Alloréactivité et cellules highlights de l’ASH 2009 Natural killer cells and alloreactivity:

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d o s s i e r
t h é m a t i q u e
Coordinatrice : M.C. Béné
Alloréactivité et cellules
NK : rappels et highlights
de l’ASH 2009
Natural killer cells and alloreactivity:
reminder and highlights of the ASH 2009
P. Chevallier*, C. Retière**, M.C. Béné***
RÉSUMÉ
♦ Après un rappel sur les connaissances
actuelles concernant les cellules NK
et leur rôle dans l’alloréactivité après
greffe mismatch de cellules souches
hématopoïétiques, nous présentons les
avancées rapportées dans ce domaine
cette année à La Nouvelle-Orléans lors
du congrès ASH 2009. L’alloréactivité
NK est le résultat d’une interaction
entre certains récepteurs activateurs et
inhibiteurs (récepteurs KIR, CD94, NKG2) à
la surface des cellules NK chez le donneur
et certaines molécules du CMH classe 1
chez le receveur, ou réciproquement.
Différents modèles théoriques ont été
proposés pour décrire cette alloréactivité
NK dont l’influence bénéfique, en
particulier dans la LAM, est maintenant
bien démontrée. Les abstracts avaient
pour thèmes principaux la reconstitution
post-greffe et l’impact pronostique de
L’
* Service d’hématologie, CHU de Nantes.
** Établissement français du sang,
université de Nantes, et service
d’immunovirologie et de polymorphisme
génétique, EA4271, Nantes.
*** Service d’immunologie, CHU de
Nancy, et Nancy université.
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alloréactivité est une réaction immunitaire qui se développe lorsqu’un organe
est greffé à un individu dont le système
de reconnaissance du soi (complexe majeur
d’histocompatibilité [CMH] ou système HLA chez
l’homme) diffère de celui du greffon. Cette réaction
fait intervenir 2 contingents cellulaires majeurs,
respectivement des lymphocytes T et des cellules
“natural killer” ou NK. Dans le cas de la greffe de
moelle osseuse, ce sont ces cellules issues du
greffon hématopoïétique immunocompétent qui
reconnaissent ou non le receveur comme étranger.
Cet article a pour objectif de se focaliser sur les
cellules NK et leur rôle dans l’alloréactivité déclen-
certaines paires NK/KIR récepteurs, ainsi
que le rôle de l’alloréactivité NK après
greffe placentaire. Nous en donnons ici
un aperçu.
Mots-clés : NK – Alloréactivité – Récepteur
KIR.
Summary. We first present here a
reminder of what we know currently
concerning NK cells and their role in
alloreactivity after mismatch allograft.
We then report the highlights of the 2009
ASH annual meeting concerning NK cells
and NK alloreactivity, summarizing the
main abstracts presented last year. The
highlights shed light on the reconstitution
post-transplantation and the prognostic
impact of some NK/KIR receptors and on
the role of NK alloreactivity after cord
blood transplant.
Keywords: NK – Alloreactivity – KIR receptor.
chée après l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH), en rappelant tout d’abord les
mécanismes en jeu dans l’interaction donneur/
receveur au sein du complexe NK/CMH, avant
d’évoquer les avancées rapportées cette année
à l’ASH de La Nouvelle-Orléans dans ce domaine.
RAPPEL SUR LES CELLULES NK
Les cellules NK représentent 5 à 16 % de la population totale des lymphocytes humains. Ces cellules tueuses “naturelles” appartiennent à une
sous-population de lymphocytes un peu plus
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2010
Alloréactivité et cellules NK : rappels et highlights de l’ASH 2009
grands et à cytoplasme plus granuleux que les
autres lymphocytes appelés LGL (large granular
lymphocytes). Elles résultent de la différenciation
de cellules souches lymphoïdes produites par
la moelle osseuse. Initialement, on les a également appelées lymphocytes “nuls” du fait de leur
caractère non T (absence d’expression de CD3) et
non B (absence d’expression de CD19).
