R ev u e de presse Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris) REIN TESTICULES Tumeurs solides après TGNS du testicule diapositives COMMENTÉES EN LIGNE Rendez-vous sur edimark.fr et retrouvez les diapositives de synthèse des articles résumés Effets des mutations de BAP1 et PBRM1 sur la survie des patients avec carcinomes à cellules claires sporadiques Si l’augmentation du risque de tumeur solide après l’irradiation d’un séminome testiculaire était bien établie, nous ne savions toujours pas si une chimiothérapie par cisplatine majorait le risque. Une étude s’est intéressée plus spécifiquement à ce risque chez les patients guéris d’une tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) et qui ont été traités par une chimiothérapie à base de cisplatine (sans radiothérapie) [1]. Le SIR (Standardized Incidence Ratio), calculé en divisant le nombre de cancers observés par le nombre attendu dans la population générale, a été mesuré à partir de 12 691 patients provenant de 16 registres du programme SEER (Surveillance, Epidemiology, and End Results) entre 1980 et 2008 : 6 013 ont été traités par chimiothérapie, 6 678 par chirurgie seule. L’âge moyen au diagnostic était de 28 ans. Deux cent dix tumeurs solides ont été enregistrées. Aucune augmentation du risque n’a été observée pour les patients traités par chirurgie (SIR = 0,93 ; IC95 : ­0,76-1,14 ; 99 seconds cancers), alors qu’il a été retrouvé une augmentation de 40 % dans le groupe chimiothérapie (SIR = 1,43 ; IC95 : 1,18-1,73 ; 111 seconds cancers), avec un risque multiplié par 3 à 7 pour les cancers du rein (SIR = 3,37 ; IC95 : 1,79-5,77), de la ­thyroïde (SIR = 4,4 ; IC95 : 2,19-7,88) et des tissus mous. Des augmentations non significatives du risque de tumeur vésicale, cérébrale et pancréatique ont été relevées. Le délai médian de survenue après chimiothérapie a été de 12,5 ans. Commentaire. M.H. Greene (2), le premier, avait suggéré que le cisplatine pouvait avoir un rôle carcinogène, en montrant que, expérimentalement, il était capable d’induire des tumeurs chez l’animal. C’est la première étude à faire état, chez l’homme, d’une augmentation du risque de deuxième cancer. Ce risque semble perdurer après 20 ans. L’importance d’éventuels cofacteurs, notamment l’arrêt du tabac, doit aussi être prise en compte… TESTICULES-REIN (122-4) P. Beuzeboc, Paris PROSTATE (124-7) CANCERS UROTHÉLIAUX (127-8) SÉMINOME (128) 122 COU-NN4-2013.indd 122 1. Fung C, Fossa SD, Milano MT et al. Solid tumors after chemotherapy or surgery for testicular nonseminoma: a population-based study. J Clin Oncol 2013;31(30):3807-14. 2. Greene MH. Is cisplatin a human carcinogen? J Natl Cancer Inst 1992;84:306-12. Dans le carcinome à cellules claires du rein (CCCR) ont été établis des groupes pronostiques : pour des stades localisés, traités par chirurgie, des facteurs comme le stade TNM, la nécrose et le grade de Fuhrman influencent le pronostic. Les tumeurs métastatiques sont classées en haut risque, risque intermédiaire et faible risque selon des critères clinicobiologiques qui ne sont à l’heure actuelle que mal définis. La mutation de BAP1 se retrouve dans 15 % des CCCR, et PBRM1 est le plus souvent muté de façon exclusive. Cette analyse a comparé la SG des patients selon leur statut BAP1 et PBRM1. Les cas de 145 patients atteints de CCCR ont été étudiés. Les sujets étaient répartis en 2 groupes : PBRM1 muté exclusivement, et BAP1 muté. Cette étude a été réalisée au Southwestern Medical Center de l’université du Texas (UTSW), entre 1998 et 2011. Une deuxième cohorte indépendante (n = 327), déterminée à partir du Cancer Genome Atlas (TCGA), a été utilisée pour la validation. Dans les 2 cohortes, plus de 80 % des patients avaient une maladie localisée ou locorégionale initialement. Les 2 cohortes étaient globalement similaires (plus de patients métastatiques dans la cohorte du TCGA). La médiane de SG dans la cohorte de l’UTSW était significativement plus courte pour les patients dont la tumeur était porteuse d’une mutation de BAP1 : 4,6 ans (IC95 : 2,1-7,2) versus 10,6 ans (IC95 : ­9,8-11,5) [HR = 2,7 ; IC95 : ­0,99-­7,6 ; p = 0,044]. La médiane de SG dans la cohorte du TCGA était de 1,9 an (IC95 : ­0,6-­3,3) pour les patients porteurs d’une mutation de BAP1, et de 5,4 ans (IC95 : ­4,0-6,8) pour les patients porteurs d’une mutation de PBRM1 (HR = 2,8 ; IC95 : ­1,4-­5,9 ; p = 0,004). Les patients ayant les 2 mutations représentaient une minorité (3 dans la cohorte de l’UTSW et 4 dans la cohorte du TCGA) et présentaient une SG inférieure (médiane : 2,1 ans pour la cohorte de l’UTSW, et 0,2 an pour la cohorte du TCGA). Commentaire. Malgré un faible effectif, cette étude permet d’établir une première classification moléculaire du CCCR fondée sur des sous-types génétiques moléculaires distincts. Il pourrait en résulter une réponse différente aux thérapeutiques. Les mutations de BAP1 et de PBRM1 peuvent déclencher la tumorigenèse, entraînant des tumeurs plus agressives. Ainsi, la découverte des mutations Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 03/01/14 17:20 Revue de presse de BAP1 et de PBRM1 dans le CCCR pourrait ouvrir la voie à une prochaine génération de thérapies ciblées. M. Guilhen, Paris • Kapur P, Pena-Llopis S, Christie A et al. Effects on survival of BAP1 and PBRM1 mutations in sporadic clear-cell renalcell carcinoma: a retrospective analysis with independent validation. Lancet Oncol 2013;14(2):159-67. Trithérapie dans les tumeurs de Bellini métastatiques Les carcinomes des tubes collecteurs du rein, ou tumeurs de Bellini, représentent moins de 1 % des cancers du rein. Très agressifs, le plus souvent métastatiques d’emblée, ils ne répondent pas aux traitements classiques utilisés dans les autres cancers du rein. Les équipes de l’hôpital européen GeorgesPompidou, de l’institut Gustave-Roussy et de Créteil (1) ont publié 5 cas de tumeurs de Bellini métastatiques traitées par cette “trithérapie” (2 patients ont eu du carboplatine à la place