La Lettre du Rhumatologue - n° 279 - février 2002
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ÉDITORIAL
mation entre le patient et le médecin, de mettre en œuvre
un partage du pouvoir de décision, voire de responsabili-
tés, d’améliorer l’acceptabilité des investigations et des trai-
tements, enfin de prévenir le recours au contentieux. Infor-
mer les patients comporte certains obstacles qui peuvent
être de nature matérielle. Il paraît difficile d’interroger,
d’examiner et d’informer correctement un patient au cours
d’une même consultation. Les difficultés peuvent être éga-
lement de nature humaine, par incompréhension mutuelle
ou par peur d’altérer la qualité de la relation médecin/
malade par un excès d’information.
Le programme de l’ANAES
L’ANAES (Agence nationale pour l’accréditation et l’éva-
luation en santé) a mis en place un programme d’amélio-
ration de l’information médicale. Il a consisté, pour les pro-
fessionnels de santé, à éditer des recommandations (3)
destinées à la pratique clinique et des conseils pour la rédac-
tion et l’utilisation de fiches d’information.
Pour les établissements de santé, dans le cadre de la pro-
cédure d’accréditation, l’information des patients est consi-
dérée comme un thème majeur d’amélioration de la qualité
(se reporter au référentiel “droits et information du patient”
du manuel d’accréditation [4]).
Les fiches d’information de la SFR
Cela a conduit la Société française de rhumatologie à éla-
borer et diffuser des fiches d’information couvrant une
grande partie du champ de la rhumatologie, en particulier
les thérapeutiques invasives ou comportant des risques. Ces
fiches sont une première étape vers un partage de l’infor-
mation et vers une plus grande implication des patients,
même si ce mode d’information comporte quelques limites.
En effet, l’utilisation de ces notices pose certains problèmes.
Il existe une réticence des praticiens à l’utilisation de ces
notices standardisées. Elles sont associées à une perte de la
maîtrise de l’information et à une obligation à mettre ses
propres pratiques en conformité avec le contenu des notices.
Cette réticence est variable selon l’exercice médical, libéral
ou salarié, la discipline ou la formation initiale (5). De plus,
la diversité des patients rend difficile une systématisation de
l’information et nécessite une adaptation à la relation méde-
cin/malade. Les attentes et l’aptitude à comprendre de
chaque patient sont différentes (barrage de la langue, niveau
d’éducation, troubles cognitifs éventuels), ce qui va à l’en-
contre d’une standardisation excessive de l’information.
Il paraît donc intéressant de réfléchir sur d’autres modes
d’information des patients : on pourrait par exemple déve-
lopper l’utilisation de médias modernes, du type vidéo ou cédé-
rom interactif, comme cela a pu être fait avec succès dans
le cadre de la chirurgie du rachis (6), voire faciliter l’accès
à des sites Internet dédiés à l’information en rhumatologie.
Il faut également réfléchir au cadre dans lequel se déroule
cette information. La consultation ne semble pas toujours
être le lieu idéal d’un échange d’information, en raison des
contraintes matérielles qu’elle impose (en particulier dans
le cadre de l’exercice libéral).
Le champ de la rhumatologie paraît propice à ce type d’ap-
proche.En effet, le caractère chronique des pathologies rhu-
matismales implique une bonne compliance des patients
vis-à-vis de thérapeutiques souvent contraignantes. Cette
adhésion aux traitements peut être accrue par une meilleure
compréhension. En outre, la diversité et la complémenta-
rité de l’arsenal thérapeutique (chirurgie, infiltrations, chi-
miothérapie, traitements physiques) ainsi que ses effets
indésirables doivent amener à prendre en compte l’avis du
patient. Il devra être à même d’envisager le rapport béné-
fices/risques sur un plan individuel. Enfin, la bonne qualité
des réseaux ville/hôpital et l’action des associations de
malades doivent permettre d’améliorer l’information déli-
vrée. Les démarches de partage de décision doivent trou-
ver leur place dans l’exercice de la rhumatologie. Il s’agit
simplement de formaliser les procédures d’échange d’in-
formations qui trouvaient traditionnellement leur place dans
le colloque singulier patient/médecin pour en améliorer la
qualité. Le développement par différentes équipes hospita-
lières d’écoles de l’os ou de programmes d’éducation pour
les patients souffrant de rhumatismes inflammatoires
témoigne que cette évolution est en marche.
La décision partagée ne doit pas se limiter à la recherche
clinique, mais doit s’intégrer progressivement à l’exercice
médical. À l’heure où le devoir d’information est souvent
considéré comme une dérive juridique, il faut voir là une
chance de modifier nos pratiques en impliquant davantage
les patients dans la prise de décision. C’est l’une des voies
à explorer pour en faire les acteurs de leur santé, et non de
simples consommateurs de médecine. #
Bibliographie
1. Charles C, Whelan T, Gafni A. What do we mean by partnership in making
decision about treatment ? Br Med J 1999 ; 319 : 780-2.
2. O’Connor AM, Rostom A, Fiset V et al. Decision aids for patients facing treat-
ment or screening decisions : a systematic review. Br Med J 1999 ; 319 : 731-4.
3. Information des patients. Recommandations aux médecins. ANAES, Service
des recommandations et références professionnelles, mars 2000.
4. Manuel d’accréditation des établissements de santé, 1999. ANAES.
5. Jolly D, Durand-Zaleski I. L’information du patient, du consentement éclairé
à la décision partagée. Les dossiers de l’Institut d’études des politiques de santé.
Médecine-Sciences, Flammarion, 1999.
6. Phelan EA, Deyo RA, Cherkin DC et al. Helping patients decide about back
surgery, a randomized trial of an interactive video program. Spine 2001 ; 26 :
206-12.
Conclusion
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