PROSTATE R e v u e d e ... Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris)

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R ev u e
de
presse
Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris)
PROSTATE
Prédiction de la mortalité spécifique
à 15 ans du cancer de la prostate
traité par prostatectomie radicale
À l’ère du dépistage individuel du cancer de la prostate
par dosage du PSA, l’évaluation du contrôle carcinologique offert par la prostatectomie radicale et la
recherche de facteurs prédictifs postopératoires de
récidive ou de décès spécifiques permettent de préciser
les indications thérapeutiques.
Les auteurs avaient pour objectif de créer un nomogramme prédictif du risque de mortalité spécifique à
15 ans après prostatectomie radicale (PR).
La création de ce nomogramme s’est faite par une
étude multicentrique avec double validation, interne
et externe, fondée sur 2 populations de patients
initialement pris en charge par PR entre 1987
et 2005 : 11 521 patients consécutivement opérés
dans 3 centres (Memorial Sloan-Kettering Cancer
Center, Cleveland Clinic, université du Michigan) et
12 389 patients traités à l’université Johns Hopkins.
Les mortalités spécifique et globale à 15 ans étaient
respectivement de 7 % et 33 % dans la cohorte de
modélisation, et de 4 % et 16 % dans la cohorte de
validation. En analyse multivariée, 4 facteurs de risque
de mortalité spécifique indépendants ont été mis
en évidence : un grade 4 ou 5 du score de Gleason
(p < 0,001), une invasion des vésicules séminales
(p < 0,001) et l’année de prise en charge (p = 0,002).
Le nomogramme était fondé sur l’évaluation des
8 paramètres suivants : PSA, âge, extension extracapsulaire, marge chirurgicale positive, extension
aux vésicules séminales, métastases ganglionnaires,
grades de Gleason (chacun des 2 éléments conduisant au score). Il atteignait une précision pronostique
remarquable de 0,92.
Enfin, les auteurs se sont également attachés à décrire
le devenir des patients de façon catégorielle suivant le
score de Gleason, le stade pTNM et l’âge. Cette analyse a
confirmé l’excellent pronostic des patients de stade pT2
et Gleason 6 qui présentent un risque de mortalité spécifique à 15 et 20 ans quasi nul.
Commentaire. Cette étude, menée rétrospectivement sur
une large population (23 910 patients), a évalué le risque
de décès spécifique par cancer de la prostate fondé sur les
données de l’analyse anatomopathologique de la pièce
d’exérèse chirurgicale. Il s’agit donc d’une estimation plus
fiable que celle apportée par les groupes à risque de d’Amico
mais qui, par définition, ne s’applique qu’aux patients ayant
bénéficié d’une prostatectomie radicale. Trois points particuliers méritent d’être soulignés.
✓✓ Malgré l’importance de l’échantillon, cette cohorte peut
être considérée comme contemporaine, puisque plus de 60 %
des patients inclus ont été opérés après 1999.
✓ ✓ L’estimation du risque de décès spécifique est le reflet de la
vraie vie, puisque les patients ayant nécessité un traitement
complémentaire (RT = 6,8 % ou hormonothérapie = 9 %) n’ont
pas été exclus de l’étude. Il ne s’agit donc pas d’une évaluation
stricto sensu de l’efficacité carcinologique de la PR, mais de
celle offerte par un plan de traitement potentiellement plurimodal si l’évolution au décours de la prostatectomie radicale
le nécessite.
✓✓ Il s’agit d’une des rares études en matière de cancer de la
prostate ne se fondant pas sur un critère de jugement intermédiaire tel que la rechute biologique, mais sur le décès
spécifique.
La construction d’un nomogramme plutôt que d’un score
pronostique permet une estimation individuelle plus fine.
En revanche, les données de survie spécifique à 15 ans ne
doivent être considérées que comme des estimations, dans la
mesure où les suivis médians sont respectivement de 56 mois
et 96 mois dans les cohortes de validation interne et externe.
Ce nomogramme, par ses excellentes fiabilité et précision,
devrait permettre d’étayer l’information apportée au patient
en termes de pronostic individuel.
