■ Charcot-Marie-Tooth : le NT-3 au secours des axones

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Charcot-Marie-Tooth :
le NT-3 au secours
des axones
■
Le syndrome Charcot-Marie-Tooth
de type 1A (CMT1A) est secondaire
à la présence d’une mutation d’une protéine de myéline (PMP22) dans les cellules
de Schwann, conduisant à une perturbation
des mécanismes de régénération nerveuse.
Parmi les causes possibles, on évoque un
défaut de production des facteurs neurotrophiques par ces cellules. L’administration d’un de ces facteurs constitue donc une
piste thérapeutique logique dans le CMT1A.
La neurotrophine 3 (NT-3) est un candidat
particulièrement intéressant car elle est
produite physiologiquement par les cellules
de Schwann dont elle favorise la survie et
la différenciation de façon autocrine. Les
auteurs ont d’abord montré que la NT-3
administrée par voie sous-cutanée augmentait la régénération axonale dans deux
modèles animaux. Dans le premier modèle,
un nerf sciatique de souris était sectionné et
anastomosé à un fragment de nerf sural
provenant d’un patient porteur de la PMP22.
Une repousse axonale à partir de la terminaison du nerf sciatique sectionné n’était
observée que dans le groupe de souris traité
par NT-3. Le traitement permettait également d’améliorer la régénération nerveuse
chez des souris porteuses de la mutation
PMP22 (souris trembler). Ces résultats encourageants ont conduit les auteurs à tester
l’effet de l’administration sous-cutanée de
NT-3 de façon randomisée et contre placebo chez 8 patients souffrant de CMT1A.
Après 7 semaines de traitement, dans le
groupe des 4 patients traités par NT-3, la
biopsie de nerf sural montrait une augmentation du nombre des fibres myélinisées
formant des unités de réinnervation. Une
amélioration des scores cliniques de sensibilité, mais pas des scores moteurs, était
également observée par rapport au groupe
placebo.
Commentaire. Les données expérimentales et celles des biopsies nerveuses réalisées chez les patients suggèrent fortement
qu’il existe une amélioration de la régénération nerveuse grâce au traitement par NT-3.
En revanche, il faudra des études avec un
nombre plus important de patients avant de
conclure si ce traitement apporte véritablement un bénéfice fonctionnel et s’il est bien
toléré.
P.F. Pradat,
service de neurologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
✔ Sahenk Z, Nagaraja HN, McCracken BS et al.
NT-3 promotes nerve regeneration and sensory
improvement in CMT1A mouse models and in
patients. Neurology 2005;65:681-9.
Fin de vie et SLA
du patient, la SLA est l’exemple même
d’une situation médicale “sans retour”, où
l’analyse du souhait du patient et de son
évolution au cours de la maladie nécessite
un suivi collectif. Reste à savoir si nos
outils d’analyse et d’écoute sont pertinents
et si nous, soignants, savons les faire évoluer pour qu’ils concourent à l’accompagnement des patients et de leurs proches.
■
L’équipe de L.P. Rowland (université
de Columbia, États-Unis), équipe qui
fait référence dans la sclérose latérale
amyotrophique (SLA), a analysé de manière
prospective les patients à un stade avancé
de la maladie, par l’entremise de questionnaires sondant l’humeur et la psychologie
des patients et de leur entourage, afin de
déterminer s’il existait chez certains patients
un désir d’abréger leur existence. Parmi
80 patients interrogés et suivis – 80 patients
qui avaient accepté l’étude sur les 144 présumés avoir une espérance de vie de moins
de 6 mois –, 11 optèrent pour une ventilation mécanique permanente par trachéostomie, 53 devaient décéder au cours de
l’étude, dont 10 ayant exprimé un désir de
mort et 3 étant passés à l’acte avec l’aide
de leur entourage et en usant de fortes
doses de sédatifs. Il n’existait pas de différence en termes de sévérité ou d’ancienneté
de la maladie, de descriptifs socio-démographiques, d’éventuels signes d’atteinte
cognitive entre les patients qui désiraient
abréger leur vie et ceux qui ne le souhaitaient pas. Les patients qui désiraient mourir
avaient de manière significative des traits
dépressifs plus marqués sur les échelles utilisées, ils avaient exprimé l’opinion que leur
vie “n’était plus une vie”, leur attachement
à une croyance religieuse était moindre et
ils étaient moins souvent demandeurs d’une
ventilation nasale assistée.
