parkinsoniens : on observe qu’ils ont du mal à faire les enrichissements pragmatiques de la même manière qu’un sujet
sain. Il y a, à l’heure actuelle, des travaux assez connus sur des populations exceptionnelles, comme les autistes. Ces
enfants sont incapables d’apprécier des choses pragmatiques, c’est-à-dire d’aller au-delà du code linguistique d’une
phrase. Ils ont du mal avec la métaphore, l’ironie, car cela demande de l’interprétation. Ces populations sont un vivier
très intéressant pour nous, en tant que chercheur en sciences humaines. Par ailleurs, nos recherches permettent aussi
de mieux les comprendre.
En d’autres termes l’intersection entre les connaissances purement scientifiques et les connaissances sur le
langage permet une appréciation précise du fonctionnement du cerveau ?
En quelque sorte, oui. Nous pouvons avoir des données fines sur la façon dont les mots sont réceptionnés par les
individus. Par exemple, un verbe est traité différemment qu’un substantif. L’idée développée est qu’il y a dans le cerveau
des neurones miroirs qui résonnent l’action d’une autre personne. Par exemple, lorsqu’un singe voit son voisin qui
s’apprête à manger une banane, cela déclenche la même action au moins au niveau neuronal. Il y a donc un neurone
impliqué dans l’action qu’il voit qui se déclenche comme si c’était à lui d’agir.
Avec la neuro-imagerie, on peut pratiquement suivre l’activité neuronale au moment où une personne dit un mot. On a
constaté que la réaction n’était pas la même s’il s’agissait d’un verbe ou d’un substantif. On demande à un sujet
d’appuyer sur un bouton lorsqu’il entend un vrai mot. Mais on constate une légère hésitation – non perceptible à l’œil nu
mais détecté en neuro-imagerie – lorsque qu’on lui présente un verbe. Il y a une espèce d’interférence entre les deux
ordres donnés. Lorsque le sujet entend «saisir», ses neurones hésitent entre l’action de « saisir» et l’action d’appuyer sur
le bouton pour signifier qu’il s’agit d’un terme existant. Cette expérience nous permet de comprendre finement la façon
dont le langage est compris et conçu.
L’interdisciplinarité est donc nécessaire en matière de sciences cognitives ?
Elle est rendue fortement possible grâce à l’Institut des Sciences Cognitives qui rassemble dans un même lieu des
chercheurs de divers horizons. Aujourd’hui, les interactions existent dans la communauté des chercheurs en sciences
cognitives – par exemple, entre linguistes, psycholinguistes, etc. – et avec les neurosciences.
Mais chaque discipline a sa culture, sa méthodologie, ses concepts scientifiques, ce qui rend les interactions parfois
difficiles. La technologie est un moyen d’égaliser les choses car les machines ont leurs contraintes méthodologiques :
Par exemple, ici nous avons un projet pour étudier le raisonnement. Ce dernier utilise le Magneto-Encephalo-Graphe
(MEG) qui est installé au CERMEP, à Lyon, et qui est destiné à la recherche. Par ailleurs, nous avons à l’Institut des
Sciences Cognitives, un Electro-EncephaloGraphe (EEG) qui permet de détecter l’activité électrique au moment où notre
cerveau réceptionne ou émet une phrase, un mot, etc. Il nous faut trouver des expériences qui puissent à la fois utiliser
les contraintes de ces deux appareils.
Avec d’autres projets, nous avons également accès à l’IMRf, technique avec laquelle on capte précisément l’endroit où
se trouve l’activité dans les zones corticales mais où on ne détecte pas l’instant précis où elle apparaît.En d’autres
termes, chaque machine offre des perspectives différentes. Mais, pour avoir une bonne mesure, chaque machine
nécessite un nombre d’essais assez élevés. Cette contrainte déplait aux linguistes car la répétition rend l’acte
linguistique moins naturel. Dans ce type de démarche, il est intéressant de prendre en compte les allers-retours entre les
sciences. En tant que chercheurs à la jonction entre sciences de la vie et sciences humaines et sociales nous apportons
des données et des théories sur le langage aux neurosciences qui, en retour, nous donnent des connaissances
physiologiques sur le cerveau et des outils de mesure.
Cette interdisciplinarité touche-t-elle d’autres domaines que le langage ?
Certainement. Il y a, par exemple, une interaction entre les neurosciences et l’économie.
Ce qui est intéressant pour les sciences cognitives est justement qu’il existe ces interactions.
Autre exemple, cette fois-ci entre la génétique et les sciences cognitives. Nous avons ici, à l’Institut, un médecin
spécialiste de la génétique. Il a trouvé dans une sous-population de personnes des liens entre leur difficulté
d’apprentissage et une déformation génétique. Peu à peu, on trouve le lien entre les phénomènes de cognition et la
génétique. Cette vision génétique pourrait permettre de trouver des traitements pour des personnes qui ont des
difficultés cognitives et qui étaient, jusqu’à présent, traitées dans un même ensemble. Par exemple, aujourd’hui, on sait
distinguer les différentes formes d’autisme, on sait aussi mieux travailler sur les enfants atteints du syndrome de William
(qui donne aux individus un comportement inverse à celui des autistes).
Les neurosciences mettent beaucoup en avant le déterminisme. En tant que chercheur en sciences cognitives,
comment appréciez-vous ce mouvement ?
C’est une question complexe qui renvoie à la phrénologie du XIXe siècle. A l’époque, on avait proposé que des zones du
cerveau (et leur importance, indiquées par les bosses sur la tête) étaient responsables de telles ou telles capacités.
Cette théorie a été rejetée évidemment mais, aujourd’hui, on est dans la même mouvance avec la vision des zones
corticales. Toutefois, ce n’est pas parce que l’on sait qu’une zone peut-être responsable de la vision ou du langage, ou