qu’il peut être préjudiciable à l’efficacité économique, il déresponsabilise les partenaires sociaux en vidant de son
contenu la négociation collective et, pire encore, des enquêtes montrent qu’il n’est pas ressenti comme protecteur, bien
au contraire, par les travailleurs.
C’est aussi au nom d’une approche faussement égalitariste que l’on renforce les inégalités à l’école. La recherche
inadaptée d’une plus grande justice économique produit une fiscalité qui dissuade l’innovation et la croissance. La
politique sociale du logement, inefficace et onéreuse, dans ses modalités actuelles, réduit les mobilités. La formation
professionnelle viciée par son intervention dans le financement des partenaires sociaux, est également onéreuse et
inefficace.
Des pays ont engagé des programmes de réformes d’une très grande ambition. Les exemples des Pays-Bas, au début
des années 1980, ou de la Suède, de l’Australie et du Canada au début des années 1990, sont pertinents. Mais la
France doit trouver son propre chemin, adapté à ses institutions et à sa culture. Une certitude seulement : l’ambition doit
être au rendez-vous, sans quoi, à terme, la paupérisation de notre pays deviendra inévitable. L’engagement de réformes
très ambitieuses peut aboutir à un surcroit de croissance annuelle d’un demi-point au minimum sur une longue période.
Les pays évoqués, qui ont engagé leur propre programme de réformes, ont bénéficié d’un surcroit de croissance bien
supérieur.
Ces réformes ne constituent en rien un abaissement des protections des citoyens et des travailleurs. Par exemple, dans
le domaine du fonctionnement du marché du travail, il s’agirait de donner très largement la possibilité aux partenaires
sociaux d’élaborer des compromis permettant de mieux concilier l’efficacité économique et la protection des travailleurs.
Mais pour cela, il faut autoriser les accords collectifs à déroger à de multiples dispositions du code du travail, en
épargnant les dispositions qui correspondent à la transposition du droit international (dont communautaire) dans le droit
français et ce qui ressort de l’ordre public social (respect de la dignité et de la vie privée des travailleurs, en particulier).
La loi du 20 août 2008 oblige, pour qu’un accord, soit légitime, à ce qu’il soit majoritaire (position commune des
partenaires sociaux). Celle du 14 juin 2013 va même plus loin avec une position super-majoritaire (accord collectif
interprofessionnel). Tout cela responsabilise les acteurs de la négociation et légitime les signataires d’accords. Laissons
aux acteurs de la négociation collective de branches et d’entreprises la possibilité d’apprécier eux-mêmes les voies et
modalités de la défense des intérêts des travailleurs ! Dans le domaine social, il s’agirait par exemple de réviser
complètement le fonctionnement du salaire minimum pour développer fortement le rôle des outils plus adaptés à la lutte
contre la pauvreté.
Des réalisations toujours remises à plus tard
Le contraste est fort, dans la dernière décennie, entre un discours très offensif des pouvoirs publics sur ces questions de
réformes et les concrétisations, pour le moins modestes. L’urgence est sans cesse décrétée, mais les véritables
réalisations toujours remises. Pourquoi ? La réponse est double. D’une part, bien sûr, le risque électoral. L’exemple de
Gerhard Schröder réformant l’Allemagne pour les suivants est dans toutes les têtes. Mais à cet exemple, il faut opposer
celui des autres pays évoqués plus haut et dont le choix de réformer ne s’est pas traduit par un rejet dans les urnes.
Les réformes peuvent même être électoralement payantes, si elles sont comprises. Par ailleurs, le rejet dans les
sondages et les urnes de la majorité actuelle signalent qu’un report des réformes ambitieuses effectives présente aussi
un fort risque électoral.
L’autre raison est plus liée aux représentations erronées des réalités économiques et sociales, qui aboutissent à des
programmes de politiques économiques inadaptés. Ces deux raisons se tiennent : faire siennes les erreurs de
représentations et les mettre en avant dans le discours politique rend illisible tout discours de réformes ambitieuses et
adaptées. L’exécutif de gauche comme de droite pratique, en France, cette schizophrénie. Les analyses sur la situation
économique se bornent souvent à des postures et des totémisations. Au-delà, les difficultés, sinon le refus, à élaborer
des approches transpartisanes brident bien entendu le changement effectif.
La France, comme d’autres pays européens, s’engage de plus en plus vers une situation où les changements pourraient
devoir être opérés dans l’urgence, le dos au mur. De telles situations sont les moins appropriées pour opérer des
changements ambitieux mais respectueux d’une culture spécifique. N’attendons pas ce moment.