Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 2, mars-avril 2001
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Cas clinique
lle K., 22 ans, éducatrice, obèse,
consulte aux urgences pour une
céphalée inhabituelle d’apparition récente.
Elle n’est pas migraineuse, fume 10 ciga-
rettes par jour, et prend une contraception
orale par Harmonet®. Elle se plaint d’une
céphalée en casque apparue 6 jours avant la
consultation, d’installation et d’aggravation
progressive, permanente, pulsatile avec
photophobie et acouphènes, nausées et
quelques vomissements. Le jour de la
consultation, elle a eu un épisode de voile
noir devant les 2 yeux durant quelques
secondes (“éclipse visuelle”), puis une
diplopie horizontale.
À l’examen clinique, elle est apyrétique,
pèse 118 kg pour 177 cm, la pression arté-
rielle est à 130/85 mmHg. La vigilance est
normale, la nuque est souple, la force, la
sensibilité, les réflexes ostéotendineux et
cutanés plantaires sont normaux. L’étude
des nerfs crâniens montre une paralysie du
VI droit. Au fond œil, à l’ophtalmoscope, il
existe un œdème papillaire bilatéral. Il
s’agit d’un tableau clinique d’hypertension
intracrânienne sans signes neurologiques
focaux. Un scanner cérébral, sans et avec
injection d’iode, élimine un processus
expansif intracrânien. Devant la normalité
du scanner cérébral, une ponction lombaire
est alors effectuée. La pression du liquide
céphalorachidien (LCR) est élevée : 40 cm
H20 (normale < 15 cm H2O) ; la cellularité
et la protéinorachie sont normales. Dans un
second temps, une IRM cérébrale avec
ARM veineuse à la recherche d’une throm-
bophlébite cérébrale est effectuée ; elle est
négative (figure 1). La patiente est adressée
en consultation ophtalmologique, qui
confirme l’œdème papillaire bilatéral ;
l’acuité visuelle est normale aux deux yeux
et l’étude du champ visuel montre son
rétrécissement concentrique, avec un élar-
gissement de la tache aveugle témoignant
d’une souffrance des nerfs optiques (figure 2).
Le diagnostic d’hypertension intracrânienne
idiopathique (HTICI) est retenu devant le
tableau clinique (céphalée inhabituelle chez
une patiente obèse associée à des
acou-
phènes et des éclipses visuelles sans signes
neurologiques focaux), la normalité de
l’IRM cérébrale, et l’élévation de la pres-
sion du LCR, avec un LCR par ailleurs nor-
mal. Un traitement reposant sur l’amaigris-
sement et l’acétazolamide (Diamox®) est
alors institué. Les céphalées, ainsi que les
éclipses visuelles, ont nettement diminué
après la ponction lombaire. La patiente a
perdu 20 kg en 3 mois, grâce à une prise en
charge spécialisée en service de nutrition.
Six mois après le début des symptômes,
elle n’est plus céphalalgique, son champ
visuel s’est normalisé, son poids est stable
et elle a pu reprendre son travail.
Cette observation illustre d’une part, la
démarche diagnostique à adopter devant un
cas de céphalée et d’autre part les caracté-
ristiques de l’HTICI (appelée antérieure-
ment pseudotumor cerebri ou HTIC
“bénigne”). L’anamnèse permet de classer
la céphalée selon son profil évolutif en
quatre catégories, chacune ayant une étio-
logie et une prise en charge différentes :
–céphalée violente et récente, d’installa-
tion brutale, où la crainte est celle de l’hé-
morragie méningée ;
–céphalée récente d’installation subaiguë,
évoquant un syndrome d’hypertension
intracrânienne (c’est le cas de l’observa-
tion) ;
–céphalée évoluant par accès avec inter-
valles libres (migraines, algies vasculaires
de la face, névralgie du trijumeau) ;
–céphalée chronique quotidienne (cépha-
lée de tension, céphalée par abus médica-
menteux). La patiente a une céphalée
récente d’installation subaiguë avec un syn-
drome clinique d’hypertension intracrâ-
nienne qui nécessite la réalisation d’un
scanner cérébral avec injection d’iode en
urgence, afin d’éliminer un processus
expansif intracrânien (tumeur, abcès, etc.).
La démarche diagnostique devant ce syn-
drome est résumée dans la figure 3. La
Une céphalée inhabituelle chez
une patiente obèse
F. Pico*
* Service de neurologie du Pr Saïd, hôpital
Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Figure 1. IRM cérébrale.
Figure 2. Rétrécissement concentrique du champ
visuel et élargissement de la tache aveugle à droite
et à gauche, témoignant d’une souffrance des
nerfs optiques.
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