
Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 2 - avril-mai-juin 2014
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Carcinome colorectal et microbiote intestinal
de risque identifi és (sédentarité, obésité, consomma-
tion de viande rouge, faible consommation de fi bres
alimentaires, tabac, etc.).
La part dite “familiale” ou “héréditaire” de CCR reste
imprécise (3). Alors que 1 à 15 % des patients atteints
d’un CCR présentent des caractéristiques évoquant une
cause génétique (âge précoce de survenue, surincidence
familiale de cancers, découverte de cancers d’autres
localisations), une anomalie génétique constitution-
nelle n’est identifi ée que chez 1 à 5 % de ces patients.
Paradoxalement, en l’absence de mutation identifi ée,
il n’est pas aisé d’estimer ou de quantifi er le risque réel
de cancer au sein de ces familles tant il semble proche
de celui de la population générale. Globalement, dès
lors qu’un cas de CCR ou de lésion précancéreuse est
constaté à un âge relativement jeune (CCR avant 60 ans,
polypes avant 50 ans), l’estimation correcte du risque
relatif (RR) chez les apparentés au premier degré du sujet
atteint devient diffi cile en l’absence d’un déterminant
génique identifi é. Dans ces cas, il est peu probable qu’il
puisse s’agir de nouveaux gènes, car des travaux de
séquençage entier du génome indiquent un nombre
restreint de gènes cardinaux (4). Toutefois, de nouveaux
réarrangements des gènes cardinaux déjà identifi és
ou tout simplement un ou des polymorphisme(s)
génique(s) particulier(s) favorisant l’impact des fac-
teurs délétères de l’environnement sont probablement
encore à découvrir. L’hypothèse de l’impact délétère
de facteurs de l’environnement sur un terrain génique
particulier devrait permettre de rendre compte d’un
très grand nombre de cancers. Cette hypothèse est
fortement valorisée par des données déjà anciennes et
confortées par celles plus récentes. Outre le risque élevé
des apparentés au premier degré d’un sujet index, une
légère surincidence de lésions précancéreuses chez les
époux est répertoriée. Ainsi, par rapport à la popula-
tion générale, le RR moyen chez les époux d’un sujet
index est estimé à 2,06 lorsque celui des apparentés au
premier degré est proche de 4 dans une étude prospec-
tive américaine (5). De la même manière, le RR pour les
tranches d’âge 50-70 ans dans la population générale
est estimé à 0,3 en France et à 0,1 en Espagne, alors
que celui des apparentés du premier degré, tous liens
confondus, est signifi cativement supérieur. Ces données
suggèrent fortement un risque cumulé dépendant à la
fois de l’environnement et de la susceptibilité génique
avec des variations familiales dépendant du regroupe-
ment des facteurs génétiques et environnementaux.
C’est dans le “mode de vie occidental” (régime alimen-
taire, surconsommation médicamenteuse, augmen-
tation de la fréquence des relations sociales, faible
activité physique, surdéveloppement de chaîne du
froid, industrialisation des produits alimentaires, etc.)
qu’il faudra sans doute rechercher les facteurs étiolo-
giques de CCR. Toutefois, l’analyse précise et exhaustive
de ces facteurs semble extrêmement diffi cile. Même
les études d’impact de l’alimentation, malgré leur
contribution à l’identifi cation des profi ls de régimes
alimentaires associés à l’incidence de CCR, se heurtent
à des imprécisions sur l’exhaustivité et l’hétérogénéité
quantitative et qualitative des nutriments ingérés. Par
conséquent, il est crucial d’analyser le rôle putatif du
marqueur génétique et des facteurs de l’environnement
pour mieux comprendre la grande fréquence des CCR et
planifi er des programmes de prévention, de dépistage
et de traitement plus adaptés dans le but d’améliorer
le pronostic et de réduire les coûts.
Que représente la part génétique
dans le CCR ?
Deux formes cliniques caricaturales sont décrites : le
syndrome de Lynch (Hereditary Non-Polyposis Colon
cancer [HNPCC]) et la polypose adénomateuse fami-
liale (PAF), qui conduisent à la recherche ponctuelle
d’une mutation au niveau des gènes impliqués dans
le système MMR ([MisMatch Repair] pour anomalies
de mésappariement d’ADN) tels que hMLH1, hMLH6,
hMSH2 ou des gènes impliqués dans la survenue des
polypes (APC et MYH). La polypose familiale est une
maladie génétique plus rare que le syndrome de Lynch.
Elle se défi nit par l’apparition de polypes adénomateux
coliques ou rectaux dont le nombre élevé et l’âge pré-
coce de survenue augmentent fortement la probabilité
de dégénérescence vers le cancer pour atteindre 100 %
au-delà de 20 ans dans les formes typiques. Le syndrome
de Lynch est une maladie génétique de transmission
autosomique dominante à forte pénétrance (80-85 %),
résultant d’une inactivation biallélique (mutation ger-
minale et inactivation de l’autre allèle par mutation
ponctuelle, hyperméthylation de la région promotrice
ou délétion) de gènes impliqués dans le système MMR
d’identifi cation et de réparation des mésappariements
post-réplicatifs de l’ADN. Quatre principaux gènes ont
été identifi és : MLH1 (MutL Homolog Human 1), MSH2
(MutS Homolog Human 2), MSH6 (MutS Homolog Human
6) et PMS2 (Postmeiotic Segregation Increased 2). Les
mutations des 2 premiers gènes représentent environ
70 % de l’ensemble des mutations MMR identifi ées. La
prévalence des altérations de ces gènes est estimée
entre 1/2 000 et 1/1 000. Les tumeurs se caractérisent
par une perte d’expression nucléaire de la protéine
MMR anormalement codée par le gène muté et une