Endocrinologie et maladies cardiovasculaires E

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N D O C R I N O L O G I E
Endocrinologie et maladies cardiovasculaires
● F. Berthezène*
Points forts
■ Le
myocarde de l’insuffisant cardiaque présente de
nombreuses similitudes avec celui du sujet myxœdémateux. En cas d’insuffisance cardiaque, on trouve souvent une diminution de la concentration plasmatique de
T3 et du nombre de récepteurs à cette hormone dans le
myocarde. Des résultats préliminaires suggèrent que
l’administration de T3 à forte dose pourrait être utile
après chirurgie cardiaque, en particulier coronarienne.
■ Dans l’étude HERS (Traitement hormonal substitutif de
la ménopause en prévention secondaire), seules les
femmes avec une Lp(a) augmentée ont bénéficié du traitement en termes de prévention cardiovasculaire.
le foie. Lors de réactions inflammatoires, comme au cours de l’insuffisance cardiaque, il existe une diminution de cette désiodation, aboutissant à un syndrome de basse T3.
On s’est demandé depuis plusieurs années si les changements
hémodynamiques et biochimiques observés au cours de l’insuffisance cardiaque pouvaient être liés en partie à la diminution de
la concentration de T3. Plusieurs essais d’administration de T3
au cours d’études randomisées ont été réalisés antérieurement et
se sont révélés négatifs.
La question concernant le rôle des hormones thyroïdiennes sur
le myocarde au cours de l’insuffisance cardiaque a été relancée
par des travaux expérimentaux et des essais thérapeutiques. Sur
le plan expérimental, K. Kinugawa (Denver, 343) a montré que
les diverses isoformes des récepteurs aux hormones thyroïdiennes
sont diminuées chez des rats sur lesquels on a réalisé une hypertrophie ventriculaire gauche par constriction aortique pendant
deux ou trois semaines. Cela était vrai, entre autres, pour les récepteurs alpha 1 qui prédominent au niveau du myocarde (tableau I).
Tableau I. Isoformes des récepteurs aux hormones thyroïdiennes et
hypertrophie cardiaque chez le rat.
Récepteur/GADPH
Contrôles
Constriction aortique
α1
0,066 ± 0,007
0,030 ± 0,002*
α2
0,029 ± 0,002
0,022 ± 0,002*
ß1
0,039 ± 0,002
0,028 ± 0,003*
HORMONES THYROÏDIENNES ET INSUFFISANCE CARDIAQUE
Un des premiers symposiums de l’AHA a été consacré aux relations entre les hormones thyroïdiennes et l’insuffisance cardiaque.
Il était coordonné par I.L. Klein (New York) et M.R. Bristow
(Denver). La problématique part de deux constatations :
1. L’insuffisance cardiaque présente un certain nombre de similitudes avec le cœur de l’hypothyroïdien ; sur le plan hémodynamique, il existe dans les deux situations une baisse du débit
cardiaque, une diminution de la contractilité myocardique et une
augmentation des résistances périphériques. Un certain nombre
de gènes exprimés par les cellules myocardiques pendant la vie
fœtale (α-myosin heavy chain, SR calcium ATPase 2 [SERCA 2])
ne le sont plus physiologiquement à l’âge adulte, sauf en cas d’insuffisance cardiaque ou d’hypothyroïdie.
2. Physiologiquement, la majeure partie de la triodothyronine
circulante (T3), hormone thyroïdienne active, provient de la transformation de la thyroxine (T4) dans divers tissus, en particulier
* Service d’endocrinologie, hôpital de l’Antiquaille, Lyon.
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* p < 0,05.
Cela suggère que le myocarde au cours de l’insuffisance cardiaque peut être en état de carence en hormones thyroïdiennes du
fait d’une diminution de la concentration plasmatique de T3 et
d’une diminution du nombre de récepteurs au niveau des cellules
myocardiques.
En attendant le développement d’analogues structuraux des hormones thyroïdiennes montrant une efficacité même en cas de
diminution du nombre de récepteurs, plusieurs essais thérapeutiques ont été rapportés. D. Chowdhury (New York, 2284) a étudié 75 enfants venant de subir une chirurgie cardiaque ; 28, dont
9 nouveau-nés, avaient un syndrome de basse T3. Après randomisation, le groupe traité recevait de la T3 en perfusion intraveineuse (0,05 à 0,1 µg/kg/h). Ce traitement n’a pas influencé l’évolution dans l’ensemble du groupe mais, chez les nouveau-nés, le
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score TISS s’est amélioré (49 ± 6 versus 40 ± 7), ainsi que le
score isotropique (26,0 versus 4,6 ; p < 0,01).
