L Endoscopie pédiatrique diagnostique et interventionnelle :

166 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - n° 5 - septembre-octobre 2009
DOSSIER THÉMATIQUE
Initiation à l’hépato-
gastroentérologie pédiatrique
Endoscopie pédiatrique
diagnostique
et interventionnelle :
spécifi cités pédiatriques
Diagnostic and interventional digestive endoscopy in children
Laurent Michaud*
* Unité de gastro-entérologie, hépa-
tologie et nutrition, département de
pédiatrie et centre de référence des
affections congénitales et malforma-
tives de l’œsophage, hôpital Jeanne-
de-Flandre, CHRU de Lille.
L
a fi broscopie digestive a été introduite chez l’en-
fant dans les années 1970. Son champ d’action
s’est progressivement élargi au l des années de
l’endoscopie diagnostique au traitement non invasif
de nombreuses pathologies digestives et hépato-
biliaires de l’enfant (1, 2). Les recommandations
émises pour la réalisation des endoscopies digestives
chez l’adulte sont dans leurs principes applicables à
l’enfant, mais il faut connaître les particularités liées
à l’âge et aux pathologies rencontrées en pédiatrie.
Endoscopie digestive
diagnostique en pédiatrie
Indications et contre-indications (3-4)
Les indications diagnostiques de l’endoscopie
haute chez l’enfant sont largement dominées par
le diagnostic et la surveillance des complications
peptiques du refl ux gastro-œsophagien (RGO), suivis
de la recherche d’une atrophie villositaire en cas de
suspicion de maladie cœliaque. Les urgences endos-
copiques concernent les hémorragies digestives,
ainsi que l’ingestion accidentelle de corps étrangers
et plus rarement de caustiques.
Les coloscopies sont réalisées le plus souvent en
cas de rectorragies, à la recherche d’un polype, et
dans le cadre des maladies infl ammatoires du tube
digestif. Les contre-indications de la fi broscopie
digestive chez l’enfant sont les mêmes que chez
l’adulte : absolues en cas de suspicion de perforation
digestive, de chirurgie digestive récente et d’état de
choc, et relatives en cas d’insuffi sance respiratoire
ou cardiaque.
Conditions techniques
Un environnement pédiatrique est indispensable à
une prise en charge de qualité. Les locaux doivent
être adaptés à cette activité, bien chauffés et équipés
en matériel de réanimation destiné à l’enfant, quel
que soit son âge.
Les endoscopes doivent être adaptés au poids de
l’enfant et, lorsqu’il existe, le matériel pédiatrique
sera toujours préféré.
Pour réaliser en toute sécurité une œso-gastro-
duodénoscopie chez le nouveau-né ou chez le
nourrisson jusqu’à un poids de 6 kg, le diamètre
de l’endoscope doit être inférieur à 6 mm. Au-delà
de 6 kg et jusqu’à 7 ans (25 kg), on peut utiliser
un néonatoscope ou un gastroscope pédiatrique
(diamètre de 8 mm). Après 7 ans (et plus de 25 kg),
un néonatoscope, un gastroscope pédiatrique ou à
défaut un gastroscope adulte peuvent être utilisés.
Pour les explorations du côlon chez le nouveau-né
et chez le nourrisson, on utilise un gastroscope
pédiatrique, car il nexiste pas de coloscope adapté
à cette classe d’âge. De 2 à 12 ans, un coloscope
pédiatrique (Ø < 11 mm) est recommandé, et un
coloscope adulte peut être utilisé après 12 ans.
Dans l’idéal, la plupart des endoscopies digestives
devraient être réalisées sous anesthésie générale
chez l’enfant. En fait, le choix de recourir à une
sédation plutôt qu’à une anesthésie dépend des
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - n° 5 - septembre-octobre 2009 | 167
Points forts Mots-clés
Gastrostomie
percutanée
endoscopique
Dilatation
œsophagienne
Ligature de varices
œsophagiennes
Polype colique
Keywords
Percutaneous endoscopic
gastrostomy
Esophageal dilation
Ligation of esophageal
varices
Polyps
»L’information puis l’obtention du consentement des parents (et de l’enfant quand c’est possible) sont
indispensables avant de réaliser une endoscopie digestive chez l’enfant.
