R ev u e de presse Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris) PROSTATE Prédiction de la mortalité spécifique à 15 ans du cancer de la prostate traité par prostatectomie radicale À l’ère du dépistage individuel du cancer de la prostate par dosage du PSA, l’évaluation du contrôle carcinologique offert par la prostatectomie radicale et la recherche de facteurs prédictifs postopératoires de récidive ou de décès spécifiques permettent de préciser les indications thérapeutiques. Les auteurs avaient pour objectif de créer un nomogramme prédictif du risque de mortalité spécifique à 15 ans après prostatectomie radicale (PR). La création de ce nomogramme s’est faite par une étude multicentrique avec double validation, interne et externe, fondée sur 2 populations de patients initialement pris en charge par PR entre 1987 et 2005 : 11 521 patients consécutivement opérés dans 3 centres (Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, Cleveland Clinic, université du Michigan) et 12 389 patients traités à l’université Johns Hopkins. Les mortalités spécifique et globale à 15 ans étaient respectivement de 7 % et 33 % dans la cohorte de modélisation, et de 4 % et 16 % dans la cohorte de validation. En analyse multivariée, 4 facteurs de risque de mortalité spécifique indépendants ont été mis en évidence : un grade 4 ou 5 du score de Gleason (p < 0,001), une invasion des vésicules séminales (p < 0,001) et l’année de prise en charge (p = 0,002). Le nomogramme était fondé sur l’évaluation des 8 paramètres suivants : PSA, âge, extension extracapsulaire, marge chirurgicale positive, extension aux vésicules séminales, métastases ganglionnaires, grades de Gleason (chacun des 2 éléments conduisant au score). Il atteignait une précision pronostique remarquable de 0,92. Enfin, les auteurs se sont également attachés à décrire le devenir des patients de façon catégorielle suivant le score de Gleason, le stade pTNM et l’âge. Cette analyse a confirmé l’excellent pronostic des patients de stade pT2 et Gleason 6 qui présentent un risque de mortalité spécifique à 15 et 20 ans quasi nul. Commentaire. Cette étude, menée rétrospectivement sur une large population (23 910 patients), a évalué le risque de décès spécifique par cancer de la prostate fondé sur les données de l’analyse anatomopathologique de la pièce d’exérèse chirurgicale. Il s’agit donc d’une estimation plus fiable que celle apportée par les groupes à risque de d’Amico mais qui, par définition, ne s’applique qu’aux patients ayant bénéficié d’une prostatectomie radicale. Trois points particuliers méritent d’être soulignés. ✓✓ Malgré l’importance de l’échantillon, cette cohorte peut être considérée comme contemporaine, puisque plus de 60 % des patients inclus ont été opérés après 1999. ✓ ✓ L’estimation du risque de décès spécifique est le reflet de la vraie vie, puisque les patients ayant nécessité un traitement complémentaire (RT = 6,8 % ou hormonothérapie = 9 %) n’ont pas été exclus de l’étude. Il ne s’agit donc pas d’une évaluation stricto sensu de l’efficacité carcinologique de la PR, mais de celle offerte par un plan de traitement potentiellement plurimodal si l’évolution au décours de la prostatectomie radicale le nécessite. ✓✓ Il s’agit d’une des rares études en matière de cancer de la prostate ne se fondant pas sur un critère de jugement intermédiaire tel que la rechute biologique, mais sur le décès spécifique. La construction d’un nomogramme plutôt que d’un score pronostique permet une estimation individuelle plus fine. En revanche, les données de survie spécifique à 15 ans ne doivent être considérées que comme des estimations, dans la mesure où les suivis médians sont respectivement de 56 mois et 96 mois dans les cohortes de validation interne et externe. Ce nomogramme, par ses excellentes fiabilité et précision, devrait permettre d’étayer l’information apportée au patient en termes de pronostic individuel. J.C. Bernhard, Bordeaux • Eggener