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Cette évolution subtile et continue d'une approche de
segmentation à une approche "sur mesure" se manifeste dans
un certains nombres de cas dont les plus commentés sont
certainement les jeans LEVI'S "custom made" ou encore le
site APPLE sur Internet.
LEVI'S, qui avait perdu du terrain face à l'émergence des
marques de distributeurs, a imaginé de fabriquer pour sa
clientèle féminine des jeans sur mesure : un équipement
approprié permet à la société, dans les points de vente qu'elle
gère en direct, de saisir et d'enregistrer les mensurations de la
cliente. Pour un tarif de 30% supérieur, le pantalon est alors
produit et livré en 2 à 3 semaines. Il peut être recommandé à
tout moment par téléphone.
APPLE ouvrait fin 1997 un site Internet dont la promotion
dans la presse s'affichait sous le titre "Look who's running
the Factory" pour traduire sa capacité à faire des machines
"sur mesure". Cette initiative est à comparer à celle du
category killer CompUSA, chaîne américaine de magasins
qui propose des ordinateurs construits sur mesure. Ils ont
même poussé cette stratégie jusqu'à ajouter la trade mark
"Custom built for you" à leur enseigne.
De son côté, le "relationnel" exprime le fait que les
consommateurs sont de plus en plus coûteux à conquérir,
qu'ils ne deviennent rentables pour l'entreprise qu'au bout
d'un certain nombre d'années, mais qu'une fois fidélisés, leur
valeur pour l'entreprise est considérable. Cette valeur a pu
être mise en évidence au travers d'observations sur le
comportement des clients les plus fidèles : ils se caractérisent
par un panier d'achat conséquent, une moindre sensibilité au
prix, une tendance certaine au prosélytisme et génèrent, pour
l'entreprise, un coût de traitement réduit car ils savent tout
d'elle. On en conclut en général, à l'instar de Regis McKenna
(1996) dans son "Relationship Marketing", qu'il est tout
aussi déterminant de fidéliser les consommateurs existants
que d'en conquérir de nouveaux. Ce qui suppose
d'envisager les rapports avec ses marchés dans la
perspective d'une relation à vie avec les clients.
Mais encore une fois, le "relationnel" n'est sans doute que la
réédition de pratiques ancestrales qui redeviennent
d'actualité, ou simplement techniquement facile à mettre en
œuvre pour un nombre conséquent de clients. En effet,
l'artisan ou le commerçant de la période préindustrielle avait
déjà le souci de s'attacher ses clients avec, au delà des
produits qu'il proposait, l'établissement d'une relation à long
terme, souvent fondée sur la confiance et… sur le voisinage.
Ainsi, le "un-à-un", comme le "relationnel" apparaissent-ils
comme la dernière manifestation en date d'une volonté de
répondre à deux impératifs du marché : d'une part la
définition d'un champ concurrentiel extrêmement
individualisé, autrement dit, d'une segmentation à outrance,
et, d'autre part, l'obtention d'un avantage concurrentiel
déterminant, d'un positionnement spécifique au travers
d'une relation durable avec un individu.
Tout ceci pour s'attribuer la masse! Tout marketing de
masse bien orchestré utilise toutes les formes de
communication (télévision, radio, cinéma, presse
écrite, journaux, magazines et le Web) pour
transmettre son message en tenant compte du public
visé (Marie Blouin, 2004). « La réussite n'est pas
nécessairement de frapper fort, mais de frapper juste.
»(Léger Marketing, 2003).
La nouvelle approche du 'mass marketing' et l'avenir certain
qu'on lui accorde, aux égards de la création de cercles, de
communautés et de groupes autour d'un univers de
consommation (c'est par exemple le cas des communautés
de motards Harlley Davidson aux USA) vient alors
démontrer la place prépondérante du relationnel dans la
considération 'segmentée' d'une masse.
Aujourd'hui, les clients peuvent échanger sur un produit ou
un service via 'des communautés d'intérêts'. Ces échanges
d'informations en continu encouragent les clients à
percevoir l'entreprise comme une source de valeur. Des
spécialistes du management proposent de recourir à des
méthodes qualitatives pour se rapprocher des attentes, par
exemple à l'aide d'entretiens face à face avec les clients
stratégiques d'une entreprise. Objectif : intensifier la
relation en jouant la carte de la proximité et transformer
les informations collectées en actions concrètes.
Valoriser la relation client en favorisant le partage
d'expérience (valorisante souvent) est aussi l'objectif des
clubs utilisateurs, un service en pleine expansion. La société
SAS® organise par exemple chaque année des événements
réunissant plusieurs milliers d'utilisateurs pour échanger
autour des solutions et des expériences, identifier leurs
besoins potentiels ou axes de développement. Afin de
prolonger ces évènements, un Extranet vient d'être mis en
place qui permet aux abonnés d'accéder à des informations
exclusives et d'échanger les bonnes pratiques de manière
continue tout au long de l'année. Par ailleurs, certains clients
sont de véritables partenaires de développement pour SAS®
et contribuent à la remontée d'informations auprès du
département recherche et développement aux USA pour
l'amélioration des solutions. Ce nouveau mode de
partenariat est un moyen efficace de satisfaire les exigences
de plus en plus pointues des clients. Le client devient ainsi le
partenaire de la chaîne de production marketing, mieux un
ambassadeur de l'innovation ou de l'amélioration à laquelle
il a contribué.
Le marketing relationnel et la prise en compte de la masse
nous révèle en fin de compte que :
La dimension communautaire et la double
considération individuelle et de groupe des
consommateurs affinent et développent la
coproduction d'un positionnement ;
Ce qui fait naître une double dimension de la
relation, tout d'abord entre les consommateurs
eux-mêmes, puis avec l'entreprise et son
produit/marque.
Goffman…in interaction
L'oeuvre de Erving Goffman a ceci de très particulier qu'elle
est tout entière consacrée à analyser les interactions, c'est-à-
dire ce qui se passe lorsque deux individus au moins se
trouvent en présence l'un de l'autre.
Goffman s'est interrogé sur les formes que prennent ces
interactions, sur les règles dont elles se dotent, sur les rôles
que mettent en scène les acteurs qui y sont impliqués, sur l'«
ordre » spécifique qu'elles constituent. Dès la rédaction de sa
thèse soutenue en 1953, Goffman affirme son intention
d'analyser l'« interaction sociale dans notre société », qui lui
apparaît déjà à l'époque « comme un type d'ordre social ». Et
quelques mois avant sa mort, en 1982, dans le discours
adressé à l'American Sociological Association dont il fut élu
président, il revient sur ce qu'a été sa préoccupation pendant
sa carrière : « Promouvoir l'acceptation de ce domaine du
face-à-face comme un domaine analytiquement viable un
domaine qui pourrait être dénommé, à défaut d'un nom plus
heureux, l'ordre de l'interaction » (Goffman, 1983).
Certes, Goffman n'est pas le seul, à l'époque, à se pencher sur
cet objet d'analyse. D'autres sociologues, ainsi qu'une
grande partie des psychologues sociaux, étudient également
les relations interpersonnelles.
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