»
L’endoscopie digestive doit être réalisée chez l’enfant par un opérateur expérimenté au sein d’une
structure permettant d’assurer dans des conditions optimales la sécurité de l’enfant avant, pendant et
après la réalisation de l’endoscopie.
»
La présence d’un personnel médical et infirmier compétent à la fois dans le domaine de la technique
endoscopique et de la prise en charge pédiatrique, en particulier des plus jeunes enfants, est indispensable.
Le matériel endoscopique et l’environnement (locaux, lits) doivent être adaptés à l’enfant.
»
La durée du jeûne avant la réalisation de l’examen dépend de l’âge de l’enfant : 4 heures chez le
nouveau-né et le nourrisson jusqu’à l’âge de 3 mois, 6 heures entre 3 mois et 3 ans, et 8 heures après 3 ans.
modalités locales d’organisation, de l’état clinique
du patient, de la nature de l’acte endoscopique, en
particulier de sa durée et de son caractère invasif (5).
Complications
Les incidents et les accidents sont plus fréquents
chez le nouveau-né et chez le jeune nourrisson. Il faut
notamment connaître les risques liés à une affec-
tion associée (maladie métabolique, polyhandicap,
etc.), surveiller tout particulièrement la tolérance
au jeûne (hypoglycémie), et prévenir la déshydra-
tation (préparations coliques) et l’hypothermie. En
cas de malformation buccofaciale ou chez le patient
polyhandicapé (déformations rachidiennes, thora-
ciques et abdominales), l’introduction ou la progres-
sion de l’endoscope peut être délicate.
Une hypoxémie liée à une compression trachéale
par l’endoscope est possible, même chez un enfant
intubé, l’insuffl ation peut être mal tolérée et provo-
quer une détresse respiratoire : ces deux compli-
cations justifi ent le contrôle systématique de la
saturation transcutanée en oxygène au cours de
l’endoscopie, surtout chez le nourrisson de moins
de 6 mois (6).
Endoscopie interventionnelle
Dilatation de sténose œsophagienne
Chez l’enfant, les sténoses œsophagiennes les plus
fréquentes sont les sténoses anastomotiques surve-
nant après le traitement chirurgical d’une atrésie de
l’œsophage et les sténoses survenant dans les suites
de l’ingestion accidentelle d’un produit caustique.
Les sténoses peptiques, postinfectieuses, postsclé-
rose de varices œsophagiennes et les sténoses congé-
nitales de l’œsophage sont beaucoup plus rares.
Deux techniques sont utilisées : la dilatation par
bougies (technique la plus ancienne) et la dilatation
par ballonnet introduit sur l-guide ou sous contrôle
de la vue. Une seule série pédiatrique, rétrospective,
plaide en faveur des dilatations au ballonnet, qui
semblent moins traumatisantes et plus effi caces (7).
La récidive de la sténose après dilatation est
fréquemment observée. Plusieurs techniques ont
été proposées afi n de l’éviter, mais elles sont rare-
ment réalisées chez l’enfant, qu’il s’agisse de la mise
en place de prothèse œsophagienne ou de stent (8)
[qui se heurte aux problèmes de taille de l’œsophage
chez les enfants], d’infi ltration de corticoïdes au sein
de la lésion ou de tamponnement à la mitomycine C
après dilatation (9). La mitomycine est un antibio-
tique cytostatique semblable aux agents alkylants,
et connue pour inhiber la prolifération broblastique.
Les premiers résultats de son utilisation dans les
sténoses œsophagiennes récidivantes sont encou-
rageants en pédiatrie.
Gastrostomie percutanée endoscopique
La gastrostomie par cutanée endoscopique (GPE) a
pris un essor considérable ces dix dernières années
en pédiatrie, en particulier en raison des progrès
dans la prise en charge des maladies chroniques de
l’enfant (cancer, pathologie digestive, respiratoire
et neuromusculaire), qui ont permis une augmen-
tation de la durée de vie des patients, avec pour
conséquence l’apparition de complications nutri-
tionnelles, dont le traitement spécifi que s’intègre
dans le projet thérapeutique de l’enfant. Sous réserve
de l’utilisation de matériel adapté au poids de l’en-
fant, la mise en place d’une GPE ne pose pas de
problème spécifi que à l’âge pédiatrique ; une sonde
de gastrostomie peut ainsi être posée sans diffi culté
technique particulière chez un nourrisson de 2 kg.
