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CAS CLINIQUE
Une coxopathie révélatrice
d’un kyste hydatique pelvien primitif
A coxopathy revealing a primary hydatid cyst of the pelvis
R. El Barni*, S. Hasbi*, A. El Khader*, R. Bouchama*, A. Achour*
L
e Maroc, pays d’élevage traditionnel est un pays d’endémie
de l’hydatidose. Outre les localisations hépatiques et
pulmonaires, qui sont les plus fréquentes (1), cette parasitose peut toucher n’importe quel organe, mais la localisation
osseuse pelvienne du kyste hydatique est très rare.
Observation
Monsieur H.M., âgé de 44 ans, fumeur, présente depuis 2 mois
des douleurs de la hanche droite de type mécanique associées à une impotence fonctionnelle, mais sans fièvre ni autres
signes généraux. Le patient est en bon état général. Le toucher
rectal est normal. Les radiographies de la hanche et du bassin
montrent une ostéolyse de contours irréguliers du cotyle droit
et de la branche iléopubienne droite, avec un amincissement
de la corticale et une fracture pathologique de la branche
iléopubienne évoquant un processus tumoral osseux (figure 1).
La radiographie pulmonaire est normale. L’échographie abdominopelvienne montre une formation latérovésicale droite
hétérogène de 91 mm de diamètre renfermant de multiples
formations hypoéchogènes de taille variable en faveur d’un
kyste hydatique latérovésical de type III de Gharbi. Une IRM
abdominopelvienne est réalisée pour avoir une cartographie
préopératoire. L’examen met en évidence une ostéolyse de la
branche iléopubienne et du cotyle droits par une formation
kystique hypo-intense en pondération T1, hyperintense en
pondération T2, non rehaussée après injection du produit de
contraste. Cette formation tumorale est en contact avec la
tête fémorale qui paraît respectée. Elle se développe dans les
parties molles de la racine de la cuisse droite, s’étendant dans
le pelvis en refoulant la paroi postérieure droite de la vessie et
du rectum (figure 2). Le bilan biologique montre un syndrome
inflammatoire non spécifique et la sérologie hydatique est
négative. Un abord sous-ombilical transpéritonéal permet
* Service de chirurgie générale, hôpital militaire Avicenne, Marrakech, Maroc.
28 | La Lettre du Rhumatologue • No 390 - mars 2013
 Figure 1. Radiographie du bassin de face : image tumorale non spécifique.
 Figure 2. IRM pelvienne : coupe coronale en pondération T2. Kyste de
la racine de la cuisse droite à développement endopelvien réalisant un
refoulement de la vessie et du rectum évocateur d’un kyste hydatique.
CAS CLINIQUE
d’aborder le kyste de 90 mm de diamètre au contact de l’axe vasculaire
iliaque droit, refoulant la vessie à gauche et s’étendant vers la racine
de la cuisse droite. L’exploration du reste de la cavité abdominale
ne révèle pas d’autres localisations, notamment hépatiques. Après
protection par des champs imbibés d’eau oxygénée et stérilisation
du kyste, une résection du dôme saillant avec drainage de la cavité
résiduelle est réalisée (figure 3). Les suites opératoires sont simples.
Un traitement par albendazole 10 mg/kg par jour pendant 6 mois
est instauré. L’évolution à 6 mois est favorable, sans récidive locale.
L’hydatidose pelvienne est rare. Elle ne représente que 0,30 % à 4,27 %
des localisations hydatiques (2). L’échinococcose est une maladie de
l’adulte jeune, mais qui peut se voir à tout âge. En fait, elle peut débuter
au cours de l’enfance et ne s’exprimer qu’à l’âge adulte, comme chez
notre patient (3). Le mode de contamination de la région pelvienne
demeure hypothétique, mais elle est habituellement consécutive à la
rupture intra-abdominale d’un kyste hydatique hépatique. Les vésicules
filles et les scolex libérés se fixent dans le cul-de-sac de Douglas et
continuent leur développement. Une endothélialisation secondaire les
exclut de la cavité péritonéale. Ainsi, le kyste intrapéritonéal devient
extrapéritonéal et semble faire partie du tissu cellulaire pelvien (1).