SE, Scardino PT, Walsh PC et al. Predicting 15 year prostate cancer specific mortality after radical prostatectomy. J Urol 2011;185(3):869-75. COMMENTÉES EN LIGNE Rendez-vous sur edimark.fr et retrouvez les diapositives de synthèse des articles résumés Chirurgie et hormonothérapie dans les cancers de la prostate à haut risque de récidive Le SWOG rapporte la plus importante expérience d’hormonothérapie adjuvante à la prostatectomie totale (PT) chez des patients souffrant d’un cancer de la prostate à haut risque de récidive. L’étude SWOG S9921 a randomisé la mitoxantrone chez des patients traités par PT et hormonothérapie pendant 24 mois. L’objectif principal de l’étude était la survie globale. Les critères d’inclusion étaient un score de Gleason supérieur ou égal à 8, un taux de PSA préopératoire supérieur ou égal à 15 ­ng/­ml, un stade supérieur ou égal à pT3b, N1 ; ou bien un score de Gleason supérieur ou égal Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011 COU-II-NN3-0911.indd 111 diapositives 111 28/09/11 15:36 R ev u e à 7, associé à un taux de PSA préopératoire supérieur ou égal à 10 ­ng/­ml ou à une marge positive. Le taux de PSA postopératoire devait être inférieur ou égal à 0,2 ­ng/­ml. Neuf cent quatre-vingt-trois patients ont été inclus entre 2000 et 2007. L’étude a été arrêtée après l’apparition de 3 cas de leucémie aiguë dans le bras mitoxantrone. Cette publication rapporte le suivi des 481 patients du bras témoin de l’étude, traités par PT et hormonothérapie adjuvante pendant 2 ans. Avec un suivi médian de 4,4 ans, la survie globale à 5 ans est de 96 %. Elle est de 92,3 % chez les patients N+ (n = 79), de 97 % chez les patients avec un score de Gleason supérieur ou égal à 8 ou pT3b (n = 277), et de 96 % chez les patients ayant un score de Gleason supérieur ou égal à 7 avec un taux de PSA préopératoire supérieur ou égal à 10 ­ng/­ml ou une marge positive (n = 125). Vingt-sept pour cent des patients avaient reçu une radiothérapie complémentaire. Lorsque ces patients étaient exclus de l’analyse, la survie globale était similaire. Commentaire. L’efficacité de la radiothérapie a été démontrée chez les patients à haut risque de récidive après PT. L’intérêt de l’hormonothérapie est débattu chez ces sujets, en l’absence d’envahissement ganglionnaire. L’étude GETUG 20, qui débute en France et qui randomise la leuproréline, permettra d’évaluer l’intérêt de l’hormonothérapie adjuvante dans cette situation. Les taux de survie remarquables de l’étude SWOG S9921 vont dans le sens de ce futur essai. F. Rozet, Paris • Dorff TB, Flaig TW, Tangen CM et al. Adjuvant androgen deprivation for high-risk prostate cancer after radical prostatectomy: SWOG S9921 study. J Clin Oncol 2011;29(15):2040-5. La curiethérapie à haut débit de dose comme traitement exclusif du cancer de la prostate localisé Entre 1996 et 2005, 2 grands groupes californiens (UCLA, Los Angeles, et WilliamBeaumont Hospital, Oakland) ont traité par curiethérapie exclusive à haut débit de dose (high dose rate [HDR]) 298 patients souffrant d’un cancer de la prostate localisé. Il s’agissait, dans la majorité des cas, de patients 112 COU-II-NN3-0911.indd 112 de presse du groupe à bas risque (T1-T2a, taux de PSA < 10 ­ng/­ml, score de Gleason ≤ 6) et de patients du groupe intermédiaire “favorable” (T2b ou taux de PSA < 15 ­ng/­ml ou score de Gleason à 7). Les schémas utilisés étaient différents dans les 2 centres : 42 Gy en 6 fractions (avec 2 implantations à une semaine d’intervalle) pour le premier, et 38 Gy en 4 fractions (avec une seule implantation) pour le second. Les contraintes de dose étaient en revanche identiques dans les 2 centres pour la vessie, l’urètre et le rectum. Avec un suivi médian de 5,2 ans, les résultats (donnés à 8 ans) font état d’un contrôle local de 99 %, d’une survie sans récidive biochimique de 97 % (définie par le Nadir +2), et d’une survie globale de 95 %. La toxicité urinaire est faible, avec 10 % de toxicité