Commentaire. Cette étude a le mérite
d’aborder de manière aussi précise que
possible – mais avec des outils forcément
critiquables – le thème de la phase ultime de
la SLA et, comme il n’existe pas d’autres
travaux prospectifs de ce type, elle fera certainement date. Il est bien difficile d’en
tirer des conclusions, mais il apparaît en
tout cas que, parmi les patients en fin de vie
dans cette affection, un éventuel désir de
mort n’est exprimé que relativement rarement, et que lorsqu’il l’est, ce désir est
ouvertement discuté avec l’entourage
proche ; par ailleurs, ce désir n’est que partiellement corrélé à des traits dépressifs et
semble faire partie d’une sorte de constat
existentiel de “non-sens”. Parce qu’elle
altère si sévèrement l’expression et l’action
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005
J. d’Anglejan-Chatillon,
Versailles.
✔ Albert SM, Rabkin JG, Del Bene ML et al. Wish
to die in end-stage ALS. Neurology 2005;65:68-74.
Chimiothérapie préopératoire
■
Les auteurs rapportent leur expérience
de la faisabilité d’une chimiothérapie
préopératoire chez des enfants porteurs de
médulloblastomes de mauvais pronostic
(d’emblée métastatiques ou avec infiltration locale avancée). En 3 ans, ils ont inclus
dans cette étude 21 enfants (âge moyen de
5 ans) porteurs de médulloblastomes intracrâniens à haut risque (17 avaient plusieurs
localisations). Le traitement de l’hydrocéphalie associée (90 % des cas) a été d’abord
pratiqué par voie endoscopique ou par la
mise en place d’une dérivation ventriculopéritonéale suivie secondairement par une
biopsie de la lésion, le plus souvent en
condition stéréotaxique (n = 10), à ciel
ouvert (n = 4), lors de l’endoscopie (n = 3)
ou par analyse anatomopathologique du
liquide céphalo-rachidien (LCR) [n = 2].
Deux cures de chimiothérapie (étoposide et
carboplatine) ont été pratiquées, avec 71 %
de réponses pour la lésion primitive et 59 %
pour les lésions métastatiques. Une irradiation cranio-spinale a été réalisée pour les
enfants âgés de plus de 5 ans. Une intervention chirurgicale a alors été pratiquée
sur le reliquat tumoral, retrouvant soit de la
tumeur (n = 7), soit du tissu neuroglial
mature (n = 3) ou un mélange des deux
(n = 9). En postopératoire, l’imagerie de
contrôle a montré 100 % d’exérèses radiologiquement totales. À 3 ans, le pourcentage de patients sans récurrence est globalement de 37 % ; il est meilleur pour les
enfants de plus de 5 ans.
Commentaire. Il s’agit d’une série importante d’enfants traités par une chimiothérapie préopératoire pour des médulloblastomes d’emblée de mauvais pronostic. La
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stratégie thérapeutique a consisté à traiter
d’abord l’hydrocéphalie, très souvent présente dans les tumeurs de la fosse postérieure (ventriculo-cysternostomie par voie
endoscopique si possible), ce qui de toute
façon simplifie les suites postopératoires.
L’intervention chirurgicale après chimiothérapie n’a pas été plus difficile, avec moins
d’adhérence au tronc cérébral mais plus
aux vaisseaux (100 % d’exérèses totales
radiologiques). Il faut noter, dans cette
série, une fréquence élevée de mutisme akinétique cérébelleux (près de 50 %, le plus
souvent régressif).
