Les syndromes myéloprolifératifs racontés à Juliette
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. IX - n° 1 - janvier-février 2014
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vellement constant des cellules du sang
sont sous la dépendance d’hormones
et de cytokines. En se fi xant sur des
récepteurs membranaires ou intra-
cellulaires, ces molécules transmettent
des signaux d’activation ou d’inhibi-
tion à divers types cellulaires tout au
long de l’hématopoïèse. Cette produc-
tion des cellules du sang démarre
chez l’embryon dans le sac vitellin
dès le premier mois de vie, puis est
prise en charge par la rate et le foie
fœtaux, avant de se localiser quasi
exclusivement dans la moelle des os.
Les cellules souches hématopoïétiques,
totipotentes et capables d’autorenouvel-
lement, assurent la pérennité de cette
production cellulaire parfaitement
régulée. Comme souvent, pourtant, ce
sont les maladies qui ont progressi-
vement permis, par leur caricature de
l’un ou l’autre mécanisme, de mieux
comprendre la physiologie.
Ainsi, vers le milieu du XIXe siècle, les
médecins ont commencé à identifi er
des patients présentant des nombres
très élevés de globules blancs, de glo-
bules rouges ou de plaquettes, souvent
dans un contexte de splénomégalie ou
d’hépatosplénomégalie. Lorsque John
Hughes Bennett rapporte, en octobre
1845, un “cas d’hypertrophie de la rate
et du foie dans lequel la mort survint
par suppuration du sang”, il cherche,
avec son mentor Rudolf Virchow, à
donner un nom à cette maladie. C’est
le début des leucémies d’abord bap-
tisées “leucocythémies” par Bennett, et
surtout la première description de la
leucémie myéloïde chroniqueleucémie myéloïde chronique
(LMC). Peu
après, la notion d’hématopoïèse osseuse
émerge, est confortée, et Paul Ehrlich,
en 1880, admet la notion de cellule
souche hématopoïétique, avancée dès
1868 par Ernst Christian Neumann.
La
splénomégalie myéloïdesplénomégalie myéloïde
, ou
myélo-myélo-
fi brose idiopathiquefi brose idiopathique
,
est décrite en 1879
par Gustav Heuck, qui rapporte 2 cas
de leucémie “splénique” caractérisés par
une fi brose importante de la moelle
osseuse et une splénomégalie massive
associées à une hématopoïèse extramé-
dullaire. Le foie et la rate y retrouvent
leurs fonctions fœtales. Ce syndrome
cherche son nom pendant longtemps,
avant d’être défi nitivement qualifi é de
“
myélofi brose primitivemyélofi brose primitive
”.
La
maladie de Vaquezmaladie de Vaquez
est plus rapi-
dement nommée d’après son décou-
vreur, un médecin français, Louis
Henri Vaquez, qui décrit en 1892 le
cas d’un patient de 40 ans présentant
une hépatosplénomégalie, des vertiges,
une dyspnée, des palpitations et une
érythrocytose marquée. Il observe que
le patient est “cyanosé” pour rapporter
l’aspect congestif et érythrosique du
malade. Il pensait qu’il s’agissait d’une
anomalie cardiaque congénitale, mais
il change d’avis au vu des résultats de
l’autopsie, qui montre un cœur normal
mais une rate et un foie extrêmement
volumineux. Il pense alors à une acti-
vité hématopoïétique accrue. D’autres
cas sont rapportés et la maladie se voit
attribuer, par William Osler en 1903, le
nom de “
polycythemia verapolycythemia vera” ”
(PV).
La
thrombocythémie essentiellethrombocythémie essentielle
(TE) est
la quatrième maladie caractérisée par
une hyperactivité de l’hématopoïèse. Elle
est décrite pour la première fois en
1934 par 2 pathologistes autrichiens,
Emil Epstein et Alfred Goedel, comme
une “thrombocytémie hémorragique”.
Il faut cependant attendre 1960 pour
que les caractéristiques spécifi ques de
cette entité soient établies : des anté-
cédents thrombo-hémorragiques, une
rate au moins de taille normale, une
thrombocytose périphérique marquée,
sans érythrocytose ni leucocytose, une
moelle osseuse contenant une hyper-
plasie mégacaryocytaire prédominante
et l’absence d’infi ltration leucémique.
Ces maladies, qui ont pour point
commun une hématopoïèse incontrô-
lée impliquant les sites extramédul-
laires normalement quiescents chez
l’adulte, concernent donc les 3 lignées