La plume
du club marketing
et communication de
l’université catholique
d’Afrique centrale
ARTICLE
2
RESUME
et article traite du positionnement d'un
produit et de la double relation qui nait, se
développe, évolue ou s'estompe entre ce
C
produit et sa cible. Cette relation est constamment
éprouvée par les interactions vécues par la cible. Les
résultats des recherches sur le marketing relationnel
appliqué à la masse et la relation dans les interactions
de Goffman, nous ont laissé déduire que cette
relation pourrait être construite et orientée en faveur
de l'un des acteurs. Il suffirait à cet effet d'anticiper
sur les orientations prises par ce que nous avons
appelé : les 'interactions de positionnement'. C'est
cette démarche que nous avons validée par une
observation des 'bars' de la ville de Yaoundé au
Cameroun ; pour identifier clairement dans cette
réalité : 'la mutualité des actions', 'des
positionnements coproduits', et 'un cycle de relation
avec les produits'. Tout ceci étant des contributions
nouvelles pour la communauté de recherches en
marketing relationnel et sur les produits de masse.
Mots clés : bar, bière, Goffman, interaction, mass
marketing, marketing relationnel.
ABSTRACT
his article covers the positioning of a product
and the dual relationship between the
product; which is born and develops or fails
T
and it's target market. This relationship is constantly
being reviewd by the interactions of the consumers.
The results of a study on relationnal mass marketing
and its relation with the interactions of Goffman
make us to believe that this relationship could be
built and oriented towards one of the actors. It would
thus suffice to anticipate the direction taken "
positioning interactions". It is this procedure that we
seek to confirmed by observing bars in the city of
Yaounde, Cameroon to identify "the double nature of
actions", " co-product positioning" and " a relation
cycle with the products". All of these being new
contributions to the research community in relational
and mass marketing.
Key Words: Bar, Beer, Goffman, Interaction, Mass
marketing, relationship marketing.
Le Millésime 2007 du bar :
« l'interaction de positionnement et la théorie des interactions de
Goffman. »
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Avril 2007 >>>
« Aujourd'hui, l'Afrique a plus que jamais besoin de jeunes cadres dynamiques et capables de trouver
des solutions aux problèmes de leur environnement ; elle a besoin de chercheurs (…) qui trouvent. »
Pr Pierre Jonathan BIKANDA
Photo:
Les trois nouvelles
boissons du secteur
brassicole en 2007,
dégustées en ‘toast
dans l’un des bars de
l’observation à
Yaoundé-Cameroun.
(Crédit photo) Marcom.
1
Les contributions socio-marketing²
Le marketing relationnel 'de masse' et la sociologie des
interactions de Goffman nous offrent ici un cadre bivalent
d'analyse, de torisation et de compréhension du
phénomène suscité par notre 'cœur de recherche'.
L e n o u v e a u m a r k e t i n g
relationnel…de 'mass'
Les responsables marketing des entreprises ont la délicate
mission de gérer ses relations avec les marchés. Pour ce
faire, ils ont coutume de fonder leurs stratégies sur des choix
de concepts de segmentation et de positionnement. Les
spécialistes de politique d'entreprise, en particulier sous la
houlette de Michael Porter, ont, de leur côté, développé une
classification des stratégies qui repose sur les concepts de
champ concurrentiel et d'avantage concurrentiel. Enfin,
dans les dernières années, on a vu apparaître une nouvelle
stratégie de "gestion relationnelle" des marchés, encore
appelée One-to-One Relationship, Customer
Relationship Management (CRM) ou Relationship
Marketing.
Ces responsables marketing fondent leurs options de marché
d'abord sur des choix de segmentation et de positionnement:
ABSOLUT se définit ainsi, non pas comme la vodka
suédoise, mais comme un alcool pour gens branchés.
Le positionnement a été défini par Al Ries et Jack Trout
(1972) :
"Le positionnement s'appuie sur le produit, c'est-
à-dire un bien tangible, un service, une entreprise, un
organisme ou même une personne… Le positionnement ne
s'attache pas à ce que l'on fait avec le produit, mais plutôt à
ce que le produit représente dans l'esprit du consommateur".