Cette séquence thérapeutique (hydrocéphalie,
biopsie, chirurgie) est à confirmer, voire à
simplifier, dans une série plus importante,
mais elle laisse envisager de nouveaux
schémas thérapeutiques.
M. Kalamarides,
service de neurochirurgie,
hôpital Beaujon, Paris.
✔ Grill J, Lellouch-Tubiana A, Elouahdani S et al.
Preoperative chemotherapy in children with
high-risk medulloblastomas: a feasibility study.
J Neurosurg 2005;103(4):312-8.
Stimulation à basse fréquence
du noyau pédonculopontin
dans la MP : traitement
du freezing de la marche
et des troubles posturaux
dopa-résistants ?
deux patients étaient évalués sous L-dopa
(test à la L-dopa fait par des Parkinson study
nurses en utilisant une dose d’un quart supérieure à celle de la dose matinale), et sous
stimulation à basse fréquence du NPP. Alors
que la L-dopa était plus efficace sur le tremblement, la stimulation basse fréquence du
NPP avait un effet supérieur à celui de la
L-dopa sur les signes axiaux, et notamment
sur le freezing de la marche et les chutes. Sous
stimulation chronique, le traitement dopaminergique était réduit chez les deux patients
de 47 % et de 18 % respectivement.
Commentaire. L’intérêt clinique du travail
vient du fait d’une amélioration d’un
freezing dopa-résistant. Les troubles axiaux
dopa-résistants constituent le problème
moteur essentiel des parkinsoniens traités
par stimulation du noyau subthalamique
(NST). La stimulation à basse fréquence
seule ou en association avec une stimulation du NST pourrait alors changer le sort
de ces malades. Cependant, ces résultats ne
sont pour l’instant fondés que sur 2 patients
suivis pendant un mois et il est trop tôt pour
les généraliser. Est également soulevée la
question de savoir quel est l’intérêt de cette
thérapie dans les troubles parkinsoniens
axiaux dopa-résistants dans d’autres pathologies comme l’atrophie multisystématisée
ou la paralysie supranucléaire progressive.
P. Krack,
département de neurologie,
CHU de Grenoble.
✔ Plaha P, Gill S. Bilateral deep brain stimulation
of the pedunculopontine nucleus for Parkinson’s
disease. NeuroReport 2005;16(17):1883-7.
■
Le noyau pédonculopontin tegmental
(NPP) joue un rôle clé dans la modulation de la marche et des réflexes posturaux. En 2004, une équipe d’Oxford a
montré, chez un singe normal et chez un
singe rendu parkinsonien par injection de
MPTP, qu’une stimulation à basse fréquence (supposée activer le NPP) augmentait l’activité motrice, alors qu’une stimulation à haute fréquence (supposée inhiber
le NPP) diminuait l’activité motrice. Une
équipe de Bristol vient d’implanter des électrodes de stimulation cérébrale profonde
chez deux patients parkinsoniens avec un
freezing dopa-résistant entraînant de nombreuses chutes, à la fois en phase off et en
phase on. La fréquence de stimulation était
de 25 Hz (amplitude 4 V et durée d’impulsion 90 s). Un mois après la chirurgie, les
332
Démence à corps de Lewy :
3e conférence de consensus
■
Les critères révisés de démence à corps
de Lewy (DCL) ont été publiés dans
Neurology.
1. Critères principaux indispensables au
diagnostic :
– syndrome démentiel ;
– le déficit de la mémoire n’est pas nécessairement présent au début de la maladie,
mais s’installe habituellement lors de son
évolution ;
– les troubles de l’attention, des fonctions
exécutives et des capacités visuo-spatiales
prédominent habituellement.
2. Critères secondaires (deux critères suffisent au diagnostic de DCL probable, un critère pour le diagnostic de DCL possible) :
– fluctuation cognitive avec des variations
de la vigilance et de l’attention ;
– hallucinations visuelles récurrentes typiquement élaborées et détaillées ;
– syndrome parkinsonien spontané.
