Archives of Cardiovascular Diseases Supplements (2012) 4, 148-162 ISSN 1878-6480 Supplements Rythmologie pédiatrique et congénitale 70320 Avec le soutien institutionnel des partenaires Tome 4 – N° 2 – Septembre 2012 Tachycardies supraventriculaires de l’enfant : histoire naturelle et prise en charge Supraventricular tachycardia in children: Natural history and management A. Maltret1,2,*, J. Lacotte2 1Centre de Référence Malformations Cardiaques Congénitales Complexes – M3C, Necker-Enfants Malades, Assistance des Hôpitaux de Paris, France ; Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris, France 2Service de Rythmologie, Hôpital Privé Jacques Cartier, 6, av du Noyers-Lambert, 91300 Massy, France Abréviations : BPM : battements par minute ; NAV : nœud auriculo-ventriculaire ; NN : nouveau-né ; NRS : nourrisson ; RR : rythme réciproque ; TJ : tachycardie jonctionnelle ; TSV : tachycardie supraventriculaire ; VA : voie accessoire ; WPW : syndrome de Wolf-Parkinson-White MOTS CLÉS Tachycardie supraventriculaire ; Enfant ; Histoire naturelle ; Prise en charge ; Ablation endocavitaire Résumé La très grande majorité des arythmies de l’enfance sont des tachycardies régulières à QRS fins soit, par définition, des tachycardies supraventriculaires. Ces arythmies peuvent être dues à des phénomènes de réentrée à l’étage atrial (flutter atrial) ou au niveau de la jonction auriculo-ventriculaire (rythme réciproque et réentrée intranodale). Elles peuvent également être secondaires à un foyer ectopique atrial (tachycardie atriale anciennement appelée « tachysystolie ») ou hissien (tachycardie hissienne). La présentation clinique est variable selon l’âge de l’enfant. Chez l’enfant de moins de 1 an, les premiers signes sont souvent des difficultés alimentaires. Mais les signes d’insuffisance cardiaque peuvent être plus alarmants en cas de cardiomyopathie rythmique. L’histoire naturelle des tachycardies supraventriculaires à l’âge pédiatrique est variable selon le mécanisme de la tachycardie mais aussi selon l’âge au diagnostic. Ainsi, les arythmies diagnostiquées avant la première voire *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Maltret). © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) 149 Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant les deux premières années de vie ont un fort potentiel de résolution spontanée. La prise en charge de ces formes précoces repose principalement sur le traitement médical préventif des récidives. Ce traitement est maintenu jusqu’à la guérison ou la rémission spontanée des accès de tachycardies. Pour les enfants plus grands, les options thérapeutiques sont plus vastes et dépendent du substrat de l’arythmie, de l’efficacité du traitement médical et du retentissement hémodynamique des accès de tachycardies. L’acceptabilité du traitement médical et le souhait de l’enfant et de ses parents sont à prendre en compte lorsque se pose la question d’un traitement définitif par ablation endocavitaire. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Supraventricular tachycardia; Children; Natural history; Management; Catheter ablation Summary Regular narrow QRS tachycardia – so-called supraventricular tachycardia – is the most common arrhythmia in the paediatric population. Different mechanisms can be involved: macroreentrant circuit within the atrium (intra-atrial reentrant tachycardiaatrial flutter); reentrant circuit between the atrium and the ventricle (atrioventricular reentrant tachycardia or atrioventricular node reentrant tachycardia); and abnormal automaticity of the atrium (atrial ectopic tachycardia) or the His bundle (junctional ectopic tachycardia). Among infants, the major clinical presentation is failure to thrive. However, a rare patient may present with potentially life-threatening congestive heart failure in case of tachycardia-mediated cardiomyopathy. The natural history of supraventricular tachycardia in children differs according to mechanism and age at presentation. Spontaneous resolution of supraventricular tachycardia beyond age 1–2 years is not rare. In this population, chronic antiarrhythmic medication is the firstline treatment to prevent recurrence. This treatment is maintained until resolution or remission of the arrhythmia. For older children, several different treatment options can be considered, depending on diagnosis, haemodynamic tolerance of the tachycardia and efficacy of the medical treatment. When antiarrhythmic therapy is ineffective or not desired, an ablation procedure offers the possibility of a definitive cure. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction La pédiatrie n’est pas une spécialité de système ou d’organe mais d’âge. Les troubles du rythme cardiaque et notamment les tachycardies supraventriculaires (TSV) n’échappent pas à cette règle. Ainsi, la tolérance, la prise en charge et l’évolution d’une même arythmie seront différentes selon que l’enfant a quelques jours de vie ou plusieurs années. Durant l’enfance, on distingue trois périodes à risque de tachycardie supraventriculaire. Il s’agit de la période péri- et néonatale où l’enjeu principal est de ne pas méconnaître l’arythmie et ne pas laisser se développer une cardiomyopathie rythmique. La fin de la première décennie et l’adolescence sont classiquement des périodes de recrudescence des tachycardies supraventriculaires. Cette fois, c’est la question du traitement définitif de l’arythmie qui se posera. Enfin, le postopératoire de la chirurgie cardiaque est pourvoyeur, à terme très variable, de tachycardies supraventriculaires. Celles-ci font l’objet d’un chapitre spécifique. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) Généralités sur les tachycardies supraventriculaires L’épidémiologie des tachycardies supraventriculaires de l’enfant est mal connue. Selon les publications, elles toucheraient 1 enfant sur 250 à 1 enfant sur 25 000 [1-3] et seraient responsables de 5 % des admissions aux urgences pédiatriques. La prédominance masculine est quant à elle une constante chez le petit enfant. On observe près de 70 % de garçons quel que soit le mécanisme de la tachycardie, exception faite des tachycardies hissiennes. L’association avec une cardiopathie congénitale n’est pas rare 10 à 15 % [4-6]. En cas de syndrome de Wolf-Parkinson-White (WPW), on observe jusqu’à 25 % de malformations cardiaques associées [7]. Toutes les cardiopathies peuvent être décrites mais il existe des associations classiques, comme par exemple, la maladie d’Ebstein et le syndrome de WPW. Une échographie cardiaque doit être pratiquée lors du diagnostic de la TSV. Cet examen permettant, non seulement, de vérifier l’architecture cardiaque mais aussi le retentissement hémodynamique éventuel de la tachycardie. 150 Le terme TSV regroupe différentes formes d’arythmies de localisation et de mécanisme différents. Par définition, ce sont des arythmies qui naissent en amont de la bifurcation du faisceau de His. Ce sont, sauf bloc fonctionnel dans une des branches du faisceau de His, des tachycardies régulières à QRS fins. Le QRS en tachycardie est dans la très grande majorité des cas (97 %) semblable au QRS en rythme sinusal. Le QRS est fin (moins de 80 ms). La cadence ventriculaire en tachycardie est d’autant plus élevée que l’enfant est jeune, elle dépasse en général 230 bpm chez le nouveau-né (NN). Le diagnostic du type de TSV repose sur l’analyse du rapport entre l’activité atriale (onde P ou P’) et l’activité ventriculaire (QRS). La distinction sur l’ECG de surface de ces événements n’est pas toujours aisée chez l’enfant, non seulement parce que le cycle de la tachycardie est rapide et qu’elle est conduite en 1/1. Les manœuvres vagales et l’enregistrement œsophagien sont souvent utiles et peuvent éventuellement être couplés. Les manœuvres vagales chez l’enfant sont : l’application d’une vessie de glace sur le visage pendant 10 secondes chez le nouveau-né et la compression des globes oculaires chez les plus grands. Le massage sino-carotidien est peu commode chez l’enfant. Enfin, le test à l’adénosine triphosphate reste le plus efficace. Les caractéristiques des différents diagnostics de TSV sont résumées dans le tableau 1. La présentation clinique est fonction de l’âge de l’enfant et de la tolérance hémodynamique de la tachycardie. Dans la première année de vie, le diagnostic peut être fortuit à l’auscultation lors d’un examen systématique. À l’inverse, l’entrée dans la maladie peut être dramatique dans un tableau de collapsus circulatoire si une tachycardie persistante a été méconnue. Dans ce contexte, les parents décrivent souvent dans les jours qui ont précédé des signes d’insuffisance cardiaque a minima comme une pâleur, une apathie et surtout des difficultés alimentaires. Au-delà des toutes premières années de vie, l’enfant pourra formuler plus ou moins clairement des palpitations. La plainte fonctionnelle peut être en effet assez vague : maux de ventre, gêne thoracique, lipothymie, difficultés respiratoires. La description des palpitations n’est alors qu’au deuxième plan. Il est par ailleurs très fréquent que l’enfant, même en cas de tachycardie jonctionnelle documentée, ne soit pas capable de décrire la fin brusque des palpitations, peut-être « lissée » par la tachycardie sinusale de stress sous-jacente, réactionnelle à l’épisode. Le diagnostic différentiel entre tachycardie sinusale et TSV est généralement assez facile. L’anamnèse est évocatrice retrouvant une notion d’infection, d’hypovolémie, en cas de tachycardie sinusale. La fréquence cardiaque en rythme sinusal n’excède pas 230 bpm, et un tracé prolongé met en évidence des variations de la cadence ventriculaire (Tracé 1). Un rythme cardiaque sinusal accéléré de façon persistante doit faire rechercher une hyperthyroïdie, notamment chez l’enfant de quelques années d’origine africaine. Chez l’enfant, la tachycardie ventriculaire (TV) fasciculaire gauche (TV dite de « Belhassen » ou TV sensible au vérapamil) peut être confondue avec une TSV en raison des complexes peu larges. L’aspect de bloc de branche droite, l’axe ascendant et la dissociation auriculo-ventriculaire permettent de rectifier le diagnostic (Tracé 2). vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) A. Maltret, et al. Le risque majeur des TSV est la cardiomyopathie dilatée induite par une tachycardie persistante ou cardiomyopathie rythmique. Elle touche principalement, mais pas exclusivement, l’enfant qui ne s’exprime pas et chez qui le diagnostic est retardé. S’il s’agit d’une cause curable de cardiomyopathie dilatée, sa prise en charge initiale est difficile. En effet, devant une dilatation importante du ventricule gauche et un effondrement du volume d’éjection systolique, le débit cardiaque n’est maintenu que par la fréquence cardiaque élevée. La pause post-réduction de l’arythmie peut être fatale pour ces enfants. Il vaut mieux, alors, ralentir le trouble du rythme, laisser la fonction ventriculaire gauche récupérer plutôt que de rétablir trop agressivement le rythme sinusal. C’est ce risque de cardiomyopathie