du cisplatine). Ils ont reçu une médiane de 4 cycles suivis d’une maintenance par bévacizumab, avec une tolérance acceptable. Il est rapporté 3 réponses partielles, une réponse complète et une stabilisation. La médiane de survie sans progression a été de 15,1 mois (IC 95 : 5,6-20,4 mois), avec une médiane de survie globale de 27,8 mois (IC95 : 12,4non atteinte). Commentaire. Partageant des caractéristiques morphologiques ou biologiques avec les tumeurs urothéliales, les tumeurs de Bellini peuvent être sensibles à des chimiothérapies à base de platine. S. Oudard et al. (2) avaient rapporté les résultats encourageants d’une étude de phase II multicentrique française combinant gemcitabine et cisplatine. Le taux de réponse objective était de 26 %, la survie sans progression de 7,1 mois (IC95 : 3-11,3 mois). L’augmentation de l’expression du VEGF associée à un stade et à un grade plus élevés et à une diminution de la survie globale a servi de rationnel aux essais avec le bévacizumab dans les tumeurs urothéliales métastatiques. Cette triple association, gemcitabine-cisplatine et bévacizumab, fait actuellement l’objet d’une étude de phase III aux États-Unis. Cette étude, CALGB 90601, qui évalue 6 cycles de GCis + bévacizumab versus placebo, a prévu d’inclure 500 patients pour détecter une baisse du HR de 35 % (équivalant à une augmentation de la SG, qui passe de 13,8 mois à 18,6 mois). De ce fait, évaluer cette combinaison dans les carcinomes des tubes collecteurs du rein était un enjeu fort. Le GETUG (Groupe d’études des tumeurs urogénitales) est en train d’activer une étude prospective de phase II. P. Beuzeboc, Paris 1. Pécuchet N, Bigot F, Gachet J et al. Triple combination of bevacizumab, gemcitabine and platinum salt in metastatic collecting duct carcinoma. Ann Oncol 2013;24:2963-7. 2. Oudard S, Banu E, Vieillefond A et al. Prospective multicenter phase II study of gemcitabine plus platinum salt for metastatic collecting duct carcinoma: results of a GETUG (Groupe d’Etudes des Tumeurs Uro-Génitales) study. J Urol 2007;177:1698-702. Nécrose tubulaire aiguë : une complication rare des inhibiteurs de mTOR Les principaux effets indésirables des inhibiteurs de mTOR sont les stomatites, les rashs, les pneumopathies interstitielles, la fatigue, les dyslipidémies et les hyperglycémies. Jusqu’à présent, il n’avait pas été décrit de toxicité rénale sévère avec ces agents. Les équipes de néphrologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et l’équipe de cancérologie de l’institut Gustave-Roussy viennent de rapporter 4 cas de nécrose tubulaire aiguë prouvée histologiquement. Le tableau commence par une insuffisance rénale d’installation très rapide (entre 7 et 21 jours). Il faut insister sur la réversibilité possible de cette toxicité à condition de stopper tôt le traitement. L’arrêt de l’inhibiteur de mTOR a permis une régression rapide des troubles rénaux dans 2 cas. Mais, dans les 2 autres cas, une insuffisance rénale a persisté, nécessitant la poursuite des dialyses dans un cas… Commentaire. Les facteurs prédisposants éventuels ne sont pas connus. Néanmoins, les patients ayant une insuffisance rénale préexis- Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 COU-NN4-2013.indd 123 tante présentent un taux plus élevé d’insuffisance rénale aiguë nécessitant le recours à la dialyse. Vu le développement des indications des inhibiteurs de mTOR, notamment dans les cancers du sein, les cliniciens devront maintenant surveiller de plus près la fonction rénale des patients… P. Beuzeboc, Paris • Izzedine H, Escudier B, Rouvier P et al. Acute tubular necrosis associated with mTOR inhibitor therapy: a real entity biopsyproven. Ann Oncol 2013;24(9):2421-5. Pazopanib versus sunitinib dans le cancer du rein métastatique à cellules claires Le pazopanib et le sunitinib ont fait la preuve de leur efficacité en termes de survie sans progression (SSP), respectivement comparés à un bras placebo et à un traitement par interféron alpha dans le cancer du rein métastatique à cellules claires. Le pazopanib était associé à moins d’effets indésirables, comme la fatigue, le syndrome mains-pieds, les mucites et la myélosuppression ; cependant, il y avait une augmentation de la cytolyse hépatique. De façon à vérifier cette hypothèse d’efficacité comparable et de moindre toxicité avec le pazopanib, une étude de phase III randomisée (R = 1:1), prospective, multicentrique, en ouvert, a été réalisée et a comparé le pazopanib (400 mg × 2 j en continu) au sunitinib (50 mg/j, 4 semaines sur 6). Le critère principal était la SSP (HR ≥ 1,25), avec un objectif de non-­infériorité du pazopanib par rapport au sunitinib. Les patients étaient stratifiés en fonction du statut de performance (PS) ECOG, des LDH (1,5 versus > 1,5 x/N) et d’une néphrectomie antérieure (oui versus non). D’août 2008 à septembre 2011, 1 110 patients ont été randomisés (557 dans le bras pazopanib et 553 dans le bras sunitinib) : la SSP médiane était de 8,4 mois pour le pazopanib et de 9,5 mois pour le sunitinib (HR = 1,05 ; IC95 : 0,90-1,22). Le taux de réponse objective, évalué par le comité indépendant de relecture radiologique, était en faveur du bras pazopanib (31 % versus 25 % ; p = 0,03). 