CAS CLINIQUE
Figure 3. Pièce opératoire ouverte.
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 331 - octobre-novembre-décembre 2012 | 13
anatomopathologique du kyste confirme l’hydatidose. La radio-
graphie thoracique et l’échographie hépatique chez l’entourage
de la patiente sont normales. Aucun traitement médical n’est
instauré. Aucune récidive n’a été décelée avec un recul de 9 mois.
Discussion
L’hydatidose est une anthropozoonose cosmopolite commune
à l’homme et à plusieurs mammifères. Elle est due au dévelop-
pement de la larve de Tænia echinococcus granulosus qui se trouve
en impasse parasitaire chez l’homme (1). Cette parasitose sévit à
l’état endémique dans les pays du pourtour méditerranéen (Afrique
du Nord et de l’Est, Proche- et Moyen-Orient), en Amérique du
Sud et en Nouvelle-Zélande. En effet, dans ces zones coexistent
chiens et herbivores qui représentent les éléments clés du cycle
évolutif de ce parasite (1, 2).
Dans 80 à 90 % des cas, le parasite s’installe de préférence dans
le poumon et dans le foie (3). Cependant, il peut se développer
dans n’importe quel organe (4). La localisation cervico-faciale,
essentiellement thyroïdienne, représente 1 % de toutes les locali-
sations (3).
La proximité de notre patiente avec l’hôte définitif (surtout le
chien) et l’hôte intermédiaire (souvent le mouton) étaient des
éléments de suspicion du diagnostic, malgré la sérologie négative.
L’incubation peut durer plusieurs années (4). La forme thyroï-
dienne primitive est habituellement unique, unilatérale, lobaire
et d’évolution lente (5). Néanmoins, des cas d’installation brutale
de l’hydatidose thyroïdienne ont été décrits (5). L’hydatidose
peut survenir à tout âge, avec des extrêmes allant de 18 mois à
72 ans (5). La tranche d’âge la plus touchée se situe entre 20 et
40 ans (6). La présentation clinique est celle d’un nodule thyroïdien
sans aucune spécificité (4). Le diagnostic est rarement évoqué
cliniquement (7). L’échographie montre le plus fréquemment une
masse kystique présentant une paroi fine, avec parfois un aspect
de décollement de membrane ou de vésicules filles. Les calcifica-
tions arciformes périphériques, bien que fortement suggestives
du diagnostic, ne sont pas spécifiques (1). La tomodensitométrie
précise le siège et étudie le rapport avec les organes de voisinage
sans améliorer la spécificité de l’imagerie (7).
Le bilan biologique peut montrer une hyperéosinophilie (2 à
3 fois la normale) lors de la phase d’invasion ou lors d’une fissu-
ration (4). L’immunologie à visée cellulaire (intra-dermoréaction de
Casoni) ou humorale (immuno-électrophorèse, hémagglutination,
immunofluorescence), utile pour faire le diagnostic, peut être
faussement négative, comme chez notre patiente, dans 33 % des
cas (1, 7). La scintigraphie au TC 99, quand elle est pratiquée,
montre l’aspect froid de la masse nodulaire (4, 6). Les ponctions
des kystes hydatiques ont longtemps été proscrites en raison
du risque théorique d’essaimage et de choc anaphylactique (1).
Certains auteurs continuent cependant à les pratiquer étant donné
la faible incidence de leurs complications et leur haute spécificité
contribuant ainsi au diagnostic (8).
Le traitement du kyste hydatique de la thyroïde est chirurgical
par cervicotomie (4). L’exérèse doit se faire en monobloc par
péri kystectomie (uniquement en cas de lésions isolées et périphé-
riques), par lobo-isthmectomie ou par thyroïdectomie subtotale (1,
4). Le traitement médical à base d’albendazole ne trouve sa place
que dans les formes disséminées, récidivantes, ou en cas de rupture
peropératoire (4, 9). Le diagnostic de certitude est anatomo-
pathologique (9).
La déclaration de la maladie ainsi qu’une enquête familiale s’imposent.
La surveillance postopératoire est clinique, biologique et surtout
échographique (9). Une récidive ou une localisation concomitante
sont suspectées devant la persistance ou l’apparition d’un taux
élevé d’anticorps 6 mois à 1 an après la chirurgie. Le taux de récidive
toutes localisations confondues est de 10 % (4).
Conclusion
Le kyste hydatique doit être évoqué devant toute lésion kystique
dans les pays d’endémie, mais aussi dans les pays développés en
raison du flux migratoire des populations. La localisation thyroï-
dienne est exceptionnelle. Elle peut être suspectée sur un faisceau
d’arguments épidémiologiques, biologiques et échographiques.
Le diagnostic de certitude est histologique. Le traitement est
chirurgical. Le meilleur traitement reste préventif par l’éducation
sanitaire de la population rurale. ■
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Références bibliographiques