En revanche, les cellules NK portent à leur surface des antigènes de différenciation leucocytaire
qui leur sont relativement spécifiques, comme
CD16 (ou Fc-gamma récepteur III), CD56 (N-CAM)
ou CD57, ainsi que des marqueurs communs à
d’autres lymphocytes comme CD2, CD8 (parfois),
CD54 (ICAM-1), CD11a/CD18 (LFA-1).
Surtout, les cellules NK expriment toute une série
de récepteurs activateurs ou inactivateurs (1) qui
se répartissent en 2 grandes familles moléculaires
(figure 1).
•• Des molécules de la superfamille des immuno­
globulines, très polymorphiques, appelées KIR
Molécules de classe I du CMH
HLA-A
HLA-B
HLA-C
HLA-E
MICA, MICB...
Cellule
cible
Cellule
NK
KIR2DS KIR2DL
KIR3DS KIR3DL
CD94/NKG2n
NKG2n/NKG2n
Figure 1. Les récepteurs NK et leurs ligands. Sur toutes les cellules nucléées, les molécules
de classe I du CMH sont exprimées, constituées d’une chaîne α, codée par le chromosome 6 et
comportant 3 domaines de la superfamille des immunoglobulines (en rose), et une molécule
de β-2 microglobuline, invariante (en bleu), absente dans les molécules de CMH dites “non
classiques” que sont MICA et MICB. Les 2 domaines les plus externes constituent un sillon
présentoir contenant des peptides du soi. Les récepteurs des cellules NK comportent d’une
part des KIR (en vert), constitués de 2 ou 3 domaines (D) extracellulaires de la superfamille
des immunoglobulines, et d’une portion intracytoplasmique courte (S) pour les KIR activateurs ou longue (L) pour les récepteurs inhibiteurs. Sur ces derniers, 1 ou 2 domaines ITIM
(Immunoreceptor TyrosIne-based Inhibition Motif ) empêchent la destruction par la cellule
NK de la cellule cible sur laquelle a été reconnue la molécule du CMH correspondante. La
nomenclature des KIR tient compte de ces caractéristiques moléculaires. Il existe aussi des
récepteurs de la famille des lectines C, NKG2 (en outremer) et CD94 (en violet) qui forment
des hétéro- ou des homodimères et utilisent DAP12 (non figuré ici) comme corécepteur.
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2010
(Killer Ig-like Receptors), dont les gènes sont sur
le chromosome 19. Ces récepteurs KIR sont appelés Ly 49 chez la souris. Leur nomenclature tient
compte du fait que les récepteurs KIR activateurs
ont une courte (S pour short) queue intracytoplasmique et que les récepteurs KIR inhibiteurs ont
une longue (L) queue intracytoplasmique. Ainsi,
KIR3DL1 désigne un KIR possédant 3 domaines
de la superfamille des immunoglobulines dans
sa portion extracellulaire et une longue portion
intracytoplasmique. Les KIR reconnaissent les
molécules de classe I du CMH.
•• Des récepteurs activateurs de la famille des
lectines de type C, invariantes, notamment
CD94 et les NKG2, dont les gènes sont sur le
chromosome 12. Ces récepteurs activateurs sont
également présents sur des lymphocytes T. Ils
reconnaissent les molécules HLA-E, qui sont
des molécules de classe I du CMH, et des molécules structuralement proches, notamment les
MIC (pour MHC class I Chain like gene), MICA
et MICB.
Certaines paires KIR/ligand sont maintenant bien
identifiées : KIR2DL2 et/ou KIR2DL3, présents
chez 100 % des individus, ont pour ligands les
molécules HLA-C de groupe I (présence d’un
résidu lysine en position 80) ; KIR2DL1, présent
chez 97 % des individus, a pour ligands les molécules HLA-C de groupe II (présence d’un résidu
asparagine en position 80) ; KIR3DL1, présent
chez 90 % des individus, reconnaît quant à lui
les molécules HLA du groupe Bw4 (2).