3. Critères évocateurs (mais non suffisants
isolément pour le diagnostic de DCL probable) :
– REM sleep behavior disorder (RBD) ;
– hypersensibilité aux neuroleptiques ;
– diminution de la fixation du transporteur
de la dopamine (DatScan ou TEP) dans les
ganglions de la base.
4. Critères fréquemment associés mais non
spécifiques :
– chutes fréquentes et syncopes ;
– perte de conscience transitoire inexpliquée ;
– syndrome dysautonomique sévère, comme
une hypotension orthostatique ou une
incontinence urinaire ;
– hallucinations dans des modalités autres
que visuelles ;
– délires systématisés ;
– dépression ;
– préservation relative des structures temporales médianes (TDM ou IRM) ;
– hypoperfusion globale en SPECT (hypométabolisme en TEP) avec réduction de
l’activité occipitale ;
– anomalies lors de la scintigraphie cardiaque au MIBG ;
– prédominance des ondes lentes en EEG,
possibles ondes pointues temporales.
5. Le diagnostic de DCL est peu probable :
– en cas de présence d’une maladie cérébrovasculaire notable en imagerie ou de signes
neurologiques focaux ;
– en cas de présence d’une pathologie
neurologique ou non neurologique pouvant
rendre compte de la symptomatologie ;
– si le syndrome parkinsonien ne survient
qu’au stade de la démence sévère.
6. Caractéristique évolutive :
Le terme de DCL n’est proposé que lorsque
la démence survient avant le syndrome
parkinsonien ou de manière concomitante
(lorsque ce syndrome est présent). Le terme
de démence parkinsonienne est proposé dans
les situations où la démence survient dans
l’évolution d’une maladie de Parkinson établie. Pour distinguer les deux entités, un
intervalle d’un an entre démence et signes
parkinsoniens reste le critère recommandé.
En pratique, la distinction pouvant être difficile, le terme générique de maladie à
corps de Lewy peut être utile.
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005
Les auteurs ont aussi actualisé les critères neuropathologiques du diagnostic. Ils
incluent la recherche immunohistochimique
de l’-synucléine et une étude de la densité
régionale des corps de Lewy plutôt qu’une
mesure quantitative globale. La variante à
corps de Lewy de la maladie d’Alzheimer
est également définie.
Concernant la prise en charge pharmacologique, les auteurs recommandent :
Pour les signes moteurs :
• La lévodopa peut être proposée à faible
dose et avec une titration très progressive
afin de réduire le risque d’exacerbation des
signes neuropsychiatriques.
• Éviter les anticholinergiques.
Pour les signes neuropsychiatriques :
• Hallucinations/délires : anticholinestérasiques (I-AchE) et/ou neuroleptiques
(NLP) atypiques. Seule la rivastigmine a été
évaluée dans une étude en double aveugle.
Le risque d’introduction d’un NLP atypique
doit être expliqué à la famille. Les NLP
classiques sont proscrits.
• Dépression : IRSS ou SNRI. Les tricycliques ou les molécules ayant une activité
anticholinergique sont proscrits.
• Apathie : peut être sensible aux I-AchE.
• RBD : clonazépam (Rivotril®) 0,25 mg au
coucher ; mélatonine 3 mg au coucher ;
quétiapine 12,5 mg au coucher (non disponible en France). Adapter progressivement
la posologie. Les I-AchE sont également
efficaces.
Pour les signes cognitifs : les I-AchE
ont un effet symptomatique sur les fluctuations cognitives, l’évaluation clinique
globale et l’autonomie. Les effets indésirables seraient plus fréquents que dans la
maladie d’Alzheimer. Il n’y a pas d’étude à
long terme permettant de conclure à un
effet sur la progression de la maladie.
M. Sarazin, hôpital de la Pitié-Salpêtrière
et hôpital Bretonneau, Paris.