J.C. Bernhard, Bordeaux
• Eggener SE, Scardino PT, Walsh PC et al. Predicting 15 year prostate cancer
specific mortality after radical prostatectomy. J Urol 2011;185(3):869-75.
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de synthèse
des articles résumés
Chirurgie et hormonothérapie
dans les cancers de la prostate
à haut risque de récidive
Le SWOG rapporte la plus importante expérience
d’hormonothérapie adjuvante à la prostatectomie
totale (PT) chez des patients souffrant d’un cancer de la
prostate à haut risque de récidive. L’étude SWOG S9921
a randomisé la mitoxantrone chez des patients traités
par PT et hormonothérapie pendant 24 mois. L’objectif
principal de l’étude était la survie globale. Les critères
d’inclusion étaient un score de Gleason supérieur ou
égal à 8, un taux de PSA préopératoire supérieur ou
égal à 15 ­ng/­ml, un stade supérieur ou égal à pT3b,
N1 ; ou bien un score de Gleason supérieur ou égal
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à 7, associé à un taux de PSA préopératoire
supérieur ou égal à 10 ­ng/­ml ou à une marge
positive. Le taux de PSA postopératoire devait
être inférieur ou égal à 0,2 ­ng/­ml. Neuf cent
quatre-vingt-trois patients ont été inclus
entre 2000 et 2007. L’étude a été arrêtée
après l’apparition de 3 cas de leucémie aiguë
dans le bras mitoxantrone. Cette publication
rapporte le suivi des 481 patients du bras
témoin de l’étude, traités par PT et hormonothérapie adjuvante pendant 2 ans. Avec un
suivi médian de 4,4 ans, la survie globale à
5 ans est de 96 %. Elle est de 92,3 % chez les
patients N+ (n = 79), de 97 % chez les patients
avec un score de Gleason supérieur ou égal
à 8 ou pT3b (n = 277), et de 96 % chez les
patients ayant un score de Gleason supérieur
ou égal à 7 avec un taux de PSA préopératoire
supérieur ou égal à 10 ­ng/­ml ou une marge
positive (n = 125). Vingt-sept pour cent des
patients avaient reçu une radiothérapie complémentaire. Lorsque ces patients étaient
exclus de l’analyse, la survie globale était
similaire.
Commentaire. L’efficacité de la radiothérapie a
été démontrée chez les patients à haut risque de
récidive après PT. L’intérêt de l’hormonothérapie
est débattu chez ces sujets, en l’absence d’envahissement ganglionnaire. L’étude GETUG 20, qui
débute en France et qui randomise la leuproréline,
permettra d’évaluer l’intérêt de l’hormonothérapie
adjuvante dans cette situation. Les taux de survie
remarquables de l’étude SWOG S9921 vont dans
le sens de ce futur essai.
F. Rozet, Paris
• Dorff TB, Flaig TW, Tangen CM et al. Adjuvant androgen
deprivation for high-risk prostate cancer after radical prostatectomy: SWOG S9921 study. J Clin Oncol 2011;29(15):2040-5.
La curiethérapie à haut débit
de dose comme traitement exclusif
du cancer de la prostate localisé
Entre 1996 et 2005, 2 grands groupes californiens (UCLA, Los Angeles, et WilliamBeaumont Hospital, Oakland) ont traité par
curiethérapie exclusive à haut débit de dose
(high dose rate [HDR]) 298 patients souffrant
d’un cancer de la prostate localisé. Il s’agissait, dans la majorité des cas, de patients
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du groupe à bas risque (T1-T2a, taux de
PSA < 10 ­ng/­ml, score de Gleason ≤ 6) et de
patients du groupe intermédiaire “favorable”
(T2b ou taux de PSA < 15 ­ng/­ml ou score
de Gleason à 7). Les schémas utilisés étaient
différents dans les 2 centres : 42 Gy en 6 fractions (avec 2 implantations à une semaine
d’intervalle) pour le premier, et 38 Gy en
4 fractions (avec une seule implantation) pour
le second. Les contraintes de dose étaient en
revanche identiques dans les 2 centres pour
la vessie, l’urètre et le rectum. Avec un suivi
médian de 5,2 ans, les résultats (donnés à
8 ans) font état d’un contrôle local de 99 %,
d’une survie sans récidive biochimique de
97 % (définie par le Nadir +2), et d’une survie
globale de 95 %. La toxicité urinaire est faible,
avec 10 % de toxicité de grade 2 transitoire
(essentiellement impériosités et pollakiurie),
et 3 % de grade 3 (rétention urinaire). Les
auteurs rapportent moins de 1 % de toxicité
gastro-intestinale.