Le positionnement a une dimension stratégique, car il
s'intègre dans la démarche stratégique d'approche et de
conquête des marchés. Partant de la nécessité de
différenciation de l'optique marketing, de l'identification
claire des besoins du marché à travers des études, et le choix
des couples produits/marchés, le positionnement est la
réponse qui sera retournée au marché en tenant compte de la
concurrence à travers le mix-marketing (Produit, Prix,
Distribution et Communication). Ces choix opérationnels
'communiquent' le positionnement au consommateur. Et le
marketing relationnel en assure la compréhension continue
du feed-back.
La doubl e di mensio n off re/dema nde, cha mp
c o n c u r r e n t i e l / a v a n t a g e c o n c u r r e n t i e l e t
segmentation/positionnement illustre bien la dualité qui est
offerte aux approches et considérations relationnelles du
marketing.
Depuis plusieurs années, on assiste à l'émergence de
concepts de gestion que d'aucuns apprécient comme
révolutionnaires, et que d'autres considèrent comme des
modes. Parmi les idées relatives aux stratégies de marché, il
en est une qui semble avoir une visibilité exceptionnelle : le
marketing relationnel (ou le marketing un-à-un). Le nombre
d'ouvrages sur ce sujet est considérable. Il s'agit aussi bien de
livres universitaires, que de documents plus journalistiques.
Certains d'entre eux sont devenus des best-sellers. Carl
Sewell (1992) a consolidé l'image de son réseau de
concessions automobiles avec son "Customers for Life". Le
"One to One Future" de Don Pepper et Martha Rogers (1997)
a beaucoup fait pour mettre le sujet à la mode.
Ce concept de "One-to-One Relationship" peut s'apprécier
en analysant le "un-à-un" d'une part, et le "relationnel" de
l'autre.
Le "un-à-un" signifie que les entreprises ont désormais
intérêt à traiter leurs marchés de la manière la plus
individualiste possible. En effet, l'origine du commerce a
toujours reposé sur des contacts individuels entre un artisan
ou un épicier et son client. Même l'épître aux Corinthiens
était une forme d'adaptation d'un message à un public
particulier. 2
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<<< Mars 2007
INTRODUCTION
'L'interaction de positionnement' est le complexe relationnel émanant des acteurs sociaux qui, au regard d'un phénomène
d'actions/réactions autour d'expériences vécues et répétées entre eux, les amènent à émettre un positionnement et à donner une
place souvent rituelle à des évènements, des produits, des marques, dans leurs micro-environement d’interactions. Il naît très
souvent dans un contexte d'ultra-concurrence dans lequel en définitive, les consommateurs décident de commun accord (ou
isolement) de s'approprier un produit ou une marque pour 'prendre positionnement avec eux' et définir ainsi leur complexe
relationnel isolé.
Cette nouvelle approche relationnelle est un apport nouveau à la connaissance en matière de marketing relationnel, qui initialement
dépasse la dimension unilatérale du marketing transactionnel.
Loin de remplacer la démarche classique du relationnel, ou celle de sa dimension 'mass', notre approche vise à montrer que dans un
système conditionné à l'égalité d'interaction, la relation privilégiée qui naît entre les membres d'un groupe et un produit/service, est
une expérience à entretenir sur le plan marketing pour développer la place de ce dernier, et affermir le positionnement qu'il a pris sur
le marché. Les réponses et éléments pour y arriver loin de se trouver dans la seule approche de masse du marché, même dans un
contexte de produits de masse, résident essentiellement en des actions de 'relations interactives' que développent sans trop s'en
rentre compte les entreprises aujourd'hui, en prenant très souvent à sa juste valeur la dimension interactive de leur cible, pour qu'elle
positionne leur produit/marque.
Il fallait donc savoir dans un contexte de multiplication des produits et marques brassicoles : Quelle est la place que vont prendre
ces nouveautés et leur avenir au contact des 'interactionnaires purs' que sont les camerounais ?
