La dengue : état des lieux
en 2017
Numéro 841 du 19 janvier 2017
Contexte
La dengue est l’arbovirose la plus répandue et celle qui progresse le plus rapidement dans le monde.
Durant les dernières décades son incidence a é multipliée par 30 principalement dans les pays
d’Afrique, d’Amérique du sud et autour de l’océan indien mais aussi plus récemment en Europe [1]. Si
la majeure partie des infections restent asymptomatiques des complications graves, voire mortelles,
sont également possibles. La dengue est reconnue en France comme une menace pour la santé
publique, suscitant de nombreux rapports et directives [1-9]. Quel est exactement le niveau de risque
? Quelles en sont les manifestations ? Quels traitements sont disponibles ?
Données de la littérature
Epidémiologie
La dengue est une infection virale provoquée par 4 sérotypes différents (DENV 1 à 4) véhiculés, comme
les autres arboviroses, Chikungunya (CHK) ou Zika (Bibliomed 818, 824, 830) par des moustiques de
type ædes, principalement ædes Ægypti, mais aussi ædes Albopictus, selon un cycle homme-
moustique-homme. D’autres espèces présentent un cycle de transmission du moustique au singe mais
la transmission du singe à l’homme semble rare [1].
Le nombre de cas notifiés à l’OMS est passé de 0,4 millions en 1996 à 3,2 millions en 2015. Mais Les
formes asymptomatiques sont les plus fréquentes et il existe dans leme temps, au sein des
systèmes de santé des pays concernés, une forte sous notification des cas clarés ou simplement
suspects [2]. Par extrapolation Il est estique 50 à 100 millions de nouveaux cas peuvent survenir
chaque année dans plus d’une centaine de régions endémiques avec plusieurs centaines de milliers de
cas sévères responsables de 20 000 décès et 264 années cumulées de perte de qualité de vie par million
de personnes et par an. On note par ailleurs une augmentation des cas de co-infections avec le CHK
ou le paludisme [3]. En France, en région PACA 53 cas importés de dengue et une co-infection dengue-
CHK ont été confirmés en 2014. Les premiers cas de dengue autochtone ont été signalés en 2010 et 4
nouveaux cas au cours de l’été 2014 [4,5].
Une affection le plus souvent asymptomatique
Seulement 25% en moyenne des cas sont symptomatiques. Après une période d’incubation de 3 à 14
jours (4 à 7 jours en moyenne) le tableau clinique se caractérise le plus souvent par une fièvre soudaine
à 40°, accompagnée d’au moins 2 des symptômes suivants : céphalées, douleurs rétro-orbitaires,
myalgies et arthralgies généralisées, bouffées congestives du visage, anorexie, douleurs abdominales,
nausées, éruption cutanée de type non spécifique (maculaire, maculopapulaire, morbilliforme,
scarlatiniforme ou pétéchiale) sur le tronc, les membres, les plantes et les paumes. Les symptômes
durent en moyenne de 2 à 7 jours [6].
Mais des formes sévères potentiellement mortelles
On estime à environ 9220 morts par an du fait de la dengue avec un pic de 11 300 (IC 95% : 6790-
13222) en 2010 et 9100 en 2013 et un taux de mortalité par million de cas plus élevé chez la femme
(1,32 ; 0,71-1,61) que chez l’homme (1,23 ; 0,70-1,48), chez les jeunes enfants < 5 ans (3,75; 2-5,27) et
chez les personnes > 80 ans (3,03 ;2,10-3,69). Les régions les plus concernées sont l’Asie du sud-est,
l’Océanie et les Caraïbes avec des de taux de mortalité respectivement de 8,49 (3,94-10,68),
Bibliomed
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8,13 (5,94-13,64) et 3,24 (1,31-4,18). Quelques rares cas, 42 décès en 2013, ont été notés en Europe
de l’Ouest (taux de mortalité 0,1/million ; 0,08-0,12)[7].
Les critères de dengue sévère comportent des signes de fuite plasmatique importante entraînant un
état de choc ou une accumulation liquidienne, accompagné d’une détresse respiratoire, d’hémorragies
profuses ou d’une insuffisance organique grave. Ils sont précédés par des douleurs abdominales ou
une sensibilité abdominale à la palpation, des vomissements persistants, des œdèmes, un saignement
des muqueuses, un état de léthargie ou d’agitation, une hépatomégalie ou une augmentation de
l’hématocrite accompagnée d’une thrombopénie d’installation rapide [1].