de grade 2 transitoire (essentiellement impériosités et pollakiurie), et 3 % de grade 3 (rétention urinaire). Les auteurs rapportent moins de 1 % de toxicité gastro-intestinale. Commentaire. Les résultats présentés sont excellents. Soulignons cependant qu’il ne s’agit pas d’un essai randomisé, que le faible nombre de patients traités sur 9 ans suggère une forte sélection des malades, que les auteurs continuent de fonder leurs schémas sur un rapport α/β très bas (1,2-1,5 Gy) du cancer de la prostate, alors que des données récentes retrouvent des chiffres un peu plus élevés (3-4 Gy, sinon plus), que le schéma à 2 implantations et 6 fractions est relativement “lourd” pour le patient, et, enfin, que les déplacements de l’applicateur entre 2 fractions, obligeant à le repositionner avant chaque séance, ont mené les équipes à réduire de façon drastique le nombre de séances. De ce fait, au WilliamBeaumont Hospital, les protocoles actuels ne proposent que 2 fractions, et un essai pilote y a même démarré avec une séance unique de curie­ thérapie HDR ! Notons enfin un avantage potentiel de la technique HDR − avantage non noté par les auteurs − sur les implants permanents (de grains d’iode ou de palladium) : cette technique HDR, si elle est réellement prouvée comme équivalente, reviendrait beaucoup moins cher… J.M. Cosset, Paris • Demanes DJ, Martinez AA, Ghilezan M et al. High-dose-rate monotherapy: safe and effective brachytherapy for patients with localized prostate cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2011 (Epub ahead of print). Escalade de dose par association radiothérapie externe-curiethérapie HDR pour le cancer de la prostate localisé de haut risque et de risque intermédiaire : résultats à 10 ans De 1992 à 2007, 472 patients ont été traités au William-Beaumont Hospital par une association de radiothérapie externe et de curiethérapie HDR. Tous les patients présentaient au moins l’un des critères suivants : un taux de PSA supérieur à 10 ­ng/­ml, un score de Gleason supérieur ou égal à 7, ou un stade clinique supérieur ou égal à T2b. Tous les patients ont reçu la même radiothérapie externe de 46 Gy. En revanche, le complément de curiethérapie à haut débit (boost) a varié. Initialement, il s’agissait de 3 séances, dont la dose unitaire a été successivement de 5,5 Gy, 6,0 Gy et 6,5 Gy ; les auteurs sont ensuite passés à 2 séances, successivement de 8,25 Gy, 8,75 Gy, 9,50 Gy, 10,50 Gy et 11,50 Gy. En calculant la dose biologique équivalente (BED) avec un rapport ­α/­β de 1,2 Gy, les auteurs ont comparé les patients qui avaient reçu moins de 268 Gy (équivalent) et ceux qui avaient reçu plus de 268 Gy. Avec un suivi médian de 8,2 ans, le taux de rechutes biochimiques était de 43,1 % pour les patients du groupe basse dose versus 18,9 % pour les patients du groupe haute dose (p < 0,001). La même différence significative en faveur du groupe haute dose était retrouvée pour le taux de rechute clinique (p < 0,001) et le taux de métastases à distance (p < 0,028). En analyse multivariée, la BED (p = 0,017), le PSA initial (p < 0,001) et le score de Gleason (p = 0,004) étaient tous des facteurs significatifs de rechute biologique. Les taux de toxicité urinaire de grade 3 étaient de 2 et 3 %, respectivement, pour les basses et hautes doses. Le taux de complications intestinales de grade 3 était inférieur à 0,5 %. Les auteurs concluent à une amélioration très significative du taux de rechute (biochimique ou clinique) liée à l’augmentation de la dose, sans pour cela observer de toxicité accrue. Commentaire. De nombreuses études récentes, dont au moins 5 essais randomisés, ont clairement montré que l’escalade de dose en radiothérapie Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011 28/09/11 15:36 diapositives COMMENTÉES EN LIGNE Revue de presse externe exclusive permettait d’améliorer de façon significative la survie sans récidive des patients souffrant d’un cancer de la prostate localisé. Il