Il existe en fait une expression aléatoire de ces
nombreux récepteurs, et chacun est exprimé par
un sous-ensemble de cellules NK. Ainsi, la population NK est la somme de sous-populations qui
expriment des récepteurs différents.
Les cellules NK participent à l’immunité innée ou
naturelle et n’ont pas besoin, contrairement aux
lymphocytes T, d’être “éduquées” pour entraîner
une réponse immunitaire. Elles différencient le soi
du non-soi au sein de l’individu, en recherchant
avec leurs récepteurs la présence de molécules
de CMH de classe I. Elles ont la capacité de reconnaître et de détruire les cellules dépourvues de
ces molécules HLA tout en épargnant les cellules
saines du soi qui en expriment pratiquement
toutes. Les cellules NK sont éduquées au cours
de leur ontogenèse par un mécanisme appelé
licensing ou “éducation”. Seules les cellules
­NK/­KIR ayant rencontré leur ligand HLA au cours
de leur développement sont fonctionnelles, c’està-dire cytotoxiques et capables de produire des
cytokines telles que l’IFNγ.
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Coordinatrice : M.C. Béné
Les cellules NK sont ainsi activées en permanence,
et leur cytotoxicité spontanée est activée dès lors
que la cible ne porte pas de molécules HLA de
classe I complémentaires des récepteurs KIR inhibiteurs de l’individu. Dans le cas contraire, leur
action est inhibée, ce qui permet la non-destruction
du “soi”. La lyse de la cellule cible ne se produit
que si les signaux d’activation surpassent les
signaux d’inhibition. On peut rappeler ici que le
trophoblaste fœtal, qui n’exprime pas les molécules HLA de classe I classiques, exprime en
revanche une molécule HLA unique à ce tissu,
HLA-G, complémentaire d’un KIR inhibiteur des
cellules NK de la mère qui permet à l’embryon de
ne pas être détruit pendant la grossesse (tolérance fœtale).
Une fois activée, la réponse immunitaire médiée
par les NK est similaire à celle des lymphocytes T
cytotoxiques détruisant les cellules cibles par
cytolyse, principalement par la voie perforine/
granzyme. Grâce à la présence de CD16, les cellules NK peuvent également aider les anticorps
à tuer les cellules exprimant la cible qu’ils ont
reconnue (mécanisme de défense dit ADCC pour
Antibody Dependent Cell-Mediated Cytotoxicity,
ou cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps). Après activation, les cellules NK peuvent
aussi libérer plusieurs cytokines (notamment de
l’IFNγ) susceptibles de participer à la destruction
de la cellule cible, d’induire un environnement
Ligands de groupe C1 et C2
Inhibition des KIR
Cw1
Cw2
Cw4
Absence de ligand du groupe C2
Pas d’inhibition de KIR2DL1
Cw1
Cw2
Cw4
Cellule cible
du donneur
Cellule cible
du receveur
Cellule NK
du donneur
Cellule NK
du receveur
KIR2DL2
KIR2DL1
KIR3DL1
Figure 2. Modèle du mismatch ligand/ligand.
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KIR2DL2
KIR2DL1
KIR3DL1
inflammatoire et de stimuler les réponses lymphocytaires T.
Ainsi, lorsqu’une infection ou une transformation
maligne provoque un défaut d’expression ou une
perte d’expression des molécules HLA de classe
I spécifiques d’un individu, rendant le système
des lymphocytes T cytotoxiques aveugle, les cellules NK interviennent spontanément pour tenter
d’éliminer ces variants. À l’inverse, la conservation ou la surexpression des molécules HLA de
classe I, par les cellules infectées ou malignes
peut être un mécanisme de résistance à l’immunité de type NK.