Commentaire. Les résultats présentés sont
excellents. Soulignons cependant qu’il ne s’agit
pas d’un essai randomisé, que le faible nombre
de patients traités sur 9 ans suggère une forte
sélection des malades, que les auteurs continuent
de fonder leurs schémas sur un rapport α/β très
bas (1,2-1,5 Gy) du cancer de la prostate, alors
que des données récentes retrouvent des chiffres
un peu plus élevés (3-4 Gy, sinon plus), que le
schéma à 2 implantations et 6 fractions est relativement “lourd” pour le patient, et, enfin, que les
déplacements de l’applicateur entre 2 fractions,
obligeant à le repositionner avant chaque séance,
ont mené les équipes à réduire de façon drastique
le nombre de séances. De ce fait, au WilliamBeaumont Hospital, les protocoles actuels ne
proposent que 2 fractions, et un essai pilote y a
même démarré avec une séance unique de curie­
thérapie HDR ! Notons enfin un avantage potentiel
de la technique HDR − avantage non noté par les
auteurs − sur les implants permanents (de grains
d’iode ou de palladium) : cette technique HDR, si
elle est réellement prouvée comme équivalente,
reviendrait beaucoup moins cher…
J.M. Cosset, Paris
• Demanes DJ, Martinez AA, Ghilezan M et al. High-dose-rate
monotherapy: safe and effective brachytherapy for patients
with localized prostate cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys
2011 (Epub ahead of print).
Escalade de dose
par association radiothérapie
externe-curiethérapie HDR
pour le cancer de la prostate
localisé de haut risque et de risque
intermédiaire : résultats à 10 ans
De 1992 à 2007, 472 patients ont été traités
au William-Beaumont Hospital par une association de radiothérapie externe et de curiethérapie HDR. Tous les patients présentaient
au moins l’un des critères suivants : un taux
de PSA supérieur à 10 ­ng/­ml, un score de
Gleason supérieur ou égal à 7, ou un stade
clinique supérieur ou égal à T2b. Tous les
patients ont reçu la même radiothérapie
externe de 46 Gy. En revanche, le complément de curiethérapie à haut débit (boost) a
varié. Initialement, il s’agissait de 3 séances,
dont la dose unitaire a été successivement
de 5,5 Gy, 6,0 Gy et 6,5 Gy ; les auteurs sont
ensuite passés à 2 séances, successivement
de 8,25 Gy, 8,75 Gy, 9,50 Gy, 10,50 Gy et
11,50 Gy. En calculant la dose biologique
équivalente (BED) avec un rapport ­α/­β de
1,2 Gy, les auteurs ont comparé les patients
qui avaient reçu moins de 268 Gy (équivalent) et ceux qui avaient reçu plus de 268 Gy.
Avec un suivi médian de 8,2 ans, le taux de
rechutes biochimiques était de 43,1 % pour
les patients du groupe basse dose versus
18,9 % pour les patients du groupe haute
dose (p < 0,001). La même différence significative en faveur du groupe haute dose était
retrouvée pour le taux de rechute clinique
(p < 0,001) et le taux de métastases à distance (p < 0,028). En analyse multivariée, la
BED (p = 0,017), le PSA initial (p < 0,001) et le
score de Gleason (p = 0,004) étaient tous des
facteurs significatifs de rechute biologique.
Les taux de toxicité urinaire de grade 3 étaient
de 2 et 3 %, respectivement, pour les basses
et hautes doses. Le taux de complications
intestinales de grade 3 était inférieur à 0,5 %.
Les auteurs concluent à une amélioration très
significative du taux de rechute (biochimique
ou clinique) liée à l’augmentation de la dose,
sans pour cela observer de toxicité accrue.
