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É
LÉMENTS DE PHILOSOPHIE
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P
HILOSOPHIE ET BIOÉTHIQUE
–
PARTIM PHILOSOPHIE
(2010-2011)
Notes de cours
Je poursuis cette année le cours selon les principes mis en œuvre l’an dernier. Je vous propose
de concevoir ce cours plutôt comme un séminaire que comme un cours magistral, plutôt
comme une exploration et un travail que comme l’exposition d’un savoir bien assuré. Aux
étudiants qui s’intéresseraient à l’histoire de la philosophie moderne ou aux grandes figures et
aux questions éternelles de l’épistémologie, je renvoie aux cours des années précédentes,
disponibles en ligne sur le site du département de philosophie
1
, ainsi qu’au manuel de Léna
Soler renseigné dans mon engagement pédagogique
2
. Le but du cheminement tortueux – et
voué sans nul doute à rester inabouti – que je m’apprête à accomplir avec vous, c’est de
contribuer à dresser par la bande, et de façon nécessairement fragmentaire, un petit panorama
de la pensée contemporaine, en tenant d’aborder les problèmes philosophiques d’une manière
que je voudrais précise et concrète, c’est-à-dire – puisque la philosophie se pratique
essentiellement dans l’élément du langage, et même de l’écrit (article et surtout livre), c’est là
sa matérialité première – en me référant aux textes. Il s’agit certes d’un drôle d’usage du
terme de concrétude, et vous trouverez sans doute les questions abordées plutôt abstraites ;
pour ma part, je considère que c’est souvent les questions des manuels qui sont abstraites,
parce qu’arrachées des architectures conceptuelles et stylistiques, mais aussi des contextes
polémiques, qui leur donnent sens et pertinence. Ma maxime sera donc : plutôt voir peu mais
en détail et en collant aux textes, que de survoler des problèmes sans intérêt philosophique
réel.
Je choisis comme thème très vaste cette année la question du constructivisme, et je voudrais
me centrer sur l’œuvre d’un penseur (– comment le définir ? Sociologue des sciences,
anthropologue des sciences, actuellement professeur à Sciences Po Paris) contemporain, très
stimulant et très controversé : à savoir Bruno Latour. En abordant ce thème mon objectif est
très simple, c’est d’essayer de comprendre, du moins dans sa version latourienne, cette
position philosophique qui comprend la science ou les sciences en termes de construction, et
aussi de saisir ce qui la distingue (ou non) d’une école qualifiée d’ « épistémologie française »
(et dans laquelle on range traditionnellement les noms de Bachelard, Canguilhem et
Foucault), qui pense pour sa part l’activité scientifique en termes de production. Si une telle
question se pose, c’est parce que le lecteur de Latour ne peut manquer de constater qu’il (BL)
ne cesse de tirer à boulets rouges sur cette école de l’épistémologie française, alors que sur
certains points fondamentaux (par exemple sur l’idée que l’activité scientifique ne dévoile ou
ne reflète pas une réalité préexistante, déjà complètement donnée, mais qu’elle se constitue
comme telle en constituant du même coup la réalité) il semble pourtant s’accorder avec elle.
Je dois aussi ajouter que les auteurs dont je vais vous parler n’ont pas bonne presse : Latour,
d’abord, que l’on considère généralement – d’un mot qui a plus une valeur d’injure qu’une
valeur descriptive réelle – comme un affreux relativiste (quelqu’un qui pense que tout se vaut,
que le discours scientifique n’a pas plus de valeur que n’importe quel autre type de discours,
que la vérité n’existe pas – tout ce que vous voudrez ranger sous ce mot-épouvantail de
relativisme) ; la tradition française, ensuite – mais aux yeux des latouriens, cette fois –, qui
semble responsable de tous les maux empêchant le monde de tourner en rond ou plutôt en
1
http://www.philosophie.ulg.ac.be/Membres/Pieron.htm
2
Léna Soler, Introduction à l’épistémologie, Nouvelle édition revue et augmentée d’un chapitre, Paris, Ellipses,
2009.