✔ Cellules NK et alloréactivité
L’alloréactivité NK repose sur la présence d’une
incompatibilité (mismatch) entre les KIR d’un
donneur et les ligands (les molécules du CMH de
classe I) d’un receveur. En d’autres termes, les
cellules NK d’un individu X seront alloréactives
(lytiques) vis-à-vis des cellules d’un individu Y
si elles expriment des KIR inhibiteurs pour lesquels il n’existe pas de ligands CMH de classe I
chez l’individu Y. L’alloréactivité NK intervient
dans les greffes mismatch (haplo-identiques ou
géno/phéno-identiques avec mismatch partiel),
mais aussi dans les greffes où les cellules T du
donneur ne jouent pas le premier rôle (greffons
T-déplétés).
Plusieurs modèles ont été proposés dans le
contexte de la greffe de CSH pour prédire une
alloréactivité NK.
• Le modèle du mismatch ligand/ligand ou de
l’incompatibilité HLA donneur/HLA receveur
(figure 2).
Ce modèle, proposé par une équipe italienne
de Pérouse (2) dans le cadre des greffes haploidentiques, repose sur la comparaison des allèles
HLA du donneur et du receveur à la recherche de
l’absence, chez le receveur, d’un ligand HLA de
classe I présent chez le donneur. Les cellules NK
greffées, spécifiques de ce ligand HLA, ne pourront pas être inhibées par les cellules du receveur
et seront donc alloréactives. Elles présenteront
une activité lytique vis-à-vis des cellules du receveur. Cette alloréactivité dans le sens de la prise
de greffe ou de la réaction du greffon contre l’hôte
(Graft Versus Host [GVH]), est un effet favorable
attendu. Lorsque la situation inverse se présente,
c’est-à-dire lorsque les cellules NK résiduelles du
receveur ne sont pas inhibées en raison d’une
non-reconnaissance du CMH de classe I des cellules du donneur, un effet contraire au précédent
peut se produire, autrement dit une alloréactivité
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2010
Alloréactivité et cellules NK : rappels et highlights de l’ASH 2009
dans le sens du rejet avec un effet défavorable
attendu et la perte du greffon.
•• Le modèle du mismatch ou de l’incompatibilité
KIR receveur/ligand CMH donneur (figure 3).
Le modèle précédent ne prend en compte que
l’analyse des molécules HLA donneur/receveur.
On peut également étudier l’incompatibilité entre
les KIR du donneur et leurs ligands HLA chez le
receveur. Ce modèle a été proposé par W. Leung
et al. en 2004 (3).
•• Le modèle du ligand “manquant” (figure 4).
Il repose sur la constatation que la majorité de la
population de type caucasien (cela ne vaut donc
que pour cette population) exprime la plupart des
KIR spécifiques des molécules HLA de classe I
Absence de ligand du groupe C2
Pas d’inhibition de KIR2DL1
Cw1
Cw2
Cw4
Cellule cible
du receveur
Cellule NK du donneur :
génotypage KIR
identifiant KIR2DL1
KIR2DL1
Figure 3. Modèle du mismatch KIR/ligand.
Absence de ligand du groupe C2
Pas d’inhibition de KIR2DL1
Cw1
Cw2
Cw4
Cellule cible
du receveur
On considère que le donneur de type caucasien a des cellules
NK exprimant les 3 KIR Inhibiteurs des ligands C1, C2 et Bw4.
Figure 4. Modèle du ligand manquant.
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2010
des groupes C1, C2 et Bw4 (2). L’idée est ainsi
de n’étudier que l’expression des ligands HLA de
classe I chez le receveur, sans tenir compte ni du
HLA ni des KIR du donneur.
•• Le modèle du mismatch ou de l’incompatibilité
KIR receveur/KIR donneur.
Ce modèle a été développé par l’équipe nantaise
(5) et repose sur la caractérisation des KIR du
donneur et des KIR du receveur, sans faire intervenir l’étude du HLA donneur/receveur.
