144 | La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 2 - février 2011
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancérologie et ORL
Les soins de support en ORL
Supportive care for head and neck cancer patients
F. Scotté*, S. Hans**, E. Kempf*, S. Marsan*, C. Tessier**, A. Sauvignet-Poulian**,
G. Vialatte de Pémille**, V. Siméone**, D. Brasnu**
* Unité de soins de support, onco-
logie médicale, hôpital européen
Georges-Pompidou, Paris.
** Service d’oto-rhino-laryngologie,
hôpital européen Georges-Pompi-
dou, Paris.
L
e concept de soins oncologiques de support
(SOS) a été développé en Belgique sous l’égide
de Jean Klastersky en 1990. Attentif au problème
des neutropénies en cours de chimiothérapie,
J. Klastersky a créé l’association internationale en
soins de support appelée MASCC (Multinational
Association for Supportive Care in Cancer). Élargis
aux différentes souffrances ressenties par le patient
au cours de sa maladie cancéreuse, les soins de
support ont par la suite été promus dans le monde
entier avec l’apparition dès 2004 d’une session spéci-
que lors du congrès de l’ASCO. En France, les états
généraux du cancer, à la fi n des années 1990, ont
imposé un regard spécifi que sur les qualités de vie
et de prise en charge des patients atteints de cancer.
La consultation d’ancrage, qui donnera naissance au
dispositif d’annonce, tout d’abord, puis la création
d’un groupe issu de la fédération des centres de
lutte contre le cancer aideront au développement
du concept en France.
Un texte fondateur publié dans plusieurs revues
reprend alors les modalités et objectifs d’organi-
sation de ces soins de support dans les établisse-
ments privés et publics (1).
Vient ensuite le premier Plan cancer et la circulaire de
la direction de l’hospitalisation et de l’organisation
des soins (DHOS) du 22 février 2005 (2) qui défi nit
les soins de support comme l’“ensemble des soins
et soutiens nécessaires aux personnes malades tout
au long de la maladie conjointement aux traitements
onco-hématologiques spécifi ques, lorsqu’il y en a.
Le travail français autour des soins de support intègre
alors une démarche symptomatique de soins, orientés
vers la prise en charge des effets indésirables du cancer
(douleur, dénutrition, etc.) et de ses traitements
(neutropénies chimio-induites, mucites post radiques,
douleurs postopératoires, etc.). Le concept intègre
également une démarche d’organisation et de coordi-
nation des soins autour du patient atteint de cancer
en imposant un lien indispensable entre les diffé-
rentes équipes le prenant en charge, depuis l’annonce
de sa maladie jusqu’à son accompagnement en n
de vie ou sa réhabilitation à une vie normale “après
cancer”. Ce dernier point s’est plus particulièrement
développé vers 2007 avec l’apparition, lors du congrès
de l’ASCO, d’une session intitulée “survivor care”.
Il était alors question de la vie après la maladie et
des souffrances vécues par le malade tant physi-
quement et psychologiquement que socialement. On
découvre les troubles cognitifs (mémoire et attention)
postchimiothérapie et radiothérapie, on insiste de
nouveau sur les toxicités cardiaques à long terme. Le
gouvernement, à l’instar du Plan cancer, reprend la
convention de Belorgey (2001) afi n d’aider le recours
aux emprunts des anciens malades et développe la
convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un
Risque Aggravé de Santé).
Le second Plan cancer, rédigé par Jean-Pierre
Grünfeld et présenté en décembre 2009 par le
Président de la République française, poursuit cet
effort de développement des SOS, et met l’accent
sur les soins de ville et les liens entre les équipes
intra- et extrahospitalières, indispensables à une
bonne continuité des soins.
La place des réseaux est renforcée et des référentiels
communs de prise en charge dans le domaine des
SOS sont mis en place lors d’une rencontre nationale
de ces réseaux en décembre 2010, sous l’égide de
l’Association francophone pour les soins oncolo-
giques de support (AFSOS).
