152 pages = 11,5 mm ’ ’ 12 L’analyse pour éclairer le débat Une présentation claire et accessible des enjeux d’un grand débat de société. Des comparaisons internationales pour ouvrir la réflexion. Des encadrés pour apporter des informations complémentaires. La France, bonne élève du développement durable? Le Sommet de Rio du 20 au 22 juin 2012 a célébré les vingt ans du Sommet de la Terre de 1992, également organisé à Rio. Ce Sommet fondateur avait mobilisé la communauté internationale autour de la lutte contre le réchauffement climatique et consacré la notion de développement durable en soulignant les enjeux pour les générations futures. La France s’est inscrite dans ce mouvement. Elle a adopté des mesures en faveur du développement durable, associé une Charte de l’environnement à la Constitution et mis en œuvre le Grenelle de l’environnement. Mais ces avancées sont-elles suffisamment importantes ? Reste-t-il des progrès à accomplir ? Pour répondre à ces questions, « Place au débat » vous propose l’analyse d’un auteur spécialiste. Diffusion Direction de l’information légale et administrative La documentation Française Tél. : 01 40 15 70 10 www.ladocumentationfrancaise.fr -:HSMBLA=U^UUXY: D'EP PAD Développement durable.indd 1 Prix : 7,90 € ISBN : 978-2-11-009003-4 DF : 1FP30180 Imprimé en France Photo : © Ikon Images/Corbis Robin Degron, énarque et géographe, est le rédacteur en chef de L’environnement en France en 2010. ’ Doc en poche p l a c e a u d é b at La France, bonne élève du développement durable ? Robin Degron Robin Degron P l a c e au d É BAT La France, bonne élève du développement durable ? Doc en poche dF 31/07/12 16:19 La France, bonne élève du développement durable ? Robin Degron énarque et géographe, rédacteur en chef de L’environnement en France en 2010 La documentation Française Responsable de la collection et direction du titre Isabelle Flahault Secrétariat de rédaction Martine Paradis Conception graphique Sandra Lumbroso Bernard Vaneville Mise en page Éliane Rakoto Édition Bernadette Bouvattier Promotion Stéphane Wolff Avertissement au lecteur Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs. Ces textes ne peuvent être reproduits sans autorisation. Celle-ci doit être demandée à : Direction de l’information légale et administrative 29, quai Voltaire 75344 Paris cedex 07 « En application du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, une reproduction partielle ou t­otale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation de l’éditeur. Il est ­rappelé à cet égard que l’usage abusif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. » © Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2012. ISBN : 978-2-11-009003-4 Sommaire Chapitre 1 Vingt ans après le Sommet de la Terre, qu’en est-il du développement durable ?����������������������������������5 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992, une feuille de route exigeante ?���������������������������������������������������������21 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ?�������������������������������������43 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté������������������67 Chapitre 5 Le Grenelle de l’environnement, des efforts de rattrapage suffisants ?�������������������������������������������93 Chapitre 6 L’économique et le social : encore beaucoup à faire���������������������������������������������������������������������������111 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu pour un développement durable ?����������������������������������������������133 Bibliographie et sitothèque������������������������������������������������������������������147 3 Chapitre 1 Vingt ans après le Sommet de la Terre, qu’en est-il du développement durable ? En 1992, une centaine de chefs d’État et de gouvernement et des milliers d’ONG se réunissaient à Rio à l’initiative des Nations unies pour définir une feuille de route commune en faveur d’un développement durable. Où en sommes-nous vingt ans plus tard ? « L’anniversaire de la planète », célébré par un nouveau sommet organisé à Rio en 2012, constitue un moment de vérité pour les États et toutes les échelles de territoire, notamment en France. « L’anniversaire de la planète » L’urgence de la crise financière, économique et sociale, qui secoue depuis 2007 le monde occidental, l’Europe et singulièrement la France, nous détourne des enjeux de long terme. L’attention portée à notre milieu, au climat et à la perspective d’un développement durable apparaît comme la première victime de cette dictature du court terme. La célébration des vingt ans du Sommet de la Terre, qui s’est tenu du 3 au 14 juin 1992, à Rio de Janeiro, offre cependant l’occasion de dresser un bilan. Au-delà du prétexte, cet « anniversaire de la planète » nous permet de revenir aux défis fondamentaux du développement humain tels qu’ils ont été posés il y a vingt ans. 7 1992, un contexte favorable Le Sommet de Rio de 1992, ou Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, s’inscrivait dans un contexte géopolitique et historique exceptionnel. Le mur de Berlin était tombé trois ans plus tôt ; l’empire soviétique s’était effondré dans la foulée. L’espoir d’un « nouvel ordre mondial » marquant la fin d’un conflit bipolaire entamé après la Seconde Guerre mondiale se faisait jour. Les conséquences néfastes du développement de la société industrielle et de consommation avaient déjà été bien identifiées. Les catastrophes humaines et écologiques commençaient à défrayer la chronique. Depuis le premier choc pétrolier en 1973, on savait que la maîtrise des gisements de pétrole, de par leur inégale répartition, pouvait engendrer une crise durable de l’économie mondiale. On savait également que ce même pétrole, indispensable à un mode de vie occidental privilégiant la mobilité individuelle, pouvait dévaster les côtes et leurs écosystèmes. Les Bretons se souviennent encore du naufrage de l’Amoco Cadiz en mars 1978 et des mois de travail pour nettoyer plages et galets. Grâce au développement de l’énergie nucléaire, les pays développés, la France en tête, ont cru pouvoir dépasser la contrainte imposée par la finitude du stock des énergies fossiles. Bercés par la philosophie comtienne, physiciens et ingénieurs ont pensé dominer parfaitement la puissance de la fission atomique et canaliser son énergie. 8 Chapitre 1 Qu'en est-il du développement durable ? La science, une nouvelle religion ? Le saint-simonisme est une doctrine fondée au début du XIXe siècle par Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825). Elle prône le progrès économique et social grâce au développement de l’industrie et des bienfaits qu’elle induit pour l’ensemble de la société. Plus qu’un moteur technologique et économique, la science est perçue comme une religion. La foi qu’elle suscite doit permettre de résoudre les difficultés de l’humanité et de répondre à ses aspirations. Le comte de Saint-Simon affirme ainsi « qu’en y mettant les ménagements convenables, la philosophie de la gravitation peut remplacer successivement et sans secousse, par des idées plus claires et plus précises, tous les principes de morale utile que la théologie enseigne ». Secrétaire du comte de Saint-Simon, Auguste Comte (1798-1857) développe la doctrine comtienne et établit la théorie des trois états selon laquelle l’esprit humain passe successivement par « l’âge théologique », par « l’âge métaphysique » pour parvenir finalement à « l’âge positif », dans lequel la seule vérité n’est accessible que par les sciences. Le saint-simonisme et le positivisme comtien ont eu une influence majeure sur la pensée socio-économique et l’action politique tout au long de la période contemporaine. Ils restent prégnants encore aujourd’hui dans le monde occidental. 9 Leur maîtrise est en effet « presque » parfaite mais, en cas d’accident, l’approximation pèse lourdement en termes de vie humaine et d’environnement. En avril 1986, lorsque le réacteur no 4 de la centrale de Tchernobyl explose, un territoire d’environ 300 000 hectares, grand comme le département du Rhône, est irradié pour des dizaines d’années. Dans les premiers mois après l’accident, plusieurs milliers de morts sont recensés et environ 300 000 personnes sont condamnées à l’exode. Les effets différés dans le temps, liés en particulier à l’altération des génomes humains exposés, restent difficiles à mesurer aujourd’hui encore. Sans doute l’image d’une technologie nucléaire soviétique déclinante, associée à celle d’un système politique à bout de souffle, ont-elles trop vite détourné l’attention de la question de fond : le caractère soutenable de l’énergie nucléaire sur le long terme. Toujours est-il qu’en 1992 émerge l’espoir d’une humanité plus respectueuse de son environnement que par le passé, plus sensible aussi à un partage des richesses. Le traitement conjoint des enjeux environnementaux et de développement des pays du Sud a sans aucun doute participé au succès du Sommet de Rio. 2012, un moment de vérité Vingt ans après, où en sommes-nous ? Les marées noires continuent de souiller les plages du monde. Ainsi, en avril 2010, la plateforme offshore Deepwater 10 Chapitre 1 Qu'en est-il du développement durable ? Horizon, exploitée par British Petroleum, explose dans le golfe du Mexique à environ 80 kilomètres des côtes américaines. On estime que 4,9 millions de barils (780 millions de litres) se sont déversés dans la mer et ont souillé les côtes de Louisiane, du Mississippi, de Floride et d’Alabama. En mars 2011, le Japon – troisième économie mondiale, forte des meilleurs chercheurs et ingénieurs atomistes – doit faire face à la fusion partielle du combustible de trois des six réacteurs et de celui entreposé dans les piscines de refroidissement de la centrale de Fukushima Daiichi, endommagée par un séisme et un tsunami dévastateur. Un territoire d’environ 150 000 hectares est irradié, condamnant à l’exil une population de plus de 100 000 personnes dans un archipel surpeuplé. On mesure mal encore les effets de la radioactivité diffusée dans la mer. A-t-on réellement progressé en termes de développement durable ? La réponse n’est pas nécessairement positive et elle est extrêmement complexe à trancher à l’échelle mondiale ; elle se pose aussi à l’échelle nationale. C’est d’ailleurs bien une des idées issues du Sommet de la Terre de 1992 que d’inciter les États, les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens à se mobiliser, chacun à sa mesure. L’heure est donc au bilan. 11 Les gages de bonne conduite de la France En France, la réflexion s’inscrit dans un contexte particulier. Comme la plupart de ses partenaires européens, le pays s’est doté d’une législation environnementale assez sophistiquée. Plusieurs lois marquent ainsi l’importance grandissante prise par ces questions dans notre pays : la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, dite LAURE, de 1996, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, dite LOADDT, de 1999, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, en 2000 et la loi d’orientation sur l’énergie, dite LOE, de 2005. Le lancement du Grenelle de l’environnement en juin 2007 a provoqué un nouvel élan en faveur de l’écologie qui a largement mobilisé la société française. Une législation nationale profondément rénovée s’est ensuite mise en place. Les lois Grenelle 1 et 2, du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010, constituent un monument juridique dont les effets sont encore difficiles à évaluer. Leurs dispositions semblent aller dans le bon sens. Il convient donc de souligner l’intérêt des nouveaux instruments offerts par le législateur – notamment les plans climat-énergie territoriaux, définis par la loi Grenelle 2 de 2010, et les trames verte et bleue, engagement phare du Grenelle pour enrayer le déclin de la biodiversité –, tout en pointant les limites des dispositifs mis en place au regard des faits. 12 Chapitre 1 Qu'en est-il du développement durable ? En tout cas, il paraît également utile de déterminer où se situe la France en matière de lutte contre le changement climatique et de protection de la diversité biologique. À quel niveau se situent nos émissions de gaz à effet de serre et comment ont-elles évolué depuis le début des années 1990 ? A-t-on progressé dans la maîtrise de la consommation d’énergie, première source d’émission de gaz à effet de serre ? Sommes-nous moins dépendants des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) ? Quel est le poids des énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse, géothermie …) dans notre production nationale ? Les données ne manquent pas en matière de climat et d’énergie. Leur analyse permet de se faire une idée précise de la situation nationale. Il en va différemment en matière de biodiversité pour laquelle on ne dispose pas d’une vision statistique très satisfaisante. Quelques sources sûres peuvent cependant être mobilisées pour appréhender l’état de la biodiversité en France. Au moins celui des écosystèmes naturels qui paraissent globalement régresser. Quels sont les mécanismes d’érosion à l’œuvre ? Sont-ils maîtrisés, en particulier l’étalement urbain qui grignote terres agricoles, forêts et zones humides ? 13 Le développement durable, qu’est-ce que c’est ? En quoi consiste le développement durable précisément ? À ce stade, il convient de revenir à la définition d’une notion complexe, trop souvent tronquée et mal comprise. Bien que ses origines remontent au Moyen Âge et à l’Ancien Régime, la définition contemporaine du développement durable a été formulée dans le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations unies de 1987, dit rapport Brundtland, du nom de sa présidente norvégienne. Aux origines médiévales du développement durable en France La gestion durable des ressources naturelles préoccupe les hommes depuis longtemps. Dans notre pays, la question se pose explicitement dès le XIVe siècle et se traduit par l’émergence de la première réglementation forestière en langue française. Selon les termes de l’article 5 de l’ordonnance de Brunoy, édictée par Philippe VI de Valois le 29 mai 1346, « les maîtres des eaux et forêts enquerront et visiteront toutes les forez et bois et feront les ventes qui y sont, en regard de ce que lesdites forez se puissent perpétuellement soustenir en bon estat ». Élément central de la vie médiévale, matériau de construction et source d’énergie, le bois a, par nature, un cycle de production long. Environ cent ans sont nécessaires pour faire pousser un 14 Chapitre 1 Qu'en est-il du développement durable ? hêtre de haute futaie, deux cents ans pour un chêne. Sous la pression des défrichements, de la demande croissante en bois de charpente, des besoins en combustible des forges, des salines et des foyers, il a fallu assez tôt tenter de gérer durablement la ressource forestière. Le développement durable est un mode de développement « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (chapitre 2 du rapport). Il repose en réalité sur la recherche d’un double équilibre. En premier lieu, il s’agit de concilier les besoins des générations actuelles et à venir. Ce premier équilibre est délicat à réaliser car si les besoins qui s’expriment aujourd’hui sont connus, il est en revanche difficile d’anticiper les attentes des générations futures. La recherche d’un développement durable impose forcément une vision prospective. À défaut, la question de la détermination des besoins peut être contournée par une gestion raisonnable des ressources naturelles, dont la quantité peut approximativement être évaluée et gérée afin de préserver les moyens d’un développement futur. En second lieu, il convient d’équilibrer les trois composantes du développement à savoir l’économie, le social et l’environnement. Sans prise en compte de l’environnement, le développement ne serait pas soutenable, mais sans respect des composantes économique et sociale, il ne serait ni viable, ni 15 vivable. L’idéal est de trouver un compromis désirable entre l’ensemble de ces contraintes. Le développement durable selon le rapport Brundtland de1987 « Deux concepts sont inhérents à la cette notion : le concept de “besoins”, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. Ainsi, les objectifs du développement économique et social sont définis en fonction de la durée […]. Les interprétations pourront varier d’un pays à l’autre, mais elles devront comporter certains éléments communs et s’accorder sur la notion fondamentale de développement durable et sur un cadre stratégique permettant d’y parvenir. Le développement implique une transformation progressive de l’économie et de la société […] il ne peut être assuré si on ne tient pas compte, dans les politiques de développement, de considérations telles que l’accès aux ressources ou la distribution des coûts et avantages. Même au sens le plus étroit du terme, le développement durable présuppose un souci d’équité sociale entre les générations, souci qui doit s’étendre, en toute logique, à l’intérieur d’une même génération. » Extraits du chapitre 2 du rapport, « Vers un développement durable ». 16 Chapitre 1 Qu'en est-il du développement durable ? L’environnement joue donc un rôle déterminant dans la notion de développement durable, puisqu’il forme le socle du progrès socio-économique d’aujourd’hui et de demain. Il convient cependant de considérer les implications économiques et sociales induites par vingt ans de prise de conscience écologique afin de pointer les éventuelles contradictions entre les trois piliers du développement durable. L’économie verte tient-elle en particulier ses promesses en termes de croissance et de création d’emplois ou bien risque-telle de déstabiliser le marché du travail ? Les Français les plus défavorisés ne sont-ils pas les plus pénalisés par la place grandissante prise par la préoccupation environnementale ? Surtout lorsque celle-ci s’exprime en particulier par le renchérissement des énergies fossiles devenu criant à la pompe. La représentation schématique du développement durable Pilier social équitable vivable Développement durable Pilier environnemental Pilier économique viable 17 Une question à traiter à plusieurs échelles Très sensible au progrès social, la France peut apparaître comme une terre d’expérimentation du développement durable. Au-delà de l’urgence écologique à traiter, il est nécessaire de concilier les contraintes imposées par la finitude des ressources naturelles avec l’aspiration légitime des Français à vivre bien, en partageant les richesses créées par l’économie nationale et en respectant les principes qui sont gravés sur le fronton de nos institutions : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Replacés dans son contexte européen, le pays et ses territoires (régions, départements, intercommunalités, communes) doivent trouver l’organisation et les modes de fonctionnement les plus adaptés pour relever ce défi. Si elle nous permet de célébrer les vingt ans du Sommet de la Terre, l’année 2012 marque aussi les trente ans de la décentralisation et les vingt ans du traité de Maastricht, fondateur de l’Union européenne. Organisée autour d’un jeu complexe de répartition de compétences, notre architecture des pouvoirs est-elle compatible avec la mise en œuvre d’une politique globale conciliant le réalisme économique, les aspirations sociales et les fondamentaux écologiques ? Le développement durable n’est pas seulement l’affaire d’un homme, d’une décision, d’une volonté centrale qui s’exprimerait jusque dans les territoires. Réaliser un développement durable appelle un élan partagé par tous les acteurs d’une République à l’organisation 18 Chapitre 1 Qu'en est-il du développement durable ? décentralisée, insérée dans un projet européen, ainsi qu’à une gestion cohérente des politiques publiques. Rio + 20 : un bilan modeste sur fond de crise La nouvelle conférence organisée au Brésil par les Nations unies du 20 au 22 juin 2012 sur le thème du développement durable s’est achevée sur un bilan assez modeste. Si la déclaration finale du sommet, intitulée « L’avenir que nous voulons », ne comporte pas d’engagement contraignant, quelques éléments positifs sont cependant à souligner parmi les 283 points du texte. Dans un contexte de crise économique, les objectifs du Sommet Rio+ 20 avaient été prudemment limités à trois domaines essentiels : la gouvernance mondiale du développement durable, l’essor de l’économie verte et la mesure des progrès accomplis depuis le Sommet de la Terre de 1992. En dépit de la volonté affichée de renforcer le Programme des Nations unies pour l’environnement (point 88), le projet de créer une Agence mondiale de l’environnement à part entière n’a pas été validé à Rio. En revanche, le Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) se voit reconnaître le rôle clef de coordination des politiques de développement durable et d’intégration des trois piliers économique, social et environnemental (points 82 et 83). Le développement de l’économie verte est reconnu comme un facteur positif de croissance économique, de création d’emplois et de protection de l’environnement (point 56). Cependant, l’essor de ce nouveau 19 marché ne doit pas être un prétexte à l’établissement de barrières aux échanges commerciaux qui défavoriseraient les pays en développement qui manquent d’avance technologique (point 58). Le projet de définir des objectifs de développement durable (ODD) au niveau planétaire, compléments des objectifs du millénaire établis par les Nations unies en 2000, a été validé (points 245 à 251). Pour technique qu’il paraît, cet aspect de la déclaration finale du Sommet Rio+ 20 marque un progrès dans la politique mondiale du développement durable. Une série limitée d’indicateurs chiffrés doit ainsi être définie d’ici 2014, en cohérence avec les recommandations de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2009 dont la France était à l’initiative. Ce travail devra notamment s’appuyer sur l’Agenda 21 établi à Rio en 1992 ainsi que sur le plan d’action pour le développement durable rédigé lors du Sommet de Johannesburg en 2002. Grâce au suivi périodique des indicateurs, les possibilités d’évaluation de l’action de la communauté internationale s’améliorent. 