La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005 331
Charcot-Marie-Tooth :
le NT-3 au secours
des axones
■
Le syndrome Charcot-Marie-Tooth
de type 1A (CMT1A) est secondaire
à la présence d’une mutation d’une pro-
téine de myéline (PMP22) dans les cellules
de Schwann, conduisant à une perturbation
des mécanismes de régénération nerveuse.
Parmi les causes possibles, on évoque un
défaut de production des facteurs neuro-
trophiques par ces cellules. L’administra-
tion d’un de ces facteurs constitue donc une
piste thérapeutique logique dans le CMT1A.
La neurotrophine 3 (NT-3) est un candidat
particulièrement intéressant car elle est
produite physiologiquement par les cellules
de Schwann dont elle favorise la survie et
la différenciation de façon autocrine. Les
auteurs ont d’abord montré que la NT-3
administrée par voie sous-cutanée augmen-
tait la régénération axonale dans deux
modèles animaux. Dans le premier modèle,
un nerf sciatique de souris était sectionné et
anastomosé à un fragment de nerf sural
provenant d’un patient porteur de la PMP22.
Une repousse axonale à partir de la termi-
naison du nerf sciatique sectionné n’était
observée que dans le groupe de souris traité
par NT-3. Le traitement permettait égale-
ment d’améliorer la régénération nerveuse
chez des souris porteuses de la mutation
PMP22
(souris trembler)
. Ces résultats encou-
rageants ont conduit les auteurs à tester
l’effet de l’administration sous-cutanée de
NT-3 de façon randomisée et contre pla-
cebo chez 8 patients souffrant de CMT1A.
Après 7 semaines de traitement, dans le
groupe des 4 patients traités par NT-3, la
biopsie de nerf sural montrait une augmen-
tation du nombre des fibres myélinisées
formant des unités de réinnervation. Une
amélioration des scores cliniques de sensi-
bilité, mais pas des scores moteurs, était
également observée par rapport au groupe
placebo.
Commentaire. Les données expérimen-
tales et celles des biopsies nerveuses réali-
sées chez les patients suggèrent fortement
qu’il existe une amélioration de la régénéra-
tion nerveuse grâce au traitement par NT-3.
En revanche, il faudra des études avec un
nombre plus important de patients avant de
conclure si ce traitement apporte véritable-
ment un bénéfice fonctionnel et s’il est bien
toléré.
P.F. Pradat,
service de neurologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Fin de vie et SLA
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L’équipe de L.P. Rowland (université
de Columbia, États-Unis), équipe qui
fait référence dans la sclérose latérale
amyotrophique (SLA), a analysé de manière
prospective les patients à un stade avancé
de la maladie, par l’entremise de question-
naires sondant l’humeur et la psychologie
des patients et de leur entourage, afin de
déterminer s’il existait chez certains patients
un désir d’abréger leur existence. Parmi
80 patients interrogés et suivis – 80 patients
qui avaient accepté l’étude sur les 144 pré-
sumés avoir une espérance de vie de moins
de 6 mois –, 11 optèrent pour une ventila-
tion mécanique permanente par trachéo-
stomie, 53 devaient décéder au cours de
l’étude, dont 10 ayant exprimé un désir de
mort et 3 étant passés à l’acte avec l’aide
de leur entourage et en usant de fortes
doses de sédatifs. Il n’existait pas de diffé-
rence en termes de sévérité ou d’ancienneté
de la maladie, de descriptifs socio-démo-
graphiques, d’éventuels signes d’atteinte
cognitive entre les patients qui désiraient
abréger leur vie et ceux qui ne le souhai-
taient pas. Les patients qui désiraient mourir
avaient de manière significative des traits
dépressifs plus marqués sur les échelles uti-
lisées, ils avaient exprimé l’opinion que leur
vie “n’était plus une vie”, leur attachement
à une croyance religieuse était moindre et
ils étaient moins souvent demandeurs d’une
ventilation nasale assistée.
Commentaire. Cette étude a le mérite
d’aborder de manière aussi précise que
possible – mais avec des outils forcément
critiquables – le thème de la phase ultime de
la SLA et, comme il n’existe pas d’autres
travaux prospectifs de ce type, elle fera cer-
tainement date. Il est bien difficile d’en
tirer des conclusions, mais il apparaît en
tout cas que, parmi les patients en fin de vie
dans cette affection, un éventuel désir de
mort n’est exprimé que relativement rare-
ment, et que lorsqu’il l’est, ce désir est
ouvertement discuté avec l’entourage
proche ; par ailleurs, ce désir n’est que par-
tiellement corrélé à des traits dépressifs et
semble faire partie d’une sorte de constat
existentiel de “non-sens”. Parce qu’elle
altère si sévèrement l’expression et l’action
du patient, la SLA est l’exemple même
d’une situation médicale “sans retour”, où
l’analyse du souhait du patient et de son
évolution au cours de la maladie nécessite
un suivi collectif. Reste à savoir si nos
outils d’analyse et d’écoute sont pertinents
et si nous, soignants, savons les faire évo-
luer pour qu’ils concourent à l’accompa-
gnement des patients et de leurs proches.
J. d’Anglejan-Chatillon,
Versailles.
Chimiothérapie préopératoire
■
Les auteurs rapportent leur expérience
de la faisabilité d’une chimiothérapie
préopératoire chez des enfants porteurs de
médulloblastomes de mauvais pronostic
(d’emblée métastatiques ou avec infiltra-
tion locale avancée). En 3 ans, ils ont inclus
dans cette étude 21 enfants (âge moyen de
5ans) porteurs de médulloblastomes intra-
crâniens à haut risque (17 avaient plusieurs
localisations). Le traitement de l’hydrocé-
phalie associée (90 % des cas) a été d’abord
pratiqué par voie endoscopique ou par la
mise en place d’une dérivation ventriculo-
péritonéale suivie secondairement par une
biopsie de la lésion, le plus souvent en
condition stéréotaxique (n = 10), à ciel
ouvert (n = 4), lors de l’endoscopie (n = 3)
ou par analyse anatomopathologique du
liquide céphalo-rachidien (LCR) [n = 2].
Deux cures de chimiothérapie (étoposide et
carboplatine) ont été pratiquées, avec 71 %
de réponses pour la lésion primitive et 59 %
pour les lésions métastatiques. Une irradia-
tion cranio-spinale a été réalisée pour les
enfants âgés de plus de 5 ans. Une inter-
vention chirurgicale a alors été pratiquée
sur le reliquat tumoral, retrouvant soit de la
tumeur (n = 7), soit du tissu neuroglial
mature (n = 3) ou un mélange des deux
(n = 9). En postopératoire, l’imagerie de
contrôle a montré 100 % d’exérèses radio-
logiquement totales. À 3 ans, le pourcen-
tage de patients sans récurrence est globa-
lement de 37 % ; il est meilleur pour les
enfants de plus de 5 ans.
Commentaire. Il s’agit d’une série impor-
tante d’enfants traités par une chimiothéra-
pie préopératoire pour des médulloblas-
tomes d’emblée de mauvais pronostic. La
✔
Sahenk Z, Nagaraja HN, McCracken BS et al.
NT-3 promotes nerve regeneration and sensory
improvement in CMT1A mouse models and in
patients. Neurology 2005;65:681-9.
✔
Albert SM, Rabkin JG, Del Bene ML et al. Wish
to die in end-stage ALS. Neurology 2005;65:68-74.
REVUE DE PRESSE
Dirigée par le Pr P. Amarenco