reste encore à déterminer quelle est la meilleure façon d’effectuer cette escalade de dose. Dans cette optique, plusieurs équipes proposent d’associer à l’irradiation externe un complément de curiethérapie, soit par implants permanents, soit par technique HDR. Le WilliamBeaumont Hospital est particulièrement en pointe depuis des années sur cette dernière option. Les résultats rapportés ici par cette équipe sont particulièrement encourageants, et vont bien dans le sens d’une meilleure efficacité des hautes doses. Mais il ne s’agit pas d’un essai randomisé, et l’on attend donc avec impatience les résultats de l’essai RTOG 0321. Dans le même ordre d’idée, un essai multicentrique français devrait démarrer sous peu. Les auteurs ne manquent pas, par ailleurs, de souligner qu’avec de tels résultats, l’hormono­ thérapie adjuvante, considérée actuellement comme le standard pour ce type de patients, pourrait bien être remise en question… 69 % avaient déjà reçu une chimiothérapie de première ligne, 78,6 % avaient des métastases osseuses, et respectivement 46,4 %, 37,5 % et 35 % avaient des localisations ganglionnaires, hépatiques et pulmonaires. Le taux de réponse chez les 46 patients avec des lésions mesurables est apparu faible (8,9 %). Une réponse biologique sur les marqueurs neuro-endocrines a été observée chez 28 % des patients évaluables. Le taux de réponse au PSA était de 8 % (42 % de stabilisation). Les médianes de durée de réponse et de survie globale ont été courtes, respectivement de 2,9 mois et de 9,6 mois. J.M. Cosset, Paris P. Beuzeboc, Paris • Martinez AA, Gonzalez J, Ye H et al. Dose escalation improves cancer-related events at 10 years for intermediate and high-risk prostate cancer patients treated with hypofractionated high-dose-rate boost and external beam radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2011;79(2):363-70. Les tumeurs de la prostate métastatiques résistantes à la castration à composante neuro-endocrine n’ont toujours pas trouvé de chimiothérapie très efficace Les cancers de la prostate résistants à la castration, indifférenciés, plus ou moins à composante neuro-endocrine et avec métastases viscérales restent de sombre pronostic. L’étude P01 de phase II du GETUG a évalué l’efficacité et la tolérance d’une association tous les 21 jours d’étoposide (100 ­mg/­m2 J1 à J3) et de carboplatine (ASC = 4) dans une série de 60 patients (54 évaluables) présentant un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration avec soit une composante neuro-endocrine définie sur une élévation de la chromo­granine A ou de la NSE, soit des métastases viscérales. Parmi eux, Commentaire. Même si l’hétérogénéité de la population traitée rend l’analyse difficile, les résultats de cette étude sont globalement décevants et ne permettent pas de répondre au problème du choix thérapeutique de première intention, pour les “véritables” tumeurs à composante neuro-endocrine, entre le docétaxel et une combinaison plus axée sur ce contingent. • Fléchon A, Pouessel D, Ferlay C et al. Phase II study of carboplatin and etoposide in patients with anaplastic progressive metastatic castration-resistant prostate cancer with or ­without neuroendocrine differentiation: results of the French Genito-Urinary Tumor Group (GETUG) P01 trial. Ann Oncol 2011 (Epub ahead of print). Prostatectomie radicale versus watchful waiting dans les cancers de la prostate précoces : une confirmation du bénéfice de la chirurgie à 15 ans L’actualisation des résultats publiés en 2008 de l’étude suédoise ayant randomisé 695 patients d’octobre 1989 à février 1999 entre prostatectomie et surveillance/traitement différé confirme le bénéfice de la chirurgie avec 3 ans de suivi supplémentaire. Avec un suivi médian de 12,8 ans, 166 des 347 patients du groupe prostatectomie et 201 des 348 patients du groupe surveillance sont décédés. Les décès spécifiquement liés au cancer dans les 2 groupes étaient respectivement au nombre de 55 et de 