20 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992, une feuille de route exigeante ? Le développement durable s’inscrit dans une perspective historique et appelle une action concertée au niveau international. Le programme d’action commun défini à Rio en 1992 et les deux conventions portant sur le climat et la biodiversité adoptées par les Nations unies servent de base à une évaluation des avancées dans ce domaine. Mais selon quelle grille d’analyse apprécier les performances de la France en termes de développement durable ? 1972-1992, une prise de conscience progressive L’organisation du Sommet de la Terre par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1992 s’appuie sur une prise de conscience progressive par la communauté internationale des limites naturelles imposées au développement humain. Deux événements ont marqué principalement cette période : la conférence des Nations unies sur l’environnement humain à ­Stockholm en 1972 et les conclusions des travaux de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations unies, ou rapport Brundtland, en 1987. Dans les deux cas, l’impulsion donnée par l’Assemblée générale de l’ONU a été déterminante pour parvenir à une traduction sur le plan politique et juridique des nombreuses études menées par la communauté universitaire et portant sur les méfaits de la société industrielle sur l’environnement. Elle 23 permettait également de faire écho aux catastrophes écologiques qui se sont multipliées durant les Trente Glorieuses. Un an après la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Torrey Canyon au large des côtes britanniques le 18 mars 1967, l’Assemblée générale des Nations unies recommande la tenue « en 1972 [d’] une conférence des Nations unies sur le milieu humain » visant à attirer l’attention des gouvernements et de l’opinion publique sur l’importance et l’urgence de la question (Résolution 2398 (XXIII), « Problèmes du milieu humain », du 3 décembre 1968). Organisée du 5 au 16 juin 1972, la conférence de Stockholm débouche sur une déclaration finale non contraignante pour les États et la mise en place du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui constitue la plus haute autorité environnementale des Nations unies. Fondée sur vingt-six principes visant une gestion écologiquement rationnelle de l’environnement – dont le droit fondamental pour l’homme de vivre dans « un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être » (principe 1) –, la Déclaration de Stockholm place les questions écologiques au rang de préoccupation internationale. Elle marque également le début d’un dialogue entre pays industrialisés et en développement sur les liens entre croissance économique, pollution des biens publics mondiaux (air, 24 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 eau, océan…) et bien-être des populations dans le monde. Le siège du PNUE est établi au Kenya, à Nairobi. Cette localisation se veut emblématique et souligne la volonté de faire avancer ensemble les pays industrialisés et en développement sur la voie de la protection de l’environnement. Doté d’un Bureau exécutif, sorte de Secrétariat permanent, d’un conseil d’administration autonome et d’un budget propre, le PNUE offre un socle institutionnel sur lequel vont s’appuyer de nombreuses conventions internationales, comme la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, signée à Washington le 3 mars 1973, ou la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, conclue à Bâle le 22 mars 1989. Alors que les catastrophes industrielles se multiplient, dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement (ex : pollutions majeures à la dioxine à Seveso en Italie en juillet 1976 et aux pesticides à Bhopal en Inde en décembre 1984), l’Assemblée générale des Nations unies crée une Commission mondiale sur l’environnement et le développement chargée de « proposer des stratégies à long terme en matière d’environnement pour assurer un développement durable d’ici l’an 2000 et au-delà ». Présidée par la norvégienne Gro Harlem Brundtland, avec comme vice-président le soudanais Mansour 25 Khalid, cette Commission travaille pendant environ trois ans. En 1987, elle rend un rapport devenu célèbre, Notre avenir à tous, qui définit la notion de développement durable. Au-delà de son intérêt conceptuel, la sortie du rapport bénéficie, un an après l’accident de Tchernobyl, d’un contexte international particulièrement favorable à la diffusion de ses idées. Avec l’effondrement du bloc communiste à la fin des années 1980, le spectre de la Guerre froide s’éloigne et le développement durable s’impose au sommet de l’agenda planétaire. L’ONU décide d’organiser alors une nouvelle conférence internationale. Elle se tient à Rio, en juin 1992, vingt ans jour pour jour après la conférence de Stockholm, et se traduit par l’adoption de cinq textes – la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, la déclaration sur les forêts, le programme « Action 21 », la Convention-cadre sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique –, dont seulement les deux conventions sont juridiquement contraignantes pour les États. Rio, l’expression d’une volonté commune des États Trois textes importants, mais juridiquement non contraignants pour les États, résultent du Sommet de la Terre de 1992 et marquent leur volonté de prendre des mesures en faveur du développement durable de la planète. En cela, Maurice Strong, le secrétaire 26 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 général de la Conférence, qualifiait le Sommet de « moment historique pour l’humanité ». Tout d’abord, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement est un ensemble de vingt-sept principes définissant les droits et les responsabilités des États dans ce domaine. Facteur clef de la réussite du Sommet de la Terre, elle est le fruit d’un compromis entre les pays industrialisés et ceux en développement. En effet, les premiers souhaitaient l’adoption d’une brève déclaration réaffirmant celle de Stockholm, tandis que les seconds désiraient notamment que les pays industrialisés soient reconnus comme principaux responsables des problèmes écologiques actuels. En conséquence, la Déclaration de Rio affirme le droit souverain pour chaque État d’exploiter ses propres ressources selon sa politique d’environnement et de développement (principe no 2), mais de façon à répondre équitablement aux besoins des générations actuelles et futures (principe no 3). Elle souligne la nécessité de lutter contre la pauvreté, condition indispensable du développement durable (principe no 5), et consacre le principe de responsabilité commune mais différenciée des États selon leur niveau de développement (principe no 7). Une place importante est également faite à l’information du public en matière d’environnement, à sa participation aux processus de prise de décision affectant le milieu et à son accès à la justice en cas de litige (principe no 10). 27 La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (extraits) Principe 1 – Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. Principe 2 – Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale. Principe 3 – Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures. Principe 4 – Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. Principe 5 – Tous les États et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle de l’élimination de la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde. 28 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 Principe 7 – Les États doivent coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre. Étant donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les États ont des responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés admettent la responsabilité qui leur incombe dans l’effort international en faveur du développement durable, compte tenu des pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et des techniques et des ressources financières dont ils disposent. Principe 8 – Afin de parvenir à un développement durable et à une meilleure qualité de vie pour tous les peuples, les États devraient réduire et éliminer les modes de production et de consommation non viables et promouvoir des politiques démographiques appropriées. Principe 9 – Les États devraient coopérer ou intensifier le renforcement des capacités endogènes en matière de développement durable en améliorant la compréhension scientifique par des échanges de connaissances scientifiques et techniques et en facilitant la mise au point, l’adaptation, la diffusion et le transfert de techniques, y compris de techniques nouvelles et novatrices. Principe 10 – La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit 29 avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les États doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. Principe 25 – La paix, le développement et la protection de l’environnement sont interdépendants et indissociables. Le deuxième texte non contraignant adopté en 1992 est la déclaration sur les principes relatifs aux forêts. Elle rassemble des principes qui devront sous-tendre la gestion durable des forêts à l’échelle mondiale. Élaborée dans un contexte de déforestation dans les pays en développement et de pluies acides dans les pays industrialisés, cette déclaration illustre la sensibilité à la fois générale et différenciée de la communauté internationale sur la question des forêts. En effet, pendant la phase préparatoire du Sommet, l’espoir d’aboutir à un texte juridiquement contraignant existait. Mais il n’a pas été possible de rapprocher les positions divergentes des pays industrialisés – qui souhaitaient l’interdiction de l’abattage des forêts ombrophiles (qui 30 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 ont besoin de fortes pluies tout au long de l’année), les plus touchées par le déboisement – et des pays en développement – qui désiraient que les forêts tempérées et boréales, notamment celles des États-Unis, du Canada et de l’ex-URSS, soient aussi concernées par le texte. Cette déclaration est à l’origine d’une série d’initiatives internationales, comme le Panel intergouvernemental sur les forêts (1995-1997), le Forum intergouvernemental sur les forêts (19972000) et le Forum des Nations unies sur les forêts créé en octobre 2000. Ces actions débouchent en 2008 sur une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies portant sur un « Instrument juridique non contraignant concernant tous les types de forêts ». Il est complété par un « Accord sous-régional sur le contrôle forestier en Afrique centrale », conclu sous les auspices de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui présente un caractère juridiquement contraignant. Enfin, le troisième texte juridiquement non contraignant adopté à Rio en 1992 est le programme d’actions pour le XXIe siècle dans tous les domaines du développement durable, intitulé « Action 21 » ou « Agenda 21 ». Constitué de quarante chapitres, il vise à promouvoir un développement équilibré, à l’échelle de la planète, prenant en compte non seulement « la conservation et la gestion des ressources aux fins de développement », 31 comme la protection de l’atmosphère ou la lutte contre la désertification, mais également « les dimensions sociales et économiques » notamment à travers la lutte contre la pauvreté et la coopération internationale en faveur des pays en développement. Le chapitre 28 de l’Agenda 21 appelle les collectivités territoriales à décliner leur propre programme d’actions en faveur du développement durable. Deux conventions, c’est-à-dire des traités de portée mondiale, voient également le jour au Sommet de la Terre et structurent désormais le droit public de l’environnement. Il s’agit de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de la Convention sur la diversité biologique (CDB). La CCNUCC : le fondement contraignant de la préservation du climat Ouverte à la signature des États lors de la Conférence de Rio, le 4 juin 1992, la Convention est entrée en vigueur le 21 mars 1994 et compte 195 pays signataires en 2012. La CCNUCC se donne pour objectif de « stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (article 2). Les obligations des pays signataires (États Parties) de la Convention varient selon leur niveau de développement. Ils sont répartis 32 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 en trois catégories : les pays signataires dans leur ensemble, ceux recensés à l’annexe I de la Convention et ceux visés par l’annexe II. L’ensemble des pays signataires doit préparer des inventaires nationaux des émissions d’origine humaine par sources de gaz à effet de serre, mettre en place des programmes nationaux et régionaux visant à atténuer et à faciliter l’adaptation aux changements climatiques, développer la recherche et sensibiliser le public au problème de réchauffement climatique global. Les pays dont la liste est établie à l’annexe I de la CCNUCC ont des obligations spécifiques comme l’adoption de politiques nationales et de mesures pour atténuer les changements climatiques et ramener d’ici à l’an 2000 leurs émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990. Ce sont 24 pays industrialisés, signataires de la Convention et membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1992, auxquels s’ajoutent les 14 pays alors en cours de transition vers une économie de marché, comme la Fédération de Russie, les États baltes et plusieurs États d’Europe centrale et orientale. L’annexe II de la CCNUCC regroupe les mêmes pays que l’annexe I, à l’exception des États en transition économique. Ces pays concernés par l’annexe II ont des obligations supplémentaires. Ainsi, ils sont tenus de procurer des ressources financières aux pays en développement afin qu’ils puissent mener des activités de réduction des émissions et s’adapter plus facilement aux effets 33 Les gaz à effet de serre, de quoi parle-t-on précisément ? Plusieurs gaz participent, de manière variable, à l’effet de serre : – la vapeur d’eau (H2O) : abondante et variable selon le climat, elle est responsable de près des trois quarts de l’effet de serre total. L’homme a peu de prise sur sa concentration ; – le dioxyde de carbone (CO2) : principal gaz à effet de serre d’origine humaine, il représente environ 20 % de l’effet total. L’activité humaine contribue à l’augmentation de ses émissions, notamment à travers la combustion de l’énergie et la déforestation ; – le méthane (CH4) : l’agriculture en est la principale source via les fermentations liées à la riziculture, à la digestion des ruminants et au stockage du fumier ; – le protoxyde d’azote ou oxyde nitreux (N2O), encore appelé gaz hilarant : des réactions chimiques naturelles (ex : combustion) peuvent être à l’origine de ce gaz auxquelles s’ajoutent la transformation des produits azotés utilisés par l’agriculture (engrais, fumier, lisier…) ou certains procédés industriels ; – les gaz industriels (hydrofluorocarbures-HFC, perfluorocarbure-PFC et hexafluorure de soufre-SF6) sont utilisés notamment pour la production de froid et la climatisation. Hormis la vapeur d’eau, ils constituent les six principaux gaz à effet de serre visés par le Protocole de Kyoto de 1997. 34 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 des changements climatiques. Ils doivent également encourager la mise au point et le transfert de technologies respectueuses de l’environnement au profit des pays en transition économique et de ceux en développement. Une conférence des Parties (COP), c’est-à-dire des États signataires, est créée. Organe suprême de la Convention, elle fait le point sur son application et se réunit chaque année. La troisième COP, qui s’est tenue à Kyoto au Japon en décembre 1997, a renforcé la réponse internationale contre le changement climatique en fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions aux pays développés et à ceux en transition vers une économie de marché (38 États et l’Union européenne à 15 membres, qui correspondent aux pays cités à l’Annexe I de la CCNUCC). Il s’agit de réduire d’au moins 5 % le niveau des émissions annuelles sur la période 2008-2012 par rapport au niveau moyen enregistré en 1990. Des objectifs doivent être assignés à chaque pays. À titre d’exemple, l’Union européenne à 15 s’est engagée à réduire de 8 % ses émissions. Le Protocole de Kyoto, entré en vigueur le 16 février 2005, vise les six principaux gaz à effet de serre (dioxyde de carbone-CO2, méthane-CH4, oxyde nitreux-N2O, hydrofluorocarbones-HFC, hydrocarburesperfluorésPFC, hexafluorure de soufre-SF6). Il met l’accent sur les politiques et mesures intérieures effectivement 35 Les mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto, comment ça marche ? Le Protocole de Kyoto prévoit la possibilité de recourir à trois mécanismes dits « de flexibilité » en complément des mesures nationales à mettre en œuvre : – les « permis d’émission » qui permettent de vendre ou d’acheter des droits à émettre entre pays industrialisés ; – les « mises en œuvre conjointes » (MOC) qui permettent, entre pays développés, de réaliser des investissements visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en dehors du territoire national et de bénéficier de crédits d’émission en retour ; – les « mécanismes de développement propre » (MDP), analogues au dispositif précédent, mais qui concernent des investissements effectués par un pays développé dans un pays en développement. capables de réduire les émissions et offre aux pays signataires, pour compenser ces objectifs contraignants, une flexibilité sur les manières de les atteindre (mécanismes de flexibilité). La seizième conférence des Parties, réunie à Cancun au Mexique du 29 novembre au 10 décembre 2010, n’a pas permis de préciser les modalités de gestion de la période post-Kyoto. Aucun objectif chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’a été redéfini. L’accord de Cancun reconnaît toutefois 36 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 que la hausse de la température mondiale doit être limitée à moins de deux degrés Celsius par rapport à la température enregistrée au début de l’ère industrielle conventionnellement située en 1860. L’accord prévoit également des mécanismes de financement pour aider les pays en développement. Si le dispositif de lutte contre le changement climatique demeure imparfait à ce jour, il dispose cependant d’un atout constitué par un appareil statistique assez solide et homogène au niveau international qui permet de suivre l’évolution des émissions des gaz à effet de serre : le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Créé en 1988, à l’initiative du G7, par deux organismes de l’ONU, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le GIEC évalue, en toute indépendance, les publications se rapportant au changement climatique. Il rend compte de la diversité des débats scientifiques, tout en essayant de dégager, dans ses rapports annuels, ce qui relève d’un large consensus afin d’alimenter la décision politique. Les informations validées par le GIEC peuvent aussi servir de base à la médiatisation du changement climatique et de ses enjeux auprès de l’opinion publique, comme le documentaire très pédagogique sorti en 2006, Une vérité qui dérange, qui met en scène l’exvice-président des États-Unis, Al Gore. 37 Où en sont les négociations sur la lutte contre le changement climatique ? Jusqu’à fin 2012, la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique est mise en œuvre grâce au Protocole de Kyoto et ses engagements chiffrés de réduction des émissions des gaz à effet de serre sur la période 1990-2012. Depuis la conférence de Copenhague du 7 au 18 décembre 2009, la question se pose de prolonger, voire d’intensifier, les efforts de la communauté internationale en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Grâce à la conférence de Durban du 28 novembre au 11 décembre 2011, les négociations ont été relancées même s’il reste plusieurs incertitudes à lever sur les périodes d’application et les objectifs chiffrés à atteindre. Le Protocole de Kyoto devrait être prolongé sur la période 2013 à 2018-2020. Ensuite, un autre instrument juridique, présentant un caractère contraignant pour les États, devra être mis en place d’ici 2015 afin de renforcer les efforts et de limiter l’augmentation de la température moyenne de la planète à + 2°C d’ici la fin du siècle par rapport au début de l’ère industrielle (1860). Cet objectif impliquerait de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 par rapport à 1990. Le cinquième rapport du GIEC attendu en 2014 servira de base à la définition des engagements chiffrés. Sur le plan financier, le Fonds vert pour le climat, dont le principe avait été annoncé lors de la conférence de Cancun de 2010, a été confirmé. Il s’agit de mobiliser 38 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 environ 100 milliards de dollars d’ici 2020 pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique. L’alimentation du fonds reste à préciser. Globalement, le processus de négociation internationale sur le climat continue d’avancer en dépit des réticences récurrentes de certains pays industrialisés (ex : États-Unis) et des grands pays émergents (ex : Chine) à contraindre leur développement économique par des engagements fermes en matière d’émission de gaz à effet de serre. En filigrane des négociations climatiques, la question de l’articulation des accords mondiaux sur l’environnement avec les autres conventions internationales demeure, notamment avec celles qui organisent le commerce mondial. La Convention sur la diversité biologique : des engagements un peu flous Ouverte à la signature des pays pendant un an à partir du 5 juin 1992 pendant le Sommet de Rio, elle est entrée en vigueur le 29 décembre 1993 et compte aujourd’hui 193 États Parties. Traité international juridiquement contraignant pour les États, la Convention sur la diversité biologique (CDB) se donne trois objectifs : la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage juste et équitable des avantages découlant 39 de l’exploitation des ressources génétiques de cette diversité biologique. Très ambitieuse dans ses fondements, la CDB a mis du temps à se traduire dans les faits. Il faut en effet attendre la sixième conférence des États Parties de la CDB, en avril 2002 à La Haye, pour qu’un plan stratégique visant à « freiner efficacement la perte de diversité biologique » d’ici 2010 soit adopté. En pratique, c’est la dixième conférence des Parties de la CDB organisée à Nagoya, dans la préfecture d’Aichi au Japon, du 18 au 29 octobre 2010 qui donne vie à la Convention, à l’instar de ce qu’a été la Conférence de Kyoto pour la mise en œuvre de la CCNUCC. Trois avancées essentielles ressortent de la conférence de Nagoya : le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, qui précise les modalités de mise en œuvre de ce point de la CDB ; une stratégie de mobilisation des ressources, afin d’augmenter les niveaux d’aide publique au développement en soutien à la biodiversité, et un nouveau plan stratégique pour la période 2011-2020 baptisé « Objectif d’Aichi » visant à enrayer effectivement la perte de biodiversité aggravée par les changements climatiques. Ce dernier point attire l’attention dans la mesure où il fixe un ensemble d’objectifs précis qui faisaient jusque-là défaut. Ainsi, d’ici 2020, il s’agit de conserver 17 % des zones terrestres et des eaux 40 Chapitre 2 Le Sommet de Rio de 1992 intérieures, et 10 % des zones marines et côtières. Des objectifs de restauration d’écosystèmes dégradés sont également posés – restaurer au moins 15 % des zones dégradées – en dépit de la difficulté de pouvoir disposer d’un état de référence précis des milieux. Biodiversité et diversité biologique, de quoi est-il question ? La notion de diversité biologique est apparue chez le biologiste américain Thomas Lovejoy en 1980. Le terme de « biodiversité » a, quant à lui, été inventé en 1985, lors de la préparation du National Forum on Biological Diversity organisé en 1986. Le Sommet de Rio en 1992 a adopté une première définition de la diversité biologique dans la Convention sur la diversité biologique. Selon son article 2, la diversité biologique est définie comme étant « La variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. ». Ainsi précisée, la diversité biologique ne se limite pas à la variété visible des espèces. Elle comprend une dimension macroscopique en intégrant la multiplicité des milieux naturels, des écosystèmes, et une dimension microscopique par la diversité génétique présente au sein d’une même espèce. 