Épidémiologie du cancer gastrique
En 2000, le nombre de cas incidents de cancer gastrique
était estimé à 876 341 dans le monde et le nombre de décès
à 646 567, soit la 2ecause de mortalité par cancer après le
poumon [2]. La distribution géographique de ce cancer est
hétérogène ; les zones à haut risque sont caractérisées par
une incidence élevée de l’ordre de 30 à 85 cas pour 105
habitants pour les hommes et 15 à 40 pour 105habitants
pour les femmes, exprimée en taux standardisés sur la popu-
lation mondiale [3]. Ces pays incluent le Japon, la Chine, le
Pérou, la Colombie et, en Europe, l’Italie et le Portugal. Les
zones à faible incidence sont caractérisées par des taux d’in-
cidence compris entre 4 et 8 pour 105hommes et entre 2 et 4
pour 105femmes. C’est le cas des USA où 21 500 nouveaux
cas ont été recensés en 2000 [3]. La France est également un
pays à incidence relativement faible avec des chiffres de 11,1
pour 105hommes et de 4,5 pour 105femmes en 2000, soit
7987 cas incidents, c’est-à-dire le 8ecancer [2]. Les dispari-
tés d’incidence observées entre pays peuvent se retrouver
entre différentes régions d’un même pays. Ainsi, en France, le
risque relatif estimé en 1992 par région par rapport au
risque national variait de 0,7 à 1,5 chez les hommes et de
0,6 à 1,5 chez les femmes [4]. L’incidence du cancer gas-
trique, comme celle d’autres cancers, est étroitement corrélée
à l’âge [3]. Dans le registre de la Côte-d’Or, l’incidence cal-
culée sur la période 1991-1995 passait chez les hommes de
14,4 pour 105pour la tranche d’âge 45-54 ans à 146 pour
105après 75 ans [5].
Dans la plupart des pays, l’incidence du cancer gastrique
diminue [6]. En France, entre 1985 et 1995, l’incidence a
diminué de 21 % chez les hommes et de 27 % chez les
femmes [4]. Dans le registre de la Côte-d’Or, l’incidence a
diminué de 2,3 % par an chez les hommes entre 1975 et
1995 et de 4,1 % par an chez les femmes, le ratio hommes :
femmes augmentant parallèlement de 2,5 à 3,3 [5]. Au
Japon, la diminution d’incidence concerne les personnes
nées après 1910 [6]. Cette évolution concerne principale-
ment le cancer distal, alors que l’incidence du cancer du car-
dia est notée comme stable ou en légère progression. Les
résultats divergents selon les pays concernant le cardia pour-
raient être la conséquence de l’amalgame fait entre les adé-
nocarcinomes du cardia et ceux de l’œsophage distal, ces
derniers étant indiscutablement en progression dans de nom-
breux pays [7]. Selon l’histologie, la diminution d’incidence
concerne principalement l’adénocarcinome de type intestinal
et, à un moindre degré, le type diffus, l’incidence des autres
tumeurs restant stable, notamment celle des cancers aty-
piques [5].
L’évolution de la mortalité par cancer gastrique a suivi
celle de l’incidence, car le pronostic de ce cancer n’a enre-
gistré que peu de progrès depuis 25 ans. C’est ainsi qu’aux
USA, les taux de survie à 5 ans sont passés de 15,4 % pour
la période 1974-1976 à 21,8 % pour la période 1995-1997
[3]. En France, les taux de survie à 5 ans varient de 16 à
20 % [8, 9]. En Europe, le nombre des décès par cancer gas-
trique a diminué de 30 % entre 1988 et 1997 [10]. En 2000,
le nombre des décès était de 6 323 en France, soit 4,2 % des
décès par cancer tous sexes confondus (7ecause) [2]. Au
Japon, la réduction de mortalité par cancer gastrique a été
plus rapide que la diminution d’incidence du fait d’un dia-
gnostic plus précoce lié à la mise en place de campagnes de
dépistage basées sur l’endoscopie [6]. La proportion des can-
cers superficiels y est passée de 27,4 % en 1975 à 65,9 % en
1995 [11].