L'étude du marketing relationnel et sa nouvelle incrémentation dans le 'mass marketing' apportent des premiers éléments justifiants
de la place que prennent, ou qui est attribuée aux nouveaux produits. Les travaux interactionnistes d'Erving Goffman relèveront
alors la force du positionnement interactionnel qui naît de la relation entre les acteurs et assure le 'succès social' parfois inattendu de
certains concepts, produits ou marques. Les théories empiriques qualitatives de l'école de Chicago viennent comme une tradition
pour nous, valider ce complexe de réponses à travers principalement l'observation participative - accessoirement des entretiens
informels - des interactions entre les 'buveurs' dans les bars de la ville de Yaoundé. L'apport scientifique étant relevé, nous
procèderons pour atteindre notre second attribut professionnel, à une catégorisation des données qualitatives collectées par la grille
d'analyse qualitative en marketing fournie par la Faculté de sciences sociales et de gestion de l’université catholique d’Afrique
centrale ; et de ce fait apporter des outils d'aide aux décideurs marketing et commerciaux dans le secteur concerné.
1
1’L'interactionnaire' est notre définition de l'acteur d'une interaction, il
se distingue de 'l'interactionniste' qui étudie ce phénomène social.
² Concept développé en 1972 par une équipe pluridisciplinaire de
professionnels (Claude Matricon, Mike Burke, Bernard Cathelat...) en
s'appuyant sur une meilleure compréhension sociologique de son
environnement et de ses clients... Ici nous établissons une 'passerelle de
recherche entre les travaux sociologiques et la démarche marketing
pour répondre aux dynamiques sociales du marché' : socio-marketing.
1
1
Cette évolution subtile et continue d'une approche de
segmentation à une approche "sur mesure" se manifeste dans
un certains nombres de cas dont les plus commentés sont
certainement les jeans LEVI'S "custom made" ou encore le
site APPLE sur Internet.
LEVI'S, qui avait perdu du terrain face à l'émergence des
marques de distributeurs, a imaginé de fabriquer pour sa
clientèle féminine des jeans sur mesure : un équipement
approprié permet à la société, dans les points de vente qu'elle
gère en direct, de saisir et d'enregistrer les mensurations de la
cliente. Pour un tarif de 30% supérieur, le pantalon est alors
produit et livré en 2 à 3 semaines. Il peut être recommandé à
tout moment par téléphone.
APPLE ouvrait fin 1997 un site Internet dont la promotion
dans la presse s'affichait sous le titre "Look who's running
the Factory" pour traduire sa capacité à faire des machines
"sur mesure". Cette initiative est à comparer à celle du
category killer CompUSA, chaîne américaine de magasins
qui propose des ordinateurs construits sur mesure. Ils ont
même poussé cette stratégie jusqu'à ajouter la trade mark
"Custom built for you" à leur enseigne.
De son côté, le "relationnel" exprime le fait que les
consommateurs sont de plus en plus coûteux à conquérir,
qu'ils ne deviennent rentables pour l'entreprise qu'au bout
d'un certain nombre d'années, mais qu'une fois fidélisés, leur
valeur pour l'entreprise est considérable. Cette valeur a pu
être mise en évidence au travers d'observations sur le
comportement des clients les plus fidèles : ils se caractérisent
par un panier d'achat conséquent, une moindre sensibilité au
prix, une tendance certaine au prosélytisme et génèrent, pour
l'entreprise, un coût de traitement réduit car ils savent tout
d'elle. On en conclut en général, à l'instar de Regis McKenna
(1996) dans son "Relationship Marketing", qu'il est tout
aussi déterminant de fidéliser les consommateurs existants
que d'en conquérir de nouveaux. Ce qui suppose
d'envisager les rapports avec ses marchés dans la
perspective d'une relation à vie avec les clients.
Mais encore une fois, le "relationnel" n'est sans doute que la
édition de pratiques ancestrales qui redeviennent
d'actualité, ou simplement techniquement facile à mettre en
œuvre pour un nombre conséquent de clients. En effet,
l'artisan ou le commerçant de la période préindustrielle avait
déjà le souci de s'attacher ses clients avec, au delà des
produits qu'il proposait, l'établissement d'une relation à long
terme, souvent fondée sur la confiance et… sur le voisinage.
Ainsi, le "un-à-un", comme le "relationnel" apparaissent-ils
comme la dernière manifestation en date d'une volonté de
répondre à deux impératifs du marché : d'une part la
définition d'un champ concurrentiel extrêmement
individualisé, autrement dit, d'une segmentation à outrance,
et, d'autre part, l'obtention d'un avantage concurrentiel
déterminant, d'un positionnement spécifique au travers
d'une relation durable avec un individu.