41 Afin d’améliorer la connaissance encore très imparfaite de la diversité biologique, la conférence de Nagoya montre la volonté des États de créer une plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (dite IPBES en anglais), équivalente du GIEC dans le champ de la lutte contre le changement climatique, en gestation depuis 2005. D’apparence assez technique, ce point est en fait fondamental. La lutte contre l’érosion de la biodiversité souffre en effet d’un déficit criant de données statistiques. De la difficulté d’estimer précisément le « stock » de biodiversité, de dresser l’inventaire du vivant découle naturellement une très grande difficulté de gestion des évolutions du patrimoine naturel. Le développement d’un système d’information chiffré est le fondement de toute politique publique rationnelle. La préservation de la diversité biologique n’échappe pas à la règle. À défaut de données précises sur les espèces, et a fortiori sur leur génome, l’approche par les milieux, dont la surface est relativement facile à estimer, est privilégiée. Ce manque devrait désormais être comblé car l’IPBES a été officiellement créé le 21 avril 2012 et sa première réunion plénière devrait avoir lieu en 2013. Son secrétariat est établi à Bonn, en Allemagne. 42 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? La France inscrit son action en matière de développement durable dans un contexte européen. Les questions climatiques et énergétiques apparaissent cruciales pour un continent sans grande ressource de combustible fossile. Déjà lourdement dégradée, la diversité biologique de l’Europe appelle un traitement de choc. La législation française, pour partie inspirée de la réglementation communautaire, est-elle à la hauteur des enjeux ? Le droit de l’environnement : un droit européen ? La compréhension par les citoyens de l’État de droit, notamment des règles en matière de développement durable et d’environnement, est souvent compliquée par les cadres d’analyse juridique utilisés par les spécialistes. Ainsi, en France, la hiérarchie des normes, c’est-à-dire l’ordre d’importance entre les différents types de textes juridiques (Constitution, lois, décrets, …), place les règles juridiques faisant partie du « bloc de constitutionnalité » en haut du classement. Il s’agit de la Constitution de 1958, des droits et libertés énoncés par le préambule de la Constitution de 1946, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la Charte de l’environnement de 2004. Les engagements pris par la France dans le cadre d’accords internationaux et européens (ex : directive, 45 règlement) arrivent en deuxième position. Viennent ensuite les lois, les décrets et les arrêtés. En prenant un peu de recul par rapport à cette grille de lecture, il convient de souligner le poids du droit communautaire dans de nombreux pans de notre droit aujourd’hui. En matière d’environnement, ce point est essentiel puisqu’environ 85 % des règles juridiques de ce domaine ont une origine européenne (cf. rapport de la sénatrice Fabienne Keller, Les enjeux budgétaires liés au droit communautaire de l’environnement, 2006, p. 9). Dans ce contexte, l’importance de la Charte de l’environnement, adoptée par le Parlement le 24 juin 2004 et adossée à la Constitution par la réforme constitutionnelle du 1er mars 2005, est donc à relativiser. En l’intégrant au bloc de constitutionnalité, la France s’est en réalité alignée sur un courant européen porteur. Il n’en reste pas moins que la Charte consolide juridiquement la notion de développement durable : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social » (article 6 de la Charte). Environ dix ans plus tôt, l’Europe avait déjà inséré la notion de développement durable dans les traités de l’Union. 46 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? La Charte de l’environnement de 2004 Annoncée dès 2001 par le président de la République, la Charte de l’environnement adossée à la Constitution a été préparée par une commission pluridisciplinaire (ex : philosophe, juriste, biologiste…) et représentative de la diversité des points de vue de la société civile (ex : représentants de salariés, des employeurs, des consommateurs, des associations de protection de l’environnement…). Présidée par le paléontologue Yves Coppens, la commission dite Coppens a travaillé de juin 2002 à avril 2003. Elle a produit un texte court, composé de dix articles. Outre l’introduction de la notion de développement durable (article 6), la Charte reconnaît les droits (article 1er) et les devoirs fondamentaux de l’homme par rapport à son environnement (articles 2 à 4). Elle inscrit dans le bloc de constitutionnalité le principe de précaution (article 5). Le texte insiste également sur l’importance de l’information du public en matière environnementale, de sa participation à l’élaboration des décisions publiques susceptibles d’affecter l’environnement (article 7), ainsi que sur le rôle de l’éducation-formation (article 8) et de la recherche-innovation dans sa préservation (article 9). 47 L’effet d’entraînement de l’Union européenne Au début des années 1990, accompagnant la prise de conscience internationale en faveur de l’environnement, l’Union européenne se donne comme objectif de « promouvoir un progrès économique et social équilibré et durable » (article B du traité de Maastricht du 7 février 1992). Elle franchit ainsi une étape supplémentaire par rapport à l’Acte unique européen de 1986, qui posait le principe de la prise en compte de l’environnement par toutes les politiques communautaires. Le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 fait du développement durable un principe de l’Union. Il prévoit que les États membres sont « déterminés à promouvoir le progrès économique et social de leurs peuples, compte tenu du principe du développement durable et dans le cadre de l’achèvement du marché intérieur, et du renforcement de la cohésion et de la protection de l’environnement, et à mettre en œuvre des politiques assurant des progrès parallèles dans l’intégration économique et dans les autres domaines » (article 1). Enfin, le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, précise la définition du développement durable « fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » (article 3 48 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? du traité sur l’Union européenne). La valorisation du concept de développement durable dans les traités européens procède ainsi d’une lente maturation. Les directives ou les règlements européens ont été largement imprégnés des préoccupations environnementales. Depuis le traité de Maastricht, les décisions en la matière sont prises à la majorité qualifiée et non à l’unanimité des États membres. De fait, la législation européenne est extrêmement riche en matière d’environnement. Elle s’articule autour de deux grands axes – la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité – en cohérence avec les défis planétaires à relever. L’Europe, première de la classe climatique Afin de réaliser ses engagements européens dans le cadre du Protocole de Kyoto – réduction de 8 % de ses émissions de gaz à effet de serre pour 2008-2012 par rapport au niveau de 1990 –, la Commission européenne a mis en place, en juin 2000, un Programme européen sur le changement climatique (PECC). Plusieurs directives européennes, visant à réguler les émissions de gaz à effet de serre mais également à promouvoir les énergies renouvelables, en découlent. En matière de réduction des émissions, l’Europe agit dans deux directions : faire payer le prix du carbone émis et améliorer l’efficacité énergétique des modes de production. Plutôt que de taxer les émissions de 49 gaz à effet de serre, l’Union européenne a préféré mettre en place un marché de quotas d’émissions – le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) – par la directive du 13 octobre 2003. La réduction de la consommation d’énergie, et donc potentiellement la réduction des émissions de gaz à effet de serre à la source, est encouragée par deux autres directives : celle du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments et celle du 5 avril 2006 sur l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et les services énergétiques. Qu’est-ce que le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) ? Depuis le 1er janvier 2005, toute installation réalisant certaines activités (production d’énergie, production et transformation des métaux ferreux, industrie minérale, fabrication de pâte à papier, de papier et de carton) et émettant les gaz à effet de serre doit posséder une autorisation délivrée par les États membres. L’autorisation encadre la quantité d’émissions de gaz à effet de serre par des plans nationaux d’allocation sectorielle. La quantité de quotas délivrée chaque année pour l’ensemble de l’Union européenne doit diminuer de manière continue à partir de 2013. Une fois alloués, les quotas peuvent être échangés par les industriels en fonction du cours de la tonne d’émission d’équivalent CO2. Celui-ci était évalué à 20 euros en 2005, au lancement du marché des quotas. Il se situait à 13 euros en 2009. 50 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? S’agissant de la promotion des énergies renouvelables, l’Union a établi deux directives clés. La directive du 27 septembre 2001 sur la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables et celle du 8 mai 2003 visant à promouvoir l’utilisation de biocarburants ou d’autres carburants renouvelables dans les transports. Au-delà de l’utilité de ces « lois-cadres » européennes dans la lutte contre le changement climatique, il est stratégiquement intéressant pour l’Union de diversifier ses sources d’énergie. Très peu dotée en énergie d’origine fossile (gaz naturel, pétrole), l’Europe est en effet largement dépendante des importations d’énergie en provenance du Moyen-Orient, à l’origine de 45 % des importations de pétrole, et de la Russie, à l’origine de 40 % des importations de gaz naturel (d’après le livre vert de la Commission européenne, Vers une stratégie européenne de sécurisation de l’approvisionnement énergétique, 2000). Cette fragilité géopolitique la rend d’autant plus sensible à la lutte contre le changement climatique. Dans une certaine mesure, les intérêts vitaux de l’Europe se conjuguent harmonieusement avec sa volonté d’apparaître exemplaire dans la mise en œuvre du Protocole de Kyoto. 51 Qui émet le plus de gaz à effet de serre en Europe ? 18 16 14 12 10 8 6 4 Italie Roumanie Suède Hongrie Portugal France Rép. slovaque 0 Bulgarie Espagne Moyenne UE-27 Pologne Royaume-Uni Autriche Allemagne Grèce Danemark Belgique Pays-Bas Rép. tchèque Finlande Irlande 2 Données : en teq CO2 par habitant pour les vingt premiers pays émetteurs en 2007 dans le cadre de l’UE à 27 Source : Agence européenne de l’environnement, 2009. Cette attention portée à la question énergétique est sans doute à l’origine de l’initiative communautaire menée en prévision des négociations sur le régime post-Kyoto. Ainsi, la Commission européenne a proposé en janvier 2007 un « paquet énergie-climat », adopté par le Conseil européen de mars 2007, qui énonce trois nouveaux objectifs : – la réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020 par rapport au niveau de 1990, et pouvant aller jusqu’à 30 % en cas d’accord international ; – l’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique à l’horizon 2020 ; 52 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? – l’augmentation de la part des énergies renouvelables pour atteindre 20 % de la consommation d’énergie en 2020, avec un objectif spécifique pour les biocarburants de porter leur part à 10 % de la consommation d’énergie finale. Essentielle pour l’avenir de l’Europe et son indépendance énergétique, la législation européenne environnementale ne se réduit pas aux seuls dispositifs de lutte contre le changement climatique. L’Union a développé un droit de protection de la nature après la dégradation de ses mileux par son développement urbain et industriel. L’Europe, en rattrapage pour la préservation de la biodiversité En adoptant dès mai 1992 la directive « Habitats » visant à protéger les milieux et les espèces les plus rares de son patrimoine naturel, l’Union européenne a posé les bases de son action en faveur de la biodiversité. Celle-ci laisse cependant largement de côté le problème de la gestion de la diversité biologique ordinaire, c’est-à-dire celle des forêts, des zones humides et des espaces agricoles menacés par l’étalement urbain et le développement des infrastructures. La directive du 21 mai 1992 sur la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats », met en place le réseau 53 Natura 2000, plus grand réseau écologique du monde. Il est constitué de zones spéciales de conservation définies par les États membres et comprend également les zones de protection spéciale instaurées en vertu de la directive « Oiseaux » du 2 avril 1979 révisée par celle du 30 novembre 2009. Les types d’habitats et les espèces, dont la protection nécessite la désignation de zones spéciales de conservation, sont énumérés (annexes I et II de la directive). Certains d’entre eux sont définis comme des types d’habitats ou des espèces « prioritaires », c’est-à-dire en danger de disparition. Les espèces animales et végétales qui nécessitent une protection particulièrement stricte sont précisées (annexe IV). La désignation des zones spéciales de conservation est réalisée par les États membres sous contrôle de la Commission européenne. Ils y prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir la conservation des habitats et éviter leur détérioration ainsi que les perturbations significatives des espèces. Dans tous les États membres de l’Union, le réseau Natura 2000 forme aujourd’hui la charpente des politiques nationales de protection de la biodiversité et représente 18 % du territoire terrestre de l’Union. 54 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? Un exemple de site d’intérêt communautaire : l’étang de Lindre et ses alentours Exemple de site Natura 2000, l’étang de Lindre est situé en Lorraine, dans le pays des étangs. Il regroupe plusieurs types d’écosystèmes agricoles, forestiers et lacustres. Cet éco-complexe est particulièrement important dans l’échelle migratoire qui relie le Nord de l’Europe à l’Afrique. Les forêts riveraines de l’étang de Lindre, notamment la forêt domaniale du Romersberg, accueillent des passereaux cavernicoles (c’est-à-dire utilisant les cavités naturelles des arbres) remarquables selon les critères de la directive Oiseaux de 1979. Ainsi, le Gobemouche à collier (Ficedulla Albicolis) niche-t-il dans les vieux arbres forestiers. En 1996, afin de conserver l’habitat de cette espèce et d’autres oiseaux cavernicoles (ex : Pic épeiche, Pic noir), les forestiers ont décidé de préserver de grands vieux arbres ayant pourtant atteint l’âge d’être abattus et commercialisés. En adoptant en février 1998, la stratégie communautaire en faveur de la diversité biologique, la Commission européenne a élargi le champ de son action en matière de biodiversité. Plusieurs politiques communautaires en ont ainsi été modifiées (ex : politique agricole commune, politique commune de la pêche). Première politique de l’Union en termes de dépenses, la politique régionale et de cohésion tente également de promouvoir des mesures d’aménagement du 55 territoire favorables à la protection de la biodiversité, en particulier grâce à la mise en place de corridors biologiques censés relier les zones protégées. Ce pan de la politique européenne reste cependant limité par la compétence que conservent les États en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. La biodiversité, entre nature et culture Appréhendée de façon scientifique par les sociétés occidentales et avant tout perçue comme un enjeu de protection, la notion de biodiversité n’en reste pas moins influencée par la perception culturelle du rapport de l’homme à la nature. Ainsi, dans des sociétés agricoles traditionnelles, comme celle du Vanua Lava (archipel du Vanuatu dans le Pacifique), les habitants n’utilisent qu’un seul mot pour désigner l’ensemble des taros sauvages, qui sont des légumes-racines. Ils prêtent davantage attention à leurs variétés cultivées auxquelles ils confèrent un statut social élevé. Dans la perception de la plante, l’intérêt gustatif l’emporte sur sa rareté. De même, dans la coutume des anciennes sociétés mélanésiennes, les arbres, parce qu’ils abritent l’esprit des ancêtres de la tribu, présentent une dimension surnaturelle qui dépasse largement la valeur biologique que lui reconnaissent botanistes ou agronomes (ex : Maurice Leenhart, Do Kamo). 56 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? La France, une élève régulière Autant la législation française en matière de lutte contre le changement climatique et de protection des milieux et espèces remarquables est fortement inspirée par le droit européen, autant le droit de l’aménagement et de l’urbanisme reste une prérogative strictement nationale. De ce constat découle une analyse différenciée du droit de l’environnement en France. Dès la fin des années 1990, le droit français de l’aménagement commence à intégrer le principe de développement durable. La place réservée à la protection de l’environnement progresse au niveau de la planification du territoire aussi bien à l’échelle régionale que locale. Le Grenelle de l’environnement, lancé à l’été 2007, et les lois de 2009 et 2010, qui en découlent, prolongent le trait, en insistant sur la priorité à donner à la lutte contre le changement climatique et, dans une moindre mesure, à la protection de la biodiversité. La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 (LOADDT) introduit la notion de développement durable comme composante de la politique d’aménagement du territoire. Le développement durable est donc reconnu par la loi près de six ans avant de l’être par la Constitution. La LOADDT organise également la mise en œuvre du principe de développement durable sur le territoire. Les orientations nationales définies 57 par la loi sont ensuite mises en œuvre dans les neuf schémas de services collectifs (SSC). Deux d’entre eux concernent les transports de voyageurs et de marchandises et sont favorables au développement d’une offre multimodale de transport qui constitue une alternative à la prédominance du mode routier de transport. Un autre SSC a trait aux espaces naturels et ruraux. Il fixe les orientations permettant leur développement durable et définit les principes d’une gestion équilibrée de ces espaces. Enfin, un dernier SSC porte sur l’énergie et définit notamment les objectifs d’utilisation rationnelle de l’énergie concourant à l’indépendance énergétique nationale et à la lutte contre l’effet de serre. La loi arrête également les cadres régionaux et locaux d’un aménagement durable du territoire. Ainsi, la LOADDT introduit les schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire (SRADT) qui fixent « les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional ». Le SRADT « veille à la cohérence des projets d’équipement avec les politiques de l’État et des différentes collectivités territoriales » (article 5 de la loi). La nécessité de coordonner l’offre de transport y apparaît centrale. En effet, il intègre le schéma régional de transports, confié aux régions, qui comporte un volet « transports de voyageurs » et un volet « transports de marchandises », en cohérence avec l’orientation fixée au niveau national en faveur de la multimodalité des transports. Déjà compétentes 58 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? Le développement durable selon la loi française L’article 1er de la LOADDT du 25 juin 1999 introduit le développement durable comme un mode de « développement équilibré de l’ensemble du territoire national alliant le progrès social, l’efficacité économique et la protection de l’environnement ». en matière d’organisation du transport des voyageurs, les régions voient donc leur rôle de coordonnateur de l’offre de transports renforcé. En 2000, la loi du 13 décembre relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite SRU) renforce la présence du concept de développement durable dans le corpus législatif. Elle révise également en profondeur le Code de l’urbanisme dans le sens d’une meilleure prise en compte de l’environnement par les aménageurs. Ainsi, les divers documents de planification permettent d’assurer « l’équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace rural, d’une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d’autre part, en respectant les objectifs du développement durable » (article 1 de la loi SRU). Déjà, bien avant les lois Grenelle, le droit de l’urbanisme se donne un cap ambitieux en termes de protection de l’environnement et de développement durable. Dans cet esprit, la loi SRU introduit 59 Qu’est-ce qu’un SCOT ? un PLU ? Le schéma de cohérence territorial (SCOT) est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification urbaine à l’échelle de plusieurs communes qui oriente l’évolution d’un territoire, notamment en matière d’habitat, de développement économique, de loisirs, de déplacement des personnes et de marchandises… Il se compose notamment d’un projet d’aménagement et de développement durable (PADD). Le SCOT est destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, notamment celles centrées sur les questions d’habitat (programme local de l’habitat-PLH), de déplacements (plan de déplacement urbain-PDU) ou de développement commercial (schéma de développement commercial-SDC). Il assure en théorie la cohérence des plans locaux d’urbanisme établis au niveau communal. Le plan local d’urbanisme (PLU) a remplacé le plan d’occupation des sols (POS). C’est un document d’urbanisme qui, à l’échelle d’une commune ou plus rarement d’un groupement de communes (EPCI), établit un projet global d’urbanisme et d’aménagement. Il fixe en conséquence les règles générales d’utilisation du sol sur le territoire considéré. Contrairement au SCOT, le PLU est précis et opposable au tiers : il encadre la délivrance des permis de construire. 