✔ McKeith IG, Dickson DW, Lowe J et al. Diagnosis
and management of dementia with Lewy bodies.
Third report of the DLB consortium. Neurology
2005;65:1-10.
Protéine tau et dégénérescence neurofibrillaire :
qui agit sur quoi ?
■
La présence de plaques séniles,
de dégénérescences neurofibrillaires
(DNF) et de perte neuronale signe le dia-
gnostic de maladie d’Alzheimer (MA), le
nombre de DNF étant plus fortement associé au degré de sévérité de la démence et à
la perte neuronale qu’au nombre de plaques
séniles. Le rôle de la protéine tau dans la
MA reste un sujet de débat.
Sur cette question, le récent travail de Santacruz et al. nous apporte des données surprenantes. Les auteurs ont étudié des souris
mutantes surexprimant le gène de la protéine tau responsable de certaines formes
de démence fronto-temporale (DFT). Les
souris, comme attendu, ont développé des
DNF sous la forme de filaments de protéines tau hyperphosphorylées associées à
une atrophie cérébrale et à des troubles de
la mémoire spatiale. Les auteurs ont ensuite
réprimé l’action du gène muté. À leur
grande surprise, le niveau de DNF a continué à progresser, de façon indépendante de
l’expression du gène tau. Plus étonnant
encore, alors que le degré de DNF progressait, la perte neuronale et l’atrophie cérébrale se sont stabilisées et ont stoppé leur
marche évolutive. Enfin, une surprise suivant l’autre, les auteurs ont aussi constaté
une amélioration des performances de la
mémoire spatiale, même chez les souris qui
avaient déjà perdu plus de la moitié de leurs
neurones hippocampiques. Ces souris étaient
capables d’apprendre des nouvelles informations après la suppression du gène tau
muté. Les auteurs étaient tellement surpris
qu’ils ont d’abord pensé à une erreur de
manipulation !
Commentaire. Ces résultats constituent une
étape déterminante dans la compréhension
de la MA et de la DFT. Ce ne sont pas les
DNF qui ont une action neurotoxique, mais
bien l’expression du gène. Il est même possible que les DNF soient un marqueur incident de la cascade neurotoxique ou même
le fruit d’une réponse protectrice du neurone, séquestrant en quelque sorte l’action
du gène muté. Ce travail a suscité de nombreuses discussions parmi les chercheurs.
Certains pensent qu’un mécanisme similaire pourrait rendre compte de l’existence
des plaques séniles. En effet, il a été montré
très récemment que des oligomères A42
sont responsables de lésions synaptiques et
de troubles mnésiques chez la souris. Le
peptide “libre” A42 serait toxique avant
son agrégation sous la forme de plaques
séniles. Ces dernières ne seraient-elles pas
alors le fruit d’une réponse à la toxicité du
fibrille ? Ces données doivent évidemment
être confirmées et élargies à des modèles
autres que celui du gène tau utilisé.
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005
MS
✔ Santacruz K, Lewis J, Spires T et al. Tau suppression in a neurodegenerative mouse model
improves memory function. Science 2005;309
(5733):476-81.
✔ Tanzi RE. Tangles and neurodegenerative disease.
A surprising twist. N Engl J Med 2005;353(17):
1853-5.
Immunothérapie
par la protéine A(1-42)
dans la maladie d’Alzheimer :
l’analyse génomique permet
d’évaluer la réponse humorale
■
Parmi les nouvelles pistes thérapeutiques développées dans la maladie
d’Alzheimer (MA), celle utilisant l’immunothérapie antiamyloïde est en plein essor.
Un premier essai multicentrique de phase II
en double aveugle versus placebo avait été
conduit avec l’AN1792 (A (1-42)) administré avec un adjuvant (SQ-21) chez
321 patients ayant une MA légère à modérée. L’essai a été arrêté prématurément en
raison de l’apparition de 18 cas d’immunoencéphalite chez 300 patients immunisés
(6 %). À l’arrêt de l’essai, 24 patients
avaient reçu 3 injections et 274 autres
sujets deux injections. L’analyse des résultats suggère un effet clinique bénéfique
chez les patients traités ayant une réponse
humorale significative.