Cette association, créée en 2008 par le regrou-
pement de différents mouvements et présidée par
Ivan Krakowsky, à l’origine du développement du
concept en France, a plusieurs missions dont, bien
entendu, l’aide à l’organisation et au développement
des SOS. Elle s’appuie sur plusieurs commissions, qui
travaillent sur la démarche participative, la formation
et la recherche. Elle fait tomber les frontières en
regroupant des acteurs francophones des pays du
Nord (Québec) au Sud (pays africains). LAFSOS
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Résumé
Les soins de support en cancérologie ORL ont depuis longtemps une place importante, liée aux situations
pathologiques et sociales des patients. L’impact relationnel des troubles de la voix, la dénutrition souvent
en lien avec l’atteinte des muqueuses et les douleurs nécessitent une prise en charge globale adaptée.
La place des agents stimulant l’érythropoïèse est également à redéfinir dans le contexte d’un impact mal
identifié sur la réponse tumorale. Ces différents points sont repris et viennent compléter le thème plus
général de la prise en charge thérapeutique des cancers ORL, en plein essor depuis quelques années.
Mots-clés
Cancer ORL
Soins oncologiques
de support
Agents stimulant
l’érythropoïèse
Nutrition
Mucite
Summary
Supportive care in cancer have
for a long time an important
place, connected to the path-
ological and social situations
of the patients. The relational
impact of voice disorders, the
undernutrition often corre-
lated with mucosal damage
and pain require an adapted
and global care. The place of
the erythropoesis-stimulating
agents is also to be redefi ned in
the context of a badly identifi ed
impact on the tumoral growth.
These various points are devel-
oped and complete the more
general theme of head and
neck cancer therapeutic care,
which is taking off for some
years.
Keywords
Head and neck cancer
Supportive care in cancer
Erythropoietin stimulating
agents
Nutrition
Xerostomia
collabore avec l’ensemble des sociétés savantes qui
nourrissent le développement des SOS, telles que
la Société française de psycho-oncologie (SFPO),
la Société française d’accompagnement palliatif
(SFAP) ou encore la Société française d’évaluation
et de traitement de la douleur (SFETD).
La pathologie ORL impose un regard spécifi que sur
les souffrances des malades en raison, notamment,
de particularités liées à la pathologie. Le cancer
des voies aéro-digestives supérieures (VADS)
atteint des organes importants pour les relations
sociales, la parole et l’alimentation. Il touche
des patients souvent défavorisés, aux problèmes
sociaux multiples, bien qu’une population beaucoup
plus large commence à être atteinte, notamment
en raison des contages à papillomavirus humain
(HPV). Un comportement addictif reste encore
fréquent, nécessitant également une prise en charge
adaptée. Lenvironnement du patient, enfi n, requiert
un important travail d’organisation au regard du
matériel nécessaire à une trachéotomie ou à une
gastrostomie d’alimentation.
Stratégie actuelle
du traitement des cancers
des VADS
Dans les cancers de stade avancé, le concept de
préservation d’organe est devenu le “gold standard”
permettant d’obtenir le contrôle locorégional du
cancer tout en préservant les fonctions relationnelles
du patient. Élaboré pour les cancers du larynx et du
pharynx, le concept de préservation d’organe tend à
être appliqué aux autres cancers des VADS.
Ainsi, en pratique, pour les cancers du larynx et de
l’hypopharynx, il correspond à la conservation des
différentes fonctions physiologiques du larynx : la
protection des voies aériennes supérieures avec une
déglutition sans fausse route, la respiration et la
phonation sans trachéotomie.
Ce concept repose sur 3 principes thérapeutiques : la
chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. De
nombreuses stratégies associant ces 3 traitements
se sont développées pour éviter la laryngectomie
totale, qui compromet la communication et la vie
relationnelle.
Depuis les années 1990, plusieurs études randomisées
américaines et européennes ont comparé l’utilisation
de protocoles de préservation d’organe associant
chimiothérapie et radiothérapie au traitement chirur-
gical de référence, la laryngectomie totale. Elles ont
montré l’intérêt de ces protocoles de préservation
d’organe en termes de qualité de vie.
Certaines équipes préfèrent proposer en première
intention une intervention chirurgicale aux patients
atteints d’une tumeur de stade avancé accessible à
une chirurgie partielle (conservatrice des fonctions
physiologiques du larynx) sur les plans oncologique et
fonctionnel. Cette attitude permet ainsi de préserver
la radiothérapie comme une arme thérapeutique pour
les localisations métachrones qui surviennent dans 10
à 20 % des cas.
