Endocrinologie et maladies cardiovasculaires En direct de l’AHA, La Nouvelle-Orléans, 12-15 novembre 2000 F. Berthezène* Le myocarde de l’insuffisant cardiaque présente de nombreuses similitudes avec celui du sujet myxœdémateux. En cas d’insuffisance cardiaque, on trouve souvent une diminution de la concentration plasmatique de T3 et du nombre de récepteurs à cette hormone dans le myocarde. Des résultats préliminaires suggèrent que l’administration de T3 à forte dose pourrait être utile après chirurgie cardiaque, en particulier coronarienne. ● Dans l’étude HERS (Traitement hormonal substitutif de la ménopause en prévention secondaire), seules les femmes avec une Lp(a) augmentée ont bénéficié du traitement en termes de prévention cardiovasculaire. Points ● forts Hormones thyroïdiennes et insuffisance cardiaque Un des premiers symposiums de l’AHA a été consacré aux relations entre les hormones thyroïdiennes et l’insuffisance cardiaque. Il était coordonné par I.L. Klein (New York) et M.R. Bristow (Denver). La problématique part de deux constatations : 1. L’insuffisance cardiaque présente un certain nombre de similitudes avec le cœur de l’hypothyroïdien ; sur le plan hémodynamique, il existe dans les deux situations une baisse du débit cardiaque, une diminution de la contractilité myocardique et une augmentation des résistances périphériques. Un certain nombre de gènes exprimés par les cellules myocardiques pendant la vie fœtale (-myosin heavy chain, SR calcium ATPase 2 [SERCA 2]) ne le sont plus physiologique* Service d’endocrinologie, hôpital de l’Antiquaille, Lyon. ment à l’âge adulte, sauf en cas d’insuffisance cardiaque ou d’hypothyroïdie. 2. Physiologiquement, la majeure partie de la triiodothyronine circulante (T3), hormone thyroïdienne active, provient de la transformation de la thyroxine (T4) dans divers tissus, en particulier le foie. Lors de réactions inflammatoires, comme au cours de l’insuffisance cardiaque, il existe une diminution de cette désiodation, aboutissant à un syndrome de basse T3. On s’est demandé depuis plusieurs années si les changements hémodynamiques et bio- chimiques observés au cours de l’insuffisance cardiaque pouvaient être liés en partie à la diminution de la concentration de T3. Plusieurs essais d’administration de T3 au cours d’études randomisées ont été réalisés antérieurement et se sont révélés négatifs. La question concernant le rôle des hormones thyroïdiennes sur le myocarde au cours de l’insuffisance cardiaque a été relancée par des travaux expérimentaux et des essais thérapeutiques. Sur le plan expérimental, K. Kinugawa (Denver, 343) a montré que les diverses isoformes des récepteurs aux hormones thyroïdiennes sont diminuées chez des rats sur lesquels on a réalisé une hypertrophie ventriculaire gauche par constriction aortique pendant deux ou trois semaines. Cela était vrai, entre autres, pour les récepteurs alpha 1 qui prédominent au niveau du myocarde (tableau I). Cela suggère que le myocarde au cours de l’insuffisance cardiaque peut être en état de carence en hormones thyroïdiennes du fait d’une diminution de la concentration plasmatique de T3 et d’une diminution du nombre de récepteurs au niveau des cellules myocardiques. En attendant le développement d’analogues structuraux des hormones thyroïdiennes montrant une efficacité même en cas de diminution du nombre de récepteurs, plusieurs essais thérapeutiques ont été rapportés. D. Chowdhury (New York, 2284) a étudié 75 enfants venant de subir une chirurgie cardiaque ; 28, dont 9 nouveau-nés, avaient un syndrome de basse T3. Après randomisation, le groupe traité recevait de la T3 en perfusion intraveineuse (0,05 à 0,1 µg/kg/h). Ce traitement n’a pas influencé l’évolution dans l’ensemble du groupe mais, chez les nouveau-nés, le score TISS s’est amélioré (49 ± 6 versus 40 ± 7), ainsi que le score isotropique (26,0 versus 4,6 ; p < 0,01). J. Klemperer (Bangor, 3290) a étudié 142 malades adultes avec un syndrome de basse T3 secondaire à une chirurgie coronarienne. La perfusion intraveineuse de T3 a entraîné une Tableau I. Isoformes des récepteurs aux hormones thyroïdiennes et hypertrophie cardiaque chez le rat. Récepteur/GADPH Contrôles Constriction aortique 1 0,066 ± 0,007 0,030 ± 0,002* 2 0,029 ± 0,002 0,022 ± 0,002* ß1 0,039 ± 0,002 0,028 ± 0,003* * p < 0,05. 