Tout ceci pour s'attribuer la masse! Tout marketing de
masse bien orchestré utilise toutes les formes de
communication (télévision, radio, cinéma, presse
écrite, journaux, magazines et le Web) pour
transmettre son message en tenant compte du public
visé (Marie Blouin, 2004). « La réussite n'est pas
nécessairement de frapper fort, mais de frapper juste.
»(Léger Marketing, 2003).
La nouvelle approche du 'mass marketing' et l'avenir certain
qu'on lui accorde, aux égards de la création de cercles, de
communautés et de groupes autour d'un univers de
consommation (c'est par exemple le cas des communautés
de motards Harlley Davidson aux USA) vient alors
démontrer la place prépondérante du relationnel dans la
considération 'segmentée' d'une masse.
Aujourd'hui, les clients peuvent échanger sur un produit ou
un service via 'des communautés d'intérêts'. Ces échanges
d'informations en continu encouragent les clients à
percevoir l'entreprise comme une source de valeur. Des
spécialistes du management proposent de recourir à des
méthodes qualitatives pour se rapprocher des attentes, par
exemple à l'aide d'entretiens face à face avec les clients
stratégiques d'une entreprise. Objectif : intensifier la
relation en jouant la carte de la proximité et transformer
les informations collectées en actions concrètes.
Valoriser la relation client en favorisant le partage
d'expérience (valorisante souvent) est aussi l'objectif des
clubs utilisateurs, un service en pleine expansion. La société
SAS® organise par exemple chaque année des événements
réunissant plusieurs milliers d'utilisateurs pour échanger
autour des solutions et des expériences, identifier leurs
besoins potentiels ou axes de développement. Afin de
prolonger ces évènements, un Extranet vient d'être mis en
place qui permet aux abonnés d'accéder à des informations
exclusives et d'échanger les bonnes pratiques de manière
continue tout au long de l'année. Par ailleurs, certains clients
sont de véritables partenaires de développement pour SAS®
et contribuent à la remontée d'informations auprès du
département recherche et développement aux USA pour
l'amélioration des solutions. Ce nouveau mode de
partenariat est un moyen efficace de satisfaire les exigences
de plus en plus pointues des clients. Le client devient ainsi le
partenaire de la chaîne de production marketing, mieux un
ambassadeur de l'innovation ou de l'amélioration à laquelle
il a contribué.
Le marketing relationnel et la prise en compte de la masse
nous révèle en fin de compte que :
La dimension communautaire et la double
considération individuelle et de groupe des
consommateurs affinent et veloppent la
coproduction d'un positionnement ;
Ce qui fait naître une double dimension de la
relation, tout d'abord entre les consommateurs
eux-mêmes, puis avec l'entreprise et son
produit/marque.
Goffman…in interaction
L'oeuvre de Erving Goffman a ceci de très particulier qu'elle
est tout entière consacrée à analyser les interactions, c'est-à-
dire ce qui se passe lorsque deux individus au moins se
trouvent en présence l'un de l'autre.
Goffman s'est interrogé sur les formes que prennent ces
interactions, sur les règles dont elles se dotent, sur les rôles
que mettent en scène les acteurs qui y sont impliqués, sur l'«
ordre » spécifique qu'elles constituent. Dès la rédaction de sa
thèse soutenue en 1953, Goffman affirme son intention
d'analyser l'« interaction sociale dans notre société », qui lui
apparaît déjà à l'époque « comme un type d'ordre social ». Et
quelques mois avant sa mort, en 1982, dans le discours
adressé à l'American Sociological Association dont il fut élu
président, il revient sur ce qu'a été sa préoccupation pendant
sa carrière : « Promouvoir l'acceptation de ce domaine du
face-à-face comme un domaine analytiquement viable un
domaine qui pourrait être dénommé, à défaut d'un nom plus
heureux, l'ordre de l'interaction » (Goffman, 1983).
Certes, Goffman n'est pas le seul, à l'époque, à se pencher sur
cet objet d'analyse. D'autres sociologues, ainsi qu'une
grande partie des psychologues sociaux, étudient également
les relations interpersonnelles.