123 03/01/14 17:20 R ev u e Après la survenue de 502 décès, les survies globales étaient identiques entre les 2 bras : 28,4 mois pour le pazopanib versus 29,3 mois pour le sunitinib. Concernant la toxicité des antiangiogéniques, la durée de traitement, pour les 2 molécules, a été de 8 mois. La proportion de patients arrêtant le traitement était plus élevée dans le bras pazopanib (24 versus 20 %), notamment du fait d’une élévation des transaminases (6 versus 1 %). Les effets indésirables (tous grades confondus) le plus fréquemment rencontrés avec le sunitinib étaient la fatigue (63 versus 55 %), le syndrome mains-pieds (50 versus 29 %), les mucites (27 versus 14 %), l’hypothyroïdie (24 versus 12 %), la dysgueusie (36 versus 26 %), l’épistaxis (18 versus 9 %) et les troubles hématologiques. Par opposition, une élévation des transaminases (60 versus 43 %), le changement de la couleur des cheveux (30 versus 10 %), l’alopécie (14 versus 8 %) et la perte de poids (15 versus 6 %) étaient plus souvent rapportés avec le pazopanib. L’évaluation de la qualité de vie (questionnaires FACIT-F, FKSI-19, CTSQ et SQLQ) durant les 6 premiers mois était, de façon positive, en faveur du pazopanib. Cependant, les évaluations ont été faites à J28, qui correspondait pour le sunitinib à la pire date. Aucune information n’est donnée à J42, après 2 semaines de repos de sunitinib. Commentaire. Le recrutement pour cette étude a dû s’effectuer en 2 fois : en effet, il y a eu un amendement pour augmenter la taille de l’échantillon de patients (initialement de 876 patients) du fait de la non-obtention de 631 évaluations indépendantes de progression radiologique. La SSP pour le sunitinib est inférieure à ce qu’elle était dans l’étude pivot de phase III comparativement à l’interféron alpha (SSP de 11 mois ; IC95 : 10-12). Concernant la toxicité et la qualité de vie, cet essai est très en faveur de l’utilisation du pazopanib et va dans le sens de l’étude PISCE de la préférence patient. Il sera intéressant de voir quel choix les oncologues feront quant au type d’inhibiteur de tyrosine kinase, à l’avenir. S. Oudard, Paris • Motzer RJ, Hutson TE, Cella D et al. Pazopanib versus sunitinib in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2013;369:722-31. 124 COU-NN4-2013.indd 124 de presse PROSTATE Traquer l’origine clonale du cancer de la prostate létal Il y a beaucoup de controverses autour du surtraitement du cancer de la prostate localisé, ce qui implique la nécessité de trouver les caractéristiques moléculaires associées à la progression et à la létalité de la maladie, dont il ne faut pas oublier qu’elle constitue la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme après le cancer bronchique. Les tumeurs primaires sont souvent multifocales et hétérogènes. Néanmoins, malgré l’hétérogénéité, le fait que les lésions dans différents sites anatomiques partagent une majorité d’altérations génétiques suggère une origine clonale des cellules métastatiques létales… À partir du séquençage de l’ensemble du génome et des analyses moléculaires de différents prélèvements d’un patient décédé de sa maladie (17 ans après le diagnostic fait à l’âge de 48 ans), une équipe de l’hôpital Johns-Hopkins a traqué l’évolution du “clone létal” au cours du temps, depuis la tumeur primitive jusqu’à l’évolution métastatique. De façon surprenante, ces analyses ont révélé que le “clone létal” provenait d’un site primaire de petite taille, de relativement bas grade, et non d’une lésion volumineuse de plus haut grade ou d’une métastase ganglionnaire sur la pièce de prostatectomie avec curage ganglionnaire. Il a été identifié 85 mutations codantes, 226 réarrangements inter­chromo­somiques et 207 intra-­ chromosomiques communs au niveau de plusieurs sites métastatiques différents. Une amplification (> 60 copies) du récepteur aux androgènes était présente au niveau de toutes les métastases. Le nombre élevé d’anomalies partagées indiquait une origine monoclonale. En revanche, l’altération d’ATRX représentait un événement tardif dans ce cas particulier. Commentaire. Bien qu’il soit difficile de généraliser à partir d’un cas, ces données mettent en exergue combien, pour l’avenir, il pourra se révéler important de développer des marqueurs pronostiques et prédictifs, telles les altérations d’anti­ oncogènes (PTEN ou p53) ou de SPOP, tous connus pour être des cibles récurrentes de mutations, et d’apprécier l’hétérogénéité tumorale entre la tumeur primaire et les différentes métastases. Ce cas illustre aussi l’intérêt de prélèvements longitudinaux au cours de l’évolution du cancer. (L’article est disponible gratuitement sur PubMed.) P. Beuzeboc, Paris • Haffner MC, Mosbruger T, Esopi DM et al. Tracking the clonal origin of lethal prostate cancer. J Clin Invest 2013; 123(11):4918-22. Taux d’androgènes, biomarqueurs pronostiques dans les cancers de la prostate métastatiques résistants à la castration (CPRCm) Dans cet article ont été analysées les relations entre les taux d’androgènes circulants à l’inclusion dans l’essai COUAA-301 et la survie globale. L’essai de phase III COU-AA-301 a permis l’enregistrement de l’acétate d’abiratérone (AA) avant l’admi­ nistration de docétaxel ; 797 patients ont été traités par AA + prednisone, et 398, par prednisone (P) + placebo. Les taux circulants de testostérone, d’andro­stènedione et de sulfate de déshydroépiandro­stérone (DHEA) ont été mesurés par des techniques de dosage ultrasensibles. Quel que soit le bras de traitement, la médiane de survie augmente avec chaque quartile de testostéronémie. Les taux circulants d’androgènes dans l’étude sont très significativement associés à la survie globale (p < 0,0001) en analyse bi- et multivariée. Les patients présentant des taux de testostérone au-dessus de la médiane (17,8 mois pour AA, 15,8 mois pour P) ont une survie prolongée par rapport à ceux avec un taux en dessous de la médiane (13,6 mois pour AA, 9,3 mois pour P). Il en est de même pour les taux d’andro­stènedione et de DHEA. Les auteurs ont conclu que la testostéronémie pourrait être utile comme facteur de stratification dans les futurs essais de CPRCm. Commentaire. Selon ces résultats, qu’il convient de valider, les tumeurs évoluant dans un contexte de faibles concentrations hormonales d’androgènes apparaissent comme des Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 03/01/14 17:20 Revue de presse entités biologiques distinctes plus agressives, indépendamment du traitement reçu. En outre, ils suggèrent qu’aucun androgène ne prédomine. Les variations des androgènes circulants sont mal comprises. Le potentiel différent des divers agonistes et antagonistes de la LH-RH et des polymorphismes de CYP17 et d’autres enzymes de la régulation des androgènes pourrait jouer un rôle. L’acétate