rythmique et la pauvreté des signes cliniques de TSV dans les premières années de vie qui justifient le traitement préventif des récidives chez les enfants de cette classe d’âge. Au-delà, la prise en charge dépendra de l’âge de l’enfant et du mécanisme de la TSV. Spécificités des différentes formes de TSV Tachycardie jonctionnelle réciproque Rythme réciproque Dans sa forme typique dite orthodromique, la tachycardie jonctionnelle réciproque ou rythme réciproque (RR) est une réentrée qui descend par le nœud auriculo-ventriculaire (NAV) et remonte par une voie accessoire (VA). Les caractéristiques de ce type de tachycardie sont résumées dans le tableau 1 (Tracé 3). La voie accessoire a une localisation et des propriétés électrophysiologiques variables. Si elle conduit en antérograde en rythme sinusal, l’espace PR est court et le QRS « empâté », ce qui caractérise un syndrome de Wolf-Parkinson-White (WPW). Quand la VA ne conduit qu’en rétrograde, l’ECG en rythme sinusal est normal, on parle alors de Kent caché. C’est la forme la plus fréquente de TSV des premières années de vie, décrite dans 85 % des cas avant 1 an et 82 % entre 1 et 5 ans. Après 6 ans, elle n’est plus responsable que de 56 % des TSV [8]. La majorité des enfants qui font des TSV ont fait leurs premières crises avant 1 an. L’évolution de ces formes précoces est favorable. Passé l’âge de 12 à 18 mois, les crises cessent. Jusqu’à 93 % des enfants ne font, en effet, pas de nouvelle crise après 1 an. Cependant, plutôt que de parler de guérison, il vaut mieux parler de « lune de miel » car le suivi à moyen et long termes montre des récurrences tardives de la tachycardie allant de 30 à 60 % selon la durée du suivi [9,10]. Ces récurrences sont d’autant plus fréquentes que l’aspect de WPW persiste à l’ECG de surface [11]. Ce n’est pas la disparition du substrat qui explique cette accalmie mais l’amendement des événements déclencheurs de la tachycardie (extrasystole supraventriculaire ou ventriculaire). Il n’y a pas de consensus quant à la prise en charge des accès de RR de l’enfant. Chez le nouveau-né et le nourrisson, il est habituel de traiter de façon prophylactique les 151 Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant Tracé 1. Tachycardie sinusale. Selon le cycle de la tachycardie, l’onde P est plus ou moins fusionnée à l’onde T. Tracé 2. Tachycardie ventriculaire fasciculaire de Belhassen. Les QRS en tachycardie ne sont pas très larges et peuvent être confondus avec des QRS en TSV. L’aspect de retard droit, d’axe ascendant en dissociation auriculo-ventriculaire permet de rectifier le diagnostic. récidives pendant les 12 premiers mois de vie. Le choix de la molécule relève également d’habitudes locales. Ce traitement peut être interrompu après le premier anniversaire qu’il y ait ou non un aspect de WPW sur l’ECG. À l’arrêt du traitement, les parents doivent être formés à reconnaître les symptômes de tachycardie et éventuellement savoir prendre le pouls de leur enfant. En cas de récidive ou de première crise au-delà de la première année, les options thérapeutiques sont plus larges. Il peut être proposé de reprendre un traitement quotidien en cas de crises de tachycardie fréquentes ou ayant un retentissement important sur la vie sociale et scolaire de l’enfant. Ce traitement devra être interrompu après 6 mois à 1 an pour documenter ou non la récurrence des accès de tachycardie. Les crises sporadiques bien tolérées, bien reconnues par l’enfant et son entourage vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) peuvent être gérées par manœuvres vagales préalablement enseignées au patient. Peut y être associée, si la crise ne cède pas, la prise ponctuelle d’un antiarythmique, sur le principe du traitement minute. Les antiarythmiques les plus couramment utilisés en pédiatrie sont les bêtabloquants, la flécaïnide, la digoxine (sauf en cas de syndrome de WPW avéré) et l’amiodarone dont les modalités de prescription sont résumées dans le tableau 2. L’utilisation des inhibiteurs calciques, notamment par voie intraveineuse est contreindiquée chez l’enfant de moins de 2 ans. L’ablation est habituellement proposée aux « grands enfants » de plus de 20 kg. Il existe cependant quelques rares indications d’ablation avant 6 ans voire dans les premiers mois de vie en cas de tachycardies réfractaires compromettant le pronostic vital de l’enfant [12]. Flutter Tachycardies jonctionnelles Tachycardies atriales vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) RIN PJRT RR Cœur sain Risque de cardiomyopathie dilatée rythmique Cœur sain Nouveau-né : Cœur sain, rare Ebstein Enfant plus grand : flutter post-atriotomie et dilatation OD Réduction transitoire de la tachycardie Réduction de la tachycardie P’ = QRS P’ négative en inférieur Aspect de R-P’ long P = QRS, P rétrograde juste après le QRS (< 65-70 ms), peut être invisible car masquée dans le complexe ventriculaire Fréquence atriale entre 300 et 500 chez le NN. Fréquence ventriculaire variable selon la conduction AV en 1/1, 2/1, 3/1… Fréquence atriale plus lente en cas de flutter cicatriciel, conduction en 1/1 plus fréquente Tachycardie régulière entre 200 et 300 bpm avant 2 ans et 120-150 bpm au-delà, arrêt et redémarrage spontané incessant Tachycardie régulière à QRS fins. FC entre 120 et 300 (typiquement entre 180 et 250 bpm) Tachycardie régulière de 220 à 300 bpm. Activité atriale en dents de scie bien visible en inférieur et V1 (onde F), moins caractéristique de cas de flutter cicatriciel Réentrée entre le NAV et une