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1
Mais Goffman a conscience d'être le seul à analyser les
interactions comme un objet d'analyse spécifique,
contrairement aux autres chercheurs qui, pour le dire de
manière scmatique, ont tendance à analyser les
interactions soit par le haut, soit par le bas. Par le haut,
lorsqu'ils étudient les interactions en tant qu'elles illustrent le
fonctionnement d'une organisation, ou qu'elles montrent
comment des personnes appartenant à des classes sociales
différentes entrent en relation, etc. Par le bas, lorsqu'il est
question de comprendre les interactions à partir des intérêts,
ou des mobiles des acteurs en présence, ou encore en
fonction des représentations que ces acteurs ont de leurs
partenaires dans l'interaction.
La plupart des ouvrages qu'il a publiés prennent
effectivement les interactions comme objet d'analyse, ils les
abordent sous des angles très variés, renvoyant à plusieurs
métaphores. En regardant les interactions comme des
représentations théâtrales, Goffman nous rend attentif au «
décor » dans lequel les acteurs évoluent, au « masque » qu'ils
portent, au « rôle » qu'ils jouent ; par ces éléments, les acteurs
tentent de contrôler les impressions de leur public. Dans
d'autres passages de son oeuvre, Goffman considère que nos
actes en interaction constituent autant de rites manifestant,
sous une forme conventionnelle, la valeur sacrée qui est celle
de chaque individu. Ailleurs encore, il considère les
interactions comme des jeux les acteurs se comportent
comme des stratèges, des calculateurs, et dans lesquels ils
manipulent des informations pour parvenir à leurs fins.
Goffman (1973) définit l'interaction comme l'influence
réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions
respectives lorsqu'ils sont en présence physique. Et, par une
'interaction' ou 'rencontre', il entend l'ensemble de
l'interaction qui se produit en une occasion quelconque
quand les membres d'un ensemble donné se trouvent en
présence les uns des autres.
Pour Goffman la vie sociale est une scène pour autant que les
membres d'une société accomplissent leurs activités
ordinaires "dans le champ d'une perception mutuelle" de
telle sorte "qu'ils sont physiquement en présence les uns de la
réponse des autres". Cette scène comprend deux principaux
partenaires : une personne adapte le rôle qu'elle joue aux
rôles que jouent les autres personnes présentes qui
constituent le public. L'acteur doit agir de façon à donner
intentionnellement ou non une expression de lui-même, et
les autres à leur tour doivent en tirer une certaine impression.
Dans la perspective goffmanienne, l'ordre social n'est
pas donné à priori mais construit dans le cours des
interactions. C'est donc une approche constructiviste dont il
est question ici, qui part du postulat que les individus qui
cherchent à s'accorder ne peuvent se contenter d'interpréter
les règles préétablies et sont amenés à construire un espace
c o m m u n , e n m a n i f e s t a n t d e s c a p a c i t é s
d'intercompréhension.
Dans le cas de la coopération ou l'engagement mutuel, des
liens sociaux se créent entre les participants et plus
particulièrement dans le cas des relations ancrées c'est-à-dire
des relations où chaque partie identifie l'autre
personnellement, sait que l'autre en fait autant et reconnaît
devant lui que quelque chose d'irrévocable a commencé
entre eux, qu'ils ont établit un canevas de connaissance
mutuelle qui retient, organise et applique leur expérience
réciproque.
Ainsi, de la théorie de Goffman nous pourrons retenir les
réponses relationnelles suivantes :
Les interactions constituent un objet d'étude à part
entière ; l'interaction en tant que déterminant
réciproque d'action doit être traitée en soi comme
un phénomène demandant à être observé, analysé,
décrit ;
Au cours de ce phénomène vécu qui devient une
expérience le nom de la relation entre les parties en
présence (par exemple les pots, 'mbom',
'partenaires', couples etc.) a un sens précis ; tout
comme le ou les termes par lesquels l'une des
parties peut appeler ou désigner l'autre (exemple
client) ou les conditions d'une relation qui la font
juger de diverses façons par ceux qui ont leurs
raisons pour le faire (exemple relations
personnelles, relations intimes, complicité etc.) ;
Les relations entre les parties ont une histoire
naturelle. Elles commencent, se développent, se
transforment, s'atténuent et se terminent de l'une
des quelques façons possibles constituant ainsi
des étapes pour désigner la phase atteinte par une
relation dans le déroulement de son histoire
naturelle.
