Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. IX - n° 2 - mars-avril 2014
VOCABULAIRE
Vocabulaire
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* © Le Courrier de la Transplantation 2007;7(1):9.
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TUMEUR* Par Alain Rey, directeur de la rédaction du Robert, Paris
Ce nom peut eff rayer, car il s’associe dans
l’imaginaire à l’adjectif féminin maligne.
Pourtant, à reconnaître les mots isolé-
ment, ni malin, ni même tumeur ne doivent faire peur.
Pour le second, plus personne ne le met en rapport
avec tumulus, et pas même tuméfi er ou tumescence.
C’est pourtant une famille de mots qui vient, à travers
le latin, d’une racine indo-européenne exprimant de
manière très générale l’idée de gonfl ement. Le latin
tumor, tumoris, au départ, ne concerne pas seulement
la pathologie : il s’applique à toute enfl ure, à tout gon-
ement, s’emploie en psychologie et pour le style,
lorsque ce dernier est pompeux, enfl é, boursoufl é. Il
y a dans l’Antiquité romaine des “tumeurs de colère,
de peine et de chagrin, ou encore d’orgueil. La méta-
phore est restée vivante, mais sexprime autrement.
En français, le mot tumeur fait partie des nouveautés
qui ont permis, à l’époque de la Renaissance, de parler
français en médecine, secteur où les choses se disaient
et s’écrivaient en latin. On a d’abord pris le mot latin
en le modifi ant à peine pour former tumour, qui a
un air occitan – et on pense à Montpellier, grande et
ancienne école de médecine –, mais la forme francisée
tumeur l’a emporté, au milieu du XVIe siècle.
À cette époque où le latin est omniprésent, tumeur
signifie aussi “vanité extrême, comme dans la
langue de Cicéron. Le changement de valeur en
emploi concret est moins voyant ; il suit les progrès
de la médecine. Encore à l’époque d’Émile Littré,
dont on connaît la formation médicale, la tumeur
est toute éminence circonscrite”, c’est-à-dire toute
excroissance ou grosseur, sur la peau ou dans un
organe creux quelle quen soit la matière, quon
ignorait. Ce sens général englobe la signifi cation
actuelle, qui nest pas nouvelle – quand Jean-Jacques
Rousseau décrit une “tumeur” à l’estomac qui fait
périr son porteur, c’est sans doute d’un cancer
qu’il s’agissait –, mais qui est expliquée de manière
nouvelle, à partir de la cytologie. Ainsi comprise,
la tumeur est une formation nouvelle de cellules –
ce que dit le mot néoplasme –, provenant de divers
tissus et dont certaines sont normales, d’autres
pathologiques et envahissantes, “malignes” – et
le Malin, c’est le diable. Kystes, polypes, fi bromes,
verrues sont dits “bénins”, carcinomes et sarcomes,
“malins, et le sens moderne du mot cancer, qui a
toujours été eff rayant, mais d’une autre façon, y
correspond. Cancer, le crabe, de même origine
grecque et latine que chancre, est une métaphore
de ce qui ronge ; tumeur est une description concrète
de ce qui gonfl e. Ni l’un ni l’autre mot ne conserve
son sens primitif dans ses emplois actuels, qui sont
chargés de connaissances récentes. Il en va ainsi
de très nombreux mots anciens, vagues et imagés
dans l’usage courant, plus précis mais encore trop
généraux pour le spécialiste.
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