O’Toole et al. ont cherché à identifier des
biomarqueurs associés, d’une part, au risque
de développement d’une encéphalite, et,
d’autre part, à l’importance de la réaction
humorale favorable. Pour cela, ils ont rétrospectivement étudié l’analyse génomique de
153 sujets ayant participé à l’essai (prélèvement lors du screening, 30 placebo,
123 traités, dont 5 encéphalites). Le risque
de méningo-encéphalite est associé à
l’expression des gènes impliqués dans les
mécanismes d’apoptose et dans les processus
pro-inflammatoires (STAT1/NPuk68/HEAB).
La sécrétion d’AC est associée à l’expression de gènes impliqués dans la transcription et dans la synthèse protéique.
Commentaire. Cette étude est la première
identifiant des biomarqueurs associés à la
réponse humorale positive (sécrétion d’AC
antiamyloïde) ou négative (encéphalite)
détectable avant le début de l’immunothérapie par A(1-42). Ces données pourraient
nous permettre de mieux cibler les populations pour des essais futurs. D’autres pistes
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sont également à l’étude pour diminuer le
risque d’encéphalite, principalement médiée
par la réponse immunitaire lymphocytaire T.
logiques. Enfin, signalons que d’autres
équipes travaillent sur les inhibiteurs des
-secrétases (BACEA) ou des promoteurs
des -secrétases.
MS
MS
✔ O’Toole M, Janszen DB, Slonim DK et al. Risk
factors associated with -amyloid(1-42) immunotherapy in preimmunization gene expression patterns of blood cells. Arch Neurol 2005;62(10):1531-6.
✔ Shah S et al. Nicastrin functions as a gammasecretase-substrate receptor. Cell 2005;122:1435-47.
Risque de décès
chez les sujets déments
sous neuroleptiques
Inhibiteur de la -secrétase :
rôle de la nicastrine
■
L’équipe de G. Yu et T. Sudhof (Texas)
a analysé le rôle spécifique de la nicastrine au sein du complexe multiprotéique
(préséniline 1 et 2, Aph1, Pen2 et nicastrine) qui détermine l’activité -secrétase.
Rappelons que la -secrétase intervient dans
le processus de la maladie d’Alzheimer (MA)
en libérant le peptide amyloïde pathogène
de l’APP (protéine transmembranaire précurseur de la protéine amyloïde) après un
premier clivage par la -secrétase. Ainsi,
après l’action de la -secrétase sur l’APP,
les auteurs ont montré que la nicastrine
reconnaît la partie non clivée de l’APP
(comme un récepteur), permettant alors à la
préséniline d’avoir une action protéolytique
-secrétase.
Plus intéressant encore, les auteurs ont
montré que la présence d’un anticorps spécifique agissant à ce niveau bloque le processus de l’action -secrétase. Cependant,
même si la sélectivité de l’action de la
nicastrine sur l’activité enzymatique de la
-secrétase est éclaircie, le risque d’agir
simultanément sur notch en bloquant le processus n’est pas encore totalement levé.
