Images en Dermatologie • Vol. I • n° 2 • avril-mai-juin 2008
28
Littérature
L’évaluation du stade de la maladie béné cie des procédures
du ganglion sentinelle, de la scintigraphie à l’octréotide et du
PET scan.
Technique de soustraction génomique
L’hypothèse virale du MCC était séduisante et a pu être étudiée
à l’aide de la technique de soustraction génomique.
Cette technique permet d’identi er la présence d’un matériel
génétique d’origine étrangère (agent viral) en comparant des
banques d’acides nucléiques (ADNc) produits à partir des ARN
de la tumeur étudiée avec des banques de référence du génome
humain. Les limites de cette technique sont les quantités du
génome viral au sein des prélèvements. H. Feng et al.
(2)
ont
construit deux banques d’ADNc : la première à partir d’une seule
tumeur, la seconde à partir d’un mélange de trois tumeurs,
qui ont été comparées avec des banques génomiques de réfé-
rence. En faisant une soustraction des séquences génomiques
humaines connues, il a ainsi été mis en évidence un ADNc
étranger ne correspondant à aucune séquence génomique
humaine. Un tel fragment peut ensuite être cloné, permettant
de rechercher, au sein d’autres banques d’ADN d’agents infec-
tieux, l’agent viral possiblement impliqué. Ainsi, H. Feng a pu,
à partir d’une banque de 395 000 séquences de 150-200 paires
de bases, restreindre l’étude, après soustraction génomique
des séquences humaines connues, à 2 395 séquences, pour
nalement isoler une séquence présentant des similitudes avec
celle d’un polyomavirus. Les auteurs ont ensuite pu cloner l’en-
semble du virus (5 387 paires de bases) et l’ont baptisé
Merkel
cell polyomavirus
(MCPyV ou MCV).
De la simple présence d’un ADN viral
à l’affi rmation d’une tumeur viro-induite
La mise en évidence d’un ADN étranger dans une tumeur ne
permet pas d’affirmer sa responsabilité dans son dévelop-
pement. Outre un problème de contamination, de nombreux
agents viraux sont présents sous la forme d’une infection latente
(herpèsvirus, PVH) sans être à l’origine d’une pathologie.
H. Feng et al. ont analysé des prélèvements provenant de
10 patients avec MCC. Le nouveau virus
(Merkel cell polyo-
mavirus)
a été identi é chez 8 des 10 patients (80 %). À l’op-
posé, seuls 5 sur 59 prélèvements non cutanés (8 %) et 4 sur
25 prélèvements cutanés (16 %) issus de patients sans MCC
étaient porteurs de ce virus.
Enfin, ce virus était présent sous une forme intégrée de
façon clonale au génome cellulaire dans les tumeurs (6 des 8
tumeurs étudiées) et les métastases de la même tumeur. Cet
élément est essentiel, car c’est vraisemblablement un événe-
ment majeur dans la carcinogenèse (comme cela est observé
pour les PVH à haut risque oncogène). Il est à noter que le site
d’insertion n’était pas le même pour ces différentes tumeurs.
Dans un des cas, il était au sein d’un possible gène suppres-
seur de tumeur (le gène
PTPRG
du chromosome 3p14). C’est
le premier polyomavirus humain dont l’intégration génomique
a pu être montrée.
Merkel cell polyomavirus
(MCPyV ou MCV) :
un nouvel agent viral à potentiel oncogène
L’analyse phylogénétique du MCV révèle des relations entre
les différents polyomavirus des mammifères. Il est généti-
quement proche du polyomavirus lymphotrope (polyomavirus
des singes verts d’Afrique) et des polyomavirus de la souris
et du hamster. Ces virus ont une grande spéci cité d’espèce
et il était admis qu’ils avaient évolué au cours du temps,
toujours au sein d’une même espèce. La découverte de ce
nouveau virus pourrait remettre en question cette conception,
faisant évoquer un possible transfert d’une autre espèce à
l’homme.
Les polyomavirus sont des modèles de virus oncogénique sur
les animaux de laboratoire. Les antigènes viraux (antigène T)
ont la capacité d’immortaliser et de transformer les cellules en
culture. Il faut rappeler que l’implication d’autres polyomavirus
humains – les virus BK et JC, très éloignés du
Merkel cell
polyomavirus
– dans des cancers chez l’homme n’a jamais été
démontrée malgré de très nombreuses études. Ils sont respec-
tivement associés à des infections urinaires responsables de
néphropathies ou de leucoencéphalopathie multifocale chez
les sujets immunodéprimés.
L’histoire naturelle de l’infection par ce nouvel agent viral reste
à comprendre, et il faut maintenant répondre à de nombreuses
questions, à la fois épidémiologiques, cliniques, thérapeuti-
ques et bien sûr fondamentales : sa prévalence au sein de la
population générale, le mode de contamination, son pouvoir
pathogène et son implication dans d’autres tumeurs, ainsi que
l’immunité, la nature des oncogènes viraux et l’interaction avec
les gènes suppresseurs de tumeurs (p53, p73, pRB, etc.). Et
pourquoi pas imaginer dans quelques années une possible
vaccination préventive…
II
Références bibliographiques
1.
Chang Y, Cesarman E, Pessin MS et al. Identifi cation of herpesvirus-like DNA
sequences in AIDS-associated Kaposi’s sarcoma. Science 1994;266:1865-9.
2.
Feng H, Shuda M, Chang Y, Moore PS. Clonal integration of a Polyomavirus
in Human Merkel Cell carcinoma. Science 2008;319:1096-100.
3.
Poulsen M. Merkel-cell carcinoma of the skin. Lancet Oncol 2004;5:593-9.
4.
Miller RW, Rabkin CS. Merkel cell carcinoma and melanoma: etio-
logical similarities and differences. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev
1999;8(2):153-8.
DERMATO 2.indd 28 10/07/08 12:23:33