CAS CLINIQUE Mots-clés : Echinococcus – Kyste hydatique – Glande thyroïde – Traitement. Keywords: Echinococcosis – Hydatid cyst – Thyroid gland – Treatment. Kyste hydatique primitif de la glande thyroïde Hydatid cyst of the thyroid gland O. Maliki¹, H. Nouri¹, Y. Rochdi¹, L. Aderdour¹, Z. Taddrarate2, N. El Ansari2, N. Bnouachir3, N.C. El Idrissi Ganouni3, A. Raji¹ L’ hydatidose est une anthropozoonose qui sévit à l’état endémique dans les pays du pourtour méditerranéen et en Amérique latine. Elle est due au développement chez l’homme de la larve de Tænia echinococcus granulosus. Ses localisations préférentielles sont le foie et le poumon. La localisation thyroïdienne est exceptionnellement rapportée dans la littérature médicale. Observation Une patiente âgée de 50 ans, d’origine rurale, sans antécédents médicaux, se présente pour une masse cervicale médiane évoluant progressivement depuis 5 ans. À l’examen, la masse mesure 5 cm de diamètre, elle est indolore, rénitente, non battante, mobile à la déglutition et sans signes inflammatoires en regard (figure 1). Le reste de l’examen cervical et somatique est normal. L’échographie cervicale montre la présence d’une masse ovalaire de contenu finement échogène, soit un aspect de “sable hydatique”, mesurant 52 mm × 20 mm ; cette masse contient une image vésiculaire mesurant 19 mm × 8 mm, avec des parois bien limitées et calcifiées par endroits, anéchogène, siège de cloisons et de microcalcifications (figure 2). La radiographie thoracique et l’échographie pulmonaire sont sans particularités. Le bilan biologique ne retrouve pas d’éosinophilie. La sérologie hydatique par la technique d’hémagglutination indirecte est négative (taux = 1/80, Ag.E. granulosus, Fumouze). Devant la forte suspicion de kyste hydatique à l’échographie, la cytoponction n’a pas été pratiquée. L’exploration chirurgicale par cervicotomie objective une masse kystique rénitente aux dépens du pôle supérieur du lobe thyroïdien gauche. Elle est réséquée en monobloc avec une lobo-isthmectomie gauche. Le contenu de la vésicule intrakystique est liquidien, eau de roche, avec un aspect de fausses membranes (figure 3). L’étude ¹ Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU Mohammed-VI, Marrakech, Maroc. 2 Service d’endocrinologie, CHU Mohammed-VI, Marrakech, Maroc. Figure 1. Masse cervicale paramédiane gauche. Figure 2. Échographie : masse ovalaire de contenu finement échogène “sable hydatique” contenant une image vésiculaire à parois bien limitées avec microcalcifications. 3 Service de radiologie, CHU Mohammed-VI, Marrakech, Maroc. 12 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 CAS CLINIQUE Figure 3. Pièce opératoire ouverte. anatomopathologique du kyste confirme l’hydatidose. La radiographie thoracique et l’échographie hépatique chez l’entourage de la patiente sont normales. Aucun traitement médical n’est instauré. Aucune récidive n’a été décelée avec un recul de 9 mois. Discussion L’hydatidose est une anthropozoonose cosmopolite commune à l’homme et à plusieurs mammifères. Elle est due au développement de la larve de Tænia echinococcus granulosus qui se trouve en impasse parasitaire chez l’homme (1). Cette parasitose sévit à l’état endémique dans les pays du pourtour méditerranéen (Afrique du Nord et de l’Est, Proche- et Moyen-Orient), en Amérique du Sud et en Nouvelle-Zélande. En effet, dans ces zones coexistent chiens et herbivores qui représentent les éléments clés du cycle évolutif de ce parasite (1, 2). Dans 80 à 90 % des cas, le parasite s’installe de préférence dans le poumon et dans le foie (3). Cependant, il peut se développer dans n’importe quel organe (4). La localisation cervico-faciale, essentiellement thyroïdienne, représente 1 % de toutes les localisations (3). La proximité de notre patiente avec l’hôte définitif (surtout le chien) et l’hôte intermédiaire (souvent le mouton) étaient des éléments de suspicion du diagnostic, malgré la sérologie négative. L’incubation peut durer plusieurs années (4). La forme thyroïdienne primitive est habituellement unique, unilatérale, lobaire et d’évolution lente (5). Néanmoins, des cas d’installation brutale de l’hydatidose thyroïdienne