L'exploitation qualitative du modèle
relationnel bivalent
Le millésime 2007 du bar…rien que
des bières
2007 (depuis octobre 2006 à février 2007), nous aura offert
uniquement des bières nouvelles dans le secteur brassicole
camerounais - l'une non alcoolisée à base de malt, l'autre
brune 'classic', et la blonde 'light' - qui sont 'miniatures' de la
structuration de ce grand segment de marché, et relevent ses
démembrements les plus activement stratégiques pour les
opérateurs dans l'espace et le temps défini (Yaoundé, 2007).
Le millésime 2007 pour nous, c'est ce trio hétérogène de
bière qui pourtant de façon stratégique ou non, semble avoir
adopté une même approche du marché : segmentation et
ciblage précis, puis accent mis sur ce que nous appellerons
des 'intrants pré-relationnels' pour soutenir le
positionnement.
® ® ®
Beaufort Light , Malta Quench , et Pelforth , dès leurs
entrées dans le marché se montrent plus incisifs et plus
proches des clients et de leurs besoins.
Pelforth, à son arrivée en octobre 2006 se présente dans le
marché des bières brunes comme celui ayant compris depuis
longtemps le besoin de 'force et de caractère' de ses cibles. A
force de construction de caractère, les recherches des
meilleurs maîtres brasseurs ont abouti à cette unicité de
besoin insatisfait et de nationalisation pour les
consommateurs 'connaisseurs'. En plus de cette découverte,
le produit entre dans le marché avec une lettre du manager
général présentant personnellement la bière à l'échelle relais
distributrice que sont les grossistes, pour les mobiliser dans
ce 'lourd projet' de satisfaction des camerounais. Pelforth se
positionne donc comme 'la bière des camerounais forte et
caractérielle' principalement en son goût et sa texture. Le
moins qu'on puisse dire c'est que cette campagne de
communication à triple dévoilement est l'une des plus
illustre dans la transition entre les deux années. Plus encore
elle a voulu rapprocher les camerounais spécialistes de
brunes au national et à ses valeurs. Une relation peut être
encore informelle et embryonnaire à ce niveau. Les
campagnes promotionnelles et les actions terrains
rapprocheront encore plus l'entreprise de la cible, même si
ici également nous n'avons pas vraiment identifié une
démarche relationnelle de fond. 4
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Nous nous permettons ici de citer les marques de produits dans le seul
souci de facilitation de la lecture et une présentation plus éclairée de
nos résultats.
Photo:
Erving Goffman
(Crédit photo) Marcom.
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3
1
Toute fois le succès relatif de ce produit au regard de
l'appréciation positive des responsables en entreprise (en
fonction principalement des objectifs fixés) révèle alors qu'il
reste encore beaucoup à faire…Et pourquoi pas dans le
relationnel ?
Beaufort Light, un peu comme un cadeau de fin d'année
arrive dans une démarche de relation publique pure. Même si
elle s'accompagne d'une dégustation, cette approche est l'une
des plus originales au cours de cette période. Initialement
orientée vers les dames, cette opération et le positionnement
de bière extra légère 'faible en calories et riche en goût',
reposant sur le concept de 'Light attitude', aura séduit plus
d'un. Une opération de présentation personnalisée de la bière
dans les ménages aux dames (plus de 7866 villages au
Cameroun et environ 3424 ménages dans la ville de Yaoundé
selon l'un des responsables publicitaires de l'entreprise),
accompagnée d'une dégustation bouteilles et contenus
offerts pour 'marquer du goût et de la présence'. Les
impressions de récipiendaires ne viendront qu'affermir la
nouvelle considération qu'ils se font alors du produit et de
l'entreprise. C'est peut être ce qui justifie le succès de cette
'cuvée' ; selon le même responsable publicitaire, la bière en
arrive même à se vendre seule et a dépassé toutes ses
espérances et les prévisions élaborées. Dans un succès
phénoménal, la merveille de notre brasseur aura peut être
touché une cible plus large en constituant de manière
stratifiée des communautés 'light' avec les 'attitudes' qui y
sont relatives. Encore faudrait-il qu'elle sache que la pierre a
tué Goliath.