La technique du Pull est le plus souvent utilisée. La
GPE est généralement mise en place dans un but
nutritionnel et ses indications recouvrent celle de
l’alimentation entérale prolongée. La GPE est une
alternative à la sonde nasogastrique quand la durée
de la nutrition entérale dépasse 2 à 3 mois. Beaucoup
plus rarement, l’indication de la GPE est la nécessité
d’une décompression gastrique ou la diffi culté de
l’administration de médicaments (10).
Autres sondes à visée nutritionnelle
Lendoscopie interventionnelle permet la mise en
place chez l’enfant d’autres types de sondes pour
168 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - n° 5 - septembre-octobre 2009
DOSSIER THÉMATIQUE
Initiation à l’hépato-
gastroentérologie pédiatrique Endoscopie pédiatrique diagnostique et interventionnelle :
spécifi cités pédiatriques
nutrition entérale : sonde de gastro-jéjunostomie
mise en place par l’orifice d’une gastrostomie
préexistante, avec réalisation concomitante d’une
nutrition jéjunale et d’une décompression gastrique ;
de sonde jéjunale par voie transpylorique ou percu-
tanée endoscopique. Ces techniques de nutrition
sont surtout proposées aux enfants présentant un
RGO sévère associé à des troubles de la vidange
gastrique ; elles peuvent être une alternative, au
moins temporaire, au traitement chirurgical du
refl ux.
Sclérose et ligature endoscopique
de varices œsophagiennes
Comme chez l’adulte, la ligature élastique a
supplanté la sclérose et a montré sa supériorité en
termes de rapidité d’obtention de l’éradication des
varices et de moindre risque de complications et
de récidives hémorragiques. Cette technique est
encore limitée chez l’enfant du fait de la taille des
ligateurs (même pédiatriques), qui rend son utilisa-
tion impossible en dessous d’un poids de 10 kg (par
impossibilité de franchir la bouche de Killian), ce qui
justifi e alors le recours à la sclérose.
Traitement endoscopique
des troubles moteurs de l’œsophage :
dilatation pneumatique,
injection de toxine botulique
Le traitement chirurgical de l’achalasie chez l’enfant
est la cardiomyotomie extramuqueuse de Heller
associée à une intervention antirefl ux de type Nissen.
Cependant, la dilatation pneumatique du cardia peut
être une alternative à la chirurgie chez l’enfant, à
laquelle il est possible de recourir ultérieurement
en cas d’échec de la dilatation. Le taux de succès de
cette technique varie entre 60 et 90 %, et plusieurs
dilatations peuvent être nécessaires. Lexpérience
pédiatrique des injections intrasphinctériennes de
toxine botulique reste très limitée.
Cholangiographie pancréatographie
rétrograde endoscopique
Comme chez l’adulte, la cholangiographie pancréa-
tographie rétrograde endoscopique (CPRE) peut
permettre chez l’enfant des gestes thérapeutiques :
sphinctérotomie avec extraction de calculs biliaires,
dilatation des voies biliaires, exceptionnellement
mise en place de prothèses biliaires (stent). La rareté
des indications pédiatriques explique que la CPRE
soit quasi constamment réalisée par les endosco-
pistes d’adultes.
Conclusion
Lendoscopie digestive, non seulement diagnostique
mais surtout interventionnelle, s’est considérable-
ment développée depuis une dizaine d’années chez
l’enfant grâce à la miniaturisation des endoscopes
et du matériel. Les équipes pédiatriques spécialisées
ont acquis une bonne expérience des gestes dont
l’indication est fréquente chez l’enfant (gastros-
tomie par voie perendoscopique, ligature des varices
œsophagiennes, dilatation des sténoses œsopha-
giennes, extraction de corps étrangers digestifs,
polypectomie). En revanche, les techniques d’in-
dication beaucoup plus rares en pédiatrie, telles
que la cholangiopancréatographie rétrograde ou le
traitement endoscopique de l’achalasie, nécessitent
une étroite collaboration avec les endoscopistes
d’adultes.
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Références bibliographiques
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