VA de conduction rétrograde décrémentielle le plus souvent postéro-septale droite Réentrée intranodale entre deux portions du NAV de vitesse de conduction et de période réfractaire différentes Macro-réentrée intra-atriale, le plus souvent antihoraire et passant par l’isthme cavotricuspide (flutter commun) Dégradation de la conduction AV avec démasquage des ondes F de Flutter. Cœur sain le plus souvent Réduction de la tachycardie P = QRS Intervalle R-P’ > 6570 ms Tachycardie régulière à QRS fins. FC entre 260 et 300 bpm chez l’enfant de moins de 1 an et 160 à 250 chez l’enfant de plus de 1 an Réentrée entre le nœud auriculoventriculaire et une VA patente (Sd de WPW) ou de conduction rétrograde exclusive (Kent caché) Contexte Effet des manœuvres vagales Rapport P/QRS ECG Mécanisme Tableau 1 Caractéristiques des différentes formes de TSV. Tracé 6 Traitement antiarythmique jusqu’à l’ablation NN : réduction médicamenteuse ou électrique Grand enfant : ablation par radiofréquence Rare avant 2 ans. Incidence croissante ave l’âge 15 % des TSV néonatales Prédominance masculine Dépistage et réduction anténatale possible Tracé 7 Tracé 5 Contrôle difficile de la tachycardie nécessitant souvent l’association de plusieurs antiarythmique Ablation possible. < 1 % des TSV de l’enfant Tracé 3 Tracés Traitement préventif des récidives jusqu’à 1 an, à moyen terme RF si TJ persiste Traitement 85 % des TSV avant 1 an Épidémiologie Population 152 A. Maltret, et al. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) Tachycardies atriales Contrôle difficile de la tachycardie par les antiarythmiques, dont l’objectif est de ralentir le foyer Ablation difficile Rare Cœur sain, forme familiale, risque de cardiomyopathie dilatée rythmique ou postopératoire Ne change pas la cadence ventriculaire Permet d’objectiver la dissociation AV si conduction rétrograde 1/1 préalable P < QRS avec dissociation A-V ou P = QRS si conduction rétrograde en 1/1 Tachycardie régulière à QRS fins, le plus souvent < 200 bpm Foyer ectopique du faisceau de His Fonction de la FC moyenne et de la tolérance Pathologie du nourrisson Cœur sain Non nécessaire au diagnostic P > QRS au moins 3 morphologies d’ondes P différentes Tachycardie irrégulière Cadence ventriculaire plus ou moins rapide QRS larges sur aberration de conduction Foyer ectopique multiple ou foyer ectopique unique avec bloc de sortie Traitement antiarythmique Ablation possible si TA persiste avec l’âge 2 % des TSV néonatales Cœur sain Possible cardiomyopathie dilatée rythmique Dégradation de la conduction AV (P >> QRS) sans changer fréquence atriale sous-jacente Quelques cas de réduction de la tachycardie avec redémarrage progressif (Warm up) P > QRS ou P = QRS si conduction en 1/1 Régulier après possible démarrage et fin progressive (warm-up et cool down) QRS fins Foyer ectopique de l’oreillette droite ou gauche Traitement Épidémiologie Population Contexte Effet des manœuvres vagales Rapport P/QRS ECG Mécanisme Tracé 10 Tracé 9 Tracé 8 Tracés AV : auriculo-ventriculaire ; FC : fréquence cardiaque ; NAV : nœud auriculo-ventriculaire ; OD : oreillette droite ; RIN : réentrée intranodale ; PJRT : persistent junctional reciprocating tachycardia ; RF : Radiofréquence ; TJ : tachycardie jonctionnelle ; RR : rythme réciproque ; TA : tension artérielle ; TSV : tachycardie supraventriculaire ; VA : voie accessoire ; Sd de WPW : syndrome de Wolf-Parkinson-White Tachycardie hissienne TA chaotique Tachycardie atriale ectopique Tableau 1 Caractéristiques des différentes formes de TSV. (suite) Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant 153 154 A. Maltret, et al. A B C Tracé 3 Tachycardie jonctionelle réciproque. ECG 12 dérivations (A), l’activité atriale rétrograde est nettement visible après le QRS. Réduction brusque de la tachycardie à l’holter (B). Redémarrage de la tachycardie sur une extrasystole atriale (C). Syndrome de Wolf-Parkinson-White (WPW) Le diagnostic du syndrome de WPW peut être difficile chez l’enfant du fait de la très bonne conduction dans le NAV et de la localisation le plus souvent gauche de la VA. L’absence d’onde Q en V6 est un élément évocateur [13] (Tracé 4). En cas de doute, on peut être amené à réaliser des manœuvres vagales ou un test à l’adénosine en rythme sinusal. Si l’ECG montre un allongement du PR ou des ondes P bloquées, c’est qu’il n’y a pas de VA. En présence d’un faisceau de Kent, en bloquant la conduction dans le NAV, on met en évidence un aspect de « super-Wolf ». Les cas de morts subites liées au syndrome de WPW sont secondaires à la conduction rapide d’une fibrillation atriale au ventricule. Ce risque est dépendant des propriétés électrophysiologiques propres à chaque VA. Le risque de fibrillation atriale est souvent lié à l’effort chez l’enfant. Son incidence est considérée comme très faible avant l’âge de 10 ans. Il n’y a donc, en théorie, pas d’intérêt à documenter les propriétés électrophysiologiques de la VA avant cet âge. Cependant, des expériences personnelles et confraternelles rapportent des cas de morts subites par fibrillation ventriculaire chez des enfants plus jeunes. L’âge de l’exploration doit donc être revu à la baisse chez des enfants très sportifs. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) L’exploration de la perméabilité antérograde commence par une épreuve d’effort et un holter mais, dans la majorité des cas, ces examens ne permettent pas de conclure formellement à la bénignité de la VA. On peut alors proposer une exploration œsophagienne, ou, comme c’est le cas de plus en plus souvent, une exploration endocavitaire qui sera complétée par une ablation de la VA si celle-ci est maligne et/ou localisée à distance du NAV. Tachycardie jonctionnelle réciproque permanente ou tachycardie de Coumel Cette tachycardie est rare, elle ne représente que 1 % des TSV de l’enfant. Il s’agit d’une réentrée entre le NAV et une voie accessoire spécifique dans ces propriétés électrophysiologiques et sa localisation. Cette VA ne conduit qu’en rétrograde et de façon lente et décrementielle. L’ECG est caractéristique comme rappelé dans le tableau 1 (Tracé 5). Elle est majoritairement située à la partie postéro-septal de l’anneau tricuspide, à proximité à l’ostium du sinus coronaire [14]. Le caractère permanent de la tachycardie expose au risque de cardiomyopathie rythmique. Des petites séries de la littérature rapportent jusqu’à 50 % de dysfonction 155 Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant Tableau 2 Exemples de spécialités utilisables en pédiatrie. DCI/Nom commercial Présentation Posologie Orale Remarques Digitalique Solution buvable 1 mL = 50 μg 10 à 15 μg/kg/j (NRS) 5 à 10 μg/kg/j (enfant) Dose à adapter en cas d’insuffisance rénale, en cas d’association avec l’amiodarone Contre-indiqué en cas de WPW Surveillance ECG Amiodarone 1 cp = 200 mg 500 mg/m2/j (dose d’attaque) 250 mg/m2/j (dose d’entretien) Voie orale T3, T4, TSH avant de débuter le traitement Surveillance ECG Surveillance bilan thyroïdien à 1 mois puis tous les 3 mois Propranolol 5 mL = 5 mg 1 cp = 40 mg 3 à 5 mg/kg/j (en 3 à 4 prises) Surveillance ECG Surveillance glycémique si NN non alimenté Acébutolol Solution buvable 40 mg/mL 10 mg/kg/j (en 2 prises) Surveillance ECG BB cardiosélectif Nadolol 1 cp = 80 mg 25 à 50 mg/m2/j (en 2 prises) Surveillance ECG Sotalol 1 cp = 80 mg 100 à 200 mg/m2/j (en 2 prises) Surveillance ECG Flecaïnide Cp sécable 100 mg Gélule LP 50, 100, 150 et 200 mg 2 à 4 mg/kg/j (en 1 prise si LP sinon en 2 prises) Dose test Surveillance ECG BB : bêtabloquant ; ECG : électrocardiogramme ; NN : nouveau-né ; NRS : nourrisson Tracé 4. Syndrome de Wolf-Parkinson-White chez un nouveau-né. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) 156 A. Maltret, et al. A B Tracé 5. Tachycardie jonctionnelle réciproque permanente ou permanent junctional reciprocating tachycardia (PJRT). Forme soutenue du nourrisson (A), forme subintrante de l’enfant (B). ventriculaire gauche chez les enfants ayants une persistent junctional reciprocating tachycardia (PJRT) [15]. C’est une tachycardie difficile à contrôler par les antiarythmiques. L’amiodarone est le traitement de première intention [16]. Une bi- voire une trithérapie peut être nécessaire. Le but de ce traitement n’est pas, obligatoirement, de rétablir le rythme sinusal mais au moins de ralentir suffisamment le cycle et la fréquence des accès de tachycardie pour que la cadence ventriculaire moyenne sur les 24 à l’holter n’excède pas 150 bpm avant l’âge de 1 an et 130 bpm après 1 an. L’ablation par radiofréquence est possible et efficace. Elle doit être prudente étant donné la proximité du NAV et de l’artère coronaire circonflexe du site potentiel d’ablation. Cette technique doit être envisagée « dès que le poids de l’enfant le permet », ce qui laisse place à l’interprétation. Devant une tachycardie résistante au traitement médical compliqué de cardiomyopathie rythmique, l’ablation peut être la seule alternative et ce quels que soient l’âge et le poids du patient. Des cas d’ablation ont été rapportés chez le très jeune enfant, dès 8 semaines de vie [17]. Le taux de récurrence est de l’ordre de 20 %. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) Tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale La tachycardie jonctionelle (TJ) par réentrée intranodale (RIN) est considérée comme rare dans la première année de vie. Pourtant, selon les séries, elle est rapportée dans 3 à 19 % des TJ avant 1 an [18,19]. C’est à partir de 5 ans que la RIN devient une cause courante de TSV. À l’adolescence, il y a autant, voire plus, de tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale que de rythme réciproque via une voie accessoire [8]. Le substrat de la RIN est une dualité nodale. La conduction nodo-hissienne est hétérogène avec une zone dite de conduction rapide à la partie antéro-supérieure du NAV et une zone de conduction lente plus postéroinférieure, entre lesquelles peut s’initier une réentrée. La présentation clinique de la RIN diffère peu, voire pas, de celle du RR. Comme elle intéresse des enfants plus grands, ceux-ci sont en mesure de décrire des palpitations. Les caractéristiques des ECG sont résumées dans le tableau 1 (Tracé 6). Les accès de tachycardies sont, en règle générale, bien tolérés sur le plan hémodynamique. La prise en charge initiale peut consister en une période d’observation. Durant ces quelques 157 Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant mois, le patient et ses parents noteront la périodicité, la durée et la réponse ou non aux manœuvres vagales des crises. Si, sur ces quelques mois, les crises sont fréquentes et responsables d’une gêne fonctionnelle importante, un traitement par bêtabloquants peut être instauré. À terme, l’option du traitement invasif devra être discutée avec le patient et ses parents. Flutter atrial Le flutter atrial ne représente que 1 % des arythmies de l’enfance mais jusqu’à 15 % des TSV de la période néonatale [7]. On distingue deux types de flutters dans la période V1 V1 a b Tracé 6. Tachycardie