Commentaire. De nombreuses études récentes,
dont au moins 5 essais randomisés, ont clairement
montré que l’escalade de dose en radiothérapie
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externe exclusive permettait d’améliorer de
façon significative la survie sans récidive des
patients souffrant d’un cancer de la prostate
localisé. Il reste encore à déterminer quelle est
la meilleure façon d’effectuer cette escalade
de dose. Dans cette optique, plusieurs équipes
proposent d’associer à l’irradiation externe un
complément de curiethérapie, soit par implants
permanents, soit par technique HDR. Le WilliamBeaumont Hospital est particulièrement en pointe
depuis des années sur cette dernière option. Les
résultats rapportés ici par cette équipe sont particulièrement encourageants, et vont bien dans le
sens d’une meilleure efficacité des hautes doses.
Mais il ne s’agit pas d’un essai randomisé, et l’on
attend donc avec impatience les résultats de l’essai
RTOG 0321. Dans le même ordre d’idée, un essai
multicentrique français devrait démarrer sous
peu. Les auteurs ne manquent pas, par ailleurs,
de souligner qu’avec de tels résultats, l’hormono­
thérapie adjuvante, considérée actuellement
comme le standard pour ce type de patients,
pourrait bien être remise en question…
69 % avaient déjà reçu une chimiothérapie de
première ligne, 78,6 % avaient des métastases
osseuses, et respectivement 46,4 %, 37,5 %
et 35 % avaient des localisations ganglionnaires, hépatiques et pulmonaires. Le taux
de réponse chez les 46 patients avec des
lésions mesurables est apparu faible (8,9 %).
Une réponse biologique sur les marqueurs
neuro-endocrines a été observée chez 28 %
des patients évaluables. Le taux de réponse
au PSA était de 8 % (42 % de stabilisation). Les
médianes de durée de réponse et de survie
globale ont été courtes, respectivement de
2,9 mois et de 9,6 mois.
J.M. Cosset, Paris
P. Beuzeboc, Paris
• Martinez AA, Gonzalez J, Ye H et al. Dose escalation
improves cancer-related events at 10 years for intermediate and high-risk prostate cancer patients treated with
hypofractionated high-dose-rate boost and external beam
radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2011;79(2):363-70.
Les tumeurs de la prostate
métastatiques résistantes
à la castration à composante
neuro-endocrine n’ont toujours
pas trouvé de chimiothérapie
très efficace
Les cancers de la prostate résistants à la
castration, indifférenciés, plus ou moins à
composante neuro-endocrine et avec métastases viscérales restent de sombre pronostic.
L’étude P01 de phase II du GETUG a évalué
l’efficacité et la tolérance d’une association
tous les 21 jours d’étoposide (100 ­mg/­m2 J1
à J3) et de carboplatine (ASC = 4) dans une
série de 60 patients (54 évaluables) présentant un cancer de la prostate métastatique
résistant à la castration avec soit une composante neuro-endocrine définie sur une
élévation de la chromo­granine A ou de la
NSE, soit des métastases viscérales. Parmi eux,
Commentaire. Même si l’hétérogénéité de
la population traitée rend l’analyse difficile,
les résultats de cette étude sont globalement
décevants et ne permettent pas de répondre au
problème du choix thérapeutique de première
intention, pour les “véritables” tumeurs à composante neuro-endocrine, entre le docétaxel et une
combinaison plus axée sur ce contingent.
• Fléchon A, Pouessel D, Ferlay C et al. Phase II study of carboplatin and etoposide in patients with anaplastic progressive metastatic castration-resistant prostate cancer with or
­without neuroendocrine differentiation: results of the French
Genito-Urinary Tumor Group (GETUG) P01 trial. Ann Oncol
2011 (Epub ahead of print).
Prostatectomie radicale
versus watchful waiting
dans les cancers de la prostate
précoces : une confirmation
du bénéfice de la chirurgie à 15 ans
L’actualisation des résultats publiés
en 2008 de l’étude suédoise ayant
randomisé 695 patients d’octobre 1989
à février 1999 entre prostatectomie et surveillance/traitement différé confirme le bénéfice
de la chirurgie avec 3 ans de suivi supplémentaire. Avec un suivi médian de 12,8 ans, 166
des 347 patients du groupe prostatectomie
et 201 des 348 patients du groupe surveillance sont décédés. Les décès spécifiquement liés au cancer dans les 2 groupes étaient
respectivement au nombre de 55 et de 81.