d’abiratérone, qui agit en diminuant la biosynthèse des androgènes à la fois au niveau des testicules, des glandes surrénales et des cellules tumorales, conserve son efficacité par rapport à la prednisone, quels que soient les niveaux d’androgènes, mais le bénéfice est plus marqué pour les plus faibles taux d’androgènes circulants (alors que ce sont les patients ayant des taux de testostéronémie au-dessus de la médiane qui vont vivre le plus longtemps). P. Beuzeboc, Paris • Ryan CJ, Molina A, Li J et al. Serum androgens as prognostic biomarkers in castration-resistant prostate cancer: results from an analysis of a randomized phase III trial. J Clin Oncol 2013;31(22):2791-8. Aflibercept versus placebo combiné au docétaxel + prednisone dans le traitement des CPRCm (VENICE) : une étude de phase III, en double aveugle, randomisée Le docétaxel associé à la prednisone est le traitement standard de première intention du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration. Un grand nombre d’études de phase III, qui évaluent des combinaisons avec le docétaxel (forte dose de calcitriol ; immunothérapie de type G-VAX, inhibiteurs de l’endothéline-1 [atrasentan et zibotentan], antiangiogéniques [lénalidomide et bévacizumab]), se sont avérées négatives. L’aflibercept est un nouvel antiangiogénique (VEGF-trap) qui inhibe les isoformes des VEGF-A et B ainsi que de PIGF1 et 2. Alors qu’aucune étude de phase II n’a été réalisée, une phase III a été élaborée sur la base des résultats des phases I et II avec le docétaxel hors prostate. Cette étude de phase III randomisée (R = 1:1), appelée VENICE, prospective, multi- centrique et en double aveugle, compare le docétaxel (75 mg/m2 toutes les 3 semaines) à la prednisone (10 mg/j) + placebo versus docétaxel + aflibercept (6 ­mg/­kg i.v. toutes les 3 semaines). Le critère principal était la survie globale (SG) en intention de traiter. Les patients étaient stratifiés en fonction de l’ECOG PS (0-1 versus 2). Après 2 ans et demi d’inclusion (août 2007- février 2010), 1 224 hommes ont été randomisés (612 dans chaque bras), et le suivi médian des patients a été de 35 mois. Aucune différence de SG n’a été notée : 22,1 mois pour l’aflibercept et 21,2 mois pour le bras placebo (p = 0,38). Par ailleurs, aucune différence n’a non plus été rapportée en termes de survie sans progression (SSP), de PSA-SSP et de délai jusqu’au premier événement osseux. Concernant la toxicité (grade 3-4), celle-ci a été plus importante dans le bras aflibercept : troubles digestifs (30 % versus 8 %) comprenant notamment les diarrhées (6 % versus 3 %), les nausées et vomissements (3 % versus < 1 %) et les perforations (3 % versus < 1 %). Un très grand nombre de symptômes attribués à l’aflibercept ont été enregistrés : épistaxis, fatigue, hypertension, protéinurie, dysphonie, neutropénie et infections. Le taux de décès toxiques était de 3,4 % pour l’aflibercept et de 1,5 % pour le bras placebo. Malheureusement, du fait de l’absence d’enregistrement des comorbidités à l’inclusion dans cette population âgée, aucune information n’est quantifiable quant aux causes possibles de la majoration des toxicités dans le bras aflibercept. Les critères d’inclusion des patients de cette étude ont été calqués sur l’étude faite avec le docétaxel en 2004. Commentaire. Aucun rationnel de phase II n’a été réalisé dans le cancer de la prostate avec le docétaxel et l’aflibercept. Mille deux cent vingtquatre patients ont été inclus pour des résultats négatifs, avec 3,4 % de décès toxiques. La connaissance des antiangiogéniques, notamment de l’aflibercept, aurait dû nécessiter une plus grande prudence dans le choix de la population et le suivi des patients. L’absence de facteurs prédictifs de réponse aux antiangiogéniques ne permet pas de définir une sous-population pouvant en bénéficier. Les protocoles de phase III en cours concernant le docétaxel ± le tasquinimob ou le custirsen Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 COU-NN4-2013.indd 125 (OGX-011) ont peu de chance d’être positifs dans ce contexte. S. Oudard, Paris • Tannock IF, Fizazi K, Ivanov S et al.; VENICE Investigators. Aflibercept versus placebo in combination with docetaxel and prednisone for treatment of men with metastatic castration-resistant prostate cancer (VENICE): a phase 3, doubleblind randomised trial. Lancet Oncol 2013;14(8):760-8. Essai randomisé évaluant une radiothérapie externe hypofractionnée pour le cancer de la prostate L’objectif de cet essai était de déterminer si une escalade de dose, utilisant un schéma d’hypofractionnement, était susceptible de réduire le taux de rechute chez des patients irradiés pour cancer prostatique. De 2002 à 2006, 303 patients atteints de cancer prostatique (de bas à haut risque) ont été randomisés dans un bras “classique” de 76 Gy en 38 fractions de 2 Gy et un bras hypofractionné délivrant 70,2 Gy en 26 fractions de 2,7 Gy (ce schéma étant calculé comme étant équivalent à 84,4 Gy en fractionnement-étalement classique). Avec un recul médian de 68,4 mois, les taux de rechute à 5 ans sont similaires dans les 2 bras de l’essai : 21,4 % dans le bras classique et 23,3 % dans le bras hypofractionné (NS). En termes de toxicité, aucune différence n’est trouvée entre les 2 bras dans l’étude globale. En revanche, pour les patients avec un score urinaire initial (International Prostate Score Symptom [IPSS]) > 12, une différence très significative (p < 0,001) en termes de toxicité urinaire est retrouvée, en défaveur du bras hypofractionné. Les auteurs concluent que le seul avantage du bras hypofractionné dans cet essai est de réduire la durée totale du traitement et le nombre de séances. Commentaire. Cet article était attendu avec impatience depuis un abstract d’Alan Pollack, rapporté en 2009 ; cet abstract avait lancé un pavé dans la mare du “biologiquement correct”, en calculant, à partir des données de cet essai, un rapport alpha/bêta de 6,5 Gy, très significativement supérieur au chiffre de 1,5 