Les formes hématogènes sont exceptionnelles et c’est la théorie la
plus logique des localisations osseuses et rétropéritonéales (4, 5).
La symptomatologie est très polymorphe. Il n’y a pas de signe spécifique
ou évocateur (6). L’anamnèse joue un rôle capital dans le diagnostic de
l’hydatidose, car elle permet de rechercher les facteurs de risque tels,
par exemple, le contact avec les chiens, le contexte socioprofessionnel,
la notion d’intervention antérieure sur une hydatidose hépatique ou
l’existence d’un accident aigu évoquant la rupture ou la fissuration d’un
kyste hydatique. L’échinococcose pelvienne est le plus souvent révélée
par une masse abdominopelvienne associée à des douleurs pelviennes
ou à des douleurs de la hanche, comme chez notre patient (7, 8). Elle
peut également être révélée par une symptomatologie génitale
ou obstétricale, ou par une complication aiguë telle qu’une
rétention d’urine ou une anurie par compression bilatérale
des uretères (1, 3, 7). L’échographie constitue le plus souvent
l’examen diagnostique de référence. En effet, elle précise les
caractères de la masse, ses relations avec les organes de voisinage, et permet de rechercher une autre localisation, notamment hépatique. Les images échographiques correspondent
aux 5 stades évolutifs de la maladie hydatique (9, 10). Dans les
cas typiques, elle permet de poser le diagnostic d’hydatidose.
Cependant, il existe des formes atypiques dans lesquelles la
lésion est soit mixte, soit solide “pseudo-tumorale”, avec ou
sans images arrondies transsonores en son sein. Les images
hypoéchogènes et finement échogènes pseudo-tissulaires
correspondent en fait à la boue hydatique (11). L’IRM a remplacé la tomodensitométrie pour préciser le nombre, la taille,
la topographie et les rapports avec les pédicules vasculaires.
En effet, le caractère multiplanaire de l’IRM et sa plus haute
résolution assurent une meilleure exploration anatomique et
une analyse précise des parois kystiques (11). Les examens
biologiques permettent la mise en évidence de l’hyperéosinophilie en cas de fissuration du kyste hydatique et surtout la
recherche des anticorps anti-Echinococcus granulosis, qui est
souvent négative dans les localisations pelviennes, comme
dans notre observation (6).
Le traitement de choix de l’hydatidose pelvienne est la
chirurgie. La voie d’abord doit être large pour permettre la
stérilisation du kyste et la protection des champs opératoires
par des solutions scolicides (l’eau oxygénée est la plus utilisée). Il est recommandé de faire une kystectomie ou une
péri-kystectomie des kystes accessibles et une kystectomie
partielle pour les kystes profonds et au contact des éléments
vasculaires (12). Le traitement médical, à base de dérivés imidazolés, est réservé aux cas inopérables, aux localisations
multiples ou en complément de la chirurgie (13).
 Figure 3. Vue peropératoire de la cavité résiduelle du kyste hydatique pelvien.
Conclusion
Discussion
Cavité résiduelle kystique
Vessie
Cul-de-sac de Douglas
Une masse abdominopelvienne, surtout dans un pays endémique comme le Maroc, doit évoquer un kyste hydatique. Le
diagnostic repose sur les données épidémiologiques, cliniques,
radiologiques et sérologiques. Le traitement de choix est la
chirurgie, qui dépend du volume, du siège et surtout des rapports
des kystes. Le geste chirurgical doit être radical si les conditions le permettent. Le traitement médical peut être utilisé en
deuxième intention ou en complément de la chirurgie. La prophylaxie est le meilleur moyen pour éradiquer cette pathologie
qui est toujours un problème de santé publique au Maroc. ■
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Une coxopathie révélatrice
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A coxopathy revealing a primary hydatid cyst of the pelvis
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