La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 199878
stases h é p atiques n’a pas eu de répercussion sur le
n o m b re de réinterventions hépat i q u e s , qui n’ont été
p o s s i b les que dans 7 cas (27 % de l’ensemble des
métastases hépatiques isolées), avec 4 et 3 pat i e n t s
dans les groupes de suivis standard et intensif. Un seul
malade avec des métastases hépatiques détectées dans
le cadre de la surveillance intensive n’a pas récidiv é
après résection et a donc bénéficié du protocole inten-
sif de suiv i .
Cent quarante radiographies pulmonaires ont été effec-
tuées dans le groupe avec surveillance standard et 633
dans le groupe avec surveillance intensive. Dix et
8métastases pulmonaires y ont été détectées respecti-
vement. Seuls 4 malades ont pu bénéficier d’une
lobectomie, 1 dans le groupe avec surveillance stan-
dard et 3 dans le groupe avec surveillance intensive.
Un seul patient sous surveillance intensive n’a pas
récidivé avec un suivi de plus de 4 ans.
Commentaires
Les auteurs de ce travail prospectif et ra n d o m i s é
c o n cluent à l’absence de bénéfice en termes de survie à
5 ans d’une surveillance annuelle par coloscopie, s c a n-
ner hépatique et ra d i ographie pulmonaire, par rap p o rt à
un simple suivi basé sur la clinique et des tests biolo-
giques simples. Ils recommandent ainsi une coloscopie
5 ans après la résection de la tumeur colorectale ch e z
les patients asymptomatiques et un scanner ab d o m i n a l
ou une ra d i ographie pulmonaire uniquement chez les
p atients symptomatiques ou avec anomalie du bilan
h é p at i q u e.
Si cette étude est la seule à avoir comparé pro s p e c t ive-
ment et de façon randomisée deux modalités de sur-
veillance après ch i ru rgie pour adénocarcinome colo-
re c t a l , elle ne permet pas, à mon sens, des concl u s i o n s
aussi défi n i t ives que celles proposées par les auteurs .
En effe t , de multiples interrogations demeure n t .
La nat u re “ i n t e n s i ve ” de la surveillance proposée par
l’équipe australienne pourrait para î t re insuffisante pour
détecter précocement les métastases hépatiques et/ou
p u l m o n a i res. En effe t , seule la ch i ru rgie hépatique ou
p u l m o n a i re permet une survie actuarielle de l’ord re de
2 5 % à 5 ans, après résection de métastases des cancers
c o l o re c t a u x , et seule une détection précoce, et donc
plus intensive, p e rm e t t ra d’augmenter le taux de résé-
c a bilité de ces lésions secondaires. L’ é ch ogra p h i e
abdominale semble par ailleurs plus adaptée et moins
coûteuse que le scanner. Une éch ographie ab d o m i n a l e
tous les 3 à 6 mois pendant les trois pre m i è res années,
puis annuelle pendant 2 ans, a ainsi été re c o m m a n d é e
par le jury lors de la conférence de consensus sur la
p rise en ch a rge des cancers du côlon.
Par ailleurs, s’il reste probable que le taux de résection
des métastases hépatiques et/ou pulmonaires ne
concernera qu’une minorité de patients, une chimio-
thérapie pourrait permettre un bénéfice en termes de
survie et de qualité de survie si le traitement est débu-
té précocement chez des sujets en bon état général et
asymptomatiques. L’étude a été réalisée entre 1984 et
1990 et les auteurs australiens n’ont pas pu intégrer le
rôle éventuel de la chimiothérapie adjuvante ou en
phase métastat i q u e. A c t u e l l e m e n t , la majorité des
patients atteints de cancer colique stade C de Dukes et
des patients avec métastases hépatiques non résécables
est traitée par chimiothérapie. Le bénéfice, en termes
de survie,à traiter précocement ces métastases hépa-
tiques ou pulmonaires asymptomatiques méri t e ra i t
sans doute d’être évalué.
Il est à noter également que, dans l’étude de
Schoemaker et coll., les auteurs n’ont pas pris en
compte une élévation isolée de l’ACE pour réaliser des
explorations morphologiques à la recherche d’une
récidive précoce. Il aurait été intéressant de savoir si
cela aurait permis de détecter un plus grand nombre de
récidives curables.
Pour concl u re, le protocole de surveillance ap r è s
résection chirurgicale d’un cancer colorectal reste à
déterminer. Il semble nécessaire et indispensable d’in-
clure des patients dans des études prospectives rando-
misées de la Fondation française de Cancérologie
Digestive pour évaluer l’efficacité de la surveillance en
termes de réduction de mortalité, de qualité de vie, de
coût et d’efficacité. En pratique,et en dehors des essais
randomisés, il semble logique de suivre les conclu-
sions de la conférence de consensus :
- La surveillance doit s’exercer chez des patients
capables de supporter une réintervention selon le ryth-
me suivant : examen clinique tous les trois mois les
deux pre m i è res années, puis tous les six mois pendant
t rois ans ; éch ographie abdominale tous les trois à six
mois pendant les trois pre m i è res années, puis annu e l l e
pendant deux ans ; cl i ché pulmonaire annuel jusqu’à
5a n s , coloscopie à 3 ans puis tous les 5 ans si elle est
n o rm a l e.
- Si la coloscopie initiale a découve rt trois adénomes ou
p l u s , dont l’un de plus de 1 cm ou présentant un contin-
gent villeux, la surveillance sera effectuée à un an.
- Après 75 ans et en cas de coloscopie norm a l e, le jury
a proposé l’arrêt de la surveillance endoscopique, ave c
a d ap t ation cependant en fonction de l’état clinique et de
l ’ e s p é rance de vie. L’ u t i l i s a tion de l’ACE et des autre s
examens biologiques n’a pas été re c o m m a n d é e.
Dr C. Cellier,
service d’hépato-gastro-entérologie,
Hôpital Laennec, Paris
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