Gy imposé au fil des ans par nombre de radiobiologistes. Ce rapport très bas est à la source de tous les 125 03/01/14 17:20 R ev u e protocoles d’hypofractionnement actuels pour le cancer prostatique. Pour des raisons obscures (pressions des reviewers ?), A. Pollack ne reprend curieusement pas ici son calcul précis du rapport alpha/bêta, mais, pour qui sait lire entre les lignes, le résultat est le même. Le schéma hypofractionné utilisé ici avait été calculé avec le rapport alpha/ bêta “classique” de 1,5 Gy ; comme noté plus haut, ce schéma était censé délivrer une dose équivalant à 84,4 Gy par fractions de 2 Gy ; les auteurs attendaient donc logiquement de cette escalade de dose significative (8,4 Gy !) une amélioration plus ou moins marquée de la survie sans récidive. Le résultat est sans appel : aucune différence en termes de rechutes (cliniques ou biologiques). Le chiffre des rechutes est même un peu plus élevé dans le bras hypofractionné (mais sans différence significative). Cela signifie donc que le calcul initial était probablement faux, et que le sacro-saint rapport alpha/bêta de 1,5 Gy pour le cancer de la prostate est très probablement, en réalité, plus élevé. Cet article doit faire réfléchir tous ceux qui se lancent, peut-être un peu vite, dans l’hypofractionnement pour le cancer prostatique, d’autant que les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là : pour les patients de cet essai présentant des troubles urinaires significatifs initiaux (IPSS > 12), l’hypo­ fractionnement est responsable d’une incidence cumulative de grades 2 urinaires très significativement supérieure (p < 0,001) à celle observée après irradiation classique. Cette observation, qui rejoint certaines données sur la toxicité aiguë de l’essai de E.E. Yeoh et al. (article de 2006), pourrait remettre en question l’inclusion dans les essais d’hypofractionnement même modéré (les doses par séance utilisées ici n’étaient “que” de 2,7 Gy) des patients présentant des troubles urinaires initiaux. J.M. Cosset, Paris • Pollack A, Walker G, Horwitz EM et al. Randomized trial of hypofractionated external-beam radiotherapy for prostate cancer. J Clin Oncol 2013;31(31):3860-8. Radium-223 alpha-émetteur et survie dans le cancer de la prostate métastatique Plus de 90 % des patients présentant un cancer de la prostate résistant à la castration ont des métastases osseuses, qui constituent une cause majeure de morbimortalité. 126 COU-NN4-2013.indd 126 de presse Le radium 223 dichlorure (radium-223) est une cible alpha-émetteur qui se lie sélectivement aux zones de remodelage osseux dans les métastases osseuses, en particulier au stroma osseux nouvellement formé, et émet des particules alpha à h aute énergie. Le rayonnement de ces particules induit principalement des cassures double brin de l’ADN responsables d’un effet cytotoxique puissant et très localisé à la lésion cible. Le court chemin de ces particules alpha permet également que les effets toxiques sur le tissu sain adjacent, et en particulier sur la moelle osseuse, restent minimes. ALSYMPCA est une étude de phase III, randomisée, en double aveugle, internationale, comparant l’efficacité et la tolérance du radium-223 au placebo chez des patients atteints d’un cancer de la prostate résistant à la castration, avec métastases osseuses, prétraités ou non éligibles au docétaxel. Neuf cent vingt et un patients ont été inclus en intention de traiter suivant un ratio 2:1. Les patients dans le groupe radium-223 ont reçu 6 injections, toutes les 4 semaines, de radium-223 à la dose de 50 ­kBq/­kg i.v. L’objectif primaire de l’étude a été atteint : à l’analyse finale, la médiane de survie globale (SG) était de 14,9 mois dans le groupe ­radium-223 et de 11,3 mois dans le groupe placebo, soit une réduction de 30 % du risque de décès (HR = 0,70 ; IC95 : 0,58-0,83 ; p < 0,001). Le bénéfice du radium-223 sur la SG était retrouvé dans tous les sous-groupes. Dans l’analyse actualisée, le bénéfice du radium-223 se confirme, avec une médiane de SG de 14,9 mois versus 11,3 mois dans le groupe placebo. L’analyse des objectifs secondaires d’efficacité est en faveur du radium-223 par rapport au placebo ; il permet de prolonger significativement le temps jusqu’au premier événement osseux symptomatique (médiane de 15,6 mois versus 9,8 mois ; HR = 0,66 ; p < 0,001), le temps d’augmentation des phosphatases alcalines totales (HR = 0,17 ; IC95 : 0,13-0,22 ; p < 0,001), ainsi que le temps jusqu’à l’augmentation du PSA (HR = 0,64 ; IC95 : 0,54-0,77 ; p < 0,001). Le nombre de patients qui ont présenté des effets indésirables dans le groupe radium-223 était plus faible que dans le groupe placebo pour tous les événements indésirables (93 % versus 96 %), les effets indésirables de grade 3 ou 4 (56 % versus 62 %), sans différence cliniquement significative. Commentaire. Il s’agit d’une étude de phase III franchement positive qui offre une autre molécule dans le traitement de deuxième ligne du CPRCm. Celle-ci se démarque par son très bon profil de tolérance, mais reste limitée par la restriction des métastases viscérales. Actuellement on dispose de plusieurs autres molécules (cabazitaxel, abiratérone acétate et enzalutamide) et d’autres sont en cours d’essai ; des études de stratégie s’imposent pour le choix et la hiérarchisation des traitements. S. Oudard, Paris • Parker C, Nilsson S, Heinrich D et al. Alpha emitter radium-223 and survival in metastatic prostate cancer. N Engl J Med 2013;369(3):213-23. Étude de phase III évaluant le zibotentan en combinaison avec le docétaxel dans les CPRCm Le docétaxel associé à la prednisone est le traitement standard de première intention du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (CPRCm). Le site de prédilection métastatique est l’os. L’activation du récepteur de ­l’endothéline A induit la prolifération de cellules tumorales prostatiques et un pouvoir métastatique. Le zibotentan est un puissant inhibiteur de ­l’endothéline A (ZD4054) qui a démontré, dans 2 phases II randomisées, qu’il s’accompagnait d’une augmentation de la survie chez des patients ayant peu de symptômes avec des métastases osseuses (1, 2). Dès lors une étude de phase III randomisée (R = 1:1), prospective, multicentrique, en double aveugle, a été réalisée dans le cadre du programme ENTHUSE, en phase métastatique chez des patients résistant à la castration. Cette étude comparait le docétaxel + zibotentan au placebo. Les patients recevaient soit docétaxel (75 ­mg/­m2 toutes les 3 semaines) + prednisone (10 mg/j) + placebo, soit docétaxel + zibotentan (10 mg p.o.). Le critère principal était la survie globale (SG) en intention de traiter. