithélio-mésenchymateuse]). Se pose également
la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux
faire une biopsie ostéo-médullaire plutôt qu’une
simple aspiration. Si ce test apparaît réalisable
en routine, sa valeur pronostique nécessite une
validation par de larges études prospectives et
une comparaison avec la valeur pronostique des
cellules tumorales circulantes avant de discuter
son utilité en pratique.
Mais jusqu’à quel point ce test pourrait-il
influencer notre décision ? Pourrait-il conduire
à justifier d’emblée un traitement radical chez
des patients CK20+ ayant une TUNIM à haut
risque ? Constituerait-il un outil de décision pour
une chimiothérapie péri-opératoire ou une aide à
l’évaluation de la réponse au traitement ?
G. Roubaud, Bordeaux
1. Retz M, Lehmann J, Röder C et al. Cytokeratin-20 reversetranscriptase polymerase chain reaction as a new tool for
the detection of circulating tumor cells in peripheral blood
and bone marrow of bladder cancer patients. Eur Urol
2001;39(5):507-15.
2. Retz M, Rotering J, Nawroth R et al. Long-term follow-up
of bladder cancer patients with disseminated tumour cells
in bone marrow. Eur Urol 2010 (sous presse).
3. Braun S, Vogl FD, Naume B et al. A pooled analysis of bone
marrow micrometastasis in breast cancer. N Engl J Med
2005;353(8):793-802.
Congrès
26 mai 2011, Palais des congrès, Paris
Professionnels et libéraux
de santé... et entrepreneurs :
plus de 1 000  participants
à la 2e édition du Forum ProSanté
Avec plus de 1 000 professionnels libéraux de santé présents
le 26 mai 2011 au Palais des Congrès de Paris (Porte Maillot),
le Forum ProSanté, organisé par le groupe Les Échos, a
remporté le pari de sa 2e édition en s’imposant comme
Les participants se sont ainsi retrouvés sur un lieu unique de
le nouveau rendez-vous des professions libérales de santé
formation, d’information et d’échanges afin d’optimiser la
(médecins généralistes ou spécialistes, chirurgiens-dentistes,
gestion quotidienne et le développement de leur cabinet :
radiologues, ophtalmologues, dermatologues, etc.) pour
valorisation patrimoniale, optimisation fiscale, outils de
mieux gérer et développer leur activité.
financement, protection des revenus, amélioration de la
“Les professionnels de santé – spécialistes comme généra-
productivité, retraite, ressources humaines, etc.
listes – sont aussi des entrepreneurs qui doivent apprendre
Au total, près de 30 conférences techniques et ateliers pratiques
à gérer et développer un cabinet comme une véritable
ainsi que 40 espaces de conseils gratuits et personnalisés par
entreprise”, affirme Xavier Kergall, directeur général du
des experts ont été proposés au public. Pour plus d’informa-
Forum ProSanté.
tions sur cette manifestation : www.forumprosante.com.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2011
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