Cela correspond à une incidence cumulée de
décès à 15 ans de 14,6 % dans le groupe prostatectomie et de 20,7 % dans le groupe sur-
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veillance (différence de 6,1 % ; IC95 : 0,2-12,0),
et à un risque relatif avec la chirurgie de 0,62
(IC95 : 0,44-0,87 [p = 0,001]). Ce bénéfice, également observé dans le groupe à bas risque,
est confiné aux hommes âgés de moins de
65 ans. Le nombre de patients à traiter pour
éviter un décès est de 15 ; il est de 7 pour les
patients âgés de moins de 65 ans. Parmi les
hommes traités par prostatectomie, ceux qui
présentaient une extension extracapsulaire
avaient un risque de décès environ 7 fois
supérieur (risque relatif de 6,9 ; IC95 : 2,6-18,4).
Commentaire. Il faut relever que près de 80 %
des hommes inclus avaient une tumeur palpable,
avec une extension extracapsulaire chez 46 % des
patients traités dans le bras prostatectomie. Les
données de cette étude princeps confirment que
la prostatectomie dans les formes diagnostiquées
précocement permet une réduction significative
du risque de métastases et de décès, avec une
différence qui reste constante après 9 ans. Si ce
bénéfice est évident chez les patients âgés de
moins de 65 ans, il apparaît moins clair pour des
patients plus âgés, mais cette observation doit
être pondérée en raison du manque de puissance
pour l’analyse de ce sous-groupe. De plus, les
traitements hormonaux peuvent entraîner des
rémissions suffisamment prolongées pour que
des patients âgés meurent d’autres causes.
P. Beuzeboc, Paris
• Bill-Axelson A, Holmberg L, Ruutu M et al. Radical prostatectomy versus watchwul waiting in early prostate cancer.
N Engl J Med 2011;364(18):1708-17.
VESSIE
Le bénéfice pronostique
du curage ganglionnaire
lors de la cystectomie totale
n’est pas moindre chez les patients
de plus de 80 ans que chez
les patients plus jeunes
Les recommandations du NCCN (National
Comprehensive Cancer Network) concernant
le traitement des cancers de la vessie infiltrant
le muscle indiquent que le curage ganglionnaire pelvien est optionnel chez les patients
âgés de 80 ans et plus. L’étude rapportée ici
concerne la pratique du curage ganglionnaire
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chez ces patients âgés et son influence sur
la mortalité globale et sur la mortalité spécifique du cancer urothélial.
Les auteurs ont étudié les dossiers de
11 183 patients traités par cystectomie totale
dans 17 centres participant au registre SEER
(Surveillance, Epidemiology and End Results).
Une analyse statistique a été réalisée pour
connaître l’effet du curage ganglionnaire sur
la mortalité globale et spécifique du cancer
urothélial. Sur l’ensemble des patients, 25 %
n’ont pas eu de curage (24,2 % de patients
de moins de 80 ans et 30,8 % de patients
de 80 ans et plus [p < 0,001]). La mortalité
spécifique à 5 ans a été de 62,5 % chez les
sujets ayant eu un curage versus 59,9 % chez
ceux n’en n’ayant pas eu (p = 0,01) pour les
patients de moins de 80 ans, et de 50,0 %
versus 46,1 % (p = 0,005) pour les patients
de 80 ans et plus. La mortalité globale à
5 ans a été de 48,8 % chez les sujets ayant
eu un curage versus 43,9 % chez ceux n’en
n’ayant pas eu (p < 0,001) pour les patients
de moins de 80 ans, et de 28,3 % versus 24,7 %
(p = 0,01) pour les patients de 80 ans et plus.
En analyse multivariée, l’absence de curage
ganglionnaire pelvien a été associée à un
risque de décès spécifique 1,3 fois supérieur chez les patients de moins de 80 ans,
comme chez ceux de 80 ans et plus (p < 0,001
dans les 2 cas). L’absence de curage a également été associée à un risque de mortalité
globale 1,3 fois supérieur chez les patients de
moins de 80 ans et 1,2 fois supérieur chez les
patients de 80 ans et plus (p ≤ 0,005).
