n'était pas ce qu'elle est actuellement : la recherche fondamentale était déjà bien organisée alors que la recherche
clinique tenait bien souvent à la volonté d'un médecin. Mais du fait de la structuration et de l'amélioration de
l'encadrement de la recherche clinique et du droit des patients, notamment grâce à la loi Huriet de 1988, la recherche
clinique a considérablement progressé. Autre fait marquant en France : le volet recherche clinique dans le premier Plan
Cancer lancé par Jacques Chirac en 2003.
En raison du manque de reconnaissance et de financements, les médecins se sont longtemps adressés à des
laboratoires pharmaceutiques pour financer leurs études parce qu'ils n'avaient pas d'autres solutions. Cette alternative a
été, et est toujours, critiquée car elle est source de soupçons, généralement non fondés. Aujourd'hui, nous avons
toujours besoin de travailler avec les laboratoires pharmaceutiques car ce sont eux qui proposent de nouveaux
médicaments. Ils connaissent leur médicament, les médecins connaissent leurs patients. On ne peut que travailler
ensemble, c'est un cercle vertueux.
Au-delà du manque de reconnaissance et de financement, voyez-vous d'autres freins au développement de la
recherche clinique sur les lymphomes ?
Malgré les progrès thérapeutiques, l'incidence des lymphomes a doublé depuis les années 1970, avec 12 000 nouveaux
cas par an en France et 70 000 en Europe. La France est trop petite pour les études cliniques concernant les
lymphomes. Il faut travailler au niveau européen car il est important en recherche clinique de faire des essais rapides. Si
on a besoin de 1000 patients, il faut pouvoir les inclure en 18 mois maximum. La France est souvent trop petite pour
atteindre ce chiffre. C'est pourquoi on travaille avec des Belges, des Allemands, des Italiens... ce qui pose un autre
problème car en France, il y a des mécanismes de subventions tels que les programmes hospitaliers de recherche
clinique (PHRC), gérés par l'INCa, mais qui ne peuvent concerner que des patients français. Et ces subventions doivent
être gérées par les directions de la recherche clinique présentes dans chaque centre hospitalier... pourtant cette
recherche clinique n'est pas française mais bien européenne ! Chaque pays a sa réglementation, le montage des études
est donc complexe. Le fait que les subventions françaises soient gérées par des organismes uniquement français
(comme les délégations à la recherche clinique des CHU) est un frein important à notre recherche car celle-ci est
européenne et les organismes français ne peuvent agir dans d'autres pays. Les CGO comme LYSA n'ont pas de
frontières et peuvent travailler sur l'ensemble de l'Europe ou même du monde.
Seules des petites études comme les phases 2, nécessitant peu de patients (100 à 150), peuvent se faire à l'échelle
française. Cela dépend aussi de l'incidence de la maladie. Les choses sont différentes par exemple pour le cancer du
sein, qui touche un nombre plus important de patients. On peut donc trouver la base de patients pour un essai, même en
restant en France. Mais dans le cas d'un lymphome, cancer plus rare, c'est impossible. Et puis nous progressons, pour
aller plus loin, il nous faut toujours plus de patients. Plus vous guérissez de malades, plus il vous en faut pour que l'étude
suivante soit rapide. Actuellement, des études dépassant plus de 1000 patients ne sont pas rares. Nous en avons
d'ailleurs plusieurs en cours. Se limiter aux patients français allongeraient considérablement la durée de l'étude et les
conclusions arrivant plus de cinq ans après le début de l'étude perdraient leur intérêt du fait de l'évolution des
connaissances entre temps.
Quel avenir envisagez-vous pour la recherche clinique sur les lymphomes ?
Nous sommes bien installés et reconnus sur le plan national et international. Nous avons contribué à tous les progrès qui
ont eu lieu dans les lymphomes et cela va continuer en collaborant de plus en plus avec les pays européens, mais aussi
l'Australie, l'Afrique du Sud, la Corée, la Chine... le développement est certain.
L'idée est de travailler aussi davantage avec les autres groupes dont je vous ai parlés qui sont dédiés à d'autres types de
cancers car il est possible de faire des rapprochements, voire même en dehors de la cancérologie. Travailler avec les
autres afin de les entraîner et de développer un modèle commun qui fonctionne pour obtenir toujours plus de guérison.
Rappelons qu'à l'heure actuelle, tout type de lymphome confondu, tout âge de patient confondu, on obtient plus de 50%
de guérison à 5 ans. Mais il y a une grande variété : pour certaines formes de lymphomes, on obtient 90% de guérison à
5 ans, pour des malades âgés, le pronostic est moins favorable. Cependant, nous avons publié récemment une étude
concernant des patients de plus de 80 ans montrant 50% de guérison à 2 ans, et mettant donc en évidence que traiter
des patients de cet âge est très pertinent. Lyon est connu dans le lymphome parce que l'histoire a commencé ici en
partie, que notre groupe a participé à de grandes réussites, mais notre territoire de travail est l'Europe, voire le monde.
Qu'est-ce qu'un lymphome ?
Un lymphome est une tumeur des cellules lymphoïdes. Celles-ci assurent la défense de l'organisme. Ce tissu
lymphoïde est constitué par les cellules (appelées lymphocytes) des ganglions, de la rate, des amygdales mais
il est aussi présent dans tous les organes (en particulier la moelle osseuse, l'intestin, le foie, le cerveau...).
La cause exacte des lymphomes n'est pas connue. On sait cependant que les personnes dont les défenses