ont été décrits (5). L’hydatidose peut survenir à tout âge, avec des extrêmes allant de 18 mois à 72 ans (5). La tranche d’âge la plus touchée se situe entre 20 et 40 ans (6). La présentation clinique est celle d’un nodule thyroïdien sans aucune spécificité (4). Le diagnostic est rarement évoqué cliniquement (7). L’échographie montre le plus fréquemment une masse kystique présentant une paroi fine, avec parfois un aspect de décollement de membrane ou de vésicules filles. Les calcifications arciformes périphériques, bien que fortement suggestives du diagnostic, ne sont pas spécifiques (1). La tomodensitométrie précise le siège et étudie le rapport avec les organes de voisinage sans améliorer la spécificité de l’imagerie (7). Le bilan biologique peut montrer une hyperéosinophilie (2 à 3 fois la normale) lors de la phase d’invasion ou lors d’une fissuration (4). L’immunologie à visée cellulaire (intra-dermoréaction de Casoni) ou humorale (immuno-électrophorèse, hémagglutination, immunofluorescence), utile pour faire le diagnostic, peut être faussement négative, comme chez notre patiente, dans 33 % des cas (1, 7). La scintigraphie au TC 99, quand elle est pratiquée, montre l’aspect froid de la masse nodulaire (4, 6). Les ponctions des kystes hydatiques ont longtemps été proscrites en raison du risque théorique d’essaimage et de choc anaphylactique (1). Certains auteurs continuent cependant à les pratiquer étant donné la faible incidence de leurs complications et leur haute spécificité contribuant ainsi au diagnostic (8). Le traitement du kyste hydatique de la thyroïde est chirurgical par cervicotomie (4). L’exérèse doit se faire en monobloc par péri­kystectomie (uniquement en cas de lésions isolées et périphériques), par lobo-isthmectomie ou par thyroïdectomie subtotale (1, 4). Le traitement médical à base d’albendazole ne trouve sa place que dans les formes disséminées, récidivantes, ou en cas de rupture peropératoire (4, 9). Le diagnostic de certitude est anatomo­ pathologique (9). La déclaration de la maladie ainsi qu’une enquête familiale s’imposent. La surveillance postopératoire est clinique, biologique et surtout échographique (9). Une récidive ou une localisation concomitante sont suspectées devant la persistance ou l’apparition d’un taux élevé d’anticorps 6 mois à 1 an après la chirurgie. Le taux de récidive toutes localisations confondues est de 10 % (4). Conclusion Le kyste hydatique doit être évoqué devant toute lésion kystique dans les pays d’endémie, mais aussi dans les pays développés en raison du flux migratoire des populations. La localisation thyroïdienne est exceptionnelle. Elle peut être suspectée sur un faisceau d’arguments épidémiologiques, biologiques et échographiques. Le diagnostic de certitude est histologique. Le traitement est chirurgical. Le meilleur traitement reste préventif par l’éducation sanitaire de la population rurale. ■ Références bibliographiques 1. Oudidi A, El Alami MN. Kyste hydatique de la thyroïde. Ann Chir 2006;131:375-8. 2. Sakhri J, Ben Ali A. Le kyste hydatique du foie. J Chir (Paris) 2004;141:381-9. 3. Abbassi R, Kacemi L, Bricha M et al. Hydatidose cervicofaciale : à propos d’un cas. J Radiol 2007;88:1725-7. 4. Aderdour L, Harkani A, Nouri H, Khallouki M, Samkaoui Ma, Raji A. Kyste hydatique de la thyroïde chez l’enfant. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2012;113:124-6. 5. Lada P, Lermite E, Hennekinne-Mucci S, Etienne S, Pessaux P, Arnaud JP. Kyste hydatique primitif de la thyroïde, une localisation inhabituelle de l’hydatidose. Presse Med 2005;34:580. 6. Amahzoune M, El Malki HO, Benkhraba K et al. Kyste hydatique récidivant de la thyroïde : à propos d’un cas. Ann Endocrinol (Paris) 2004;65:469-71. 7. Bronstein JA, Klotz F. Cestodoses larvaires. EMC Mal Infect 2005;2:59-83. 8. Hmidi M, Touiheme N, Rbai M, Messary A. Isolated hydatid cyst of the neck: an unusual site. Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis 2012;129:108-10. 9. Gökçe C, Patiroğlu T, Akşehirli S, Durak AC, Keleştimur F. Hydatic cyst in thyroid gland diagnosed by fine-needle aspiration biopsy. Thyroid 2003;13:987-9. 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