Les protocoles de radio-chimiothérapie ont relancé
l’évaluation de la qualité de vie des patients atteints
d’un cancer de stade avancé du larynx et du pharynx.
Ces traitements concomitants ont une toxicité impor-
tante : il est ainsi nécessaire chez plus de 50 % des
patients d’avoirs recours à une nutrition entérale par
sonde naso-gastrique ou, au mieux, par gastrostomie.
Paradoxalement, il semblerait que la qualité de vie
des patients traités par une association radio-chimio-
thérapie concomitante dans le cadre d’un protocole
de préservation d’organe ne soit pas meilleure que
celle de ceux traités par une laryngectomie totale.
Les douleurs liées aux traitements, la dysphagie et les
troubles de la mastication seraient à l’origine de cette
observation. En effet, les questionnaires de qualité de
vie analysent de nombreux paramètres physiques et
psychiques. À distance du traitement, les séquelles ne
sont pas les mêmes en fonction du traitement réalisé
mais le résultat nal de l’étude peut être comparable.
L’intégrité anatomique des larynx préservés n’est pas
un critère suffi sant. La fonctionnalité de ces larynx
doit être analysée. La majorité des études de préser-
vation d’organe ne prend guère ce facteur en compte.
L’analyse fonctionnelle des larynx préservés est
complexe et doit tenir compte de plusieurs facteurs :
la respiration, la déglutition et la phonation.
Pour les cancers de stade précoce, la chirurgie
minimale invasive s’est imposée progressivement.
La chirurgie transorale par voie endoscopique
au laser CO
2
a été développée pour les tumeurs
précoces des cordes vocales depuis les années 1980.
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Les soins de support en ORL
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancérologie et ORL
Elle permet d’obtenir des résultats carcinologiques
identiques à ceux de la chirurgie par voie externe
et par radiothérapie sans trachéotomie transitoire,
une durée d’hospitalisation moins importante, une
meilleure qualité de voix, une meilleure qualité de
vie, et elle a un coût moins important. Depuis les
années 1990, cette technique a été pratiquée par
différentes équipes pour des patients sélectionnés
atteints d’un stade avancé de tumeur glottique et/ou
supraglottique, chez lesquels elle est le plus souvent
complétée par une radiothérapie post opératoire.
Pour les autres tumeurs des VADS diffi cilement ou
non accessibles par voie endoscopique au laser, l’uti-
lisation du robot Da Vinci® développé par Intuitive
Surgical Inc. est intéressante. La chirurgie robotisée
a plusieurs avantages :
une vision en 3 dimensions contre 2 dimensions
en cœlio-chirurgie classique ;
une vision stable car l’optique est maintenue et
mobilisée par un des bras articulé du robot ;
une gestuelle plus précise et plus fi ne grâce à
une plus grande liberté dans les 3 axes de l’espace ;
une suppression du tremblement physiologique ;
le chirurgien étant assis dans l’axe de la console,
il travaille dans des conditions ergonomiques plus
favorables.
Dans le cadre de la cancérologie des VADS, les
avantages de la chirurgie robotisée sont les suivants :
l’accès par la chirurgie robotisée à des sites
anatomiques non accessibles classiquement par la
voie endoscopique ;
l’absence de cicatrice cervicale ;
l’absence de trachéotomie ;
l’absence d’alimentation par sonde naso-
gastrique ou de gastrostomie ;
l’obtention d’une meilleure qualité de vie ;
la chirurgie robotisée permet de réaliser des
sutures et par conséquent des lambeaux pédiculés
et libres, ce que l’on nobtient pas en recourant à la
chirurgie classique par voie endoscopique.
Les inconvénients de la chirurgie robotisée sont
dominés par son coût (achat du robot, frais impor-
tants de maintenance et achat de matériel à usage
limité). Les premiers travaux rapportés sont prélimi-
naires ; les résultats oncologiques et fonctionnels à
moyen et à long terme ne sont pas connus.