60 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? le schéma de cohérence territoriale (SCOT), vu comme un véritable instrument de développement durable au niveau de plusieurs communes ou groupements de communes, dont les orientations s’imposent aux plans locaux d’urbanisme (PLU) à l’échelle de la commune. Deux problèmes majeurs restent cependant en suspend : celui de l’échelle d’application du Scot et celui de son rapport de compatibilité avec les plans locaux. L’échelle d’application du Scot est mal définie par la loi SRU : « le périmètre du schéma de cohérence territoriale délimite un territoire d’un seul tenant et sans enclave. […] Il tient notamment compte des périmètres des groupements de communes […] Il prend également en compte les déplacements urbains, notamment les déplacements entre le domicile et le lieu de travail […] » (article 3 de la loi). Sans le dire explicitement, le législateur fait référence à la notion d’aire urbaine définie par l’INSEE comme étant un « ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ». Les déplacements domicile-travail apparaissent en effet déterminants dans la définition de l’aire urbaine comme dans celle du SCOT. Cette interprétation est confirmée par l’examen des débats parlementaires lors de l’adoption du texte. La circulaire 61 du 18 janvier 2001 présentant la loi SRU définit les SCOT comme des documents d’organisation des aires urbaines. Il n’en demeure pas moins qu’en l’absence de définition légale précise du périmètre d’application optimum du SCOT, la loi SRU laisse la porte ouverte à une grande liberté de mise en œuvre de la notion de cohérence territoriale. Autre point de faiblesse de cette loi, la relation entre le SCOT et les PLU communaux, censés décliner ses orientations générales, demeure assez lâche. Le rapport de compatibilité imposé par la loi entre ces deux types de documents réserve en pratique une très grande marge de manoeuvre à l’échelon municipal qui peut contrarier la volonté affichée à l’échelle intercommunale de maîtriser la consommation d’espace. La loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005, dite loi LOE, marque une nouvelle étape dans l’intégration juridique du principe de développement durable. Si le terme de développement durable ne figure pas dans le texte de loi, la notion imprègne fortement son article premier. Ainsi, la politique énergétique de la France y est définie comme visant notamment à contribuer à l’indépendance énergétique nationale, à préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre, à assurer un prix compétitif de l’énergie et à garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès 62 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? de l’énergie à tous. Les piliers économique, environnemental et social du développement durable sont pris en compte par la loi. Par ailleurs, la LOE souligne la nécessité de rendre cohérente l’action de l’État, celle des collectivités territoriales et celle de l’Union européenne en la matière. Montrant l’exemple d’une politique énergétique nationale ambitieuse, susceptible de relever le défi du changement climatique, la LOE fixe plusieurs objectifs précis en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’amélioration de l’efficacité énergétique. Les orientations de très long terme de la politique énergétique de la France annexées à la loi introduisent, pour la première fois dans le droit national, l’idée de diviser par quatre les émissions de dioxyde de carbone d’ici 2050 par rapport à 1990. L’objectif du « facteur 4 » est ainsi posé dans un texte législatif dès 2005, avant que la loi Grenelle 1 ne le reprenne à son compte. La LOE, des objectifs pour la première fois définis par la loi L’article 3 de la LOE précise les efforts à entreprendre en matière d’intensité énergétique, c’est-à-dire le rapport entre la consommation d’énergie et la croissance économique, qu’il est prévu de diminuer de 2 % par an dès 2015, puis de 2,5 % par an d’ici 2030. L’article 4 de la LOE prévoit par ailleurs de couvrir 10 % des besoins énergétiques français à l’horizon 2010 grâce aux énergies renouvelables. 63 En complément à l’évocation de la LOE, il convient de rappeler les apports de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996 (loi dite LAURE). Bien qu’elle ne fasse pas explicitement référence à la notion de développement durable, cette loi est la première à introduire l’impératif de gestion économe de l’énergie dans le droit français, dans la continuité du Sommet de Rio. L’idée clé de la LAURE est d’améliorer la qualité de l’air, en particulier dans les villes. À cette fin, la loi introduit des dispositifs d’économie d’énergie. Principale innovation de la LAURE, le plan de déplacements urbains (PDU) impose aux collectivités territoriales de définir une stratégie favorable à la multimodalité des déplacements qui passe par la diminution du trafic automobile et la promotion des modes de transports les moins polluants et les moins consommateurs d’énergie. L’élaboration de PDU est rendue obligatoire dès 1998 dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants (article 14 de la LAURE). La mise en œuvre des PDU entraîne le développement de nombreux investissements très lourds au niveau local et est à l’origine d’un regain d’intérêt pour les transports collectifs, en particulier pour le tramway. 64 Chapitre 3 La France, tête de classe européenne ? Mais à quels chiffres se fier ? Développé dans la foulée du Sommet de Rio de 1992 et dans un contexte européen porteur, le droit français de l’environnement forme donc un corpus apparemment très fourni bien avant l’adoption des lois Grenelle de 2009 et 2010. Au-delà des textes et des intentions bienveillantes du législateur à l’égard de la lutte contre le changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, il est important d’établir concrètement le bilan écologique de la France en s’appuyant sur les dernières statistiques disponibles. Cet examen permet également de dresser l’état des lieux avant la mise en œuvre des dispositions nouvellement créées par le Grenelle de l’environnement. En s’appuyant en particulier sur le rapport sur l’état de l’environnement en France, établi tous les quatre ans, ainsi que sur le bilan annuel de l’énergie, il est possible de dresser un bilan chiffré assez précis des émissions de gaz à effet de serre et du développement des énergies renouvelables en France. En revanche, l’évaluation du patrimoine naturel du pays se heurte à la grande dispersion des données issues du terrain. Sauf exception, le suivi de la faune et de la flore est impossible à l’échelle nationale. Plus facile à estimer, l’évolution des milieux naturels peut toutefois être cernée. Plusieurs sources permettent en effet de connaître l’occupation des sols à l’échelle nationale, voire intercommunale. Il manque cependant encore un instrument de mesure de l’étalement urbain à l’échelle communale. 65 L’accès du public à l’information, un enjeu depuis 1992 Le développement de l’information sur l’environnement est un des enjeux du plan d’action pour le XXIe siècle (Action ou Agenda 21) défini lors du Sommet de la Terre de 1992. Son chapitre 40 encourage l’amélioration de l’accès à l’information notamment du public sur l’état de l’environnement et des pressions pesant sur lui. Adoptée le 25 juin 1998 dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU), une des cinq commissions régionales des Nations unies, la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement impose aux États européens de mettre à la disposition du public les informations sur l’environnement qui leur sont demandées. Cette obligation est déclinée au sein de l’Union européenne par la directive du 28 janvier 2003 sur l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Dans ce cadre, la France, comme l’ensemble des États membres de l’Union, s’est engagée à réaliser, au moins tous les quatre ans, un rapport sur l’état de l’environnement (article 7 de la directive). La dernière édition du rapport français date de juin 2010. Elle est le produit du service statistique public du ministère de l’Écologie et du Développement durable. 66 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté Grâce aux statistiques publiques, les points forts et faibles de la France en matière de développement durable peuvent être clairement identifiés. Si le bilan est plutôt encourageant sur le plan des émissions de gaz à effet de serre, la situation de la biodiversité apparaît en revanche critique. La surconsommation d’espace n’est-elle pas susceptible d’hypothéquer la capacité de la France et de ses territoires à relever les défis du développement durable ? La bonne note française pour les émissions de gaz à effet de serre ... Pour contribuer à honorer l’engagement européen, pris dans le cadre du Protocole de Kyoto, de réduire de 8 % les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et la période 2008-2012, la France avait pour objectif de stabiliser ses émissions nationales. D’après le dernier rapport sur l’état de l’environnement en France de 2010, l’objectif était largement atteint en 2007. Les émissions françaises avaient en effet diminué de 5,6 % par rapport à leur niveau de 1990 pour se situer à 531 millions de tonnes équivalent CO2 (MteqCO2). Exprimée en émissions par habitant et par unité de produit intérieur brut (PIB), la baisse est encore plus nette avec respectivement – 14 % et – 49 % entre 1990 et 2007. 69 Comment les gaz à effet de serre sont-ils mesurés ? Le pouvoir de réchauffement global (PRG) mesure la contribution de chaque gaz à l’effet de serre. Il évalue ainsi l’émission dans l’atmosphère d’un kilogramme d’un gaz à effet de serre (GES) particulier par comparaison avec l’émission d’un kilogramme de dioxyde de carbone (CO2). Les PRG sont calculés pour différents intervalles de temps (20, 100, 500 ans). Les émissions de GES sont parfois exprimées en tonnes équivalent CO2 (teq CO2). Pour un intervalle de 100 ans, les PRG des différents GES sont de 1 pour le CO2, de 21 pour le CH4, de 310 pour le N2O, de 140 à 11 700 (variables selon les années et les molécules) pour les HFC, de 6 500 à 9 200 pour les PFC et de 23 900 pour le SF6 (source des chiffres : Citepa, avril 2011). Cependant, les évolutions sont différenciées selon les gaz à effet de serre considérés. Ainsi, les émissions de l’ensemble des gaz fluorés (HFC, PFC et SF6) – qui compte pour 3 % du pouvoir de réchauffement global (PRG) du « panier Kyoto », c’est-à-dire des six gaz à effet de serre couverts par le Protocole – augmente de 63 % sur la période 1990-2007. Cette progression est à mettre en relation avec leur utilisation croissante dans les systèmes de production de froid (ex : réfrigérateur, climatisation). Pour le méthane, qui participe pour 10 % du PRG du « panier Kyoto », la tendance est à la baisse avec – 18 % d’émissions sur 70 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté la période. Cette diminution s’explique par l’arrêt de l’exploitation des mines de charbon, la valorisation du biogaz provenant des décharges et la baisse de la fermentation entérique (processus de digestion des ruminants), elle-même liée à la diminution du cheptel bovin. La réduction des émissions est particulièrement marquée pour le protoxyde d’azote (N2O) (12 % du PRG du « panier Kyoto ») avec une chute de 30 % depuis 1990. Cette baisse spectaculaire s’explique principalement par l’évolution des émissions produites par les industries chimiques. En 1990, ces dernières étaient à l’origine de 27 % des émissions de N2O contre seulement 9 % en 2007. Enfin, les émissions de CO2, qui participent pour environ les trois quarts des émissions totales de gaz à effet de serre, sont restées quasiment stables sur la période (+ 0,3 %). 95 % de ces émissions sont liées à l’utilisation de l’énergie. ... même en comptant les émissions « extérieures » Les données issues de l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre que tient la France grâce au Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique) ne prennent en compte que les émissions engendrées sur le territoire national. Pour avoir une perception globale des conséquences de notre économie sur 71 le changement climatique, il convient d’ajouter aux émissions « intérieures » de gaz à effet de serre, les émissions « extérieures » dues aux productions industrielles réalisées à l’étranger pour le compte de l’économie française et de sa demande intérieure. Peu d’études ont été consacrées à cette question. Un travail pionnier réalisé en 2010, par le service de l’observation et des statistiques du ministère du Développement durable sur la base de données du Citepa, de l’INSEE, des Douanes, d’Eurostat et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), permet cependant d’estimer le total des émissions de gaz à effet de serre liées à la demande intérieure française pour l’année 2005. Si les émissions « intérieures » de gaz à effet de serre représentaient alors 8,7 teq CO2 par habitant, les émissions totales correspondant à la demande française s’élevaient à 12 teq CO2 par habitant. Ces estimations prennent en compte non seulement les émissions de gaz à effet de serre dues aux importations de produits manufacturés, mais également celles engendrées en France pour répondre à la demande d’autres pays. La balance commerciale française étant globalement déficitaire, il est logique que les importations « masquées » de gaz à effet de serre soient supérieures aux exportations. Au final, on peut retenir que le bilan carbone global d’un Français (c’est-à-dire son bilan d’émissions de gaz à effet de serre en équivalent CO2) est plus élevé d’environ 50 % que son bilan strictement intérieur. Dans le cadre de 72 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté la lutte mondiale contre le changement climatique, ce point permet d’apprécier plus rigoureusement les pressions de l’homme sur l’environnement dans le contexte d’une économie mondialisée. Il participe de fait à la prise de conscience de la solidarité de la communauté internationale et, au-delà, des citoyens d’un monde sans frontière écologique. Les émissions « intérieures » de gaz à effet de serre en 2007 : quelques comparaisons Pays ou zone Émissions de GES Europe France États-Unis Russie Japon 10,2 8,4 19,1 11,1 9,7 Chine 4,6 En teq CO2 par habitant GES : gaz à effet de serre Source : Agence internationale de l’énergie, 2010. Un bon résultat lié au nucléaire Replacées dans un cadre international et européen, les performances de la France en matière d’émissions « intérieures » de gaz à effet de serre apparaissent relativement satisfaisantes. Ainsi, en 2007, les ÉtatsUnis sont le pays le plus fortement émetteur avec 19,1 teq CO2 par habitant. De plus, sur la base d’une comparaison réalisée en 2009 par l’Agence européenne de l’environnement, à partir des données des inventaires 2007 effectués par les pays membres, la France se situe parmi les pays les moins émetteurs de l’Union européenne avec un niveau d’émissions « intérieures » de 8,4 teq CO2 par habitant en 2007 73 contre 10,2 teq CO2 par habitant en moyenne dans l’UE à 27 États, soit un écart de – 18 % en faveur de la France. Ce bon classement s’explique pour l’essentiel par le choix national de développer la production d’énergie électrique d’origine nucléaire. Par nature peu émettrice de gaz à effet de serre, la production de ce type d’énergie n’en comporte pas moins des inconvénients majeurs en matière environnementale, tant sur le plan de la gestion des déchets radioactifs que sur celui du risque. Selon l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), la quantité de déchets dits de haute activité a augmenté de 1 851 à 2 293 m3 entre 2004 et 2007 et leur stock devrait s’élever à 3 679 m3 en 2020 et 5 060 m3 en 2030. S’agissant du risque, il convient de souligner le niveau très élevé, en termes de sûreté nucléaire, exigé dans les centrales françaises. Pour autant, le risque zéro n’existe pas et la catastrophe de Fukushima de mars 2011 est là pour nous rappeler la fragilité des constructions humaines face aux phénomènes naturels d’ampleur exceptionnelle et échappant par définition à la prévision. De plus, autant la probabilité d’un accident nucléaire est extrêmement faible, autant ses conséquences seraient catastrophiques. La France a fait jusqu’à présent le pari de l’électricité nucléaire. Ce choix politique peut être revu, mais il faudrait en payer le prix tant en termes de démantèlement du parc des centrales que d’investissements dans le 74 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté développement des énergies alternatives. À l’heure actuelle, ce choix participe au bilan carbone positif du pays. Quel est le coût de la filière électronucléaire ? Le rapport de la Cour des comptes, publié en janvier 2012, sur le coût de la filière électronucléaire s’est livré à une estimation financière de ce pilier de la politique énergétique de la France. Depuis l’origine, dans les années 1950, quelque 188 milliards d’euros ont été dépensés, dont environ la moitié pour la construction des 58 réacteurs de deuxième génération (96 milliards d’euros) qui constituent l’essentiel du parc nucléaire actuel. Sur la période 20082010, le coût de la maintenance du parc est évalué à 1,5 milliard d’euros par an. Avec l’importante croissance des dépenses de sécurisation des installations nucléaires, le coût de maintenance devrait atteindre environ 3,5 milliards d’euros par an. Par manque de recul sur le coût de démantèlement des centrales de grande puissance, il est difficile d’estimer globalement ce que représenterait le démantèlement du parc. La Cour des comptes reste prudente sur ce point car l’estimation de ce coût est un sujet polémique. Selon les sources, il oscillerait entre 15 % du coût de construction d’un réacteur, soit 300 à 500 millions d’euros, (ordre de grandeur issu de « la communauté scientifique nucléaire internationale ») et 100 % du coût initial (ordre de grandeur avancé par « les opposants au nucléaire »). 75 Une évolution différente des émissions de gaz à effet de serre selon les secteurs La tendance globale à la baisse des émissions de gaz à effet de serre enregistrée en France sur une longue période masque en réalité une grande diversité d’évolution sectorielle. En 2007, les activités émettrices de gaz à effet de serre étaient, par ordre d’importance, les transports avec 27 % des émissions de gaz à effet de serre, l’agriculture et l’industrie manufacturière (20 % des émissions chacune), le résidentiel-tertiaire (18 % des émissions), l’industrie de l’énergie (14 %) et le traitement des déchets (2 %). Mais ce classement est modifié lorsqu’il s’agit des réductions des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2007. Ainsi, la réduction la plus forte des émissions de gaz à effet de serre enregistrée sur la période est due à l’industrie manufacturière (– 26 %). Les émissions liées à la combustion d’énergie dans l’industrie, qui représentent environ les trois quarts des émissions totales de gaz à effet de serre du secteur, ont diminué de 12 % sur la même période. Cette évolution, plutôt positive sur le plan environnemental, peut être également interprétée comme la conséquence d’un affaiblissement de l’industrie en France. En quittant l’Hexagone pour les pays d’Europe centrale ou d’Asie, les activités sidérurgiques, métallurgiques ou encore plasturgiques ont certes amélioré le bilan carbone de la France, mais ont aussi participé à sa 76 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté désindustrialisation et à la perte d’emplois dans le secteur secondaire. Mais, en contrepoint des bonnes performances environnementales de l’industrie, les émissions liées aux transports et aux secteurs résidentiel et tertiaire (ex : chauffage, éclairage) étaient, quant à elles, orientées à la hausse, en particulier du fait de l’étalement urbain. Les émissions de gaz à effet de serre dans les transports étaient en augmentation sensible de 19 % sur la période 1990-2007, en dépit de la baisse de 1 % par an enregistrée entre 2005 et 2007. Dans ce secteur, les transports routiers étaient responsables d’une part essentielle des émissions de CO2 (94 %), puisqu’ils représentaient 83 % des transports intérieurs de voyageurs et 82 % des transports intérieurs de marchandises. Ces émissions de gaz à effet de serre sont liées à la combustion de carburants pétroliers nécessaires à ce mode de transport. Elles ont connu toutefois une croissance relativement modérée par rapport à celle des transports routiers : entre 1990 et 2007, les émissions de CO2 dues au transport routier ont progressé de 14,4 % alors que le trafic augmentait de 29,5 %. Cette évolution différenciée illustre l’impact positif pour l’environnement des progrès technologiques réalisés tant sur le plan de la motorisation que sur celui des carburants. Il n’en reste pas moins que l’utilisation croissante de la voiture et des poids lourds dégrade le bilan carbone de la France. 