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 03/01/14 17:20 Revue de presse Les patients étaient stratifiés en fonction du centre et 1 052 hommes ont été randomisés (524 dans le bras zibotentan, 528 dans le bras placebo). Aucune différence de SG n’a été notée : 20,0 mois pour le zibotentan et 19,2 mois pour le bras placebo (p = 0,96). Par ailleurs, aucune différence non plus n’a été rapportée en termes de survie sans progression (SSP), de réponse PSA ≥ 50 % (53,2 % versus 56,4 %), de PSA-SSP, de délai jusqu’au premier événement osseux, de temps jusqu’à détérioration clinique (9,3 versus 10,0 mois) et de qualité de vie. Peu de toxicités de grade 3-4 ont été rapportées avec le zibotentan ; les effets indésirables les plus classiques avec ce type de molécule étaient : les œdèmes (52,7 %), la diarrhée (35,4 %), l’alopécie (33,9 %) et les nausées (33,3 %). Commentaire. Cette étude est négative : aucun effet sur la survie n’a été relevé et la toxicité surajoutée est faible. L’étude avec l’atrasentan est également négative et a été close à la première analyse intermédiaire. Aucun marqueur n’a été retrouvé qui permette de sélectionner une population spécifique. Cette classe médicamenteuse n’est plus à l’heure actuelle étudiée dans le cancer prostatique. S. Oudard, Paris • Fizazi KS, Higano CS, Nelson JB et al. Phase III, randomized, placebo-controlled study of docetaxel in combination with zibotentan in patients with metastatic castration-resistant prostate cancer. J Clin Oncol 2013;31:1740-7. 1. James ND, Caty A, Borre M et al. Safety and efficacy of the specific endothelin-A receptor antagonist ZD4054 in patients with hormone-resistant prostate cancer and bone metastases who were pain free or mildly symptomatic: a double-blind, placebo-controlled, randomized, phase 2 trial. Eur Urol 2009;55:1112-23. 2. James ND, Caty A, Payne H et al. Final safety and efficacy analysis of the specific endothelin A receptor antagonist zibotentan (ZD4054) in mCRPC patients and bone metastases who were pain-free or mildly symptomatic for pain: a double-blind, placebo-controlled, randomized phase II trial. BJU Int 2010;106:966-73. Docétaxel toutes les 2 semaines versus 3 semaines dans le CPRC : un essai randomisé de phase III L’administration i.v. toutes les 3 semaines de docétaxel combiné avec de la prednisone orale est de nos jours la chimiothérapie de première intention pour le cancer de la prostate métastatique résis- tant à la castration. L’hypothèse a été émise selon laquelle l’administration toutes les 2 semaines de docétaxel serait mieux tolérée et permettrait des traitements plus longs, avec moins d’effets indésirables. Pour tester cette hypothèse, une étude de phase III, prospective, multicentrique, randomisée et en ouvert a été réalisée. Dans le groupe I, les injections de docétaxel avaient lieu toutes les 3 semaines. Dans le groupe II, elles avaient lieu toutes les 2 semaines. Il s’agissait d’une analyse per protocole : 176 patients dans le groupe I recevaient 75 ­mg/­m2 de docétaxel le premier jour d’un cycle de 3 semaines et 170 patients dans le groupe II recevaient 50 ­mg/­m 2 de docétaxel le premier et le quinzième jour d’un cycle de 4 semaines. Dans les 2 groupes, les patients recevaient également 10 mg/j de prednisolone par voie orale. Un jour avant l’instauration du traitement avec docétaxel et jusqu’à 1 ou 2 jours après, ils recevaient aussi 7,5 à 8,0 ­mg/­j de dexaméthasone. Le critère principal de l’étude était le temps de l’échec du traitement (TTTF) : il a été plus long dans le groupe II que dans le groupe I (5,6 mois [IC95 : 5,0-6,2] versus 4,9 mois [­ 4,5-5,4 ; HR = 1,3 ; IC95 : 1,1-1,6 ; p = 0,014]), avec un gain absolu de 0,7 mois. Le temps jusqu’à progression (TTP) a aussi été meilleur dans le groupe II que dans le groupe I (15,8 mois [13,6-18,1] versus 14,6 mois [13,2-16,0 ; HR = 1,3 ; IC95 : 1,0-1,6, p = 0,047]). La survie globale a été significativement plus importante dans le groupe II que dans le groupe I (19,5 mois ­[15,9-23,1] versus 17,0 mois [15,0-19,1 ; HR = 1,4 ; IC95 : ­1,1-1,8, p = 0,021]). L’évaluation de la réponse biologique à la chimiothérapie avec le dosage du PSA (≥ 50 %) n’a montré aucune différence majeure (49 versus 42 % ; p = 0,48). Les toxicités de grade 3-4 sont survenues de façon plus fréquente dans le groupe I que dans le groupe II. En matière de toxicité hématologique, anémie et thrombocytopénie, il n’y a pas eu de différences. Mais la toxicité médullaire sur la lignée leuco­cytaire a été plus importante dans le groupe I : neutropénie (93 [53 %] versus 61 [36 %]), leucopénie (51 [29 %] versus 22 [13 %]) et infections neutro­péniques (43 [24 %] versus 11 [6 %]). Des neutropénies fébriles ont été signalées chez 25 patients du groupe I (14 %) Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 COU-NN4-2013.indd 127 contre 6 (4 %) du groupe II. La qualité de vie estimée par les patients a été similaire dans les 2 groupes. Commentaire. La différence en TTTF de 0,7 mois est peu importante, mais la tolérance hématologique est meilleure, avec un avantage en survie absolue de 2,5 mois. Chez ces patients dont les 2 tiers ont plus de 75 ans, avec de nombreuses comorbidités, un traitement de 50 ­mg/­m2 de docétaxel pourrait être préféré au schéma classique toutes les 3 semaines. Cependant, l’utilisation de G-CSF dans