Malta Quench, une pure Quench! Le produit loin de venir
tout simplement élargir la ligne des bières non alcoolisées, a
apparent su faire résonner ce mot jusqu'au plus profond de la
cible en quête de 'pétillement et de découverte'. Plus ou
moins orienté vers les jeunes et les femmes initialement, la
‘Quench’ telle qu'elle a été baptisée a surtout intéressé par
son design, ses bulles et sa légèreté. Assurément une
communauté plus ou moins organisée de pionnier profite
aujourd'hui encore de la satisfaction de cette première
gorgée pétillante. Une campagne d'affichage accompagne
alors l'ultra-présence du produit sur le terrain, souvent même
au détriment de la Malta Guinness 'classic'. en sont-ils
alors aujourd'hui consommateurs et produits ?
Une observation interactive
Après de premières rencontres avec les responsables de
produits ou de publicité des deux entreprises brassicoles et
des discussions avec des premiers témoins privilégiés du
phénomène, nous avons constitué un scénario d'observation
qui reposait sur le 'quinté' (pour chacun des points de ventes
observés) : grossiste, consommateurs en scène, 'barmen',
serveuse, vendeurs de ‘soya' ; tout ceci s'appuyant sur une
longue période d'observation de l'entrée des produits sur le
marché.
Le tableau suivant présente le plan d'observation visant à
Comprendre à travers les interactions observées, les
types de relations (exploitables) qui se mettent en place et
la participation des différents acteurs pour donner un
positionnement aux produits :
Tableau 1 : La planification des observations
Source : Les auteurs
La détermination des trois observateurs à mener à bien leurs
missions nocturnes et diurnes (observations de matinée,
d'après midi et de soirée), et celle de leur encadreur en charge
du projet, sous la houlette du directeur de la recherche, a
assuré en tout point la fidélité au projet de recherche
empirique en garantissant de ce fait une fiabilité face aux
attentes en informations. L'information étant pour nous
toutes les paroles, les actions, les gestes, l'ambiance et
lespersonnes concernées ou évoquées dans ceux-ci.
Des nouveautés pour des nouveautés!
Nous nous sommes une fois de plus inspiré de 'l'analyse
thématique de contenu' (codification, catégorisation,
comptage et analyse verticale/horizontale) pour aboutir à
des résultats scientifiques dans cet article. Puis, la
catégorisation des données qualitatives collectées par la
grille d'analyse qualitative en marketing de l'UCAC nous a
orienté vers une praxis nouvelle pour les cadres et acteurs
marketing du secteur.
De nouveaux intrants scientifiques
L'étude et les résultats qualitatifs nous ont conduits à deux
résultats principaux : le positionnement coproduit et l'action
mutuelle.
L'interaction entre les consommateurs du bar leur permet
d'affirmer et de défendre la position qu'ils donnent aux
produits pour eux. Ils affirment ainsi chaque fois le
positionnement qu'ils ont donné à ces produits. D'où la
coproduction avec l'entreprise d'un positionnement.
Ce positionnement auquel les consommateurs s'identifient
est maintenant affirmé et défendu par eux dans tous les
environs du lieu d'interaction, aux autres acteurs et
spectateurs (témoins privilégiés) chaque fois que l'occasion
leur est donnée de le faire.
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Avril 2007 >>>
3
Types d’étude Cibles Objectifs Durée
Observation et entretiens
informels
Bars de la ville de
Yaoundé (Essos, Mvog-
mbi, Biyem-assi rond
point, Tsinga Dubai,
Mokolo, Melen mini
ferme, Bastos etc.)
Avoir une base de la
comphension du
phénomène pour en
dégager des angles
d'attaque des éléments
relationnels.
8 mois
Observation et entretiens
libres
Le 'Quinté' du bar ‘Le
Printemps' à Essos pour
le produit Pelforth
Identifier le complexe
relationnel qui se construit
autour de la Pelforth lors de
l'observation des
'interactionnaires' et par le
biais de l'œil des autres
acteurs.
7 jours
Observation et entretiens
libres
Le 'Quinté' de
Bienvenue Bar à
Biyem-assi rond point
express pour le produit
Malta Quench
Identifier le complexe
relationnel qui se construit
autour de la Malta Quench
lors de l'observation des
'interactionnaires' et par le
biais de l'œil des autres
acteurs.
7 jours
Observation et entretiens
libres
Le 'Quinté' du bar
Dubaï’ à Tsinga pour
le produit Beaufort light
Identifier le complexe
relationnel qui se construit
autour de la Beaufort light
lors de l'observation des
'interactionnaires' et par le
biais de l'œil des autres
acteurs.
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