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Correspondances en Onco-hématologie - Vol. III - n° 3 - juillet-août-septembre 2008
Physiopathologie des syndromes myélo prolifératifs non LMC
JAK2 V617F (par exemple, 10 % de JAK2 V617F/
JAK2 total), ce qui signie qu’il existerait chez ces
patients une anomalie moléculaire antérieure à
JAK2 V617F responsable de l’amplication clonale.
Un autre argument en faveur de cette hypothèse
est la description par l’équipe de J.T. Prchal de
colonies érythroïdes spontanées JAK2 normal
chez des patients JAK2 V617F , ce qui impli-
que que ces patients auraient, en plus de JAK2
V617F, une autre anomalie moléculaire, aboutis-
sant elle aussi à une différenciation érythroïde
indépendante de l’EPO. L’équipe de R. Skoda a
décrit en 2007 plusieurs cas de leucémies aiguës
(LA) secondaires à un SMP JAK2 V617F qui ne
présentaient plus la mutation JAK2 V617F .
Cette observation suggère l’existence d’un clone
pré-JAK2 commun, à l’origine du SMP JAK2 V617F
et de la LA secondaire JAK2 normal.
Enn, l’analyse des SMP familiaux est la preuve
la plus évidente de l’existence d’un événement
moléculaire inconnu pré-JAK2 qui prédispose à
la survenue du SMP . D’une part, on peut
observer au sein d’une même famille des patients
avec des SMP différents, comme par exemple une
TE JAK2 V617F, une PMF JAK2 normal, une masto-
cytose JAK2 normal et une LMC BCR-ABL. D’autre
part, au sein des familles comportant uniquement
des patients SMP JAK2 V617F, la mutation n’est
pas retrouvée dans les cellules B et T des patients
atteints, ce qui démontre clairement que cette
mutation est acquise, de la même façon que dans
les SMP non familiaux.
AuTRES ANoMALIES MoLÉCuLAIRES
DES SMP jAK2 V617F NÉgATIFS
Même si le rôle de JAK2 V617F dans la physio-
pathologie des SMP n’est à ce jour pas clairement
élucidé, la détection de cette anomalie moléculaire
est d’une aide certaine pour poser le diagnostic
de SMP. Qu’en est-il des SMP pour lesquels la
mutation JAK2 V617F n’est pas retrouvée ?
La quantité de JAK2 V617F pouvant être faible
dans les TE, plusieurs groupes ont étudié de
façon séquentielle des patients atteints de TE
JAK2 V617F négatifs, dans l’idée que le clone
JAK2 V617F serait passé inaperçu au début de la
maladie mais pourrait se révéler dans l’évolution
de la TE . Jusqu’à maintenant, il n’a jamais
été rapporté de patients JAK2 V617F négatifs se
positivant pour la mutation. Par ailleurs, les TE
JAK2 V617F négatives sont parfois entièrement
clonales, peuvent présenter des colonies érythroï-
des spontanées, et sont autant à risque de throm-
bose que les TE JAK2 V617F . Cela démontre
clairement que les TE JAK2 V617F négatives sont
bien des SMP, et l’anomalie moléculaire en cause
reste à découvrir.
Chez les 5 % de PV JAK2 V617F négatifs, d’autres
mutations de JAK2 sont quasiment toujours
retrouvées ; elles sont localisées au niveau de
l’exon 12 de [la mutation JAK2 V617F est
dans l’exon 14]. Les patients présentant de telles
mutations ont toujours un tableau de PV essen-
tiellement “érythroïde”, sans thrombocytose ni
hyperleucocytose. Comme la mutation JAK2 V617F,
ces mutations dans l’exon 12 ont pour consé-
quence une activation constitutive de la protéine
JAK2, avec une indépendance à l’EPO dans des
lignées et une activation constitutive des voies
de signalisation en aval de JAK2. Les souris gref-
fées avec des cellules souches hyperexprimant
la forme mutée de JAK2 développent un tableau
de PV, ce qui conrme le rôle des mutations de
l’exon 12 de JAK2 dans la physiopathologie de
ces PV JAK2 V617F négatives .
En 2006, des mutations activatrices de MPL, le
récepteur de la thrombopoïétine, ont été décrites
chez des patients atteints de PMF et de TE. Sur
1 182 patients atteints d’un SMP, 17 présentaient
une mutation MPL W515L et 5 une mutation MPL
W515K, et les cas de mutation sur MPL étaient en
majorité des cas de PMF, quelques autres étant
des cas de TE . Ainsi, on estime actuellement
que les mutations MPL W515L et MPL W515K sont
retrouvées chez 5 % des patients atteints de PMF
ou TE, mais jamais chez les patients porteurs
d’une PV . De façon très intéressante, cer-
tains patients sont porteurs de deux mutations,
la mutation classique JAK2 V617F et une mutation
de MPL, ce qui suggère très fortement l’existence
d’une anomalie moléculaire encore inconnue,
qui surviendrait avant ces deux événements et
qui prédisposerait à la survenue d’anomalies
secondaires.
PERSPECTIVES ThÉRAPEuTIquES
À l’heure du succès incontesté des inhibiteurs
ciblés dans la LMC, la découverte de la mutation
JAK2 V617F a suscité de vifs espoirs en matière
de thérapeutiques. Plusieurs sociétés pharma-
ceutiques ont immédiatement développé des
inhibiteurs de JAK2, certains étant même déjà
testés chez des patients aux États-Unis. S’il est
probable que ces médicaments seront efcaces