jonctionnelle par réentrée intranodale. En tachycardie l’onde P rétrograde se confond avec la fin du QRS. Ceci se traduit en V1 par un aspect de bloc de branche droit incomplet (a), aspect qui n’existe pas en rythme sinusal (b). A pédiatrique. Le flutter sur cœur sain dont le diagnostic est fait dans 2/3 des cas dans la première année de vie [20] voire en anténatal, et le flutter associé à une cardiopathie. Les cardiopathies susceptibles de se compliquer de flutter dans l’enfance sont celles qui dilatent l’oreillette droite (Ebstein, dilatation idiopathique de l’oreillette droite, etc.) mais aussi toutes les cardiopathies opérées par atriotomie. Ces caractéristiques ECG sont reprises dans le tableau 1 (Tracé 7). Ce tracé montre une dégradation de la conduction du flutter lors d’un test à la Striadyne. Le flutter de la période néonatale n’est généralement pas associé à une malformation cardiaque [21]. Il n’y a pas d’indication à l’anticoagulation. Ce trouble du rythme a une histoire naturelle singulière. En effet, une fois réduit, le risque de récidive est extrêmement faible passé la période néonatale [22]. L’urgence à rétablir le rythme sinusal dépendra de la tolérance hémodynamique du flutter. En cas de choc cardiogénique sur une tachycardie extrêmement rapide, sans dilatation du ventricule gauche (VG) à l’échographie, la réduction peut être obtenue par cardioversion électrique (1 à 2 joules/kg), ou par overdrive atrial via une sonde œsophagienne ou endocavitaire. Si une cardiomyopathie dilatée s’est développée, le ventricule gauche est dilaté. Dans ce cas, comme pour les cardiomyopathies rythmiques secondaires à un autre trouble du rythme, la prise en charge consistera dans un premier temps à ralentir la conduction de la tachycardie au ventricule. L’antiarythmique bloquant le NAV utilisé dans la période néonatale est la digoxine. À l’opposé, si la réentrée atriale n’est pas conduite très rapidement au ventricule et que le trouble du rythme est très bien toléré, on peut se donner quelques jours avec de l’amiodarone par voie orale pour réduire la tachycardie. Une fois le rythme sinusal rétabli, on peut proposer un traitement d’entretien par digoxine pour quelques semaines ou quelques mois, mais celui-ci n’est pas systématique. B DI DII * * * * DIII Tracé 7. Flutter atrial. En (A) la tachycardie est en 1/1, les ondes F ne sont pas clairement identifiables. Sous l’effet des manœuvres vagales (B), la conduction passe en 2/1 avec une activité atriale en toit d’usine bien visible (*) en DII. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) 158 A. Maltret, et al. Tachycardie par foyer ectopique atrial Tachycardie atriale ectopique Les tachycardies par automaticité anormale sont minoritaires dans la première année de vie [4]. Avec l’âge, l’incidence des foyers ectopiques atriaux augmente mais reste minoritaire par rapport aux réentrées [23,24]. Leur mode de révélation est variable et fonction de la fréquence de la tachycardie, de son ancienneté et du nombre des accès de tachycardie. Une tachycardie persistante non diagnostiquée peut conduire à une cardiomyopathie rythmique [25]. Les principales caractéristiques des tachycardies atriales ectopiques sont résumées dans le tableau 1 (Tracé 8). Le diagnostic de foyer ectopique peut être méconnu lorsque la fréquence n’est pas très élevée et que l’origine de la tachycardie est proche du nœud sinusal. L’axe de l’onde P’ n’est alors pas très différent de l’onde P sinusale normale, le foyer peut même être sensible à la Striadyne. Dans ce cas l’Holter-ECG des 24 heures peut aider au diagnostic en montrant un espace PR qui ne se raccourcit pas avec l’accélération de la fréquence cardiaque. Il semble que ces formes peu rapides, non ressenties comme des palpitations par le patient, se compliquent le plus souvent de cardiomyopathies rythmiques [26]. L’histoire naturelle et le pronostic du trouble du rythme sont différents selon l’âge au diagnostic. Quand le trouble du rythme débute avant l’âge de 2-3 ans, le pronostic est bon avec un foyer ectopique qui finit par disparaître avec la croissance [24,27]. À l’inverse, quand le diagnostic est fait au-delà des premières années de vie, il est plus vraisemblable que le trouble du rythme soit persistant, faisant porter l’indication, à terme, d’ablation endocavitaire. La possibilité de guérison spontanée dans les premières années de vie fait préférer le traitement médical. Pourtant, ces tachycardies sont volontiers réfractaires aux antiarythmiques et nécessitent des associations de 2 ou 3 antiarythmiques. Les molécules les plus efficaces semblent être l’amiodarone, le sotalol et la flécaïnide [24,28]. La durée du traitement est d’au moins 2 ans. Tachycardie atriale chaotique ou multifocale La tachycardie atriale chaotique ou multifocale compte pour environ 10 % des TSV du nouveau-né et du nourrisson [29]. Le mécanisme de cette tachycardie reste méconnu. Ont été avancées les hypothèses de foyers ectopiques multiples ou de foyers A B * * * * Tracé 8. Tachycardie atriale ectopique ou tachysystolie. Les 2 tracés sont ceux d’un même patient : tachycardie conduite en 1/1 (A), tachycardie en 2/1 (B) sous l’effet des drogues antiarythmiques. Sur le tracé B l’activité atriale est bien visible (*), elle est positive en V1. Le foyer ectopique est donc situé dans l’OG. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) 159 Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant uniques avec propagation variable [30]. Le tracé ECG est typique montrant un rythme très anarchique (Tracé 9). L’activité atriale est très rapide (entre 150 et 500 bpm), polymorphe (au moins 3 morphologies d’ondes P différentes) et irrégulière avec des retours brefs en rythme sinusal. L’activité ventriculaire est elle aussi très chaotique avec une conduction auriculo-ventriculaire variable et des aberrations de conduction intraventriculaire responsables de QRS larges. En général, la tachycardie est découverte fortuitement à l’auscultation chez un enfant allant parfaitement bien et dont le cœur est d’architecture et de fonction normale. Plus rarement, le trouble du rythme, s’il est méconnu et rapide, peut se compliquer de dysfonction ventriculaire gauche. La tachycardie atriale chaotique a été parfois décrite en association avec des pathologies respiratoires ou neurologiques, et souvent avec la prématurité [29,31]. La prise en charge de la tachycardie atriale chaotique dépend de la fréquence cardiaque moyenne de l’arythmie et de son retentissement hémodynamique. Si la cadence ventriculaire est inférieure à 150 bpm et que la fonction ventriculaire gauche est strictement normale, la prise en charge peut se limiter à une surveillance clinique et échographique, voire à un traitement par digoxine [32,33]. Si la fréquence cardiaque excède 150 bpm, sans pour autant de retentissement hémodynamique, le traitement de choix est l’utilisation des bêtabloquants. En cas de dysfonction ventriculaire gauche, la prise en charge repose sur l’amiodarone [34,35]. L’évolution est favorable chez le nourrisson ayant un cœur sain et pas de pathologie extra-cardiaque associée. La guérison est dans ce cas la règle après 12 à 18 mois de traitement. Fibrillation atriale Contrairement à la population adulte, la fibrillation atriale (FA) est extrêmement rare chez l’enfant. Certaines formes de FA sont d’origine génétique, transmises sur le mode autosomique dominant [36] et peuvent débuter dans l’enfance. Certaines sont liées à des mutations avec « gain de fonction » des canaux potassiques et sont parfois associées à un syndrome du QT court [37,38]. La fibrillation atriale peut compliquer une situation cardiologique déjà précaire (insuffisance cardiaque congestive, rétrécissement mitral ou fuite mitrale, etc.). Enfin, son incidence est connue pour être plus fréquente chez les enfants faisant des TSV d’autres types. La vulnérabilité atriale est fréquente en cas de syndrome de WPW et régresse après ablation de la VA. Le traitement de la fibrillation atriale est le traitement de la cause, si une cause curable existe. Le traitement anticoagulant n’est pas systématique, son indication dépendra de la cardiopathie sous-jacente. Tachycardie par foyer ectopique hissien ou tachycardie hissienne La tachycardie hissienne est la forme la plus rare mais aussi la plus grave de TSV de l’enfant. Elle intéresse autant les garçons que les filles. Elle est secondaire à une activité automatique anormale du tronc du faisceau de His. La fréquence de ce foyer est 240 ± 60 bpm, pouvant atteindre 370 bpm chez le nouveau-né [39]. À ces fréquences, le risque de cardiomyopathie rythmique est évident. Les caractéristiques de cette tachycardie sont résumées dans le tableau 1 (Tracé 10). Le caractère familial de cette tachycardie évoque une transmission autosomique dominante [40,41]. Le diagnostic est souvent précoce dans la période postnatale voire anténatale, d’où le terme anglo-saxon de congenital junctional ectopic tachycardia [40]. La mortalité était très importante entre 30 et 35 % [39,40] jusqu’à l’utilisation de l’amiodarone. En effet, l’amiodarone est le seul antiarythmique qui permet de ralentir le foyer ectopique. Le foyer reste actif mais plus lent, il est « coiffé » par le rythme sinusal. Le foyer hissien peut « réapparaître » au holter lors des ralentissements nocturnes de la fréquence cardiaque. Le traitement doit être maintenu Tracé 9. Tachycardie atriale chaotique. Holter d’un nourrisson montrant un rythme très anarchique typique de la tachycardie atriale chaotique. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) 160 A. Maltret, et al. ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ Tracé 10. Tachycardie jonctionnelle ectopique ou tachycardie hissienne. Les flèches rouges indiquent l’activité atriale qui est plus lente que l’activité ventriculaire et dissociée de celle-ci (QRS > P). plusieurs années. Au sevrage, si la tachycardie récidive, une ablation endocavitaire peut être proposée même si cette technique a montré ces limites pour un tel substrat. Place de l’exploration et de l’ablation endocavitaire Indications de l’exploration endocavitaire chez l’enfant En cas de TSV documentées, les indications d’exploration endocavitaire non couplée à un geste d’ablation sont peu fréquentes. Une telle procédure peut être proposée en cas de symptômes récurrents évocateurs d’accès de TSV jamais documenté. En cas de VA de conduction rétrograde exclusive, l’exploration permet de préciser le risque de l’ablation en documentant sa localisation et sa distance par rapport au NAV. Enfin, il peut être discuté, devant un syndrome de WPW asymptomatique de réaliser une exploration endocavitaire afin de mesurer la période réfractaire antérograde de la VA, l’indication d’ablation n’étant formelle qu’en cas de VA maligne. Résultats et indications d’ablation endocavitaire en pédiatrie Les techniques d’ablation, développées chez l’adulte, ont été utilisées chez l’enfant dès le début des années 1990. La série la plus importante d’ablation pédiatrique a été rapportée en 2002 [42]. Elle