81. Cela correspond à une incidence cumulée de décès à 15 ans de 14,6 % dans le groupe prostatectomie et de 20,7 % dans le groupe sur- Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011 COU-II-NN3-0911.indd 113 veillance (différence de 6,1 % ; IC95 : 0,2-12,0), et à un risque relatif avec la chirurgie de 0,62 (IC95 : 0,44-0,87 [p = 0,001]). Ce bénéfice, également observé dans le groupe à bas risque, est confiné aux hommes âgés de moins de 65 ans. Le nombre de patients à traiter pour éviter un décès est de 15 ; il est de 7 pour les patients âgés de moins de 65 ans. Parmi les hommes traités par prostatectomie, ceux qui présentaient une extension extracapsulaire avaient un risque de décès environ 7 fois supérieur (risque relatif de 6,9 ; IC95 : 2,6-18,4). Commentaire. Il faut relever que près de 80 % des hommes inclus avaient une tumeur palpable, avec une extension extracapsulaire chez 46 % des patients traités dans le bras prostatectomie. Les données de cette étude princeps confirment que la prostatectomie dans les formes diagnostiquées précocement permet une réduction significative du risque de métastases et de décès, avec une différence qui reste constante après 9 ans. Si ce bénéfice est évident chez les patients âgés de moins de 65 ans, il apparaît moins clair pour des patients plus âgés, mais cette observation doit être pondérée en raison du manque de puissance pour l’analyse de ce sous-groupe. De plus, les traitements hormonaux peuvent entraîner des rémissions suffisamment prolongées pour que des patients âgés meurent d’autres causes. P. Beuzeboc, Paris • Bill-Axelson A, Holmberg L, Ruutu M et al. Radical prostatectomy versus watchwul waiting in early prostate cancer. N Engl J Med 2011;364(18):1708-17. VESSIE Le bénéfice pronostique du curage ganglionnaire lors de la cystectomie totale n’est pas moindre chez les patients de plus de 80 ans que chez les patients plus jeunes Les recommandations du NCCN (National Comprehensive Cancer Network) concernant le traitement des cancers de la vessie infiltrant le muscle indiquent que le curage ganglionnaire pelvien est optionnel chez les patients âgés de 80 ans et plus. L’étude rapportée ici concerne la pratique du curage ganglionnaire 113 28/09/11 15:36 R ev u e chez ces patients âgés et son influence sur la mortalité globale et sur la mortalité spécifique du cancer urothélial. Les auteurs ont étudié les dossiers de 11 183 patients traités par cystectomie totale dans 17 centres participant au registre SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results). Une analyse statistique a été réalisée pour connaître l’effet du curage ganglionnaire sur la mortalité globale et spécifique du cancer urothélial. Sur l’ensemble des patients, 25 % n’ont pas eu de curage (24,2 % de patients de moins de 80 ans et 30,8 % de patients de 80 ans et plus [p < 0,001]). La mortalité spécifique à 5 ans a été de 62,5 % chez les sujets ayant eu un curage versus 59,9 % chez ceux n’en n’ayant pas eu (p = 0,01) pour les patients de moins de 80 ans, et de 50,0 % versus 46,1 % (p = 0,005) pour les patients de 80 ans et plus. La mortalité globale à 5 ans a été de 48,8 % chez les sujets ayant eu un curage versus 43,9 % chez ceux n’en n’ayant pas eu (p < 0,001) pour les patients de moins de 80 ans, et de 28,3 % versus 24,7 % (p = 0,01) pour les patients de 80 ans et plus. En analyse multivariée, l’absence de curage ganglionnaire pelvien a été associée à un risque de décès spécifique 1,3 fois supérieur chez les patients de moins de 80 ans, comme chez ceux de 80 ans et plus (p < 0,001 dans les 2 cas). L’absence de curage a également été associée à un risque de mortalité globale 1,3 fois supérieur chez les patients de moins de 80 ans et 1,2 fois supérieur chez les patients de 80 ans et plus (p ≤ 0,005). Le curage a donc été moins fréquent chez les patients de 80 ans et plus comparativement aux patients moins âgés, alors que l’effet protecteur vis-à-vis du risque de décès global