77 La pollution atmosphérique due aux moteurs diesel La part des véhicules à moteur diesel dans le parc automobile français a beaucoup augmenté depuis vingt ans. En effet, en 2009, ils représentaient 55,3 % du parc roulant, contre 15 % en 1990, et 70,4 % des immatriculations de véhicules particuliers. Ce type de moteur étant moins consommateur d’énergie, il tire les émissions françaises de gaz à effet de serre à la baisse, mais ses effets sur la pollution atmosphérique sont contrastés. La diésélisation a une influence positive sur les émissions de monoxyde de carbone (CO) et des composés organiques volatiles non méthaniques (COVNM), principalement dues aux motorisations essence. En revanche, les émissions de particules en suspension sont essentiellement le fait des véhicules diesel qui sont à l’origine de 92 % des PM10 – particulate matter, particules en suspension dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres – émises par les transports routiers. Ce qui est une proportion plus élevée que leur part dans la circulation routière. La diésélisation participe également à la hausse des émissions d’oxyde d’azote (NOx) – puisque le gazole représente 87 % des émissions des transports routiers – et, en conjugaison avec la croissance du trafic, à celle des émissions d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (+ 79 % depuis 1990). Source : L’environnement en France, juin 2010. 78 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté On ne peut que regretter la diminution de la part des transports ferroviaire et fluvial de marchandises : de 2000 à 2008, la part de ces modes de transports a baissé de 22,8 % à 18,2 %. Ni les Français, ni leur économie ne semblent pouvoir aujourd’hui se passer des voitures et des camions. Les émissions de gaz à effet de serre du parc des bâtiments du secteur résidentiel et tertiaire (ex : habitations, bureaux) avaient, quant à elles, augmenté de 6 % entre 1990 et 2007, avec 92 % de ces émissions dues à la combustion d’énergie. Cette évolution est naturellement liée au développement de la construction. Sans doute l’amélioration de l’isolation thermique des logements et des bureaux limite-t-elle la hausse. Néanmoins, la dynamique d’étalement urbain, à des fins résidentielle, économique ou commerciale, engendre des émissions croissantes de gaz à effet de serre. S’il peut paraître critiquable, et quelque peu malthusien, de s’opposer au développement de l’offre de logements, de magasins et de bureaux, il convient cependant de la réguler afin de ne pas « surconsommer » l’espace. Sur une longue période, de 1992 à 2004, la surface occupée par l’habitat a augmenté environ cinq fois plus vite que la population et deux fois plus que le nombre des ménages. La demande d’habitat individuel est allée croissante : 61 % des logements construits entre 2000 et 2007 sont des 79 maisons individuelles contre 25 % en 1960 et 50 % au début des années 1990. Le phénomène d’étalement urbain a un impact négatif sur le bilan carbone de la France à double titre. Non seulement il implique une extension des surfaces bâties et une multiplication des sources de déperdition d’énergie, par la construction de maisons individuelles et de zones d’activités industrielles et commerciales, mais il concourt également à l’augmentation des distances parcourues par les résidents. À la fin des années 1980, une étude pionnière réalisée aux États-Unis (P. Newman et J. Kenworthy, Cities and automobile dependence, 1989) a établi un lien entre densité urbaine des villes et consommation d’énergie due aux transports : plus la densité urbaine est faible, plus la ville s’étale, et plus la consommation d’énergie augmente. À l’échelle nationale, certaines études – comme celle de la direction générale de l’Énergie et du Climat, « Étalement urbain et politique climatique », de décembre 2010 – ont également tenté de mesurer l’impact d’une politique de lutte contre l’étalement urbain. Si d’ici 2050, la distance moyenne de déplacement domicile-travail était réduite à moins de 10 kilomètres, les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports pendulaires diminueraient de 20 % par rapport au niveau enregistré en 2000. Ce scénario « idéal » suppose, pour se réaliser, de s’accompagner d’une généralisation, à partir de 2020, des modes de chauffage et d’éclairage 80 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté La crise économique, bénéfique pour les émissions de gaz à effet de serre ? L’activité économique générale et ses variations conjoncturelles ont une influence très importante sur le bilan carbone de la France. Ainsi les émissions françaises de gaz à effet de serre « intérieures » ont fortement décru depuis le début de la crise économique en 2008. Elles se situent globalement à 7 teqCO2/habitant en 2009 (contre 8,4 teq CO2/habitant en 2007, juste avant la crise). Elles ont davantage diminué entre 2007 et 2009 (– 4,8 % par rapport à 1990) qu’entre 1990 et 2007 (– 3,3 %). Sur la période 1990-2009, les émissions de gaz à effet de serre françaises ont ainsi diminué globalement de 8,1 %. Sur le plan sectoriel, les évolutions sont contrastées. De 2007 à 2010 (sur la base de données provisoires pour 2010), la hausse des émissions des transports (+ 13 %) et du résidentiel-tertiaire (+ 13 %) a été compensée par la baisse très sensible de celles de l’industrie (– 36 %), de la branche énergie (– 11 %) et de l’agriculture (– 9 %). La période de crise illustre donc les liens de corrélation inverse entre performance économique et environnementale. respectueux des normes de basse consommation et du développement du logement collectif et non plus individuel. Ces hypothèses sont corroborées par des études de terrain, en particulier celles menées à Paris et Lille en 2005, sur le bilan carbone des ménages. 81 Un foyer du centre-ville de Lille émet 30 % de moins de CO2 pour ses déplacements qu’un ménage périurbain ; un ménage parisien émet en moyenne deux fois moins de CO2 lors de ses trajets qu’un francilien. Énergies renouvelables : la France peut mieux faire Le développement des énergies renouvelables est un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Leur poids demeure actuellement faible dans la production et la consommation de l’énergie en France. Les évolutions sont lentes. En 2010, la production d’énergie primaire – c’est-à-dire immédiatement disponible dans la nature, sans transformation – d’origine renouvelable est de 22,7 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en France métropolitaine, soit 16,4 % de la production nationale. Cette énergie est à plus de 72 % thermique et provient principalement de la biomasse, c’est-à-dire de la combustion du bois, des biocarburants, des déchets renouvelables et du biogaz. L’énergie électrique représente les 28 % restants. Elle provient à 85 % de l’hydraulique et à 13 % de l’éolien, en forte progression, le photovoltaïque n’intervenant encore que très peu avec 2 % du total. La loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique de juillet 2005 avait posé comme objectif, à l’horizon 2010, que 10 % de nos besoins énergétiques et 82 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté 21 % de notre consommation d’électricité soient pourvus par les énergies renouvelables. En 2009, ces deux indicateurs atteignaient respectivement 7,7 % et 13,5 %. Progressant à un rythme moindre que celui souhaité par la loi de juillet 2005, les énergies renouvelables restaient donc globalement à un niveau limité dans le mix énergétique français avant l’application du Grenelle de l’environnement. La conservation de la biodiversité extraordinaire à traiter en urgence La biodiversité extraordinaire est constituée par les milieux et les espèces reconnus juridiquement pour leur rareté. Sa conservation passe, en premier lieu, par la mise en place d’espaces protégés réglementairement, c’est-à-dire par exemple par des décrets ou des arrêtés. Cœur de parc national, réserve naturelle, arrêté préfectoral de protection de biotope, réserve biologique domaniale ou forestière constituent les principaux outils du droit français pour limiter ou interdire certaines activités humaines dans ces espaces. En 2008, les espaces terrestres sous protection réglementaire couvraient 1,26 % du territoire métropolitain – contre 28,5 % des territoires ultra-marins hors Polynésie française et Nouvelle-Calédonie qui disposent de leur propre droit environnemental –, mais avaient fortement progressé entre 1998 et 2008 (+ 32 %). La mise en place du réseau européen Natura 83 2000 s’ajoute à ces protections nationales et couvre 12,5 % du territoire métropolitain. La protection de la biodiversité extraordinaire a donc sensiblement progressé en France sous l’impulsion de la législation européenne. Aujourd’hui, l’enjeu réside dans l’extension des zones de protection en mer. En effet, la loi du 14 avril 2006 a institué des parcs naturels marins et, depuis 2008, le programme Natura 2000 est mis en œuvre en mer. La sanctuarisation des espaces et espèces remarquables n’est cependant pas la garantie d’une préservation durable de la biodiversité. Les espèces végétales et animales ont besoin de pouvoir migrer. La diversité biologique impose une vision dynamique et se satisfait peu des mesures de préservation statique. Dès lors, la question des corridors écologiques se pose et doit être prise en compte par les politiques environnementales. En outre, la frontière entre biodiversité extraordinaire et ordinaire n’est pas figée. En effet, des populations de plantes ou d’animaux considérées aujourd’hui comme banales peuvent progressivement se raréfier et basculer dans la catégorie des espèces rares. La biodiversité doit donc être prise en compte dans son ensemble. 84 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté La préservation de la biodiversité ordinaire : un gros effort à fournir En France, le suivi de la biodiversité « ordinaire », c’est-à-dire des milieux et des espèces qui ne font pas encore l’objet d’une protection particulière, se heurte à la dispersion des sources de la connaissance naturaliste et au manque d’outils d’observation rigoureux. L’inventaire, qui constitue la première étape de la conservation d’un patrimoine, apparaît très lacunaire. Grâce au travail remarquable de certains réseaux naturalistes, en particulier celui des ornithologues fédérés au sein de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), l’évolution des populations d’oiseaux communs – c’est-à-dire ceux de notre quotidien (mésanges, moineaux, alouettes…) – peut être mesurée sur une longue durée. Ainsi, sur la période 1989-2008, le suivi de leurs populations révèle une baisse de 10 % des effectifs des 65 espèces étudiées. Cependant, la situation varie selon les cas. L’abondance des oiseaux des milieux agricoles et des habitats bâtis, en particulier ceux liés à la présence de haies et de prairies, a chuté de 20 % en vingt ans. Celle des oiseaux forestiers, liés aux vieilles forêts, a quant à elle baissé de 11 %. Dans le même temps, l’indice d’abondance des populations d’oiseaux généralistes, qui ne dépendent d’aucun habitat particulier, a progressé de 19 %. À titre d’exemple, les effectifs de la Mésange bleue ont fortement augmenté surtout entre 2001 85 et 2008 (+ 28 %). Ces évolutions illustrent le risque d’une banalisation de la faune des oiseaux communs en métropole. Si l’inventaire de l’ensemble des populations floristiques et faunistiques est difficile à réaliser aujourd’hui, il paraît en revanche plus simple de mesurer l’évolution des surfaces peu artificialisées, terres agricoles, forêts et zones humides qui concentrent, par nature, l’essentiel de la biodiversité. Une source européenne de suivi de l’occupation des sols : CORINE Land Cover CORINE – coordination de l’information sur l’environnement – Land Cover (CLC) est une base de données géographiques européenne qui décrit l’occupation biophysique des sols, découpée par photo-interprétation manuelle d’images satellites. L’échelle de production est le 1/100 000, avec un niveau de précision de 25 hectares pour la cartographie des unités d’occupation homogène des sols. Le programme CLC est dirigé par l’Agence européenne de l’environnement et couvre 38 États européens et les bandes côtières du Maroc et de Tunisie. Actuellement, les couvertures des années 1990, 2000 et 2006 sont disponibles. 86 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté Une artificialisation des sols en progression Grâce à la base de données européenne CORINE Land Cover, on constate que, de 2000 à 2006, les espaces artificialisés se sont étendus de plus de 820 km2, soit une augmentation de 3 %. Environ 760 km2 de terres agricoles ont disparu ainsi que près de 100 km2 de milieux semi-naturels. Cette artificialisation progresse principalement aux alentours des grandes villes, le long du réseau hydrographique ou des infrastructures de transport et près du littoral. D’autres sources, plus alarmistes, en particulier les statistiques Teruti-Lucas – enquête annuelle du ministère de l’Agriculture sur l’utilisation du territoire – font état d’une progression moyenne des sols artificialisés d’environ 600 km2 par an entre 2000 et 2010 avec une tendance à l’accélération sur la période 20062010 durant laquelle l’artificialisation a augmenté d’environ 630 km² par an. Quelle que soit la source statistique retenue, ce phénomène d’artificialisation des sols apparaît très important à l’échelle nationale. Une France urbaine aux multiples visages Facteur explicatif essentiel des émissions de gaz à effet de serre, moteur de l’érosion des espaces agricoles et naturels, l’étalement urbain appelle cependant une analyse approfondie et différenciée selon les types 87 d’aires urbaines. La France manque encore d’un suivi à l’échelle communale de la consommation d’espace. Cette lacune apparaît d’autant plus dommageable que c’est à ce niveau que sont prises les décisions importantes en matière d’urbanisation. Depuis fin 2010, les dynamiques d’étalement urbain à l’échelle des principales aires urbaines métropolitaines peuvent être étudiées grâce au traitement des données de CORINE Land Cover qui couvrent la période 20002006. D’une intensité variable selon les territoires, l’étalement urbain apparaît toutefois mieux maîtrisé dans les plus grandes agglomérations. Entre 2000 et 2006, les facteurs d’évolution historiques et géographiques ont joué un rôle marginal dans les dynamiques d’étalement urbain. La progression annuelle des surfaces artificialisées renvoie globalement aux choix d’aménagement local faits par les collectivités territoriales dans le cadre d’une politique décentralisée. De fait, cet indicateur apparaît comme un bon marqueur de la maîtrise de l’étalement urbain et il n’est pas étonnant de constater une grande hétérogénéité des dynamiques territoriales d’artificialisation des sols. Sur les 137 plus importantes aires urbaines étudiées, de 2000 à 2006, le taux annuel moyen de progression de l’artificialisation des sols était de 0,6 % par an. 88 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté Mais la diversité des situations locales est à relier à l’importance de la population des différentes zones urbaines considérées. Ainsi, la progression de l’artificialisation des sols atteignait 0,6 % par an en moyenne pour l’ensemble des aires urbaines de plus de 50 000 habitants, mais seulement 0,4 % pour les quatorze aires urbaines dont la population était supérieure à 500 000 habitants. L’artificialisation des sols dans les grandes métropoles françaises 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 Rouen Montpellier Grenoble Douai-Lens Toulon Rennes Nantes Strasbourg Nice Bordeaux Toulouse Lyon 0,0 MarseilleAix-en-Provence Lille 0,2 Taux annuel de progression de l’artificialisation des sols dans les métropoles françaises Source : Corine Land Cover, 2006. Des singularités sont également à souligner au sein des quatorze aires urbaines les plus peuplées (cf. graphique). Ainsi, les aires urbaines de Toulouse et, dans une moindre mesure, de Rennes et de Montpellier se démarquent par des progressions annuelles de 89 l’artificialisation des sols relativement fortes et supérieures à la moyenne nationale avec respectivement 1,33 %, 0,77 % et 0,71 %. La mauvaise bosse du commerce Dans ces 137 aires urbaines étudiées, les causes de l’extension des sols artificialisés sont très hétérogènes. Derrière une progression annuelle de 0,6 % par an de 2000 à 2006, celle des surfaces de « tissu urbain continu » et de « tissu urbain discontinu » apparaît très faible avec respectivement 0 % et 0,4 % par an. Le développement du tissu bâti semble donc être assez peu en cause dans cette croissance des surfaces artificialisées dans les aires urbaines concernées. En revanche, les progressions des surfaces dédiées aux « mines, décharges et chantiers », « zones industrielles et commerciales » et « réseaux de communication » sont fortes avec respectivement des taux de croissance de 4,1 % par an, 1,2 % par an et 0,9 % par an. Dans les aires urbaines dont la population est comprise entre 300 000 et 500 000 habitants, le développement des zones industrielles et commerciales, s’il est partout sensible, n’en présente pas moins une importance variable selon les cas. Classiquement situées à l’entrée des villes, souvent assez mal intégrées dans le paysage, les extensions de zones industrielles et commerciales soulignent les carences de la planification urbaine en ce domaine. 90 Chapitre 4 Avant le Grenelle, un bilan français contrasté La progression des zones industrielles et commerciales 2,5 % 2,0 1,5 1,0 0,5 Le Mans Brest Avignon Saint-Étienne Dijon Angers Orléans Caen Tours Valenciennes Nancy Metz Clermont-Ferrand 0,0 Taux de progression des surfaces dédiées aux zones industrielles et commerciales dans les aires urbaines françaises de 300 000 à 500 000 habitants Source : Corine Land Cover, 2006. Au cœur des problèmes environnementaux de la France, l’étalement urbain appelle une action déterminée des pouvoirs publics, aussi bien central que décentralisés. La lutte contre ce phénomène, en mobilisant les élus locaux, maîtres de l’urbanisme depuis les lois de décentralisation du début des années 1980, est un des enjeux majeurs du Grenelle de l’environnement. 91 Chapitre 5 Le Grenelle de l’environnement, des efforts de rattrapage suffisants ? Au-delà des polémiques, le Grenelle de l’environnement apparaît comme un processus de décision original et fécond dont les conséquences financières et environnementales restent cependant difficiles à évaluer. Deux lois en 2009 et 2010, dites Grenelle 1 et 2, complétées par des dispositions des lois de finances pour 2008 et 2009, lui ont donné son ossature juridique. Mais les avancées sont-elles à la hauteur des enjeux de développement durable ? Un processus innovant aux retombées multiples et complexes Le processus du Grenelle de l’environnement a été lancé par le discours du président de la République du 21 mai 2007. De juillet à septembre 2007, une première phase de dialogue a réuni des groupes de travail de haut niveau, composés de représentants des cinq grandes catégories d’acteurs du développement durable – l’État, les collectivités territoriales, les organisations non gouvernementales, les employeurs et les salariés. Ils ont émis plus de deux cent propositions sur ce que pourrait être la politique nationale en matière d’environnement, qui ont préfiguré les « engagements du Grenelle ». Une vaste consultation du public, réalisée via internet et des réunions régionales, s’en est suivie de septembre à octobre 2007. Les 24 et 25 octobre 2007, le président de la République a présenté les conclusions du Grenelle et ses 268 engagements. 95 À partir des conclusions de cette première phase de consultation, 34 comités opérationnels (COMOP) ont été chargés, de décembre 2007 à mai 2008, de proposer des actions concrètes permettant de traduire les 268 engagements du Grenelle. La gouvernance à cinq portée par le Grenelle de l’environnement En termes de méthode, le Grenelle s’est appuyé sur un large débat public mobilisant cinq grands types d’acteurs : l’État, les collectivités territoriales, les associations de protection de l’environnement, les représentants des employeurs et ceux des salariés. Sur le plan institutionnel, cette « gouvernance à cinq » s’est traduite par la recomposition du Conseil économique et social (CES) en Conseil économique, social et environnemental (CESE), intégrant un nouveau collège de personnalités, notamment issues du monde associatif au titre de la protection de la nature et de l’environnement. L’« esprit du Grenelle » devait, par ailleurs, imprégner l’ensemble des processus d’élaboration et de suivi des politiques publiques en matière de développement durable. Mais après l’été 2010, il a perdu de son influence sous l’effet conjugué de l’évolution des rapports de force politique et de la crise économique. 