✔✔ Alloréactivité NK et activité antileucémique
L’activité antileucémique liée à l’alloréactivité
NK est maintenant bien démontrée, depuis les
travaux italiens de 2002 dans le cadre de greffes
haplo-identiques T-déplétées (2). Cette étude
rapportait les résultats de la greffe de cellules
souches chez 112 patients atteints d’une leucémie
aiguë myéloblastique (LAM) de haut risque. La
présence d’une alloréactivité NK dans le sens
donneurreceveur était significativement associée à une probabilité supérieure de survie globale (60 % versus 5 %) et de survie sans rechute
(0 % de rechute versus 75 %) à 5 ans. Le taux de
GVH était également réduit (13,7 % versus 0 %). Le
mécanisme évoqué était la lyse des cellules dendritiques présentatrices d’antigènes du receveur
par les cellules NK du donneur. Depuis, d’autres
équipes ont démontré l’utilité complémentaire
de l’alloréactivité NK en termes d’activité antileucémique dans le cadre de greffes non apparentées avec incompatibilité partielle (6). Le
concept d’une alloréactivité NK dans le contexte
des greffes en situation HLA-identique a été aussi
envisagé, bien que le dogme voulant que chaque
cellule NK d’un individu exprime au moins un
récepteur KIR inhibiteur spécifique du soi reste
d’actualité. Le mécanisme évoqué est la présence
de clones NK autoréactifs latents chez le donneur,
qui deviendraient réactifs vis-à-vis des cellules
du receveur après la greffe.
HIGHLIGHTS DE L’ASH 2009
✔✔ Reconstitution immunitaire NK/KIR récepteur
après allogreffe
La reconstitution du patrimoine NK/KIR après allogreffe est encore imparfaitement connue. Deux
abstracts ont cette année abordé ce sujet (7, 8).
J.D. Goldberg et al. (7) ont étudié la reconstitution T et NK à différents temps (jusqu’à 1 an) après
allogreffe T-déplétée chez 353 patients principalement atteints de leucémies aiguës (65 %) avec
83
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Coordinatrice : M.C. Béné
un âge médian de 39 ans. Comme dans d’autres
études, une reconstitution précoce du taux global
de lymphocytes à J30 était significativement associée à une meilleure survie globale en analyse
univariée (p < 0,001) mais aussi en analyse multivariée (p = 0,01), démontrant le caractère indépendant en termes de facteur pronostique de ce
paramètre. De même, une reconstitution précoce
du taux de NK après allogreffe analysée à J60 est
associée dans cette étude à une meilleure survie
globale et sans progression en analyses univariée
(p = 0,01 ; p = 0,01) et multivariée (p = 0,007 ;
p = 0,002). L’impact pronostique favorable est
également observé pour les patients ayant une
reconstitution rapide des T CD4 (analyse à 6 et
12 mois), alors que la reconstitution T CD8 n’influence pas la survie. La reconstitution T et NK
n’est pas influencée par un sous-type particulier
d’hémopathies. Cette étude confirme l’influence
favorable en termes de survie d’une reconstitution
précoce lymphocytaire T globale et CD4 après allogreffe, mais démontre aussi qu’une reconstitution
NK précoce est peut-être encore plus favorable.
Il reste à préciser les facteurs influençant cette
reconstitution afin de pouvoir éventuellement
intervenir pour la potentialiser.