Le diagnostic de certitude est biologique
La recherche directe du virus, détectable 4 à 5 jours après le début de la fièvre et persistant pendant
toute sa durée, est peu employée. En cas de première infection les IGG augmentent lentement à partir
du 8e / 10e jour alors que les IGM sont détectées à partir du 5e jour après le début de la fièvre et
persistent au minimum 2 à 3 mois. Les méthodes de détection par PCR permettent un diagnostic plus
précoce avec une sensibilité de 80 à 90% dans les 3 premiers jours suivant le début de la maladie [1,3].
Des réinfections sont possibles
Après une première infection par l’un des 4 sérotypes du virus de la dengue, on estime que la
protection obtenue contre le sérotype responsable (protection homotypique) est durable. Une
protection croisée temporaire, d’une durée de 2 ans en moyenne, est également induite contre les
autres sérotypes (protection hétérotypique).
Il est généralement admis qu’après la diminution des anticorps à neutralisation croisée, le risque de
contracter une forme sévère de la maladie est plus élevé lors d’une seconde infection que lors de la
première. Une fois le patient rétabli d’une seconde infection, des anticorps neutralisants à large
spectre sont produits (protection multitypique), de sorte que les infections ultérieures donnent
rarement lieu à une dengue sévère [8].
Une prise en charge non spécifique
Il n’existe pas de traitement antiviral de la dengue. Le traitement est avant tout symptomatique,
notamment antalgique ou antipyrétique et consistant principalement à assurer un remplacement
volumique intravasculaire adéquat. L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont contre-
indiqués du fait du risque hémorragique [5].
Dans une revue de 8 études sur 948 enfants et adultes atteints de dengue les corticostéroïdes n’ont
pas fait preuve de leur efficacité tant pour les chocs liés à la dengue (4 études ; n=284 enfants <15 ans)
que pour le traitement à un stade précoce de l’infection en dehors de signes de choc (4 études : n=664
enfants et adultes) [9].
Avant que ne soit mise en place une stratégie de vaccination actuellement en cours de développement,
et indépendamment d’elle, la seule prévention possible repose sur des stratégies de protection
antivectorielles communes à toutes les autres arboviroses (chikungunya, zika) à la fois individuelles et
collectives.
Références.
Références
1. OMS. Relevé épidémiologique hebdomadaire. 2016 ;91(30) :349-64.
2. Beatty ME, Beutels P, Meltzer MI, Shepard DS, Hombach J, Hutubessy R, et al. Health economics of dengue: a
systematic literature review and expert panel’s assessment. Am J Trop Med Hyg. 2011;84(3):473-88.
Que retenir pour notre pratique ?
La dengue est l’arbovirose la plus répandue et qui progresse le plus rapidement dans le monde.
Initialement cantonnée en Asie, Amérique centrale et du sud et dans les régions ultramarines des
cas d’importation, voire quelques cas autochtones, ont été signalés en Europe et même en France.
Dans 50 à 80 % des cas la maladie reste asymptomatique mais des formes sévères, voire létales, sont
possibles alors qu’aucun traitement spécifique n’est connu.
En dehors de la protection antivectorielle commune à toutes les arborviroses, et des conseils
pratiques aux voyageurs vers les zônes d’endémie, aucun traitement médicamenteux n’a fait la
preuve d’une efficacité.
Des stratégies de vaccination sont en cours de développement. Nous y reviendrons.
3. Guzman MG, Harris E. Dengue. The Lancet. 2015;385(9966):45365.
4. Giron S, Rizzi J, Leparc-Goffart I et al. Nouvelles apparitions de cas autochtones de dengue en région Provence-
Alpes-Côte d’Azur, France, août- septembre 2014. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(13-14):217-23
5. INPES. Prévention de la dengue et du chikungunya en France métropolitaine. Document destiné aux
professionnels de santé. Etat des connaissances. Avril 2014.
6. OMS. Dengue et dengue sévère. Aide-mémoire n° 117. MAJ 2016.
7. Stanaway JD, et al. The global burden of dengue: an analysis from the Global Burden of Disease Study 2013.
Lancet Infect Dis. 2016; 16(6): 71223.
8. Montoya M, Gresh L, Mercado JC, Williams KL, Vargas MJ, Gutierrez G, et al. Symptomatic Versus Inapparent
Outcome in Repeat Dengue Virus Infections Is Influenced by the Time Interval between Infections and Study
Year. PLoS Negl Trop Dis 2013 ; 7(8) : e2357.
9. Zhang F, Kramer CV. Corticosteroids for dengue infection. Cochrane Database of Systematic Reviews 2014,
Issue 7. Art. No.: CD003488. DOI: 10.1002/14651858.CD003488.pub3
Mots clés : dengue; epidemiologie; diagnostic; lutte contre les moustiques [dengue; epidemiology;
diagnosis ; control,mosquito].
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Bibliomed est une revue d’analyse critique de la SFDRMG et du Centre de Documentation de
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