et spécifique était virtuellement le même dans les 2 catégories d’âge. Les auteurs en concluent que l’âge avancé ne doit pas être un facteur limitant la réalisation du curage ganglionnaire pelvien lors de la cystectomie totale. Commentaire. Les résultats de cette étude du registre SEER montrent que le curage ganglionnaire pelvien est pratiqué moins fréquemment chez les patients âgés de 80 ans et plus. En l’absence de données sur les comorbidités des patients, nous ne pouvons que supputer que les urologues ont préféré surseoir au curage 114 COU-II-NN3-0911.indd 114 de presse en pensant réduire la morbidité de la chirurgie chez ces sujets plus fragiles. Le fait est que la réalisation d’un curage ganglionnaire pelvien prolonge la durée de l’intervention. Cependant, aucune étude n’a montré que la réalisation du curage augmentait la morbidité péri­opératoire chez les patients de plus de 80 ans. En revanche, la présente étude démontre que l’âge ne modifie pas le bénéfice pronostique rapporté au curage. Les experts du NCCN établissent leurs recommandations selon les principes de l’Evidence-Based Medicine. Cependant, force est de constater que l’affirmation selon laquelle “There are some patients factors which may preclude a PLND such as severe scaring secondary to previous treatments or surgery, advanced age, or severe comorbidities” n’est liée à aucune référence de la littérature médicale… Cette lacune n’aura pas échappé aux auteurs de cet article. Contrairement à celles du NCCN, les recommandations européennes (guidelines de l’European Association of Urology) et françaises (recommandations en onco-urologie du comité de cancéro­logie de l’Association française d’urologie) n’indiquent pas le caractère optionnel du curage ganglionnaire chez les patients de 80 ans et plus. Par conséquent, la portée des conclusions de cet article reste quelque peu “américano-américaine”, dans le sens où les auteurs rapportent une étude de niveau de preuve 2 pour contredire leurs propres recommandations nationales. Ils fournissent néanmoins au “reste du monde”, dont nous faisons partie, la preuve que l’âge avancé ne modifie pas l’effet bénéfique du curage ganglionnaire. Une information primordiale pour la prise en charge des patients âgés. Y. Neuzillet, Suresnes • Abdollah F, Sun M, Shariat SF et al. The importance of pelvic lymph node dissection in the elderly population: implications for interpreting the 2010 National Comprehensive Cancer Network practice guidelines for bladder cancer treatment. J Urol 2011;185:2078-84. Quel est le pronostic des patients ayant un seul ganglion lymphatique métastatique sur le curage ganglionnaire lors de la cystectomie totale ? Les auteurs de cette étude ont analysé le devenir clinique de patients souffrant d’un cancer de la vessie et ayant eu une cys- tectomie totale et un seul ganglion métastatique, comparativement à ceux n’en ayant eu aucun ou en ayant eu 2. Une analyse rétrospective des données de 525 patients ayant subi une cystectomie totale et un curage ganglionnaire pelvien pour un carcinome urothélial de la vessie et ayant eu 0, 1 ou 2 ganglions métastatiques a été menée. L’analyse anatomopathologique a retrouvé un curage indemne de métastases dans 448 cas (associé à un cancer confiné à la vessie dans 311 cas [59,2 %] ou avec une extension extravésicale dans 137 cas [26,1 %]), un seul ganglion métastatique dans 54 cas (10,3 %) ou 2 ganglions métastatiques dans 23 cas (4,4 %). La survie sans récidive et la survie spécifique à 5 ans étaient respectivement de 36,9 % et 52,2 % chez les patients ayant un seul ganglion métastatique, de 51,9 % et 56,6 % chez les patients ayant un cancer étendu sans ganglion métastatique (p = 0,178 et p = 0,504), et de 16,3 % et 21,7 % chez les patients ayant 2 ganglions métastatiques (p = 0,027 et p = 0,036). L’analyse multivariée a montré que l’atteinte métastatique de 2 ganglions était associée à une survie sans récidive et à une survie spécifique