compte plus de 7 500 procédures chez des enfants ayant ou non une malformation cardiaque associée. Le taux global de succès est de l’ordre de 90 %. vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) Ce taux et le taux de récurrence sont variables selon le type et la localisation du substrat. Les complications majeures sont celles nécessitant une prise en charge immédiate et/ ou un suivi. Ce sont les lésions coronaires, les perforations myocardiques, les épanchements péricardiques, les accidents thromboemboliques, les troubles de la conduction auriculo-ventriculaire de haut degré et le décès. Le taux de complications majeures est de 3 à 4 % avec environ 1 % de bloc auriculo-ventriculaire complet et 0 à 0,12 % de décès. Le risque de bloc auriculo-ventriculaire concerne surtout l’ablation de VA septale. L’usage de la cryothérapie semble limiter ce risque avec pour corollaire un taux de récidive plus important, même si très variable selon les équipes [43-45]. Traditionnellement, il est admis que les risques de l’ablation endocavitaire sont accrus chez les enfants de moins de 15 kg et/ou âgé de moins de 5 ans. Cependant à mesure de la popularisation de ces techniques et de l’expérience croissante des électrophysiologistes pédiatriques cette conviction ne semble pas se confirmer. Les recommandations quant à l’ablation pédiatrique n’ont pas fait l’objet d’étude clinique. Les indications sont basées sur un consensus d’experts (niveau de preuve C). Elles ont été publiées et jamais mises à jour depuis 2002 [46]. Les indications de Classe I sont les rares TSV mettant en jeu le pronostic vital. Dans ce cas, il n’est pas fait mention de l’âge ou du poids de l’enfant. Ces indications représentent moins de 10 % des procédures d’ablation pédiatrique : • mort subite récupérée sur un syndrome de WPW ; • syndrome de WPW et syncope avec VA maligne ; • cardiomyopathie rythmique sur TSV réfractaire au traitement médical. Les indications de Classe IIA concernent les TSV « invalidantes » pour lesquels le traitement curatif présente un réel bénéfice fonctionnel pour le patient. L’âge n’y est pas toujours un élément décisif : 161 Les tachycardies supraventriculaires de l’enfant • TSV récurrente et/ou symptomatique réfractaire au traitement médical chez un enfant de plus de 4 ans ; • chirurgie imminente d’une malformation cardiaque congénitale compromettant l’accès veineux endocavitaire ; • TSV chronique (de plus de 6-12 mois) ou incessante sans dysfonction ventriculaire gauche ; • flutter atrial chronique ou récurrent ; • palpitations avec TSV inductible à l’exploration endocavitaire. Pour les indications de Classe IIB, c’est souvent le choix éclairé du patient et de ses parents qui motive la procédure. Ces indications représentent plus de 80 % des indications chez les plus de 10 ans [47] : • syndrome de WPW asymptomatique chez les enfants âgés de plus de 5 ans, parents et patients informés des bénéfices et des risques de la procédure ; • alternative à un traitement médical efficace chez un enfant de plus de 5 ans ; • TSV chez un enfant de moins de 5 ans en alternative au traitement médical non efficace ou source d’effet secondaire ; • flutter atrial avec 1 à 2 épisodes par an ne cédant sans intervention médicale ; • ablation du NAV et implantation d’un pacemaker en cas de tachycardie atriale récurrente et réfractaire au traitement. Les non-indications d’ablation sont : • Syndrome de WPW asymptomatique chez un enfant de moins de 5 ans ; • TSV bien contrôlée par un traitement conventionnel chez un enfant de moins de 5 ans ; • TSV paroxystique sans dysfonction ventriculaire ; • TSV paroxystique ne nécessitant pas de traitement et/ou paucisymptomatique. Quelle que soit l’indication, l’ablation endocavitaire de l’enfant doit être réalisée par une équipe entraînée, dans une structure adaptée, en étroite collaboration entre les électrophysiologistes et les cardiopédiatres. Conclusion Sorin Biomedica, Boston Scientific) ; Conférences invitations en qualité d’intervenant (St Jude Médical, Biosense, Sorin Biomedica, Boston Scientific). Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] Les TSV de l’enfant répondent aux mêmes mécanismes que celles de l’adulte. Elles ont pourtant une histoire naturelle très différente qu’il faut connaître pour envisager la prise en charge. Le fort potentiel de guérison spontanée passé le premier voire le deuxième anniversaire fait initialement préférer le traitement médical. Cependant, la prise en charge doit s’envisager au cas par cas. On peut, en effet, être amené à proposer une ablation chez des très petits enfants, voire des nouveaux nés, dont l’arythmie engage le pronostic vital, en l’absence d’alternative thérapeutique. [14] Déclarations d’intérêts [17] A. Maltret : L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêts. J. Lacotte : Essais cliniques en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal (St Jude Médical, Biosense, Sorin Biomedica) ; Interventions ponctuelles rapports d’expertise (St Jude Médical, Biosense, vier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 14/05/2013 par CERIST ALGERIE (353213) [13] [15] [16] [18] [19] Garson A, Gillette PC. Electrophysiologic studies of supraventricular tachycardia in children. II. Prediction of specific mechanism by noninvasive features. Am Heart J 1981;102:383-8. Ludomirsky A, Garson A. Supraventriucular tachycardia. In: Gillette PC, Garson A, eds. Pediatric Arrhythmias: Electrophysiology and Pacing. 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