J. Klemperer (Bangor, 3290) a étudié 142 malades adultes avec
un syndrome de basse T3 secondaire à une chirurgie coronarienne.
La perfusion intraveineuse de T3 a entraîné une diminution très
significative du nombre de fibrillations auriculaires dans les trois
jours qui ont suivi l’intervention (24 % dans le groupe traité contre
46 % dans le groupe contrôle).
Ces résultats préliminaires sont, pour le non-cardiologue que je
suis, suffisamment intéressants pour attendre avec intérêt la mise
en place d’essais thérapeutiques (fortes doses de T3 et/ou d’un
analogue, plus des bêtabloquants en cas d’insuffisance cardiaque ?). Il ne faut néanmoins pas oublier que le syndrome de
basse T3 ainsi que la diminution du nombre de récepteurs hormonaux peuvent être un processus d’adaptation permettant de
diminuer le catabolisme protéique.
ESTROGÈNES ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE
Depuis les résultats négatifs, il y a deux ans, de l’étude HERS,
seule étude randomisée, estrogènes versus placebo, ayant analysé chez les femmes en prévention secondaire l’utilité, en termes
d’événement cardiovasculaire, du traitement hormonal substitutif de la ménopause, une triple question se pose : les estrogènes
sont-ils sans action dans la prévention de l’athérosclérose ? Sontils inefficaces seulement en prévention secondaire ? Les molécules utilisées dans l’étude HERS sont-elles délétères par rapport
à d’autres ?
P.T. N’Guyen (Rochester, 4022) a remis en évidence le rôle
potentiellement très important de la Lp(a) comme marqueur de
risque et de facteur d’efficacité du traitement estrogénique. En
effet, dans une analyse en sous-groupes de l’étude HERS, les
investigateurs ont trouvé que le traitement hormonal substitutif
était relativement bénéfique chez les femmes qui avaient une
concentration de Lp(a) augmentée, alors qu’il était soit inefficace, soit même dangereux chez les femmes avec une Lp(a) basse.
Une étude de cohorte comprenant 2 853 femmes en postménopause a été présentée. Six cent dix-neuf femmes avec une Lp(a)
élevée et 2 234 avec une Lp(a) normale ou basse ont été compa-
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rées. Le traitement hormonal substitutif de la ménopause a réduit
le risque d’événements cardiovasculaires dans le groupe avec
Lp(a) élevée (risque relatif 0,37), sans aucun bénéfice chez les
autres (risque relatif 0,93). Le traitement estrogénique induit une
baisse de la concentration de Lp(a), mais le mode d’action des
stéroïdes sexuels sur la synthèse et le catabolisme de cette lipoprotéine n’est pas connu. Un essai de prévention portant sur des
femmes ménopausées ayant une Lp(a) augmentée serait très certainement intéressant à réaliser en termes de santé publique. Cet
essai serait plus utile que de nouvelles études de cohorte
concluant, comme à l’habitude, à un effet bénéfique possible du
traitement hormonal substitutif, bien que celui-ci puisse n’être
dû qu’à un biais de sélection ou d’adhésion au traitement.
En attendant le résultat de ces études, la validation de critères
intermédiaires de risque est hautement souhaitable. Une des questions posées dans le Estrogen in the Prevention of Atherosclerosis Trial présenté par H. Hodis (Los Angeles, 4021) concernait
l’effet du 17-bêta-estradiol sur l’épaisseur de l’intima-média carotidienne. Il s’agit d’une étude en double aveugle contre placebo.
Les résultats préliminaires après la première année de traitement
montrent une diminution de la progression de l’épaisseur de l’intima-média sous estradiol par rapport au placebo.
DIABÈTE ET PATHOLOGIE CARDIOVASCULAIRE
De nombreuses publications (en particulier 4174 à 4183) ont
confirmé les relations très étroites qui existent entre l’état d’insulinorésistance, associé ou non à un diabète sucré, et la maladie
coronarienne. Deux types de médicaments actuellement disponibles dans le monde peuvent améliorer cette insulinorésistance.
La metformine agit surtout en diminuant la production hépatique
de glucose. Elle a fait la preuve de son efficacité en termes de
prévention au cours de l’étude britannique UKPDS. Les thiazolidine-diones améliorent surtout la sensibilité à l’insuline au
niveau des muscles. L’effet de ces derniers médicaments sur le
métabolisme des lipoprotéines est variable suivant les molécules,
et il est trop tôt pour savoir s’ils peuvent jouer un rôle important
en termes de prévention cardiovasculaire chez les diabétiques. ■
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