plus faibles que lors de l’atteinte d’un seul ganglion (HR = 2,03 et p = 0,021 ; HR = 2,20 et p = 0,015 respectivement). En revanche, la survie sans récidive et la survie spécifique n’étaient pas significativement différentes entre les patients avec un cancer étendu sans atteinte ganglionnaire et ceux avec un seul ganglion atteint (HR = 0,70 et p = 0,162 ; HR = 0,72 et p = 0,219 respectivement) après ajustement avec les autres variables pronostiques. En conclusion, les patients avec un seul ganglion métastatique avaient un pronostic similaire à celui des patients sans atteinte ganglionnaire mais ayant un cancer de la vessie avec extension extravésicale. Les patients avec un seul ganglion métastatique avaient un meilleur pronostic que ceux avec 2 ganglions atteints. Commentaire. L’information apportée par cet article n’est pas nouvelle : plus le nombre de ganglions atteints est important, moins le pronostic est bon. L’étude de M. May et al., publiée cette année dans le European Urology (1), Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011 28/09/11 15:36 diapositives COMMENTÉES EN LIGNE Revue de presse montre que la densité ganglionnaire – c’est-àdire le nombre de ganglions atteints par rapport au nombre de ganglions prélevés par le curage ganglionnaire pelvien – est un facteur pronostique indépendant et que le cut-off de 20 % est celui le plus communément retrouvé dans les publications. L’approche méthodologique des auteurs est moins précise, car elle ne prend pas en compte le nombre de ganglions prélevés pour chaque patient. Or, plus le curage ganglionnaire est étendu – donc plus le nombre de ganglions prélevés est important –, plus le curage peut avoir un rôle thérapeutique (2). S’agissant d’une étude monocentrique rétrospective sur des cas traités entre 1990 et 2008, l’uniformité des curages ganglionnaires pelviens réalisés ne peut pas être contrôlée. C’est la principale limite de cette étude dont le lecteur doit tenir compte. Au demeurant, on peut se demander quelle est la portée pratique de ces résultats. En phase postopératoire, la question est de savoir si le patient peut bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante. La méta-analyse publiée en 2005 a conclu qu’il n’y avait pas de niveau de preuve suffisant pour recommander la chimiothérapie adjuvante (3). Les résultats de cette étude ont un faible niveau de preuve (niveau 4) et ne changent pas la donne. L’étude n’a pas été conçue pour analyser le gain de survie apporté par la chimiothérapie adjuvante, le choix de traiter les patients par une chimiothérapie adjuvante étant laissé à la discrétion des médecins. Les auteurs ont uniquement étudié la chimiothérapie adjuvante en tant que variable pronostique dans leur analyse multivariée ; ils n’ont mis en évidence aucune différence de pronostic selon que les patients aient été traités ou non. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011 COU-II-NN3-0911.indd 115 Au final, le lecteur trouvera dans cet article des informations pronostiques de faible niveau de preuve dont il ne faut pas tirer de conclusions pour la pratique thérapeutique. Y. Neuzillet, Suresnes • Jeong IG, You D, Kim JW et al. Outcomes of single lymph node positive urothelial carcinoma after radical cystectomy. J Urol 2011;185(6):2085-90. 1. May M, Herrmann E, Bolenz C et al. Lymph node density affects cancer-specific survival in patients with lymph node-positive urothelial bladder cancer following radical cystectomy. Eur Urol 2011;59(5):712-8. 2. Karl A, Carroll PR, Gschwend JE et al. The impact of lymphadenectomy and lymph node metastasis on the outcomes of radical cystectomy for bladder cancer. Eur Urol 2009;55(4):826-35. 3. Advanced Bladder Cancer (ABC) Meta-analysis Collaboration. Adjuvant chemotherapy in invasive bladder cancer: a systematic review and meta-analysis of individual patient data Advanced Bladder Cancer (ABC) Meta-analysis Collaboration. Eur Urol 2005;48(2):189-99. 115 28/09/11 15:36