Le curage a donc été moins fréquent chez les
patients de 80 ans et plus comparativement
aux patients moins âgés, alors que l’effet protecteur vis-à-vis du risque de décès global et
spécifique était virtuellement le même dans
les 2 catégories d’âge. Les auteurs en concluent
que l’âge avancé ne doit pas être un facteur
limitant la réalisation du curage ganglionnaire
pelvien lors de la cystectomie totale.
Commentaire. Les résultats de cette étude du
registre SEER montrent que le curage ganglionnaire pelvien est pratiqué moins fréquemment
chez les patients âgés de 80 ans et plus. En
l’absence de données sur les comorbidités des
patients, nous ne pouvons que supputer que
les urologues ont préféré surseoir au curage
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de
presse
en pensant réduire la morbidité de la chirurgie
chez ces sujets plus fragiles. Le fait est que la
réalisation d’un curage ganglionnaire pelvien
prolonge la durée de l’intervention. Cependant,
aucune étude n’a montré que la réalisation du
curage augmentait la morbidité péri­opératoire
chez les patients de plus de 80 ans. En revanche,
la présente étude démontre que l’âge ne modifie
pas le bénéfice pronostique rapporté au curage.
Les experts du NCCN établissent leurs recommandations selon les principes de l’Evidence-Based
Medicine. Cependant, force est de constater que
l’affirmation selon laquelle “There are some
patients factors which may preclude a PLND
such as severe scaring secondary to previous
treatments or surgery, advanced age, or severe
comorbidities” n’est liée à aucune référence de
la littérature médicale… Cette lacune n’aura pas
échappé aux auteurs de cet article.
Contrairement à celles du NCCN, les recommandations européennes (guidelines de l’European
Association of Urology) et françaises (recommandations en onco-urologie du comité de cancéro­logie
de l’Association française d’urologie) n’indiquent
pas le caractère optionnel du curage ganglionnaire
chez les patients de 80 ans et plus. Par conséquent,
la portée des conclusions de cet article reste quelque
peu “américano-américaine”, dans le sens où les
auteurs rapportent une étude de niveau de preuve
2 pour contredire leurs propres recommandations
nationales. Ils fournissent néanmoins au “reste du
monde”, dont nous faisons partie, la preuve que
l’âge avancé ne modifie pas l’effet bénéfique du
curage ganglionnaire. Une information primordiale
pour la prise en charge des patients âgés.
Y. Neuzillet, Suresnes
• Abdollah F, Sun M, Shariat SF et al. The importance of pelvic
lymph node dissection in the elderly population: implications
for interpreting the 2010 National Comprehensive Cancer
Network practice guidelines for bladder cancer treatment.
J Urol 2011;185:2078-84.
Quel est le pronostic des
patients ayant un seul ganglion
lymphatique métastatique
sur le curage ganglionnaire
lors de la cystectomie totale ?
Les auteurs de cette étude ont analysé le
devenir clinique de patients souffrant d’un
cancer de la vessie et ayant eu une cys-
tectomie totale et un seul ganglion métastatique, comparativement à ceux n’en ayant
eu aucun ou en ayant eu 2.
Une analyse rétrospective des données de
525 patients ayant subi une cystectomie
totale et un curage ganglionnaire pelvien
pour un carcinome urothélial de la vessie et
ayant eu 0, 1 ou 2 ganglions métastatiques
a été menée.
L’analyse anatomopathologique a retrouvé un
curage indemne de métastases dans 448 cas
(associé à un cancer confiné à la vessie dans
311 cas [59,2 %] ou avec une extension extravésicale dans 137 cas [26,1 %]), un seul ganglion métastatique dans 54 cas (10,3 %) ou
2 ganglions métastatiques dans 23 cas (4,4 %).