Commentaire. La piste des inhibiteurs des
secrétases est une voie thérapeutique intéressante puisqu’elle permettrait d’agir sur
le processus de la MA en limitant la libération du peptide amyloïde pathogène. Préciser l’action spécifique protéolytique de la
-secrétase permettrait de la différencier de
son rôle sur notch, qui limite actuellement le
développement des molécules pharmaco-
334
■
Les neuroleptiques (NLP) sont souvent utilisés pour traiter les troubles
du comportement des sujets déments. Dans
les institutions, environ 25 % des résidents
sont sous NLP (aux États-Unis). Pourtant,
l’efficacité des NLP classiques reste
modeste : environ 18 % de bénéfice dans la
méta-analyse de Schneider (1991) par rapport au placebo, avec des effets indésirables
importants. L’utilisation des NLP atypiques
était discutée depuis l’étude de Brodaty, en
2003, qui concluait à un risque accru d’accidents cérébrovasculaires et de décès chez
les sujets déments avec agitation et troubles
d’allure psychotique traités par rispéridone
(essai randomisé versus placebo). Schneider
rapporte dans le JAMA les résultats d’une
méta-analyse réalisée à partir des essais
publiés et non publiés menés aux ÉtatsUnis, versus placebo (n = 1 757) ou versus
un autre traitement (n = 3 353). Les NLP
évalués étaient l’aripiprazole (n = 3), l’olanzapine (n = 5), la quiétapine (n = 3) et la
rispéridone (n = 5). Les données confirment une augmentation du risque de décès
sous NLP sans pouvoir apporter de détails
sur le mécanisme du décès (RR = 1,54 ;
IC95 : 1,06-2,23 ; p = 0,02). En fonction de
la durée d’exposition, le risque estimé est
de 1 % d’augmentation du nombre de décès
après 8 à 12 semaines, et, après extrapolation, de 4 à 5 % sur un an. Il n’y a pas de
différence en fonction de la molécule, de la
sévérité de la démence ou du diagnostic. En
raison du manque de données, les cofacteurs
comme les comorbidités, les interactions
médicamenteuses, l’âge, le sexe ou le degré
d’autonomie n’ont pu être étudiés.
Commentaire. Comme pour les NLP classiques (halopéridol), le risque de décès est
légèrement augmenté chez les déments
sous NLP atypiques. Cependant, parmi les
4 NLP évalués ici, seuls 2 sont disponibles
en France : la rispéridone (Risperdal ® )
et l’olanzapine (Zyprexa®). L’aripiprazole
(Abilify®) vient tout récemment d’arriver en
France, mais il reste pour l’instant destiné
à l’usage psychiatrique (psychose). Il est
donc difficile de s’appuyer directement sur
cette étude dans nos pratiques. Rappelons
aussi que, si les NLP réduisent l’intensité
des troubles neuropsychiatriques, ils
aggravent ceux de la cognition chez les
sujets déments (Ballard 2005).
Face à un trouble neuropsychiatrique chez
un sujet dément, Sink et al. (cf. La Lettre du
Neurologue, vol. IX, n° 4, p. 123), de même
que Rabins et Lyketsos, proposent un arbre
décisionnel à plusieurs étapes imposant de
rechercher systématiquement dans un premier temps tout facteur médical (infections,
douleurs, iatrogénie, etc.) et tout facteur
environnemental déclenchants ; puis d’évaluer le retentissement du symptôme et
l’efficacité des traitements déjà prescrits
(anticholinestérasiques, antiglutamatergiques, sérotoninergiques). Ce n’est qu’une
fois ces différents points abordés que la
prescription de NLP sera discutée, en préférant les NLP atypiques aux NLP classiques, en fonction du bénéfice thérapeutique attendu et des facteurs de risque
cardiovasculaires du patient, à de faibles
doses et sur une durée déterminée.
MS
✔ Schneider LS, Dagerman KS, Insel P et al. Risk
of death with atypical antipsychotic drug treatment for dementia: meta-analysis of randomized
placebo-controlled trials. JAMA 2005;294(15):
1934-43.
✔ Rabins PV, Lyketsos CG. Antipsychotic drugs in
dementia: what should be made of the risks?
JAMA 2005;294(15):1963-5.
✔ Sink KM, Holden KF, Yaffe K. Pharmacological
treatment of neuropsychiatric symptoms of
dementia: a review of the evidence. JAMA 2005;
293(5):596-608.
✔ Ballard C, Marsallo-Lama M, Juszczak E et al.
Quetiapine and rivastigmine and cognitive decline
in Alzheimer’s disease: randomised double blind placebo controlled trial. Br Med J 2005;330(7496): 874.
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005
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