S. Giebel et al. (8) ont étudié chez 83 patients
ayant reçu une greffe myéloablative matchée
T-déplétée de donneur familial (n = 32) ou non
familial (n = 51), ainsi que chez les donneurs,
l’expression sur les cellules NK des récepteurs
KIR2DL1, KIR2DL2/3, KIR3DL1, NKG2A et la
reconstitution lymphocytaire T et B jusqu’à 1 an
après la greffe. Le pourcentage médian de cellules NK exprimant KIR2DL1 augmente au fil du
temps, mais reste significativement en dessous
de celui observé chez les donneurs, qui se situe
aux alentours de 20 % (4,7 %, 5,6 %, 5,9 %, 9,1 %
et 12,6 % à 1 mois, 2 mois, 3 mois, 6 mois et 1 an
après allogreffe). La proportion de cellules NK/
KIR2DL1 post-greffe dépend du type de greffon
utilisé. Elle est plus importante à 1 mois chez les
patients ayant reçu des cellules souches périphériques que chez ceux ayant reçu un greffon
médullaire (p = 0,02). Le pourcentage des cellules
exprimant KIR2DL2/L3 est significativement inférieur à celui observé chez le donneur (≃ 25 %)
jusqu’à J100 avant de se normaliser aux valeurs du
donneur. Curieusement, l’expression de KIR3DL1
diminue progressivement au cours du temps,
alors qu’elle est normale (≃ 18 %) à 1 mois. De
même, l’expression de NKG2A, très élevée initialement (90 % à 1 mois), diminue au fil du temps
pour rejoindre le taux normal observé chez le
84
donneur (≃ 47 %) à 1 an. L’expression de NKG2A
est également influencée par le type de greffon
(supérieure en cas de greffon médullaire) et par
le fait d’avoir reçu ou non des corticoïdes après la
greffe (60 % versus 48 % [p = 0,04]). Cette étude
démontre qu’il existe des profils différents de
reconstitution des récepteurs KIR après la greffe
et que les traitements reçus après la transplantation peuvent influencer cette reconstitution.
✔✔ Alloréactivité NK et greffe de sang placen­
taire (CBT)
Le modèle de la greffe placentaire — où une compatibilité CMH parfaite n’est pas nécessaire du fait
de la présence de cellules T naïves non éduquées
dans le greffon — représente un domaine de choix
pour l’étude de l’alloréactivité NK. Néanmoins,
celle-ci a été peu explorée dans le contexte des
greffes de sang de cordon (9).
Deux abstracts se sont focalisés sur cette question à l’ASH 2009 (10, 11). A. Ruggeri et al. (10)
ont analysé l’impact d’une alloréactivité NK
favorable dans le sens GVH dans une cohorte
de 137 patients, composée essentiellement
d’enfants (n = 124 ; âge médian : 3 ans) porteurs d’hémopathies non malignes et recevant
une greffe placentaire à conditionnement myéloablatif (48 %) ou atténué (52 %). Pour 23 % et
22 % des patients, il existait une incompatibilité
ligand/ligand intéressant les molécules HLA de
classe I des groupes 1 ou 2 dans le sens GVH et
dans le sens rejet. Cette étude démontre que ni la
prise de greffe ni la survie ne sont influencées par
l’incompatibilité NK ligand/ligand. L’incidence de
GVH aiguë était de 21 %, et seuls 10 % des patients
avec un mismatch NK ligand/ligand favorable
ont présenté une GVH aiguë de grade II-IV. De
manière intéressante, cette étude démontre que
dans ce contexte d’hémopathies non malignes,
l’alloréactivité NK joue probablement un faible
rôle, contrairement à ce qui est observé dans les
cancers hématologiques, en particulier la LAM.
Les auteurs concluent que la caractérisation du
mismatch NK ligand/ligand ne doit pas intervenir dans le choix du greffon placentaire dans ce
contexte.
L. Farnault et al. (11) se sont intéressés à la
réponse immune NK chez des enfants présentant
une infection virale à cytomégalovirus (CMV) ou
Epstein-Barr virus (EBV) après une greffe placentaire. Ils démontrent que les NK sont alors fortement activées, avec une surexpression de NKG2A
et NKG2C, mais aussi de CD57 ; cette activation ne
se traduit cependant pas par une clairance virale.
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2010
Alloréactivité et cellules NK : rappels et highlights de l’ASH 2009
Cette réponse immunitaire inefficace serait due,
d’une part, au déficit profond en cellules T CD4 et
CD8 après greffe de cordon et, d’autre part, à une
différenciation inadéquate des lymphocytes CD8
antiviraux surexprimant des récepteurs inhibiteurs tels que PD-1, 2BA ou BTLA. Ainsi, le système
immunitaire, bien qu’insuffisant qualitativement
après greffe placentaire, est cependant activé
dans des proportions importantes. L’exploration
de la voie conduisant à l’expansion des cellules T
naïves post-greffe ainsi que l’utilisation d’anticorps des voies inhibitrices de la différenciation
cellulaire pourraient constituer une avancée dans
le contrôle des infections virales post-CBT (Cord
Blood Transplantation).