les pays nordiques est rare et a pu empêcher une bonne administration du schéma 75 mg/m2 toutes les 3 semaines. L’étude FIRSTANA comparant le docétaxel au cabazitaxel en première ligne suite à l’étude TROPIC pourra peut-être modifier la donne, avec une administration du cabazitaxel en première ligne. S. Oudard, Paris • Kellokumpu-Lehtinen PL, Harmenberg U, Joensuu T et al. 2-Weekly versus 3-weekly docetaxel to treat castration-­ resistant advanced prostate cancer: a randomised, phase 3 trial. Lancet Oncol 2013;14:117-24. CANCERS UROTHÉLIAUX Nab-paclitaxel : étude de phase II en deuxième ligne de cancers urothéliaux métastatiques Après une première ligne à base de cisplatine (GC, MVAC), la médiane de progression est d’environ 8 mois. Les chimiothérapies de deuxième ligne ont une activité marginale, avec un taux de réponse de l’ordre des 5 à 20 % et une médiane de survie sans progression (SSP) de 3 à 4 mois. Seule la vinflunine a été enregistrée en Europe (mais pas aux États-Unis dans cette indication), sur la base d’une étude de phase III versus BSC (best supportive care) récemment actualisée (1), montrant une amélioration de la survie globale (SG) [6,9 mois versus 4,3 mois). Dans cette situation, les Américains utilisent souvent le paclitaxel. Les taux de réponse rapportés sont cependant bas (10-13 %), avec une médiane de réponse de 2 mois. Dans cet article publié dans le Lancet Oncology (2), Y.J. Ko et al. rapportent les résultats d’une étude de phase II cana- 127 03/01/14 17:20 R ev u e dienne multicentrique (5 centres) réalisée suivant un schéma en 2 étapes de Simon et portant sur 48 patients traités à la dose de 260 mg/m2/21 jours. Ces résultats montrent un taux de réponse de 27 %, une médiane de SSP de 6 mois, et une médiane de SG de 19,8 mois. Les patients ont reçu une médiane de 6 cycles. Commentaire. Ces résultats (les meilleurs rapportés dans cette situation) font discuter d’éventuels biais. Un nomogramme prédictif de la SSP en deuxième ligne métastatique a été récemment développé, avec pour critères pronostiques l’intervalle avec chimiothérapie précédente, le taux d’hémoglobine, la présence de métastases hépatiques et le statut de performance à l’inclusion (3). Dans cette étude, le temps médian depuis l’arrêt de la chimiothérapie antérieure par platine était de 4,86 mois. Sur les 46 patients analysés, 19 (41 %) avaient un facteur de mauvais pronostic, 9 (20 %) en avaient 2, 6 (13 %) en avaient 3, et 4 (9 %) en avaient 4 ; 8 (17 %) n’en avaient aucun. Trente-trois patients sur 48 avaient reçu une première ligne de chimiothérapie en phase métastatique, mais 15 étaient en progression après une chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante. Sur le plan biologique, le nab-paclitaxel pourrait avoir une plus grande activité chez les patients dont la tumeur présente une amplification de SPARC. Les auteurs posent la question d’une éventuelle utilisation suivant un schéma hebdomadaire, mais il faut noter que l’expérience française du paclitaxel hebdomadaire par le GETUG (4) s’était montrée décevante, montrant seulement une amélioration de la qualité de vie, avec une très faible efficacité en termes de réponse objective (9 %). P. Beuzeboc, Paris 1. Bellmunt J, Fougeray R, Rosenberg JE et al. Long-term survival results of a randomized phase III trial of vinflunine plus best supportive care versus best supportive care alone in advanced urothelial carcinoma patients after failure of platinum-based chemotherapy. Ann Oncol 2013;24(6):1466-7. 2. Ko YJ, Canil CM, Mukherjee SD et al. Nanoparticle albuminbound paclitaxel for second-line treatment of metastatic urothelial carcinoma: a single group, multicentre, phase 2 study. Lancet Oncol 2013;14(8):769-76. 3. Sonpavde G, Pond GR, Fougeray R et al. Time from prior chemotherapy enhances prognostic risk grouping in the second-line setting of advanced urothelial carcinoma: a retrospective analysis of pooled, prospective phase 2 trials. Eur Urol 2013;63:717-23. 4. Joly F, Houédé N, Noal S et al. Do patients with advanced urothelial carcinoma benefit from weekly paclitaxel chemotherapy? A GETUG phase II study. Clin Genitourin Cancer 2009;7(2):E28-33. 128 COU-NN4-2013.indd 128 de presse SÉMINOME Séminome de stade II : un cycle de carboplatine néo-adjuvant avant radiothérapie lombo-aortique, l’expérience monocentrique du Royal Marsden Traditionnellement, les taux de récidive des séminomes de stades IIA et IIB traités par radiothérapie sont de l’ordre de 5 à 11 % (tableau). Dans la série de Toronto (1), sur 79 patients, le taux de rechute était de 10 %. Dans une étude prospective de 30 centres allemands (2) ayant inclus 94 patients, la survie sans récidive avec un suivi médian de 70 mois était de 95 % pour les stades IIA et de 89 % pour les stades IIB. Les recommandations de 2011 de l’EUA (European Association of Urology) stipulent que la radiothérapie représente le traitement standard et préconisent pour les stades IIA, sur les aires lombo-aortique et iliaque homolatérale, une dose de 30 Gy et, pour les stades IIB, une dose de 36 Gy (3). L’équipe du Royal Marsden (4) a traité, entre mai 1996 et novembre 2011, 51 patients (dont 8 étaient en rechute d’un stade I) avec un seul cycle de carboplatine ASC 7 suivi, 3 à 6 semaines plus tard, d’une radiothérapie exclusivement lombo-aortique, avec une réduction de dose de 35 à 30 Gy (en 15 fractions) chez 39 patients. Il n’a été constaté aucune rechute (IC95 : 93-100) avec un suivi médian de 55 mois (8-151 mois), 74 % des patients ayant été suivis au-delà de 2 ans. Il n’a été constaté aucune toxicité de grade 4. Commentaire. Même si la chimiothérapie permet de guérir pratiquement 100 % des cas de stade II avec 4 cycles d’EP ou 3 cycles de BEP, une réflexion sur la désescalade thérapeutique est en cours pour essayer de diminuer les risques de complications à distance (second cancer, complications cardiovasculaires tardives, etc.). En France, cette chimiothérapie est habituellement réservée aux tumeurs