La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 | 145
Résumé
Les soins de support en cancérologie ORL ont depuis longtemps une place importante, liée aux situations
pathologiques et sociales des patients. L’impact relationnel des troubles de la voix, la dénutrition souvent
en lien avec l’atteinte des muqueuses et les douleurs nécessitent une prise en charge globale adaptée.
La place des agents stimulant l’érythropoïèse est également à redéfinir dans le contexte d’un impact mal
identifié sur la réponse tumorale. Ces différents points sont repris et viennent compléter le thème plus
général de la prise en charge thérapeutique des cancers ORL, en plein essor depuis quelques années.
Mots-clés
Cancer ORL
Soins oncologiques
de support
Agents stimulant
l’érythropoïèse
Nutrition
Mucite
Summary
Supportive care in cancer have
for a long time an important
place, connected to the path-
ological and social situations
of the patients. The relational
impact of voice disorders, the
undernutrition often corre-
lated with mucosal damage
and pain require an adapted
and global care. The place of
the erythropoesis-stimulating
agents is also to be redefi ned in
the context of a badly identifi ed
impact on the tumoral growth.
These various points are devel-
oped and complete the more
general theme of head and
neck cancer therapeutic care,
which is taking off for some
years.
Keywords
Head and neck cancer
Supportive care in cancer
Erythropoietin stimulating
agents
Nutrition
Xerostomia
collabore avec l’ensemble des sociétés savantes qui
nourrissent le développement des SOS, telles que
la Société française de psycho-oncologie (SFPO),
la Société française d’accompagnement palliatif
(SFAP) ou encore la Société française d’évaluation
et de traitement de la douleur (SFETD).
La pathologie ORL impose un regard spécifi que sur
les souffrances des malades en raison, notamment,
de particularités liées à la pathologie. Le cancer
des voies aéro-digestives supérieures (VADS)
atteint des organes importants pour les relations
sociales, la parole et l’alimentation. Il touche
des patients souvent défavorisés, aux problèmes
sociaux multiples, bien qu’une population beaucoup
plus large commence à être atteinte, notamment
en raison des contages à papillomavirus humain
(HPV). Un comportement addictif reste encore
fréquent, nécessitant également une prise en charge
adaptée. L’environnement du patient, enfi n, requiert
un important travail d’organisation au regard du
matériel nécessaire à une trachéotomie ou à une
gastrostomie d’alimentation.
Stratégie actuelle
du traitement des cancers
des VADS
Dans les cancers de stade avancé, le concept de
préservation d’organe est devenu le “gold standard”
permettant d’obtenir le contrôle locorégional du
cancer tout en préservant les fonctions relationnelles
du patient. Élaboré pour les cancers du larynx et du
pharynx, le concept de préservation d’organe tend à
être appliqué aux autres cancers des VADS.
Ainsi, en pratique, pour les cancers du larynx et de
l’hypopharynx, il correspond à la conservation des
différentes fonctions physiologiques du larynx : la
protection des voies aériennes supérieures avec une
déglutition sans fausse route, la respiration et la
phonation sans trachéotomie.
Ce concept repose sur 3 principes thérapeutiques : la
chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. De
nombreuses stratégies associant ces 3 traitements
se sont développées pour éviter la laryngectomie
totale, qui compromet la communication et la vie
relationnelle.
Depuis les années 1990, plusieurs études randomisées
américaines et européennes ont comparé l’utilisation
de protocoles de préservation d’organe associant
chimiothérapie et radiothérapie au traitement chirur-
gical de référence, la laryngectomie totale. Elles ont
montré l’intérêt de ces protocoles de préservation
d’organe en termes de qualité de vie.
Certaines équipes préfèrent proposer en première
intention une intervention chirurgicale aux patients
atteints d’une tumeur de stade avancé accessible à
une chirurgie partielle (conservatrice des fonctions
physiologiques du larynx) sur les plans oncologique et
fonctionnel. Cette attitude permet ainsi de préserver
la radiothérapie comme une arme thérapeutique pour
les localisations métachrones qui surviennent dans 10
à 20 % des cas.
Les protocoles de radio-chimiothérapie ont relancé
l’évaluation de la qualité de vie des patients atteints
d’un cancer de stade avancé du larynx et du pharynx.
Ces traitements concomitants ont une toxicité impor-
tante : il est ainsi nécessaire chez plus de 50 % des
patients d’avoirs recours à une nutrition entérale par
sonde naso-gastrique ou, au mieux, par gastrostomie.
Paradoxalement, il semblerait que la qualité de vie
des patients traités par une association radio-chimio-
thérapie concomitante dans le cadre d’un protocole
de préservation d’organe ne soit pas meilleure que
celle de ceux traités par une laryngectomie totale.
Les douleurs liées aux traitements, la dysphagie et les
troubles de la mastication seraient à l’origine de cette
observation. En effet, les questionnaires de qualité de
vie analysent de nombreux paramètres physiques et
psychiques. À distance du traitement, les séquelles ne
sont pas les mêmes en fonction du traitement réalisé
mais le résultat fi nal de l’étude peut être comparable.
L’intégrité anatomique des larynx préservés n’est pas
un critère suffi sant. La fonctionnalité de ces larynx
doit être analysée. La majorité des études de préser-
vation d’organe ne prend guère ce facteur en compte.
L’analyse fonctionnelle des larynx préservés est
complexe et doit tenir compte de plusieurs facteurs :
la respiration, la déglutition et la phonation.
Pour les cancers de stade précoce, la chirurgie
minimale invasive s’est imposée progressivement.
La chirurgie transorale par voie endoscopique
au laser CO
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a été développée pour les tumeurs
précoces des cordes vocales depuis les années 1980.