souvent (80 %) au cours du suivi d’un cancer déjà traité (3). Le
délai d’apparition de l’envahissement laryngotrachéal est variable
selon le cancer primitif. Il est en moyenne de six ans et peut même
atteindre 26 ans (4). La tumeur peut se présenter sous la forme
d’un nodule ferme, unique, parfois multiple, parfois associé à des
signes de compression ou d’envahissement locorégional à type
de dysphonie, de dyspnée ou de dysphagie (1, 4). Une toux irri-
tative avec des crachats hémoptoïques a également été rapportée
(1). L’existence d’adénopathies satellites et/ou d’une paralysie
récurrentielle peut orienter le diagnostic vers une étiologie can-
céreuse (1, 4).
Rappelons, pour mémoire, l’existence possible d’un tissu thy-
roïdien ectopique dans la paroi trachéale (6-8). Il faut souligner
ici qu’un carcinome thyroïdien intraluminal peut simuler une
lésion primitive laryngotrachéale ou hypopharyngée.
BILAN D’EXTENSION
L’examen préopératoire doit être aussi complet que possible. Il
doit comprendre une laryngotrachéoscopie, une œsophagosco-
pie ainsi qu’une tomodensitométrie cervicothoracique (figure 1)
afin de déterminer le plus précisément possible l’extension extra-
thyroïdienne (9, 10). S’il existe une atteinte muqueuse, la biop-
sie peut apporter la clé du diagnostic.
TRAITEMENT
L’attitude thérapeutique peut varier en fonction de l’agressivité
du cancer. En ce qui concerne le cartilage cricoïde, l’attitude
dépend du stade de l’invasion néoplasique (9, 10). En cas d’enva-
hissement inférieur à 25 % de la circonférence, une résection
chondromuqueuse en zone saine avec une fermeture par lambeau
myopérichondral sans calibrage doit être associée à la thyroï-
dectomie totale (9). En position antérieure, le risque de sténose
est plus élevé et il faut envisager une plastie armée (9, 10). Entre
25 et 70 %, la mise en place d’un tube de Montgomery comme
tuteur est justifiée (9, 11). Au-delà de 70 %, la résection-anasto-
mose thyrotrachéale permet un bon rétablissement de la conti-
nuité (9, 10).
En cas d’atteinte de l’unité cricoaryténoïdienne, le choix se fait
entre la laryngectomie subtotale de type Pearson, si l’atteinte ne
dépasse pas la ligne médiane, et la laryngectomie totale, si l’enva-
hissement est bilatéral (11).
Pour le cartilage thyroïde, le geste consiste en une résection par-
tielle ou totale d’une aile thyroïdienne en fonction du degré de
l’infiltration néoplasique, avec une fermeture par des lambeaux
musculaires locaux. Friedman et al. (12) avaient utilisé un lam-
beau myopérichondral du sternocléidomastoïdien à base supé-
rieure.
Si l’envahissement se situe en avant de la ligne médiane, la résec-
tion devient plus importante et, en fonction de l’état général du
malade et de son âge, le choix se fait entre une cricohyoïdoépi-
glottopexie et une cricohyoïdopexie, voire une laryngectomie
frontale antérieure reconstructive de type Tucker (11).
Deux techniques chirurgicales sont possibles pour traiter un enva-
hissement trachéal : la shave excision de McCaffrey (13) ou la
résection trachéale (14, 15). La shave excision consiste en une
exérèse tumorale aussi complète que possible respectant la tra-
chée ; elle peut laisser des résidus tumoraux microscopiques, qui
peuvent être détruits par une radiothérapie. Elle n’est envisa-
geable qu’en cas d’atteinte trachéale superficielle (9, 16). En cas
d’envahissement massif de la trachée et, de surcroît, d’envahis-
sement endoluminal, la résection complète de la paroi trachéale
s’impose.
La résection trachéale peut être cunéiforme ou circonférentielle.
Pour certains auteurs (17-19), les deux techniques sont utilisables :
la résection cunéiforme est pratiquée pour des atteintes trachéales
inférieures à la moitié de la circonférence, alors qu’une résection
circonférentielle est préférable pour des envahissements plus
importants. Pour d’autres (20), il faut systématiquement prati-
quer des résections circonférentielles. En effet, Ozaki et al. ont
montré que l’extension muqueuse circonférentielle dépasse celle
de l’adventice (20). Ces deux types de résection sont suivis d’une
anastomose immédiate.
L’atteinte œsophagienne est le plus souvent limitée au plan mus-
culaire ; une résection sous-muqueuse est alors réalisable avec
suture de la musculeuse. L’atteinte endoluminale est beaucoup
plus rare et nécessite une exérèse de toute la paroi œsophagienne
suivie d’une suture de la brèche (17, 18, 20).
Les taux de survie obtenus dans ces différents cas de figure sont
difficiles à comparer, d’abord parce que cette indication n’est pas
DOSSIER
20
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no301 - novembre-décembre 2005
Figure 1. Aspect scanographique en coupe axiale : processus tissulaire
de la glande thyroïde infiltrant l’axe laryngotrachéal.
Grillo (9) a proposé une classification du degré d’envahissement
de l’axe laryngotrachéal suivant la profondeur d’envahissement
tumoral :
–stade 0 : carcinome limité à la glande thyroïde ;
–stade 1 : carcinome débordant la glande, érodant le périchondre
externe sans envahissement cartilagineux ;
–stade 2 : envahissement du cartilage ou du ligament annulaire ;
–stade 3 : envahissement de la lamina propria de la sous-
muqueuse, sans atteinte muqueuse ;
–stade 4 : envahissement de la muqueuse.