✔✔ NK/KIR et impact pronostique
L’importance de l’alloréactivité NK, aussi bien
en termes de prise de greffe que de survie dans
les greffes HLA incompatibles, est surtout observée dans le cadre des LAM et peut conditionner
le choix du donneur. On peut aussi s’intéresser
à l’impact pronostique du phénotype KIR dans
le cadre des greffes HLA matchées et dans un
contexte autologue (12-16). Globalement, on distingue 2 grands groupes d’haplotypes KIR : A et
B. La présence d’un haplotype B chez le donneur
est associée à une meilleure survie sans progression dans les LAM après greffe à partir d’un
donneur non familial (17). La même équipe (12)
a cette année confirmé le rôle favorable de
l’haplotype B de façon plus fine. L’haplotype B
peut en effet être subdivisé en différents sousgroupes qui dépendent de la présence ou non
chez l’individu de gènes KIR présents en position
centromérique (groupe Cen-B) ou télomérique
(groupe Tel-B) sur le chromosome 19. L’impact
favorable le plus important en termes de rechute
et de survie sans rechute est observé pour les
greffes utilisant un donneur avec un haplotype
KIR Cen-B/Cen-B (10 % de rechute versus 31 %
A/A [p = 0,01]) ou un donneur avec 2 KIR B ou
plus. L’effet bénéfique de l’haplotype KIR B est
observé uniquement dans les LAM (pas dans les
leucémies aiguës lymphoblastiques [LAL]) et persiste quel que soit le degré d’incompatibilité HLA
entre le donneur et le receveur. L’incidence de
la GVH et la TRM (Transplant-Related Mortality)
sont en revanche comparables quel que soit l’haplotype KIR. Cette étude est importante, car elle
peut influencer considérablement dans l’avenir
le choix du donneur (haplotype Cen-B ou au moins
2 KIR B), aussi bien dans les greffes mismatch que
dans les greffes HLA compatibles traditionnelles.
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. V - n° 2 - avril-mai-juin 2010
Une étude de phase III est en cours pour démontrer ce concept.
En concordance avec les résultats présentés cidessus, l’équipe de K. Stringaris (13) confirme,
sur une cohorte de 248 patients ayant reçu une
greffe myéloablative T-déplétée familiale, le rôle
favorable de l’haplotype B en termes de rechute
(13 % versus 57 %) dans les LAM. Enfin, l’équipe
chinoise de G. Wu (14), à partir d’une cohorte de
greffes non apparentées, pointe le rôle probable
des KIR activateurs en montrant que la présence
de KIR2DS3 chez le donneur est associée à un
risque accru de rechute et à une moins bonne
survie.
Une autre observation a été rapportée, associée
aux haplotypes A et B (18). Les clones d’haplotype B, en présence de cellules dendritiques de
receveur chargées en LPS (Lipo Poly Saccharide),
Aspergillus ou CMV, produisent des quantités bien
supérieures d’IFNγ et de TNFα que des clones
d’haplotype A. Le rôle des KIR des NK du donneur
a ainsi été évalué chez 86 patients présentant une
LAM et allogreffés avec un donneur haplo-identique, dont 49 présentaient des NK de donneur
alloréactives. Les haplotypes B étaient associés à
une moindre mortalité liée à la greffe, notamment
à cause d’une moindre incidence d’infections.
Cela suggère que les patients qui reçoivent un
greffon à KIR B bénéficient de la meilleure production cytokinique possible de ces cellules en
cas d’interaction avec des cellules infectées.
L’impact pronostique du génotype/haplotype KIR
peut également être observé dans un contexte
autologue. Ainsi, I.H. Gabriel et al. (16) montrent que la présence du gène KIR3DS1 chez des
patients atteints de myélome et autogreffés est
associée à une moindre survie, ce qui met en
avant le rôle probable des NK dans la réponse
antimyélomateuse.