La voix
Les techniques de réhabilitation vocale après sacrifi ce
du larynx ont évolué ces dernières années. La récupé-
ration de la voix et de la parole est obtenue soit par
voie œsophagienne soit par voie trachéo-œsopha-
gienne avec mise en place d’un implant phonatoire.
Les shunts ne sont quasiment plus utilisés en raison
de leurs nombreuses complications.
La mise en place d’un implant nécessite non seulement
une éducation du patient et de sa famille aux soins et
aux différents problèmes que peut entraîner l’implant
(fuites, intrusion, extrusion, etc.), mais également
une collaboration multidisciplinaire étroite entre
les orthophonistes et les chirurgiens pour la prise
en charge du patient afi n d’optimiser les résultats.
En préopératoire, à l’hôpital européen Georges-
Pompidou (Paris), ont été développées des consul-
tations systématiques avec les orthophonistes pour
tous les patients qui doivent subir une laryngectomie
totale. Le patient peut ainsi poser toutes les questions
qu’il souhaite à propos de l’intervention chirurgicale,
des suites opératoires immédiates, des soins et des
conséquences de la chirurgie sur sa voix, sur sa respi-
ration ou sur sa déglutition, ainsi qu’au sujet de la
rééducation. Ces consultations permettent également,
lorsque le patient le souhaite, de rencontrer une
personne laryngectomisée totale, opérée depuis
quelques années, afi n de parler avec elle, de lui poser
des questions, d’entendre sa voix, et de se projeter
dans l’“après-laryngectomie”.
Les consultations préopératoires permettent de
proposer au patient l’information la plus précise et
adaptée possible sur les techniques rééducatives
entre lesquelles le patient peut choisir (voix oro-œso-
phagienne ou trachéo-œsophagienne) et d’en indiquer
les avantages et inconvénients. Le patient pourra
visualiser et toucher le matériel, et les différentes
étapes de la prise en charge seront abordées.
En outre, le patient bénéfi cie systématiquement
d’une consultation avec un psychologue et, parfois,
avec un psychiatre (oncopsychiatre).
De nombreux matériels médicaux destinés aux
patients laryngectomisés totaux ont été développés
ces dernières années. Un travail a été fait afi n que
la plupart de ces dispositifs soient accrédités par
les instances de la sécurité sociale, pris en charge
à 100 % et donc deviennent accessibles à tous les
patients.
La réalisation d’une canule de trachéostomie souple
et plus courte, en silicone, a amélioré le confort
du patient, moins blessé lors des nettoyages de la
canule.
Ensuite, les dispositifs de fi ltre de trachéostomie
se sont nettement améliorés, tant sur le plan
quantitatif (meilleure étanchéité de la protection)
que qualitatif (amélioration de l’aspect esthé-
tique des fi ltres et meilleure qualité de fi ltre). Les
La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 147
DOSSIER THÉMATIQUE
patients portent, très tôt après leur intervention,
des fi ltres qui s’adaptent sur leur canule souple de
trachéostomie et qui réduisent de façon signifi -
cative la quantité des sécrétions trachéales. Par la
suite, lorsque la canule peut être partiellement ou
totalement retirée en journée, le patient peut coller
un adhésif transparent autour de son trachéostome
et y insérer une cassette ltre, assurant la protection
de son trachéostome, tant sur le plan de la ltration
que sur celui du maintien de l’intimité corporelle
(orifi ce trachéal non visible). Certaines patientes
utilisent mêmes ces ltres comme base de fi xation
de bijoux.
Des dispositifs, appelés “protecteurs de douche”,
permettent aux patients de prendre des douches
dans de meilleures conditions et en toute sécurité.
En effet, du fait de la présence du trachéostome,
les bains de mer, le bateau, la natation, les douches
sans protection, nétaient jusqu’alors plus possibles
du fait de l’éventuelle pénétration de l’eau dans
l’orifice. Ces protecteurs de douches, abouchés
aux adhésifs précédemment décrits, sont des tubes
coudés tournés vers le bas, permettant à l’eau de
la douche de ruisseler sans pénétrer à l’intérieur du
trachéostome, et au patient de respirer tranquil-
lement.