Helicobacter pylori :
études épidémiologiques
C’est à partir des résultats de 3 vastes études épidémiolo-
giques cas-témoins qu’en 1994, l’IARC reconnaissait H. pylori
comme un cancérigène de l’estomac [12-14]. Ces études éta-
blissaient que l’infection par H. pylori multipliait le risque de
cancer gastrique d’un facteur compris entre 2,8 et 6,0. Le dia-
gnostic d’infection par H. pylori reposait dans ces études sur la
recherche dans le sérum des anticorps anti-H. pylori. En 1998,
une méta-analyse de 19 études épidémiologiques établissait le
risque relatif à 2,2 pour 5 études de cohortes (IC 95 % = 1,2-
2,4) et à 1,8 pour 14 études cas-témoins (IC 95 % = 1,2-2,8)
[15]. Une autre méta-analyse publiée l’année suivante rappor-
tait des résultats semblables à propos de 8 études de cohortes
et de 34 études cas-témoins (odds ratio = 2,0 ; IC 95 % = 1,69-
2,45) [16]. Nous savons aujourd’hui que beaucoup de ces
études ont pu minorer le risque de cancer du fait de la fré-
quente disparition de H. pylori de l’estomac au moment du dia-
gnostic de cancer gastrique, d’où une fausse négativité de la
sérologie. La méta-analyse des 12 études prospectives incluant
1228 cas de cancer gastrique et 3 406 témoins, pour les-
quelles la sérologie anti-H. pylori était disponible des années
avant le diagnostic de cancer, a confirmé que le risque de can-
cer gastrique était bien augmenté en cas d’infection (OR = 2,4 ;
IC 95 % = 2,0-2,8) [17]. En considérant la topographie du can-
cer, le risque n’était significativement augmenté dans cette
étude que pour la localisation distale (n = 762) (OR = 3,0 ; IC
95 % = 2,3-3,8), et pas pour les cancers du cardia (n = 274)
(OR = 1,0 ; IC 95 % = 0,7-1,4). La prévalence de l’infection
était en moyenne respectivement de 86 % et 62 % pour les can-
cers distaux et du cardia, vs 67 % et 63 % pour les groupes
témoins correspondants [17]. Le risque de cancer distal appa-
raissait d’autant plus élevé que le prélèvement sanguin servant
à l’étude sérologique avait été fait longtemps avant le diagnos-
tic de cancer (> 10 ans OR = 5,9 vs < 10 ans OR = 2,1-2,4 ;
p = 0,002). L’association entre cancer distal et infection par
H. pylori était d’autant plus forte que les patients étaient jeunes
(< 50 ans ; OR = 7,1 [IC 95 % = 2,9-17,2]). Par contre, le
degré de cette association ne variait pas selon le sexe. De
même, pour le type histologique précisé dans 7 des 12 études,
il n’y avait pas de différence significative entre les 2 types
d’adénocarcinome définis selon la classification de Laurén :
OR = 4,45 (IC 95 % = 2,74-7,24) pour le type intestinal et 3,39
(IC 95 % = 1,70-6,76) pour le type diffus. À partir de ces résul-
tats, les auteurs estimaient la proportion de cancers distaux
attribuables à H. pylori respectivement à 65 % et 80 % dans les
pays développés et en voie de développement [17]. Récem-
ment, Ekström et al. [18] ont rapporté les résultats d’une étude
cas-témoins réalisée à partir du Registre de la population sué-
doise (1,3 million d’habitants) et montré que la recherche de
marqueurs sérologiques plus sensibles, tels que les anti-corps
anti-CagA déterminés par la technique d’immunoblot, permet-
tait de réévaluer le rôle de H. pylori dans la cancérogenèse
gastrique. Dans cette étude, le risque relatif de cancer gastrique
distal, ajusté sur plusieurs paramètres dont le sexe et l’âge,
passait de 2,2 (IC 95 % = 1,4-3,6) quand le diagnostic d’in-
fection ou d’absence d’infection reposait sur les résultats de la
seule sérologie Elisa à 21 (IC 95 % = 8,3-53,4) lorsque l’ab-
sence d’infection était établie sur la négativité des 2 tests Elisa
et immunoblot. Le risque était plus élevé pour le cancer de type
diffus que le type intestinal (OR = 28,5 vs 13,4). Le recours aux
2tests permettait d’établir aussi que l’âge des patients ne jouait
pas de rôle sur l’association entre H. pylori et cancer gastrique
et d’estimer la proportion des cancers gastriques de siège dis-
tal attribuables à H. pylori en Suède à 71 % [18].
H. pylori et cancer gastrique
441
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 07/07/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document.