Deux études réalisées dans des modèles murins
apportent un éclairage complémentaire à ces
résultats chez l’homme. Dans un modèle de ­souris
invalidées pour les gènes de la β2-microglobuline
(et donc n’exprimant pas de molécules de classe I)
[19], des greffes de moelle osseuse syngénique,
congénique et allogénique ont été réalisées
en déplétant sélectivement les greffons des
différents types de Ly9 (récepteurs activateurs
murins). Curieusement, les greffons générant le
plus de GVH étaient ceux contenant des cellules
NK portant le Ly9 liant le mieux les molécules de
classe I du donneur. Cela suggère, d’une part, que
le CMH du soi joue un rôle dans l’ “éducation”
des cellules NK ou la sélection de cellules NK
85
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Coordinatrice : M.C. Béné
exprimant un Ly9 plus affin. D’autre part, cette
sélection semble impliquer des molécules nonCMH, impression confortée par le fait que les GVH
induites chez les souris receveuses invalidées
étaient d’intensité variable selon le fonds génétique, indépendamment du CMH[1].
Une autre façon de favoriser l’effet GVL (Graft
Versus Leukemia) des cellules NK est de les utiliser sous forme d’injection de cellules de donneur
(Donor Lymphocyte Infusion [DLI]). Les conditions
de ce type d’intervention ont été étudiées dans un
modèle murin, testant la GVH et la GVL médiées
par des cellules NK (20). À côté de la destruction
des cellules tumorales sous-exprimant les molécules CHM de classe I, les auteurs ont tablé sur
la destruction par les cellules NK de donneur des
cellules présentatrices d’antigène du receveur.
Les résultats indiquent que cette stratégie n’est
pas efficace avant la greffe, alors que l’apport de
cellules NK supplémentaires en même temps que
la greffe (T-déplétée ou non) ou 4 à 5 jours plus
tard avait un effet significatif sur l’inhibition de la
GVH. Chez des souris de surcroît porteuses d’une
tumeur, ce même timing contribuait à diminuer
significativement le temps de doublement de la
tumeur tout en augmentant la survie des animaux.
tiques ou dans un contexte autologue, dans la
mesure où certains KIR inhibiteurs ou activateurs
sont associés à une meilleure ou à une moins
bonne survie. L’étude des complexes relations
NK/CMH pourra peut-être ainsi se traduire par
le développement d’outils thérapeutiques permettant d’améliorer le pronostic des receveurs
de greffe de CSH.
■
CONCLUSION
6. Giebel S, Locatelli F, Lamparelli T et al. Survival advan-
Le rôle favorable de l’alloréactivité NK est
maintenant bien démontré dans les LAM après
greffe mismatch T-déplétée ou non, et l’étude du
­com­plexe KIR/CMH au sein du couple donneur/
receveur doit maintenant être prise en compte
dans le choix tactique du donneur si plusieurs
donneurs sont disponibles. Les greffes placentaires, en augmentation importante ces dernières
années, représentent un nouveau modèle d’étude
de l’alloréactivité NK, et la disponibilité assez
large de cette source de greffon, du fait qu’une
incompatibilité HLA relative est permise entre le
donneur et le receveur, pourrait également faire
évoluer le choix des greffons dans l’avenir, en
l’absence de donneur vivant disponible.
À côté de l’alloréactivité NK liée à l’incompatibilité
HLA, la caractérisation d’un génotype/haplotype
NK/KIR particulier peut également avoir une
influence dans le contexte des greffes HLA iden[1] Par exemple, des souris invalidées pour la β2-microglobuline
sur fonds B10D2 ou BALB/c, 2 souches pourvues pourtant de CMH
de classe I de type H2d, se comportaient différemment, en dépit de
l’absence de molécules de classe I sur leurs cellules.
86
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Retrouvez l’intégralité des références
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