volumineuses de stade IIC (> 5 cm) [5]. L’objectif du schéma thérapeutique développé au Royal Marsden a été de contourner les faiblesses de la radiothérapie, les rechutes survenant quasi exclusivement hors des champs d’irradiation ; l’hypothèse était de pouvoir éradiquer avec un seul cycle de carboplatine les micrométastases occultes situées hors champ. Le but semble atteint… Ce taux de contrôle de 100 % obtenu par la prescription d’un cycle de carboplatine néo-adjuvant a été salué par les groupes suisse (SAKK) et allemand (German Testicular Cancer Study Group), qui mènent également une étude prospective évaluant un cycle de carboplatine ASC7 (6). En France, l’essai GETUG T04 mené par Y. Loriot et al. à l’institut Gustave-Roussy aborde le problème autrement, en évitant la radiothérapie, avec également une désescalade de la chimiothérapie. Après 2 EP, les patients n’ayant plus d’hyperfixation au PET scan seraient traités par un cycle de carboplatine. P. Beuzeboc, Paris Tableau. Radiothérapie pour les séminomes de stade II (d’après [4]). Auteur Cohorte Nombre de patients Stade Rechute (%) Survie spécifique à 5 ans (%) Patterson (2001) 1970-1997 80 IIA IIB 13 27 95 Zagars (2001) 1960-1999 44 IIA IIB* 0 13 100 Classen (2003) 1991-1994 87 IIA IIB 5 15 100 Chung (2004) 1981-1999 95 IIA IIB IIC 8 10 55 95 Detti (2009) 1965-2005 83 IIA* 10 99 Domont (2011) 1980-2001 33 IIA IIB* IIC* 0 29 75 94 * Beaucoup ont eu des champs sus-diaphragmatiques. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 03/01/14 17:20 Revue de presse 1. Chung PW, Gospodarowicz MK, Panzarella T et al. Stage II testicular seminoma: patterns of recurrence and outcome of treatment. Eur Urol 2004;45(6):754-9. 2. Classen J, Schmidberger H, Meisner C et al. Radiotherapy for stages IIA/B testicular seminoma: final report of a prospective multicenter clinical trial. J Clin Oncol 2003;21(6):1101-6. 3. Albers P, Albrecht W, Algaba F et al.; European Association of Urology. [EAU guidelines on testicular cancer: 2011 update. European Association of Urology]. Actas Urol Esp 2011; 36(3):127-45. 4. Horwich A, Dearnaley DP, Sohaib A, Pennert K, Huddart RA. Neoadjuvant carboplatin before radiotherapy in stage IIA and IIB seminoma. Ann Oncol 2013;24(8):2104-7. 5. Domont J, Massard C, Patrikidou A et al. A risk-adapted strategy of radiotherapy or cisplatin-based chemotherapy in stage II seminoma. Urol Oncol 2013;31(5):697-705. 6. Papachristofilou A, Cathomas R, Bedke J, Souchon R, Kolb C, Gillessen S. Optimizing treatment of seminoma stage IIA/B step by step. Ann Oncol 2013;24(9):2463. Chimiothérapie adaptée au risque dans le séminome métastatique La majorité des séminomes testiculaires est diagnostiquée au stade I. Vingt à 30 % des séminomes testiculaires sont métastatiques, et seuls 5 % ont une dissémination sus-diaphragmatique. Les stades IIA et IIB (adénopathies rétropéritonéales < 5 cm) peuvent être traités par radiothérapie ; les autres sont du ressort de la chimiothérapie, les tumeurs séminomateuses étant chimiocurables. Les rares séminomes médiastinaux primitifs sont aussi habituellement traités par chimiothérapie. Du fait de leur rareté, peu d’essais ont concerné les formes évoluées de séminomes. Cette étude GETUG S99, coordonnée par K. Fizazi, ayant inclus 132 patients présentant un séminome pur métastatique, traités entre 1999 et 2008, s’est intéressée à 2 cohortes : ✓ la première, de 108 tumeurs considérées comme de bon pronostic selon la classification de l’International Germ Cell Cancer Collaborative Group (IGCCCG) ou du Medical Research Council, traitée par 4 cycles d’EP (cisplatine 20 mg/m2 et étoposide 100 mg/m2 5 jours tous les 21 jours) ; ✓ la deuxième, de 24 tumeurs de pronostic intermédiaire (présence de métastases viscérales extrapulmonaires ou de métastases sus-diaphragmatiques et LDH > 2 N), traitée par 4 cycles de VIP (ifosfamide 1,2 g/m 2 J1-J5/21 jours avec cisplatine et étoposide aux mêmes doses) sous couverture de G-CSF. Avec une médiane de suivi de 4,5 ans, la survie sans progression (SSP) à 3 ans a été de Abonnez-vous sur 93 % dans la première cohorte, de 87 % (IC95 : 85-97), et de 83 % (IC95 : 63-93) dans le groupe intermédiaire (p = 0,03). Deux patients sont décédés, dont 1 d’un choc septique. Les survies globales dans les 2 groupes ont été respectivement de 99 % (IC95 : 92-100) et 87 % (IC95 : 67-95). Commentaire. Le traitement optimal des séminomes métastatiques est mal défini. Dans les formes de bon pronostic, il est recommandé soit 3 BEP soit 4 EP. Pour les formes de pronostic intermédiaire, 4 BEP représentent le standard, le VIP étant habituellement réservé au traitement des rechutes. Un PET scan est indiqué en cas de masses résiduelles (au moins celles supérieures à 3 cm) au décours de la chimiothérapie, avant de décider de leur exérèse. P. Beuzeboc, Paris • Fizazi K, Delva R, Caty A et al. A Risk-adapted Study of cisplatin and etoposide, with or without Ifosfamide, in patients with metastatic seminoma: results of the GETUG S99 multicenter prospective study. Eur Urol 2013 [Epub ahead of print]. Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts. Au sommaire du prochain numéro www.edimark.fr Dossier : Cancer du rein, les grands débats Revues de presse S DIAPOSITIVE ES EN LIGNE COMMENTÉ Coordonné par Bernard Escudier Revues de presse SIER DOS DIAPOSITIVES COMMENTÉES EN LIGNE Nouvelles imageries en urologie e Oudard Coordonné par Stéphan SAS Société éditrice : EDIMARK – ISSN : 2110-087X rk.fr www.edima CPPAP : 0617 T 90442 Trimestriel Prix du numéro : 39 € Vol. IV - n° 3 2013 Juillet-Août-Septembre DOSSIER Périodique de formation Cancer du testicule Coordonné par Philippe Beuzeboc » Parution en mars 2014 Société éditrice : EDIMARK SAS CPPAP : 0617 T 90442 – ISSN : 2110-087X Trimestriel Prix du numéro : 39 € Vol. IV - n° 4 Oct.-Nov.-Déc. 2013 www.edimark.fr Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 4 - octobre-novembre-décembre 2013 COU-NN4-2013.indd 129 Périodique de formation 129 03/01/14 17:20