96 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement Est ensuite venu « le temps du Parlement ». Les premières traductions juridiques du Grenelle n’ont pas été les lois Grenelle 1 et 2, respectivement adoptées en 2009 et 2010, mais des lois de finances. La loi de finances rectificative pour 2007 et les lois de finances initiales pour 2008 et 2009 ont développé les mesures d’incitations fiscales et budgétaires en faveur de l’environnement (ex : dépenses fiscales en faveur de l’isolation des habitations, bonus-malus écologique pour l’achat de véhicule peu émetteurs de CO2). La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle 1, a fixé les grands objectifs à atteindre pour mettre en œuvre les engagements du Grenelle. Elle a été suivie par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2, qui a précisé les voies et moyens nécessaires à la réalisation des dispositions définies par la loi Grenelle 1, en particulier dans le domaine du climat et de l’énergie qui apparaît comme le champ d’action prioritaire du Grenelle. La loi Grenelle 1 a ainsi confirmé l’objectif, pour les secteurs du bâtiment et de l’énergie, de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre françaises entre 1990 et 2050 (le « facteur 4 »). Cet objectif avait déjà été défini par la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (LOE) de juillet 2005. La loi Grenelle 2 vise, quant à elle, à améliorer la sobriété 97 énergétique du parc immobilier, notamment en matière d’isolation thermique, et à réduire les émissions de CO2 engendrées par le parc automobile. Les conséquences financières des mesures encouragées sont encore mal évaluées et menacent leur mise en œuvre effective dans un contexte budgétaire et économique tendu. Améliorer les performances thermiques du parc immobilier : une œuvre de longue haleine Le Grenelle tend à imposer une réglementation thermique (dite RT2012) particulièrement exigeante en matière de consommation d’énergie pour les constructions neuves. Alors que la réglementation thermique établie en 2005 (RT2005) fixait le niveau moyen de consommation d’énergie primaire des constructions à 150 kWh/m²/an, la RT2012 abaisse ce seuil à 50 kWh/m²/an (article 4a de la loi Grenelle 1). Cette nouvelle règle entre en application de façon progressive depuis octobre 2011 et concernera toutes les constructions nouvelles à partir du 1er janvier 2013. Dans l’ancien, le Grenelle encourage le développement de l’information sur la performance énergétique des constructions et les opérations de rénovation lourde, en particulier dans les copropriétés. Introduits par la LOE de 2005, les diagnostics de performance énergétique (DPE) sont généralisés à quasiment l’ensemble du parc immobilier par la loi Grenelle 2. La loi de finances pour 2009 met par 98 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement ailleurs en place un prêt à taux zéro écologique (écoPTZ) permettant d’aider les propriétaires à améliorer l’isolation de leur bien. Le taux du PTZ « classique », devenu PTZ+ depuis le 1er janvier 2012, est quant à lui bonifié en cas d’acquisition de logements dont le niveau de performance énergétique est supérieur ou égal au seuil D, c’est-à-dire dont la consommation d’énergie est de 151 à 230 kWh/m²/an. L’immobilier de bureau, qu’il soit public ou privé, se voit imposer le standard de haute qualité environnementale (HQE). En effet, l’article 3 de la loi Grenelle 2 a pour effet de promouvoir ce type de construction qui doit devenir la norme à l’horizon 2020 dans ce secteur immobilier. Fondé sur le respect de tout ou partie de 14 « cibles » ou critères environnementaux, le standard HQE demeure cependant d’application assez souple. D’ici 2020, les nouvelles constructions devront être classées « passives » ou « énergie positive », c’est-à-dire qu’elles devront consommer moins de 15 kWh/m²/an ou produire plus d’énergie qu’elles n’en consomment (article 4b de la loi Grenelle 1). La rénovation du parc automobile, un retard vite comblé ? La loi Grenelle 2 ne contient pas de dispositions très originales en faveur du développement de l’offre de transports collectifs. Sur ce plan, les orientations fixées par la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de 99 l’énergie dite LAURE de 1996, la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) de 1999 et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000 restent valables. En revanche, le Grenelle de l’environnement offre de nouveaux outils en faveur de la régulation des modes de transports individuels et de la limitation des émissions de CO2 qu’ils induisent. La loi de finances rectificative pour 2007 a introduit le dispositif de bonus-malus écologique qui vise à surtaxer (malus) l’achat de véhicules neufs émettant plus de 161 gCO2/km et à accorder une prime (bonus) pour l’achat de modèles émettant moins de 130 gCO2/km. L’objectif de ce dispositif est de ramener les émissions moyennes de CO2 du parc de véhicules particuliers de 176 g/km à 130 g/km en 2020, soit le niveau de 1990. En 2012, les seuils du bonus-malus écologique ont évolué. Le bonus concerne les achats de véhicules neufs émettant moins de 105 gCO2/km et le malus, ceux émettant plus de 141 gCO2/km. La loi Grenelle 2 offre, par ailleurs, la possibilité d’expérimenter, pour une durée de trois ans, les péages urbains pour les véhicules à moteur dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants dotés d’un système de transports collectifs en site propre, c’est-à-dire qui bénéficie d’une part exclusive de la chaussée (ex : tramway) (article 65 de la loi). Depuis le 1er janvier 2010, les tarifs de péage 100 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement Bonus-malus écologique : un bonus pour les émissions de CO2 ? Sur la période 2003-2007, les émissions de CO2 théoriques des voitures particulières ont reculé d’environ 1 % par an passant de 154,7 g CO2/km en 2003 à 148,8 g CO2/km en 2007 (hormis décembre 2007 perturbé par la mise en place du bonus-malus). Appliqué depuis le 1er janvier 2008, le dispositif de bonusmalus écologique sur l’achat des véhicules neufs a permis la réduction immédiate d’environ 6 g CO2/km des émissions engendrées par ces véhicules entre fin 2007 et début 2008, ainsi que l’accélération de la tendance à la baisse qui se situe désormais autour de – 3,7 % par an. En 2009, les émissions de CO2 chutent à 133,7 g CO2/km. Début 2010, elles reculent encore pour passer en dessous de 131 g CO2/km. Source : Service de l’observation et des statistiques du ministère du Développement durable, Les immatriculations de voitures particulières neuves un an après la mise en place du bonus-malus, février 2009. sur autoroute applicables aux transports de marchandises sont, quant à eux, modulés en fonction de la classe d’émission EURO des poids lourds (article 60). Enfin, pour tenter de réguler les émissions provenant des poids lourds circulant en dehors du réseau autoroutier, après plusieurs reports, une écotaxe devrait s’appliquer à partir du second semestre 2012 (article 11 de la loi Grenelle 1). Il s’agit de la taxe poids lourds nationale (TPLN), dont le produit estimé à 1,24 milliard 101 d’euros sera affecté au financement des infrastructures via l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Il s’agit de promouvoir les modes de transports alternatifs à la route (ex : chemin de fer, voie fluviale). Le prix des efforts à consentir Ambitieuse, la « révolution écologique » portée par le Grenelle de l’environnement présente un coût encore difficile à évaluer, en particulier en termes d’investissement public. Quelques études très pointues – du Groupement des autorités responsables des transports (GART) et de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN) – commencent cependant à l’estimer. En matière de transports collectifs, l’objectif fixé par la loi Grenelle 1 de construire, hors de l’Île-deFrance, 1 500 km de lignes de transport en commun en site propre (TCSP) d’ici quinze ans, en partant d’une base d’environ 329 km, représente un coût très important (article 13 de la loi). Selon le GART, il faudra investir environ 18 milliards d’euros, auxquels il conviendra d’ajouter les coûts d’exploitation pour environ 2,5 milliards d’euros par an. De son côté, la CCEN, rattachée au Parlement, a évalué début 2012 le coût de la mise en œuvre pour les collectivités territoriales des 86 premiers décrets d’application des lois Grenelle 1 et 2 à 2,37 milliards d’euros entre 2012 et 2017. 102 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement Le Grenelle, moins coûteux que prévu pour l’État ? Des premières estimations du coût du Grenelle de l’environnement pour les seules finances de l’État ont été présentées en novembre 2011 par la Cour des comptes. Fin 2008, le ministère du Développement durable évaluait à 7 milliards d’euros l’ensemble des dépenses – crédits budgétaires et mesures fiscales (exonérations et crédits d’impôt) – liées au Grenelle de l’environnement pour la période 2009-2011. La Cour des comptes a rectifié cette estimation dans son référé du 3 novembre 2011. Les financements affectés au Grenelle se monteraient plutôt à 5,5 milliards d’euros. En supprimant des comptes les redéploiements de crédits budgétaires entre ministères, et en y incluant les nouvelles recettes créées par le Grenelle, le coût net pour l’État n’est plus que de 3,8 milliards d’euros. Difficile à anticiper avec précision, le coût du Grenelle de l’environnement, des lois et des décrets qui lui donnent corps sera vraisemblablement de l’ordre de quelques dizaines de milliards d’euros. Les montants en jeu sont importants, en particulier dans un contexte financier très tendu. Avec un endettement et des déficits publics record, sous la menace permanente d’un renchérissement des taux d’intérêt, chaque nouveau milliard engagé pèse lourd, beaucoup plus que durant les Trente Glorieuses où le pays était sur le chemin de l’expansion économique. De ce point de 103 vue, le Grenelle de l’environnement apparaît comme un défi budgétaire, tant pour l’État que pour les collectivités territoriales. Au-delà des coûts directs engendrés, les investissements à consentir ne devraient-ils pas aussi être considérés à la lumière des économies de fonctionnement susceptibles d’être réalisées sur le long terme ? Avec un prix de l’énergie fossile globalement orienté à la hausse, la réduction de la consommation apparaît comme un facteur de durabilité des équilibres budgétaires. Il est donc important de ne pas seulement considérer ce que coûte aujourd’hui le Grenelle de l’environnement, mais aussi ce qu’il permettra d’économiser demain. De surcroît, l’activité économique induite par la mise en œuvre des dispositions du Grenelle, en particulier dans les secteurs du bâtiment et de l’automobile, apparaît génératrice de croissance et d’emploi. C’est tout l’intérêt du développement de l’économie « verte », à la fois favorable à l’environnement et au progrès socio-économique de la France. La biodiversité extraordinaire bénéficie de nouveaux outils Une des orientations fixées par la loi Grenelle 1 est de stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique, de restaurer et de maintenir ses capacités d’évolution. Pour cela, elle conforte le réseau terrestre des aires protégées par la mise en œuvre 104 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement d’une stratégie nationale en la matière identifiant les lacunes actuelles du système, afin de placer 2 % au moins du territoire métropolitain sous protection forte d’ici 2019. Elle prévoit, par ailleurs, la création d’aires marines protégées pour couvrir 10 % des eaux placées sous la souveraineté de l’État dans les limites de la mer territoriale, d’ici 2012 en métropole et 2015 en outre-mer et Nouvelle-Calédonie (article 23). Facteurs majeurs de préservation de la biodiversité, les corridors écologiques, terrestres ou aquatiques, sont par ailleurs reconnus et promus par la loi. Ainsi, la trame verte, constituée des espaces terrestres protégés, et la trame bleue, rassemblant les eaux de surface continentales et leurs écosystèmes, devraient dès 2012 assurer la connexion entres ces différents espaces terrestres ou maritimes protégés et permettre leur fonctionnement global (article 24). Elles facilitent la migration des espèces animales et végétales et participent ainsi à la conservation dynamique de la diversité biologique. Afin de donner corps à ces corridors écologiques, la loi Grenelle 2 confie aux régions le soin d’élaborer, conjointement avec l’État, les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) (article 121). Les SRCE complètent les possibilités d’intervention de la région en matière d’aménagement du territoire qu’elles détenaient déjà grâce aux schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) depuis la loi Voynet de 1999 (LOADDT). 105 Néanmoins, les SRCE ne sont qu’un élément parmi d’autres que devront « prendre en compte » les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux d’urbanisme. En effet, la loi n’impose aucun rapport de conformité, ni même de compatibilité, des politiques d’urbanisme avec les schémas régionaux censés structurer les trames verte et bleue. La limitation de l’étalement urbain : un encadrement très insuffisant ! Les progrès enregistrés en matière d’urbanisme apparaissent finalement maigres. Non seulement les modalités d’intégration des SRCE sont floues mais le dispositif de lutte contre l’étalement urbain reste faible. L’enjeu qu’il représente pour la conservation de la biodiversité ordinaire n’a sans doute pas été suffisamment pris en compte par la loi Grenelle 2. Le dispositif de planification urbaine mis en place par la loi SRU en 2000 progresse peu alors que la dynamique d’artificialisation des sols va croissant tout au long de la période 2000-2010. Après l’adoption des lois Grenelle, le SCOT reste un document de cadrage dont les dispositions conservent un caractère assez peu prescriptif. L’échelle pertinente de mise en œuvre d’un SCOT n’est également toujours pas clairement précisée. Alors que l’aire urbaine paraît le niveau le plus adapté pour penser la relation entre ville et campagne et tenter 106 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement La Charte de Leipzig et l’Agenda territorial européen, premiers pas vers une vision européenne de la « ville durable » Les 24 et 25 mai 2007, dans le cadre de la présidence allemande de l’Union européenne, les ministres responsables du Développement urbain et de l’Aménagement du territoire se sont réunis à Leipzig afin de « renforcer les villes européennes et leur région, de promouvoir la compétitivité ainsi que la cohésion sociale et territoriale ». Suite à cette réunion, la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable, ainsi que l’Agenda territorial de l’Union européenne intitulé « Vers une Europe plus compétitive et durable avec des régions diverses », ont été adoptés. Cette initiative jette les bases d’une nouvelle politique européenne en matière d’urbanisme. Elle porte notamment l’idée que le développement urbain doit être replacé dans son contexte territorial global, en intégrant le fait urbain dans un ensemble d’interactions ville-campagne. L’attention particulière à porter sur les quartiers sensibles est par ailleurs soulignée (ex : zones urbaines sensibles ou zones franches urbaines en France) de gérer les dynamiques d’étalement urbain, la loi reste muette sur la dimension qui devrait être celle de l’espace de cohérence territoriale. Cette incertitude est d’autant plus gênante qu’émerge, au niveau européen, un consensus sur la nécessité de réfléchir 107 au développement de la ville durable à l’échelle de la « région fonctionnelle urbaine ». Comme le soulignent la Charte de Leipzig et l’Agenda territorial européen adoptés en 2007 par une réunion des ministres responsables des États membres de l’Union, l’urbanisme doit désormais pleinement intégrer la gestion des espaces périurbains. La loi Grenelle 2 impose au SCOT d’arrêter des objectifs chiffrés de consommation économe d’espace et de lutte contre l’étalement urbain (article 17). Mais elle n’encadre nullement les modalités de fixation de ces objectifs et n’oblige pas les intercommunalités à les détailler par secteur géographique. De fait, la loi laisse une très grande liberté aux plans locaux d’urbanisme (PLU) dans la régulation de l’étalement urbain. Avec le recul de dix ans d’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), on peut douter de leur capacité à le faire. L’objectif initial du projet de loi Grenelle 2 d’imposer à toutes les intercommunalités la définition de PLU intercommunaux aurait-il permis d’avancer efficacement vers une gestion plus économe qu’actuellement des sols ? Dans les plus grandes agglomérations, fortes d’une population de plus de 500 000 habitants et dotées d’un statut de communauté urbaine, la compétence de plein droit accordée à l’intercommunalité de gérer le PLU tend à limiter la progression de l’artificialisation des sols. 108 Chapitre 5 Le Grenelle de l'environnement Le plan local d’urbanisme intercommunal La loi Grenelle 2 a modifié les dispositions du Code de l’urbanisme sur les plans locaux d’urbanisme (PLU). Si la loi n’impose pas l’établissement de PLU intercommunaux, elle offre cependant aux intercommunalités volontaires la possibilité de le faire (articles L. 123-1 à L. 123-20 du Code). Complexes à mettre en œuvre et reposant sur l’accord de l’ensemble des maires du territoire concerné, les PLU intercommunaux restent aujourd’hui très rares là où réside un fort enjeu d’étalement urbain. En milieu rural, quelques communautés de communes développent ce type d’approche, comme par exemple celle du canton de Prayssas (Lot-et-Garonne). Le souci de mise en valeur touristique de territoires éloignés des grands centres urbains est souvent à l’origine de la démarche. Dans le cas du canton de Prayssas, le PLU intercommunal adopté en 2009 fait suite à la définition d’une Charte paysagère en 2006-2007. Cette démarche volontaire avait commencé à sensibiliser les élus à la préservation concertée d’un territoire rural. On perçoit ici la complémentarité entre approche volontaire et démarche réglementaire. L’absence d’encadrement de l’urbanisme commercial, facteur important de la consommation d’espaces périurbains, est une lacune majeure du Grenelle de l’environnement. Aujourd’hui encore, l’implantation des enseignes commerciales, le plus souvent 109 en périphérie des villes, ne fait pas l’objet d’une réflexion urbanistique. C’est sur une base purement économique que les autorisations d’installations sont délivrées par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC). Une proposition de loi a été déposée en 2010 afin de ramener le droit de l’urbanisme commercial dans le droit commun de l’urbanisme. En substance, la proposition de loi prévoit que le SCOT pourrait contenir un document d’aménagement commercial (DAC). Ce DAC délimiterait précisément les zones où seraient autorisées des implantations commerciales de plus de 1 000 m2. En l’absence de DAC, hors des centres-villes, les implantations commerciales de plus de 1 000 m2 seraient interdites. Cette proposition de loi est pour l’instant restée sans suite. 110 Chapitre 6 L’économique et le social : encore beaucoup à faire Les dimensions économique et sociale du développement durable poussent au renouvellement de la réflexion sur l’avenir de la société française. Forte d’une longue tradition sociale, la France pourrait contribuer à l’élaboration d’une pensée européenne en matière de développement « vivable ». Ne pourrait-elle pas devenir un terrain privilégié pour une mise en œuvre concrète du développement durable dans toutes ses dimensions ? Trois piliers inconciliables ? Les enjeux environnementaux auxquels la France est confrontée ne sont pas sans influence sur l’activité économique ni sur l’équilibre social du pays. Les engagements pris à Rio en 1992 ont remis en cause notre rapport à l’énergie et, dans une certaine mesure, à l’espace. Le développement doit en effet être repensé dans une perspective de long terme, susceptible de modifier les équilibres socio-économiques sur lesquels notre société repose. Ainsi, sur le plan économique, le traitement des grands défis environnementaux tend à promouvoir une économie « verte » qui se substituerait partiellement à l’économie traditionnelle. Les nouvelles activités économiques liées à la protection de l’environnement – les éco-activités (ex : construction d’éoliennes) – sont certes créatrices de richesses et d’emplois, mais leur essor s’accompagne aussi de la 113 disparition de filières et de métiers mal adaptés aux exigences du développement durable (ex : production de sac plastique à base de pétrole). Les ampoules basse consommation « durent plus longtemps » Les États de l’Union européenne ont décidé d’interdire progressivement l’usage des lampes à incandescence à partir du 1er septembre 2009 pour aboutir à une disparition complète au 30 décembre 2012. Il s’agit d’abord d’économiser de l’énergie, mais aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Si les lampes de substitution (lampe fluo compacte, lampe halogène « haute efficacité » et lampe LED) consomment moins d’énergie par quantité de lumière produite (mesurée en lumens), elles sont plus chères que les anciennes ampoules à incandescence. L’ordre de grandeur du prix d’une ampoule à incandescence est d’environ un euro, tandis que celui d’une lampe de substitution varie de 5 à 50 euros selon la technologie utilisée. La durée de vie des ampoules à incandescence (environ 1 000 heures) est plus courte que celle des lampes de substitution comprise entre 2 000 et 10 000 heures. Le rapport entre la durée de vie et le prix d’achat reste cependant en défaveur des ampoules de substitution et varie de 1 000 heures/ euro à 200 heures/euro. Indépendamment des économies d’énergie susceptibles d’être réalisées sur le long terme, les ménages doivent donc supporter un « coût d’investissement ». 114 Chapitre 6 L'économique et le social Au final, quel bilan économique peut être dressé des mutations en cours ? L’interrogation porte également sur le plan social. Le renchérissement des énergies fossiles, la taxation (ex : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ex-TIPP) ou le prix à payer des émissions carbone dans le cadre du marché européen des quotas pèsent sur le budget des ménages, les comptes de certaines entreprises et affectent de manière différenciée les composantes de la société française. La recherche d’un mode de développement plus éco-responsable que par le passé corrige-t-elle ou renforce-t-elle les inégalités sociales ? Autrement dit, l’équilibre entre les trois composantes environnementale, économique et sociale du développement durable est-il réalisable ou demeure-t-il théorique ? L’économie verte, un beau sujet mais un peu flou Apparue récemment dans le débat public, la notion d’économie « verte » ou de croissance « verte » n’en demeure pas moins porteuse d’une profonde révision de notre système économique. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « La croissance verte est la voie à suivre pour passer de l’économie actuelle à une économie durable. Elle consiste à promouvoir la croissance et le développement tout en réduisant la pollution et les 115 émissions de gaz à effet de serre, en limitant le plus possible la production de déchets et le gaspillage des ressources naturelles, en préservant la biodiversité et en renforçant la sécurité énergétique. Elle nécessite de “découpler” davantage les impacts environnementaux et la croissance économique et d’adopter des modes de consommation et de production plus respectueux de l’environnement tout en réduisant la pauvreté et en améliorant les perspectives des populations en matière de santé et d’emploi. La croissance verte implique de faire de l’investissement environnemental une nouvelle source de croissance économique ». Cette définition a été précisée au niveau national dans le cadre d’une coordination européenne. Les activités économiques qui composent la croissance verte sont les éco-activités – produisant des biens et des services directement appliqués à la préservation de l’environnement au sens classique du terme (eau, air, sol, déchets, bruit…), à l’efficacité énergétique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et aux énergies renouvelables – et les autres activités « vertes », produisant des biens et des services favorables à l’environnement, au sens où ils engendrent moins de nuisance et sont moins consommateurs de matière ou d’énergie (ex : chaudières à condensation, ampoule basse consommation). Cette définition des éco-activités constitue le périmètre de référence retenu par Eurostat, le service statistique de l’Union européenne, pour le suivi de long terme des emplois dits 116 Chapitre 6 L'économique et le social L’économie verte : une définition qui pose problème La notion même d’économie verte fait débat. Selon les sources, le périmètre de ce champ économique varie sensiblement. Or, l’appréciation du potentiel de croissance et de création d’emplois qu’elle peut induire dépend évidemment de la définition retenue. Celle assez étroite, retenue par l’OCDE et reprise au niveau de l’Union européenne structure désormais les statistiques publiques nationales. Mais certains acteurs institutionnels, chercheurs ou bureaux d’étude considèrent l’économie verte de manière plus ou moins extensive, prenant par exemple en compte les activités industrielles polluantes qui améliorent leur processus de fabrication pour réduire les pollutions émises. Ces différences d’approches expliquent des variations importantes dans l’évaluation des effets socio-économiques de l’essor des éco-activités, notamment en matière d’emplois créés. Ainsi, en 2010, un grand cabinet d’étude privé estimait à 600 000 emplois le potentiel des éco-activités, alors que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) l’estimait à environ 200 000 emplois. Il convient donc d’être très vigilant sur les méthodes et les sources statistiques retenues en la matière. environnementaux au niveau international. Certaines activités internes aux entreprises, dites « auxiliaires » ou « transversales », qui participent indirectement 117 à la croissance verte, lui sont également associées, comme par exemple la recherche-développement. Si cette définition a le mérite d’exister et de servir de fondement aux premières études sur l’économie verte, elle est cependant évolutive. En effet, en fonction des innovations technologiques et des exigences de la réglementation, tel ou tel produit peut apparaître initialement comme favorable à la protection de l’environnement, puis neutre, voire défavorable selon les révisions des standards de qualité environnementale. Le périmètre des « autres activités vertes » est donc amené à être revu sur le long terme. Des résultats difficiles à évaluer en termes de croissance et d’emplois L’évaluation des effets de l’économie verte sur la croissance et l’emploi appelle une analyse par secteurs d’activités. Selon le dernier rapport sur l’environnement en France de 2010, la production des éco-activités s’élevait à 62,5 milliards d’euros en 2008. Les domaines d’activités liés à la protection de l’environnement, parmi lesquels prédominent le secteur des déchets (14,3 milliards d’euros) et celui des eaux usées (14 milliards d’euros), représentaient 57 % de ce montant. Parmi les activités liées à la gestion des ressources naturelles, le secteur des énergies renouvelables se plaçait en première position avec 11,2 milliards d’euros, la vente d’énergie d’origine 118 Chapitre 6 L'économique et le social renouvelable contribuant à ce résultat à hauteur de 8 milliards d’euros. Le rythme de croissance de la production d’« écoproduits » s’établissait à 7,5 % en moyenne annuelle de 2004 à 2008 (en valeur courante) contre 4,8 % pour l’ensemble de l’économie. La croissance a été particulièrement soutenue pour le secteur des énergies renouvelables (26,3 %) et celui de la gestion durable de l’eau (12 %). Ce taux de croissance intègre l’évolution des prix dont la hausse a été sensible au cours de cette période. En 2008, les éco-activités représentaient près de 405 000 emplois à temps plein, soit environ 1,6 % de l’emploi en France. Parmi eux, 287 700, soit 71 % du total, étaient dus aux éco-activités marchandes des entreprises. Le nombre d’emplois de cette économie verte est en hausse rapide, 3 % en moyenne annuelle sur la période 2004-2008, contre un peu moins de 1 % pour l’ensemble des branches de l’économie, notamment sous l’effet de la croissance des emplois liés à la gestion durable de l’eau (+ 5,9 % par an environ) ou au développement des énergies renouvelables (+ 17,8 % par an environ). La croissance soutenue de l’emploi environnemental ne traduit pas pour autant des créations nettes liées à l’économie verte. Il est important également de prendre en compte les effets de substitution, qui se traduiraient par d’éventuelles baisses d’emplois dans certains secteurs. C’est tout l’enjeu des mesures 119 d’impact de la croissance verte sur l’emploi que de tenter d’évaluer les effets directs, indirects et induits par l’essor de cette nouvelle économie. Les éco-activités ne connaissent pas la crise En 2010, la production des éco-activités a atteint 69,9 milliards d’euros. Elle représentait une part croissante de la production totale : 2 % en 2010 contre 1,9 % en 2009. Après un ralentissement en 2009, la production des éco-activités connaît un regain de dynamisme (+ 8,5 %), nettement supérieur à celui du reste de l’économie (+ 3,5 %). Le montant des exportations d’éco-activités s’élevait à 6,1 milliards d’euros, soit 1,2 % du total des exportations. La balance commerciale du domaine est excédentaire de l’ordre de 1,1 milliard d’euros. Les éco-activités ont mobilisé 452 600 emplois à temps plein en 2010, soit 4,5 % de plus qu’en 2009. De 2009 à 2010, les effectifs ont augmenté de 4,5 % contre 0,1 % dans le reste de l’économie. Source : ministère du Développement durable, « Les éco-activités et l’emploi environnemental en 2010 : premiers résultats », mars 2012. 120 Chapitre 6 L'économique et le social Des effets directs, indirects et induits sur l’emploi Concernant les effets directs, l’émergence et la croissance de nouveaux marchés, stimulés par les politiques et les dépenses environnementales, pourraient se traduire par une augmentation de l’activité et de l’emploi dans les secteurs centraux de la croissance verte. L’ampleur de la création directe d’emplois dépend, entre autres, des besoins en main-d’œuvre de ces secteurs. Cette hausse d’activité correspondrait également en partie à la redéfinition d’emplois existants, pour lesquels de nouvelles compétences sont nécessaires (chauffagiste, ouvriers du bâtiment). La croissance verte peut occasionner également des pertes d’emplois dans d’autres secteurs, en déclin. La substitution progressive des produits et services « verts » aux produits et services traditionnels pourrait entraîner une redistribution de l’activité entre secteurs, comme au sein d’un même domaine. Par ailleurs, les activités économiques consommatrices d’énergie (industrie lourde, transports, secteur automobile) ou polluantes seraient affectées par une perte de compétitivité-prix – c’est-à-dire une évolution défavorable de nos prix à l’exportation par rapport à ceux de nos partenaires – liée aux surcoûts occasionnés par les politiques environnementales (ex : prix du CO2, coûts de mise en conformité). Certains emplois pourraient être amenés à disparaître totalement, sans 121 être remplacés, en particulier dans les activités liées à la production de substances interdites ou limitées par des politiques environnementales. Aux effets directs de la croissance verte sur l’emploi s’ajoute un effet indirect pour les domaines d’activités producteurs de biens et services intermédiaires à destination des secteurs directement bénéficiaires ou touchés par la croissance verte (sidérurgie pour la construction d’éolienne, fabrication de fenêtres pour l’isolation des bâtiments…). L’ampleur de la création indirecte d’emplois dépend de la fabrication, ou non, sur le territoire national de ces biens et services intermédiaires. Le solde de ces créations et destructions simultanées d’emplois directs et indirects est a priori difficile à calculer. Il dépend de la vitesse à laquelle l’économie verte pourrait se mêler à l’économie générale. Enfin, la croissance verte peut avoir un effet induit sur l’emploi dans les autres secteurs de l’économie dû aux effets indirects du développement des écoactivités (ex : effet d’entraînement sur des secteurs connexes ou bien effet d’éviction sur des secteurs producteurs d’activités polluantes ou énergivores), ainsi qu’aux contraintes budgétaires qui pèsent sur les ménages et les pouvoirs publics pour gérer la transition écologique. Les variations de revenu disponible des ménages, c’est-à-dire les revenus d’activité, du patrimoine et les transferts sociaux nets d’impôt, qui en résultent se traduiraient par une modification de la 122 Chapitre 6 L'économique et le social Les véhicules électriques : avanti ! La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie fossile conduit à promouvoir les transports collectifs, à réduire les émissions dues au parc automobile existant, mais aussi à développer une offre de véhicules électriques individuels. Le défi écologique rencontre un véritable enjeu industriel, en particulier pour les constructeurs français. En effet, il s’agit de conserver un appareil de production en l’adaptant. Grâce aux progrès technologiques, de nouveaux modèles de voitures électriques commencent à être commercialisés. Si leur autonomie reste inférieure à celle des véhicules à essence, d’importantes avancées ont été réalisées : certains modèles peuvent désormais rouler pendant environ 300 km pour un temps de rechargement d’une dizaine d’heures. Néanmoins, deux obstacles demeurent et freinent l’essor de cette technologie : la faiblesse des infrastructures publiques de rechargement, dont l’investissement devrait largement incomber aux collectivités territoriales, et le coût d’achat relativement important des voitures, en particulier celles dotées de batteries d’accumulateur. Ainsi, pour un modèle de véhicule utilitaire d’entrée de gamme, le prix d’achat peut varier d’environ 12 000 euros pour une motorisation diesel à 15 000 euros (hors location mensuelle des batteries) pour une motorisation électrique. Le surcoût en termes d’investissement n’est pas négligeable, mais peut rapidement être compensé par la réduction du budget « énergie ». 123 demande adressée à ces autres secteurs économiques et donc par une hausse ou une baisse de leur activité et de leurs emplois. Le changement d’équilibre sur le marché du travail pourrait s’accompagner de rétroactions (négociations salariales, offre de travail). Pour être complète, l’analyse des impacts de la croissance verte doit donc tenir compte des emplois directs et indirects, situés dans la chaîne de fournisseurs, détruits du fait du déclin d’activités réputées polluantes. Si de nombreuses études ont d’ores et déjà tenté de chiffrer l’impact sur l’emploi de l’économie verte, la plupart émanent d’associations de protection de la nature et d’administrations (WWF, Greenpeace, ADEME) a priori plutôt favorables au développement de cette nouvelle économie. De fait, il est à craindre que les effets indirects négatifs sur l’économie et l’emploi soient négligés et que le solde net des emplois créés apparaisse excessivement optimiste. À l’échéance 2020, date de projection la plus communément retenue par ces études, le nombre d’emplois nets supplémentaires créés par l’économie verte en France oscillerait entre 40 000, pour la Confédération européenne des syndicats, et 700 000, pour Greenpeace. Deux études, menées l’une à l’échelle européenne et l’autre à l’échelle nationale, relativisent ces effets de l’économie verte sur l’emploi. Au niveau européen, et à échéance 2020, il faudrait plutôt tabler sur le statu 124 Chapitre 6 L'économique et le social quo, selon l’étude d’impact du paquet énergie-climat, établie en 2008 par la Commission européenne. En France, une étude estime que d’ici 2014, environ 200 000 emplois nets pourraient être créés, mais que le solde des emplois pourrait devenir négatif à partir de 2023, de l’ordre de 150 000 emplois, une fois passé le cap de la transition écologique (Briard et alii., « Impacts macroéconomique du Grenelle de l’environnement », 2010). Malgré tout, l’impact sur l’emploi de l’économie verte n’en reste pas moins modeste, variant de + 700 000 emplois nets pour les plus optimistes à – 150 000 emplois nets pour les plus pessimistes. Alors que la population active se situe aujourd’hui en France autour de 22 millions de personnes, il ne faut pas attendre de bouleversement du marché de l’emploi du fait de la croissance verte. Il convient cependant de prêter une grande attention aux dispositifs de formations professionnelles, initiale et continue, qui faciliteront l’adaptation des personnes entrant sur le marché du travail et la reconversion des actifs dans une économie verte. Le social, une dimension du développement durable à renforcer Les enjeux écologiques auxquels est confrontée la France ont sans doute des répercussions sociales. Encore peu exploré, ce pan de la réflexion sur le développement durable bénéficie cependant de 125 quelques travaux pionniers qui ont porté sur la prise en charge de la facture énergétique par les ménages, en particulier sous l’effet d’un étalement urbain croissant. Conséquence de la raréfaction progressive des gisements de carburants d’origine fossile, du renchérissement de leur prix et du surcoût que représentent les mesures prises par les pouvoirs publics pour limiter leur consommation (ex : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ex-TIPP), l’énergie fossile coûte de plus en plus cher. Selon les modes de vie, ce poste de dépense pèse de manière différente sur le budget des particuliers. Tout d’abord, il convient de distinguer le problème posé par le chauffage des ménages de celui lié à leur consommation de carburant. Variable selon les sources d’énergie, l’évolution des prix est globalement orientée à la hausse sur une longue période, à l’exception notable du prix de l’électricité. Bien connue des automobilistes, la hausse des prix à la pompe s’inscrit dans la durée : en euros constants 2009, le prix du litre de gazole est passé d’environ 0,8 euro/litre à la fin des années 1980 à environ 1,2 euro/litre fin 2009. Certes, le prix de l’électricité est lui orienté à la baisse avec une diminution de 17 à 12 euros de 1983 à 2009 (données TVA incluse pour 100 kWh, en tarif bleu heures creuses et pour une consommation annuelle de 13 MWh). La relative modicité du prix de l’électricité associée aux progrès 126 Chapitre 6 L'économique et le social Comment se compose le budget des familles ? Grâce aux enquêtes sur le budget des familles qui sont périodiquement réalisées par l’INSEE, le poids des différents postes budgétaires d’une famille ou d’un couple peut être estimé. En 2006, en moyenne, pour une famille avec enfants, les dépenses alimentaires mensuelles représentaient 22 % du budget, soit 685 euros, contre 22,4 % du budget (516 euros) pour un couple sans enfant et 20 % pour une personne seule (276 euros). C’est le poste de dépense le plus important dans le budget des couples, avec ou sans enfant. Pour les célibataires, en revanche, c’est le logement qui constitue la dépense la plus importante (24,4 % de leur budget, soit 336 euros). Pour les couples avec enfants, les dépenses de logement mensuelles s’élèvent à environ 400 euros et, pour les couples sans enfant, à 345 euros. Les frais de transports (entretien de la voiture, carburants ...) représentent également un coût important, en particulier dans le budget des couples sans enfant (363 euros) et des familles (556 euros). Ainsi, la hausse attendue du prix du chauffage, de l’éclairage et des transports pèsera-t-elle fortement sur le pouvoir d’achat des Français. réalisés en matière de performance énergétique des logements permet d’ailleurs de maîtriser la part du coût de l’énergie dans le budget des ménages (8,4 % en 2006), en dépit de la multiplication des appareils électriques ou électroniques, de l’accroissement de la 127 taille des logements et de l’étalement urbain. Il n’est cependant pas dit que cette situation perdure. En effet, le coût de l’électricité payé par les ménages en France ne prend qu’imparfaitement en compte le coût total du fonctionnement de la filière électrique (ex : gestion des déchets radioactifs, provision pour le démantèlement des centrales nucléaires les plus anciennes). En matière de chauffage, les données permettant de mesurer l’importance d’une mauvaise isolation thermique de l’habitat sur la consommation d’énergie dans un logement, en particulier chez les ménages les plus modestes, manquent. Cependant, ceux-ci sont pour la plupart locataires de leur logement. Ce sont eux qui paient la facture de chauffage et le propriétaire qui est responsable de l’investissement. Il n’a donc guère intérêt à réaliser des travaux coûteux. La situation est plus ou moins sensible selon que l’on considère le parc locatif public ou privé. Dans le secteur public, en particulier dans les habitations à loyers modérés (HLM), les pouvoirs publics peuvent atténuer la charge de chauffage du locataire en soutenant des projets de réhabilitation. L’éco-prêt « logement social » mis en œuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement a pour objectif de soutenir la rénovation des 800 000 logements sociaux, considérés comme étant les plus consommateurs d’énergie, avant 2020. En 2009-2010, un effort particulier a déjà visé 100 000 logements prioritaires. 128 Chapitre 6 L'économique et le social Le Pacte de solidarité écologique Établi en février 2010, le Pacte de solidarité écologique vise à réunir les Français autour du projet d’une nouvelle société à responsabilité sociale et environnementale à l’horizon 2020. Complément social du Grenelle de l’environnement, il suit l’adoption en août 2009 de la loi Grenelle 1. La réflexion s’est organisée autour de cinq thèmes, dont la croissance verte et l’emploi et la lutte contre la précarité énergétique dans le logement. La sensibilité particulière des ménages les plus modestes au renchérissement de la facture énergétique d’un logement (chauffage, éclairage) est clairement mise en évidence, tout comme le fait qu’ils soient contraints de résider loin de leur lieu de travail et de recourir à des véhicules individuels alors que le coût des carburants ne cesse de croître. Au final, les familles les plus modestes semblent rester en marge de la « révolution écologique » portée par le Grenelle, tout en assumant une charge économique croissante. Dans le secteur privé, en revanche, la puissance publique n’a guère de levier d’action pour inciter des propriétaires non-résidents à investir au profit de leur locataire. Dans le cas, relativement marginal et concentré en milieu rural, des propriétaires occupants modestes, un fonds national d’aide à la rénovation thermique (FART) des logements privés a été prévu. Institué le 1er octobre 2010, après l’adoption de la 129 loi Grenelle 2 dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte de solidarité écologique, ce fonds permet de subventionner les deux tiers des dépenses engagées, par un ménage modeste propriétaire, pour l’isolation de son habitat. Faisant l’objet d’une régulation forcément partielle de la part des pouvoirs publics, le problème de l’inégalité des Français devant leur facture énergétique demeure globalement d’une grande acuité. S’agissant des dépenses de carburants, les interactions entre surconsommation d’essence, étalement urbain et niveau de vie des ménages commencent à être bien mises en évidence. Une étude récente montre qu’au sein des 100 plus grandes aires urbaines métropolitaines, le prix des terrains décroît lorsqu’on s’éloigne du centre-ville (Calvet et alii, « La facture énergétique des ménages serait 10 % plus faible sans l’étalement urbain des 20 dernières années », 2010). En moyenne, pour un terrain équivalent, un doublement de la distance au centre de l’aire urbaine se traduisait par un prix du mètre carré plus faible de 17 % en 2008. Suivant l’importance de la contrainte foncière, les ménages aux revenus les plus modestes ou présentant les familles les plus nombreuses ont tendance à se loger de plus en plus loin des centres-villes. En s’éloignant des centres urbains et des zones d’emploi, les ménages périurbains augmentent le poids de leur facture de carburant dans leurs dépenses : à niveau 130 Chapitre 6 L'économique et le social de vie et structure familiale équivalents, un ménage équipé d’une voiture dépense 440 euros de carburant de plus par an s’il est installé en zone périurbaine plutôt qu’en centre-ville de province (données pour 2006) ; a contrario, un ménage installé dans le pôle urbain de Paris dépense 450 euros de moins par an qu’un ménage équivalent résidant en centre-ville de province. Mécaniquement, la part budgétaire consacrée à l’énergie augmente à mesure que le niveau de vie diminue. Ainsi, les 20 % de ménages les plus modestes consacrent près de 10 % de leur budget à l’énergie contre seulement 7 % pour les 20 % les plus aisés. L’étalement urbain agit comme une « trappe à précarité énergétique », combinant à la fois des conséquences néfastes pour l’environnement et pour les ménages socialement les plus sensibles. La fiscalité sur le carburant, à travers la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (exTIPP) qui représente plus de la moitié de la fiscalité environnementale en France, présente un caractère aggravant sur le plan social. Elle taxe en effet un mode de déplacement auquel sont condamnés des actifs sans pouvoir s’y soustraire. Avec l’étalement urbain, plus on s’éloigne des centres-villes, plus la desserte en transports en commun devient difficile à mettre en œuvre. 