Enfi n, des dispositifs appelés “valves automatiques”
permettent aux patients employant la technique de
réhabilitation vocale de la voix trachéo-œsopha-
gienne d’obturer automatiquement le trachéostome
pour émettre des sons, sans utiliser leurs mains, qui
“redeviennent” disponibles lorsqu’ils parlent.
Le suivi orthophonique d’un patient opéré d’une
laryngectomie totale consiste donc en une prise en
charge depuis le postopératoire jusqu’au moment
il se sentira capable de communiquer à nouveau avec
son entourage familial et social. Ce suivi repose sur
un apprentissage de la technique de réhabilitation
vocale adapté au patient et des incidences de celui-ci
(nettoyage et entretien de l’implant, autonomie du
patient vis-à-vis de ce suivi). Il consiste également à
l’informer sur le matériel adapté à son cas. Enfi n, il
porte sur un suivi de sa déglutition et des incidences
des différents traitements sur ses qualités de voix
et de vie.
Cette rééducation allie bien évidemment des aspects
techniques à une prise en charge éminemment
relationnelle et un accompagnement psycho-
sociomédical des patients dans ces moments bien
particuliers pour eux.
Les nouvelles techniques de préservation d’organe,
permettant de limiter les séquelles post-thérapeu-
tiques des cancers des VADS sont, bien entendu, une
évolution majeure dans l’amélioration de la qualité
de vie de ces patients. Il s’agit de proposer des
associations thérapeutiques de chirurgie conserva-
trice avec radiothérapie et chimio thérapie (3). Lévo-
lution des techniques chirurgicales, et notamment
la robotisation des gestes, devraient également
apporter de nouvelles améliorations dans le confort
de vie post-thérapeutique des patients.
Anémie, agents stimulant
l’érythropoïèse, transfusions
L’anémie est un problème courant lors des cancers
des VADS, en particulier en raison des risques hémor-
ragiques liés à la pathologie. Le recours aux transfu-
sions et à des gestes d’embolisation ou d’hémostase
permet d’agir contre le symptôme tout en écartant
la cause évidente de la perte sanguine. Ces gestes
d’embolisation se sont développés ces dernières
années grâce au travail des équipes de radiologie
interventionnelle.
Toutefois, la question de l’anémie liée aux traitements
anticancéreux a entraîné de nombreuses discus-
sions, parfois houleuses, depuis la publication des
résultats de l’étude de M. Henke et al. en 2003 (4).
Lessai DAHANCA, mené au Danemark, a quant à lui
enregistré des résultats similaires sur une population
de patients également traités par radiothérapie (5).
Létude de M. Henke et al., menée auprès de
patients en cours de radiothérapie dans le cadre
d’une néoplasie tête et cou, avait pour objectif de
déterminer l’impact d’un traitement par un agent
stimulant l’érythropoïèse (ASE) en prévention de
l’anémie, pour améliorer l’oxygénation tissulaire et
l’effi cacité de la radiothérapie, en plus de la qualité
de vie. Les taux d’hémoglobine des patients avant le
début du traitement par ASE étaient supérieurs à 12
voire à 13 g/dl. Les cibles d’hémoglobine atteintes
en fi n de traitement dépassaient les 15 g/dl pour
atteindre jusqu’à 18 g/dl. Un impact négatif en termes
de taux de réponse et de survie a alors été constaté,
avec pour effet immédiat une régulation drastique
des prescriptions d’ASE en cancérologie ORL.
La population des patients, pour la plupart traités
par sels de platine, pourvoyeurs d’anémie chimio-
induite, présente malgré tout un risque majeur
d’anémie et d’altération de sa qualité de vie en cours
de traitement par chimiothérapie. La prescription
d’ASE en cancérologie ORL nest pas interdite mais
doit suivre strictement les recommandations
proposées par les sociétés savantes, dont nous
Figure. Algorithme de traitement de l’anémie de l’EORTC (6, 7).
Corriger les causes de l’anémie en dehors de celle liée au cancer
Traiter pour atteindre une Hb d’environ 12 g/dl
Individualiser le traitement pour maintenir le taux cible
avec un minimum de traitement
Hb normale
ASE : agent stimulant l’érythropoïèse ; Hb : hémoglobine.
