Éditorial De l’intérêt grandissant pour les récepteurs, illégitimes ou non J.M. Kuhn* T rait d’union entre hormone et actions physiologiques, le récepteur prend, sur un mode célérissime, une place d’importance grandissante dans de multiples domaines de l’endocrinologie : domaines physiologique, physiopathologique, diagnostique, pronostique et, enfin, thérapeutique. Le concept basique associant un récepteur à une hormone a, depuis longtemps, volé en éclats. Nombre d’hormones peptidiques agissent en effet à travers moultes sousvariétés de récepteurs, chacune étant vectrice d’effets hormonaux différenciés, spécifiques du ou des tissus cibles au sein du ou desquels elle est exprimée. Les hormones se liant à des récepteurs endocellulaires et agissant comme facteurs de transcription n’échappent plus à cette règle. Des sous-types de récepteurs, médiant des effets différenciés, ont été mis en évidence pour une majorité de stéroïdes hormonaux et pour les hormones thyroïdiennes. Ces dernières sont parfaitement illustratives, par la variété de leur système de réception cellulaire et de ses implications en physiologie et physiopathologie. L’excellent article de V. Vlaeminck-Guillem et J.L. Wémeau fait le point sur les avancées les plus récentes concernant les différentes formes des récepteurs nucléaires des hormones thyroïdiennes, leurs actions physiologiques, en tant qu’agonistes ou, au contraire, antagonistes, et leur implication potentielle dans des modèles pathologiques aussi variés que l’insensibilité aux hormones thyroïdiennes, les adénomes hypophysaires ou les cancers. En outre, ils soulignent que la T3 est susceptible d’exercer des effets par d’autres voies, impliquant des récepteurs mitochondriaux d’une part, des récepteurs membranaires d’autre part, rejoignant, sur ce dernier point, ce qui paraît de plus en plus vraisemblable pour les hormones stéroïdes. La dimérisation des récepteurs est une étape nécessaire à la transmission de nombreux messages hormonaux au sein de la cellule cible. L’importance de la constitution d’homodimères de récepteurs membranaires est bien illustrée par les résultats de l’utilisation d’antagonistes hormonaux comme le pegvisomant. Sans effet physiologique propre, cet antagoniste peptidique de la GH s’oppose à la liaison de la GH à ses récepteurs, à leur dimérisation et, ainsi, à ses effets physiologiques. On imagine aisément l’intérêt thérapeutique d’une telle approche. L’hétérodimérisation des récepteurs est un processus bien décrit pour les hormones thyroïdiennes. C’était en apparence un phénomène moins courant pour les récepteurs à sept domaines transmembranaires exprimés à la surface cellulaire. Des modèles in vitro avaient néanmoins suggéré que de telles associations hétérodimériques étaient possibles, soit entre les sous-types de récepteurs d’une même hormone (somatostatine, par exemple), soit, même entre récepteurs d’hormones différentes (somatostatine et dopamine, par exemple). Les effets de la liaison du ligand à cet hétérodimère apparaissent alors très particuliers. Ce phénomène d’hétérodimérisation des récepteurs à sept domaines transmembranaires et ses conséquences potentielles sont remarquablement décrits dans l’article de V. Contesse, deuxième partie de ce dossier thématique de réceptologie. * Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, hôpital de Bois-Guillaume, CHU de Rouen. L’existence d’altérations fonctionnelles des récepteurs hormonaux comme mécanisme physiopathologique d’affections endocriniennes est connue depuis la description de mutations inactivatrices – ou au contraire activatrices – de récepteurs physiologiquement exprimés par les tissus cibles. Les trois excellents volets de ce dossier abordent chacun des aspects particuliers de l’implication des récepteurs hormonaux dans des cadres pathologiques aussi variés que tumorigenèse (V. Vlaeminck-Guillem et J.L. Wémeau), l’hypertension artérielle prééclampsique (V. Contesse) ou l’expression 99 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002 Éditorial illégitime de récepteurs surrénaliens (I. Bourdeau et A. Lacroix). Cette dernière terminologie sous-entend soit la surexpression de récepteurs eutopiques, ce qui rend un tissu anormalement sensible à un stimulus physiologique, soit l’expression de récepteurs aberrants, ce qui fait acquérir au tissu en question une sensibilité anormale à un ou plusieurs facteurs avec lesquels il n’a aucun lien physiologique connu. La mise en évidence de ce type de processus physiopathologique est à la fois d’un haut intérêt intellectuel et une ouverture vers de nouvelles approches thérapeutiques. 100 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002