131 La TIPP, une taxe en faveur du développement durable ? La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), anciennement taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et qui continue d’être appelée ainsi par abus de langage, est un droit d’accise, c’est-à-dire une taxe qui porte sur la quantité d’un produit et non sur sa valeur. Elle impose la consommation de produits énergétiques par unité de volume selon un tarif variable en fonction des types de carburant. Comme toutes les accises (ex : accises sur l’alcool et le tabac), la TIPP a une fonction dissuasive. Alors que la fiscalité environnementale s’élevait en France à environ 2 % du produit intérieur brut à la fin de la décennie 2000-2010, la TIPP représente l’essentiel des impôts et taxes censés réguler les pollutions (avec environ 14 milliards d’euros au budget de l’État pour 2012). Si le caractère écologique de la TIPP peut être défendu, force est cependant de reconnaître sa faible pertinence en termes de développement durable. Impôt indirect, comme la taxe sur la valeur ajoutée, la TIPP frappe tous les ménages de manière égale, quel que soit leur niveau de revenu. Le prélèvement qu’elle représente n’est pas pour autant équitable, puisqu’il correspond à une part plus importante dans le budget des ménages les plus modestes. Compte tenu des dynamiques d’étalement urbain et de la localisation des ménages les plus pauvres en périphérie des villes, la TIPP tend même à surtaxer ceux qui ont les plus faibles revenus. La dimension environnementale du développement durable ne sert donc pas forcément ses deux autres piliers économique et social. 132 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu pour un développement durable ? Le développement durable oblige à réfléchir et à travailler de manière transversale et interinstitutionnelle. Aujourd’hui, c’est la capacité d’un système politique et administratif d’échelle continentale à gérer cette question complexe qui est en jeu. Si la France a bénéficié de l’effet d’entraînement de l’Union européenne, elle demeure une élève « moyenne » en matière d’environnement, mais peut porter une ambition sociétale renouvelée, prenant mieux en compte la dimension sociale du développement durable. Une gestion trop dispersée des trois piliers du développement durable Le développement durable impose de gérer de façon intégrée des compétences relevant des domaines économique, social et environnemental, piliers du développement durable. Actuellement, force est de constater qu’elles sont dispersées entre différents niveaux de responsabilité dans un système institutionnel européen assez complexe, en particulier en France. Ainsi, la dimension sociale relève pour l’essentiel de l’État, des départements et des communes, tandis que les questions économiques et environnementales sont plutôt traitées par l’Union européenne, les régions et les intercommunalités. 135 Facteurs d’unité entre l’État, les départements et les communes, l’aide et l’action sociale prennent une place grandissante dans le champ des politiques mises en œuvre par ces acteurs. Les conseils généraux – assemblées des départements – ont en particulier un rôle pivot à jouer dans la gestion décentralisée des mesures relevant de l’État-providence. L’implication très forte des départements dans ce champ de l’action publique trouve son origine dans les lois fondatrices de la décentralisation de 1982-1983, particulièrement celle du 22 juillet 1983. De nombreuses lois sont depuis venues compléter l’édifice du droit sanitaire et social ainsi que la responsabilité des départements en la matière. Parmi les innovations les plus récentes, les départements se sont vu confier la prise en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie (loi du 20 juillet 2001), du versement de la prestation de compensation du handicap (loi du 11 février 2005), du revenu de solidarité active (loi du 21 août 2007). La loi du 13 août 2004, dite « Libertés et responsabilités locales », a reconnu clairement le rôle social des conseils généraux en leur donnant la fonction de « chef de file » dans ce domaine. Globalement, les départements apparaissent donc aujourd’hui comme les pivots de la politique d’aide et d’action sociale française. Ils travaillent en étroite collaboration avec les communes, auxquelles sont 136 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu ? adossés les centres communaux d’action sociale (CCAS) depuis la loi du 6 janvier 1986. Toutefois, cette responsabilité n’est pas sans avoir d’importantes conséquences financières sur le budget des départements, alors que la population vieillit, que l’effectif des chômeurs de longue durée s’accroît et que les handicapés aspirent à une vie digne. Des institutions plus coordonnées pour gérer les trois piliers du développement durable ÉCONOMIE + ENVIRONNEMENT Union européenne DÉVELOPPEMENT DURABLE Union européenne État-Nation France régions État-Nation France régions départements intercommunalités SOCIAL départements intercommunalités Communes communes L’Union européenne (UE), les régions et les intercommunalités forment, quant à elles, une unité fonctionnelle en matière économique et environnementale. L’UE repose en effet sur l’affirmation d’une économie de marché régulée et sur une volonté politique de préserver l’environnement. Ces deux aspects jouent 137 d’ailleurs de concert, puisque le développement d’une économie verte participe à l’équilibre industriel de long terme du continent. L’économie de marché régulée est un trait caractéristique de l’Europe qui participe de son identité à l’échelle internationale. Dans le cadre des négociations commerciales menées au sein de l’Organisation mondiale du commerce par la Commission européenne, l’Union tente en effet d’insuffler une dimension environnementale aux échanges de biens et de services. À l’intérieur de l’espace européen, l’Union, les régions et les intercommunalités ont un rôle clef d’incitation et d’orientation en faveur du développement économique durable des territoires. L’Union reste en effet fondamentalement – aujourd’hui encore – une construction communautaire d’intérêt économique. Les régions françaises gardent par ailleurs, malgré l’extension progressive de leur champ d’intervention, un rôle privilégié en matière économique qui se traduit notamment par la possibilité offerte aux conseils régionaux d’établir des schémas régionaux de développement économique (loi du 13 août 2004). S’agissant de l’intercommunalité, les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines ont obligatoirement des compétences économiques (loi 12 juillet 1999). Par ailleurs, l’environnement apparaît de plus en plus central dans les orientations générales de développement données, tant au niveau européen que régional 138 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu ? ou local. À l’échelle européenne, l’Agenda de Lisbonne (2000), auquel a rapidement été adossée la Stratégie de Göteborg (2001) en faveur de la protection de l’environnement, a déjà marqué une étape significative dans l’affirmation d’une politique d’inspiration libérale et écologique pour la période 2000-2010. La nouvelle Stratégie de l’Union 2020 intègre pleinement le pilier environnemental dans les axes de développement économique européen pour les dix années à venir. L’environnement n’est plus considéré comme un champ à part de l’action publique, mais comme un des facteurs clés de la croissance de l’Union, un gisement d’innovations potentielles à développer par une politique de recherche volontaire, à valoriser sur le plan industriel et à exporter vers les marchés émergents. À l’échelle régionale et locale, l’environnement apparaît également comme un des piliers du développement économique. Les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire, introduits par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, participent d’une planification régionale favorable à l’essor des transports ferroviaires de voyageurs. Les schémas régionaux climat-air-énergie, les plans climat-énergie territoriaux et les schémas régionaux de cohérence 139 La Stratégie de l’Union 2020 En mars 2010, la Commission européenne a présenté sa nouvelle stratégie sur dix ans, destinée à relancer l’économie européenne. Baptisée « Europe 2020 », celle-ci vise à développer une croissance « intelligente, durable et inclusive » s’appuyant sur une plus grande coordination entre les politiques nationales et européennes. Les grands axes de la stratégie sont la promotion des industries sobres en carbone, l’investissement dans le développement de nouveaux produits, l’exploitation des possibilités de l’économie numérique et la modernisation de l’éducation et de la formation. L’Union a également fixé cinq objectifs interdépendants pour réaliser son ambition : – remonter le taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans à au moins 75 % contre 69 % aujourd’hui ; – consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche et au développement, au lieu des 2 % actuels ; – réaffirmer les objectifs de l’UE en matière de lutte contre le changement climatique ; – proposer de réduire le taux de pauvreté de 25 %, ce qui reviendrait à faire sortir 20 millions de personnes de la pauvreté ; – améliorer les niveaux d’éducation en réduisant le taux d’abandon scolaire à 10 % et en portant à 40 % la proportion des personnes de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent. Source : présentation de la stratégie par la Commission européenne. 140 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu ? écologique, supports des trames verte et bleue, issus de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, vont renforcer les politiques régionales d’aménagement du territoire. Vers des articulations politiques régionales et locales plus efficaces ? Dans ce contexte de dispersion des compétences, toutes les innovations institutionnelles tendant à unifier les processus décisionnels en matière économique, environnementale et sociale peuvent paraître les bienvenues. En France, la réforme des collectivités territoriales par la loi du 16 décembre 2010 (loi RCT) favorise a priori l’émergence d’une prise de décision intégrée au niveau régional et local. La remise en cause annoncée de certaines des dispositions de cette loi pourrait se révéler préjudiciable au développement durable territorial. Disposition marquante et vivement débattue de la loi RCT, l’élection à partir de mars 2014 de conseillers territoriaux, siégeant à la fois aux conseils généraux et régionaux en remplacement des conseillers généraux et régionaux, devait faciliter le développement de politiques coordonnées entre les régions et les départements. En charge à la fois de la définition d’une stratégie régionale de développement économique et d’aménagement du territoire, d’un plan régional de développement de la formation professionnelle et de schémas de protection de l’environnement, les 141 conseillers territoriaux seraient également en mesure d’ajuster, à l’échelle départementale, les dispositifs de l’aide et de l’action sociale, à réfléchir aux conditions de mise en œuvre du revenu de solidarité active. Liens entre des territoires et des compétences, ces élus d’un genre nouveau pourraient porter l’ambition d’un développement durable opérationnel au sein du bloc région/département. À titre d’exemple, et d’un point de vue environnemental, la coordination des politiques régionales et départementales de transports est cruciale. Compétents dans la gestion du réseau routier et des lignes de car, les conseils généraux ont en effet naturellement tendance à développer les infrastructures viaires et leurs usages. Les conseils régionaux sont, quant à eux, porteurs du développement de l’offre de transport ferroviaire. Le fait que les conseillers territoriaux partagent une culture commune de l’aménagement du territoire devait tendre à l’amélioration de la cohérence des politiques publiques en matière de transports. La suppression du conseiller territorial, annoncée dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation attendu pour l’automne-hiver 2012-2013, pourrait rendre difficile l’établissement de stratégies territoriales de développement durable efficaces. Le renforcement de l’intercommunalité, que porte par ailleurs la loi RCT, participe de l’affirmation de cadres de décision locaux mieux à même de mettre 142 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu ? en œuvre le développement durable. Ainsi, l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires – et non plus une désignation indirecte par les conseillers municipaux – participe à l’affirmation de la légitimité des décisions intercommunales. Les orientations définies dans les schémas de cohérence territoriale, les plans énergie-climat territoriaux mais aussi les programmes locaux de l’habitat paraissent pouvoir être renforcés à terme, au moins à partir de 2014 avec le prochain renouvellement des conseils municipaux. Sans doute, peut-on regretter sur le plan environnemental que la loi Grenelle 2 n’ait pas imposé la définition de plans locaux d’urbanisme intercommunaux. Néanmoins, la pression croissante qui s’exerce sur les finances publiques locales pourrait accélérer les processus de mutualisation, de regroupement, voire de fusion institutionnelle, des échelons locaux et favoriser l’émergence de politiques réellement globales. Vers un groupe européen plus soudé ? Portée par un projet économique au sein duquel la protection de l’environnement est un moteur de croissance, l’Europe tente de mettre en œuvre une politique écologique plus que de développement durable. En effet, la gouvernance européenne ne suit pas les mêmes règles dans les domaines social, économique et environnemental, ce qui crée un déséquilibre dans 143 la gestion des trois piliers du développement durable. Si le marché unique, les politiques régionale et environnementale de l’Union bénéficient de la souplesse d’un vote à la majorité qualifiée – et non à l’unanimité – des États membres du Conseil de l’Union européenne, suivi d’une codécision avec le Parlement européen, il n’en va pas de même pour les politiques sociales. Dans ce domaine, c’est la décision à l’unanimité des États membres du Conseil de l’Union qui s’applique pour l’essentiel. Reposant sur des principes très différents selon les pays membres et renvoyant à des traditions nationales fortement établies, les politiques sociales européennes restent ainsi davantage marquées par la diversité que par l’unité. Néanmoins, en matière d’emploi, une stratégie européenne a été lancée en 1997 à la suite du sommet sur l’emploi de Luxembourg. Elle encourage la coordination des politiques nationales dans ce domaine et introduit également une nouvelle méthode de travail, la méthode ouverte de coordination, qui établit des objectifs communs quantifiés à atteindre au niveau européen. De fait, la construction européenne est assez dynamique sur les plans économique et environnemental, mais laisse aux États membres la gestion des conséquences sociales de la mondialisation. Déséquilibrée, la gouvernance européenne du développement durable devient source d’inégalités nouvelles et creuse un peu plus le fossé entre une aspiration libérale et écologique et la réalité d’une souffrance sociale. La mise en place 144 Chapitre 7 De nouvelles règles du jeu ? d’une gouvernance européenne à la hauteur des enjeux du développement durable est donc nécessaire. Elle pose la question d’une répartition équilibrée des compétences entre l’Union et les États membres. Le partage actuel entre des attributions économiques et environnementales exercées par l’Union et une compétence sociale assurée pour l’essentiel par les États membres semble difficilement tenable. Pour faire évoluer cette gouvernance, il semble nécessaire d’avancer vers une Union toujours plus intégrée, qui puisse prendre pleinement en charge les trois piliers – économique, social et environnemental – du développement durable. La définition et la mise en œuvre d’une véritable stratégie européenne de développement durable butent sur la réalité de la répartition des compétences en matière économique, social et environnemental qui met en jeu des acteurs différents à des échelles diverses, allant de la commune à l’Union en passant par le cadre national. Un nouveau champ d’action appelle de nouvelles règles du jeu Le développement durable est un domaine nouveau qui se situe à la croisée de l’économie, du social, des sciences de l’environnement et des sciences politiques. Il appelle donc une réflexion transversale. Sans doute, la France n’est-elle qu’une élève assez « moyenne » en matière d’environnement. Elle peut cependant se prévaloir d’une longue expérience socio-économique 145 et d’une volonté de mieux faire en termes de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité. Une meilleure coordination des composantes de sa géographie politique et administrative pourrait peut-être l’aider à œuvrer en faveur d’un développement durable territorial. Le développement durable appelle également la formation d’un collectif européen plus soudé qu’actuellement pour avancer concrètement. En effet, les contraintes budgétaires et financières qui pèsent aujourd’hui sur l’ensemble des acteurs publics concernés – l’Union et ses États membres, les régions, les départements, les intercommunalités et leurs communes – militent en faveur d’une rationalisation de leurs politiques. Actuellement, l’Europe et ses territoires, dont la France, ne sont pas en mesure de bien gérer l’ensemble des contraintes économiques, sociales et environnementales. Les cadres d’une bonne gouvernance publique ne sont pas posés. De fait, la définition de la stratégie européenne de développement durable efficace et ses déclinaisons territoriales opérationnelles restent à faire. Finalement, en 2012, la célébration conjointe des vingt ans du Sommet de Rio et du traité de Maastricht ainsi que des trente ans de la décentralisation française ne nous conduit-elle pas à considérer, avec réalisme mais non sans ambition, une nouvelle organisation des territoires pour relever le défi du développement durable ? 146 Bibliographie et sitothèque ◗◗ Paul Claval, « Le développement durable : stratégies descendantes et stratégies ascendantes », Vox geographi, mai 2006. Disponible sur http : //www.cafe-geo.net/article. php3 ? id_article=851 ◗◗ Commissariat général au développement durable, Le rapport sur l’environnement en France, juin 2010. Disponible sur http : //www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/154/1098/ lenvironnement-france-edition-2010.html « Activités, emplois et métiers liés à la croissance verte », Études et documents, juin 2011. Disponible sur http : //www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/1808/1097/ activites-emplois-metiers-lies-croissance-verte-1.html ◗◗ Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, 1987. http : //www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf ◗◗ Robin Degron, « La décentralisation et la construction européenne face au développement durable », Pouvoirs locaux, no 92, mars 2012 ◗◗ Direction générale de l’Énergie et du Climat, Étalement urbain et politique climatique, décembre 2010. Disponible sur http : //www.developpement-durable. gouv.fr/Synthese-Etalement-urbain-et.html ◗◗ Jean Giono, Les vraies richesses, Grasset, 1937. 147 ◗◗ André-Jean Guérin et Thierry Libaert, Le développement durable, Dunod, 2008. ◗◗ Yves Petit (dir.), Droit et politiques de l’environnement, La Documentation française, coll. Les Notices, 2009. ◗◗ Dossiers et débats pour le développement durable, Disponibles sur http : //www.association4d.org/ ◗◗ Site du Programme des Nations unies pour l’environnement, http : //www.unep.org/ ◗◗ Site de l’Agence internationale de l’énergie, http : //www.iea.org/ ◗◗ Site de l’Agence européenne pour l’environnement, http : //www.eea.europa.eu/ ◗◗ Site du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, http : //www.developpement-durable.gouv.fr/ ◗◗ Site du service de l’observation et des statistiques du ministère de l’Écologie, http : //www.statistiques.developpement-durable. gouv.fr/ 148 Collection Doc’ en poche Série « Entrez dans l’actu » 1. Parlons nucléaire en 30 questions de Paul Reuss 2. Parlons impôts en 30 questions de Jean-Marie Monnier 3. Parlons immigration en 30 questions de François Héran 4. France 2012, les données clés du débat présidentiel des rédacteurs de la Documentation française 5. Le président de la République en 30 questions d’Isabelle Flahault et Philippe Tronquoy 6. Parlons sécurité en 30 questions d’Éric Heilmann 7. Parlons mondialisation en 30 questions d’Eddy Fougier 8. Parlons école en 30 questions de Georges Felouzis 9. L’Assemblée nationale en 30 questions de Bernard Accoyer 10. Parlons Europe en 30 questions de David Siritzky 13. Parlons dette en 30 questions de Jean-Marie Monnier À paraître en mars 2013 14. Parlons jeunesse en 30 questions d’Olivier Galland À paraître en mars 2013 Série « Place au débat » 11. Retraites : quelle nouvelle réforme ? d’Antoine Rémond 12. La France, bonne élève du développement durable ? de Robin Degron 15. L’industrie française décroche-t-elle ? de Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil À paraître en mars 2013 16. Les classes moyennes de Serge Bosc À paraître en mars 2013 Série « Regard d’expert » 17. Le vote populiste en Europe À paraître en mars 2013 18. Les politiques éducatives en France À paraître en mars 2013 19. La face cachée de Harvard À paraître en mars 2013