Traitement
prophylactique
non recommandé
Anémie asymptomatique
Hb entre 11 et 11,9 g/dl
Considérer
un traitement par ASE
en tenant compte
des facteurs individuels
Anémie symptomatique
Hb entre 9 et 11 g/dl
Initier traitement
par ASE
Hb < 9 g/dl
Évaluer le besoin
en transfusion
et considérer
un traitement par ASE
en tenant compte
des facteurs individuels
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Les soins de support en ORL
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancérologie et ORL
rappellerons l’algorithme décisionnel diffusé par
l’EORTC (fi gure).
Si les ASE ont fait couler beaucoup d’encre, les trans-
fusions sanguines restent elles aussi à risque pour
la survie des patients, comme l’a montré une étude
présentée à l’ASCO (8). Il conviendra donc d’être
vigilant et de traiter impérativement toute autre
cause d’anémie (notamment les lésions hémorra-
giques) avant de poser l’indication d’une transfusion
ou de décider d’un traitement par ASE, à réserver
aux patients sous chimiothérapie.
Nutrition
La nutrition est un enjeu majeur en cancérologie
ORL : du fait de leur nature ou des traitements,
l’ensemble des lésions touchant les VADS sont
en relation avec une gêne à la déglutition et avec
des apports nutritionnels malaisés. Les diffi cultés
concernent la déglutition des aliments solides
ou des liquides, des troubles de l’appétence, des
fausses routes qui peuvent entraîner des pneumo-
pathies et vont conduire le patient à diminuer
ses apports nutritionnels. Le risque de déshydra-
tation et de dénutrition est important. Lors d’une
enquête épidémiologique évaluant, auprès de
1 903 personnes, l’impact de leur maladie sur leur
état nutritionnel, 49 % des patients touchés par un
cancer des VADS étaient dénutris (9).
La dénutrition a été défi nie par la Haute Autorité de
santé (HAS) en 2007 comme étant un état patholo-
gique qui résulte d’un déséquilibre persistant entre les
apports et les besoins de l’organisme. Ce déséquilibre
entraîne des pertes tissulaires, notamment muscu-
laires, qui ont des conséquences fonctionnelles
délétères”.
Lévaluation de l’état nutritionnel de chaque patient
doit faire partie de l’examen clinique initial et
comporter :
une recherche de l’étiologie de cette dénutrition ;
une évaluation du poids actuel, du poids de base
et de la vitesse de perte de poids, ainsi qu’une mesure
de l’indice de masse corporelle (IMC = P/T2) ;
une évaluation des ingestats et des dépenses
énergétiques ;
un complément par des données biologiques
(albumine, préalbumine, notamment) afin de
permettre une analyse plus approfondie et adapter
les démarches de renutrition.
Une perte de poids de 5 à 10 % du poids initial en
1 mois ou de 10 à 15 % en 6 mois est un indicateur de
dénutrition modérée. Une perte de poids supérieure à
10 % en 1 mois ou à 15 % en 6 mois est un indicateur
de dénutrition sévère.
Rappelons quelques données clinico-biologiques
sur :
l’IMC :
IMC entre 17 et 18,50 : dénutrition légère,
IMC entre 16 et 16,99 : dénutrition modérée,
IMC inférieur 16 : dénutrition sévère ;
l’albuminémie :
dénutrition modérée : albuminémie entre 30 et
35 g/l,
dénutrition sévère : albuminémie entre 25 et
30 g/l,
dénutrition profonde : albuminémie inférieure
à 25 g/l.
La prise en charge nutritionnelle est indispensable à
l’accompagnement d’un patient atteint d’un cancer
des VADS, non seulement en termes de qualité de vie
mais également pour permettre que les traitements
soient menés à terme.
Avant de commencer une radiothérapie, une sonde
de gastrostomie d’alimentation est habituellement
mise en place. Il s’agit d’une intervention consistant
à réaliser, au niveau de l’abdomen, un orifi ce faisant
communiquer l’estomac avec l’extérieur, par le biais
d’une sonde qui permettra d’introduire l’alimen-
tation directement dans l’estomac.
La gastrostomie peut être posée soit par une équipe
de radiologie interventionnelle, soit par voie percu-
tanée endoscopique.
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