29 Le Courrier de l’Arcol et de la SFA (3), n° 1, janv./févr./mars 2001 diminution très significative du nombre de fibrillations auriculaires dans les trois jours qui ont suivi l’intervention (24 % dans le groupe traité contre 46 % dans le groupe contrôle). Ces résultats préliminaires sont, pour le noncardiologue que je suis, suffisamment intéressants pour attendre avec intérêt la mise en place d’essais thérapeutiques (fortes doses de T3 et/ou d’un analogue, plus des bêtabloquants en cas d’insuffisance cardiaque ?). Il ne faut néanmoins pas oublier que le syndrome de basse T3 ainsi que la diminution du nombre de récepteurs hormonaux peuvent être un processus d’adaptation permettant de diminuer le catabolisme protéique. Estrogènes et risque cardiovasculaire Depuis les résultats négatifs, il y a deux ans, de l’étude HERS, seule étude randomisée, estrogènes versus placebo, ayant analysé chez les femmes en prévention secondaire l’utilité, en termes d’événement cardiovasculaire, du traitement hormonal substitutif de la ménopause, une triple question se pose : les estrogènes sont-ils sans action dans la prévention de l’athérosclérose ? Sont-ils inefficaces seulement en prévention secondaire ? Les molécules utilisées dans l’étude HERS sontelles délétères par rapport à d’autres ? P.T. N’Guyen (Rochester, 4022) a remis en évidence le rôle potentiellement très important de la Lp(a) comme marqueur de risque et de facteur d’efficacité du traitement estrogénique. En effet, dans une analyse en sousgroupes de l’étude HERS, les investigateurs ont trouvé que le traitement hormonal substitutif était relativement bénéfique chez les femmes qui avaient une concentration de Lp(a) augmentée, alors qu’il était soit inefficace, soit même dangereux chez les femmes avec une Lp(a) basse. Une étude de cohorte comprenant 2 853 femmes en postménopause a été présentée. Six cent dix-neuf femmes avec une Lp(a) élevée et 2 234 avec une Lp(a) normale ou basse ont été comparées. Le traitement hormonal substitutif de la ménopause a réduit le risque d’événements cardiovasculaires dans le groupe avec Lp(a) élevée (risque relatif 0,37), mais il a été sans aucun bénéfice chez les autres (risque relatif 0,93). Le traitement estrogénique induit une baisse de la concentration de Lp(a), mais le mode d’action des stéroïdes sexuels sur la synthèse et le catabolisme de cette lipoprotéine n’est pas connu. Un essai de prévention portant sur des femmes ménopausées ayant une Lp(a) augmentée serait très certainement intéressant à réaliser en termes de santé publique. Cet essai serait plus utile que de nouvelles études de cohorte concluant, comme à l’habitude, à un effet bénéfique possible du traitement hormonal substitutif, bien que celui-ci puisse n’être dû qu’à un biais de sélection ou d’adhésion au traitement. En attendant le résultat de ces études, la validation de critères intermédiaires de risque est hautement souhaitable. Une des questions posées dans le Estrogen in the Prevention of Atherosclerosis Trial présenté par H. Hodis (Los Angeles, 4021) concernait l’effet du 17bêta-estradiol sur l’épaisseur de l’intima-média carotidienne. Il s’agit d’une étude en double aveugle contre placebo. Les résultats préliminaires après la première année de traitement montrent une diminution de la progression de l’épaisseur de l’intima-média sous estradiol par rapport au placebo. Diabète et pathologie cardiovasculaire De nombreuses publications (en particulier 4174 à 4183) ont confirmé les relations très étroites qui existent entre l’état d’insulinorésistance, associé ou non à un diabète sucré, et la maladie coronarienne. Deux types de médicaments actuellement disponibles dans le monde peuvent améliorer cette insulinorésistance. La metformine agit surtout en diminuant la production hépatique de glucose. Elle a fait la preuve de son efficacité en termes de prévention au cours de l’étude britannique UKPDS. Les thiazolidine-diones améliorent surtout la sensibilité à l’insuline au niveau des muscles. L’effet de ces derniers médicaments sur le métabolisme des lipoprotéines est variable suivant les molécules, et il est trop tôt pour savoir s’ils peuvent jouer un rôle important en termes de prévention cardiovasculaire ● chez les diabétiques. © La Lettre du Cardiologue 2001 ; 341 (Suppl.) : 48-9. Annonceurs BRISTOL~MYERS SQUIBB (ELISOR), p. 2 ; LABORATOIRES MSD CHIBRET (Zocor), p. 18-19 ; ASTRA FRALIB (Pro.Activ), p. 32 ; BAYER PHARMA (Staltor), p. 43 ; FOURNIER FRANCE (Cholstat), p. 44. Le Courrier de l’Arcol et de la SFA (3), n° 1, janv./févr./mars 2001 30