La survie sans récidive et la survie spécifique
à 5 ans étaient respectivement de 36,9 % et
52,2 % chez les patients ayant un seul ganglion métastatique, de 51,9 % et 56,6 % chez
les patients ayant un cancer étendu sans ganglion métastatique (p = 0,178 et p = 0,504),
et de 16,3 % et 21,7 % chez les patients ayant
2 ganglions métastatiques (p = 0,027 et
p = 0,036). L’analyse multivariée a montré
que l’atteinte métastatique de 2 ganglions
était associée à une survie sans récidive et
à une survie spécifique plus faibles que lors
de l’atteinte d’un seul ganglion (HR = 2,03 et
p = 0,021 ; HR = 2,20 et p = 0,015 respectivement). En revanche, la survie sans récidive et
la survie spécifique n’étaient pas significativement différentes entre les patients avec un
cancer étendu sans atteinte ganglionnaire et
ceux avec un seul ganglion atteint (HR = 0,70
et p = 0,162 ; HR = 0,72 et p = 0,219 respectivement) après ajustement avec les autres
variables pronostiques.
En conclusion, les patients avec un seul
ganglion métastatique avaient un pronostic
similaire à celui des patients sans atteinte
ganglionnaire mais ayant un cancer de la
vessie avec extension extravésicale. Les
patients avec un seul ganglion métastatique
avaient un meilleur pronostic que ceux avec
2 ganglions atteints.
Commentaire. L’information apportée par
cet article n’est pas nouvelle : plus le nombre
de ganglions atteints est important, moins
le pronostic est bon. L’étude de M. May et al.,
publiée cette année dans le European Urology (1),
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COMMENTÉES EN LIGNE
Revue de presse
montre que la densité ganglionnaire – c’est-àdire le nombre de ganglions atteints par rapport
au nombre de ganglions prélevés par le curage
ganglionnaire pelvien – est un facteur pronostique indépendant et que le cut-off de 20 % est
celui le plus communément retrouvé dans les
publications. L’approche méthodologique des
auteurs est moins précise, car elle ne prend pas
en compte le nombre de ganglions prélevés pour
chaque patient. Or, plus le curage ganglionnaire
est étendu – donc plus le nombre de ganglions
prélevés est important –, plus le curage peut avoir
un rôle thérapeutique (2). S’agissant d’une étude
monocentrique rétrospective sur des cas traités
entre 1990 et 2008, l’uniformité des curages
ganglionnaires pelviens réalisés ne peut pas être
contrôlée. C’est la principale limite de cette étude
dont le lecteur doit tenir compte.
Au demeurant, on peut se demander quelle est la
portée pratique de ces résultats. En phase postopératoire, la question est de savoir si le patient peut
bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante. La
méta-analyse publiée en 2005 a conclu qu’il n’y
avait pas de niveau de preuve suffisant pour
recommander la chimiothérapie adjuvante (3).
Les résultats de cette étude ont un faible niveau
de preuve (niveau 4) et ne changent pas la donne.
L’étude n’a pas été conçue pour analyser le gain de
survie apporté par la chimiothérapie adjuvante,
le choix de traiter les patients par une chimiothérapie adjuvante étant laissé à la discrétion des
médecins. Les auteurs ont uniquement étudié la
chimiothérapie adjuvante en tant que variable
pronostique dans leur analyse multivariée ; ils n’ont
mis en évidence aucune différence de pronostic
selon que les patients aient été traités ou non.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 3 - juillet-août-septembre 2011
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Au final, le lecteur trouvera dans cet article des
informations pronostiques de faible niveau de
preuve dont il ne faut pas tirer de conclusions
pour la pratique thérapeutique.
Y. Neuzillet, Suresnes
• Jeong IG, You D, Kim JW et al. Outcomes of single lymph
node positive urothelial carcinoma after radical cystectomy.
J Urol 2011;185(6):2085-90.
1. May M, Herrmann E, Bolenz C et al. Lymph node density affects cancer-specific survival in patients with lymph
node-positive urothelial bladder cancer following radical
cystectomy. Eur Urol 2011;59(5):712-8.
2. Karl A, Carroll PR, Gschwend JE et al. The impact of lymphadenectomy and lymph node metastasis on the outcomes of radical cystectomy for bladder cancer. Eur Urol
2009;55(4):826-35.
3. Advanced Bladder Cancer (ABC) Meta-analysis
Collaboration. Adjuvant chemotherapy in invasive bladder
cancer: a systematic review and meta-analysis of individual
patient data Advanced Bladder Cancer (ABC) Meta-analysis
Collaboration. Eur Urol 2005;48(2):189-99.
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