ÉDITORIAL
La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. IV - juin 2001 119
Traitement médical des troubles fonctionnels digestifs :
la difficile quête du Graal
M.A. Bigard*
es deux tableaux cliniques les plus fréquents dans
le cadre des troubles fonctionnels digestifs sont la
dyspepsie fonctionnelle et le syndrome de l’intes-
tin irritable. Dans l’ouvrage de référence de J.C. Rambaud (1),
nous pouvons lire :
– au chapitre “Dyspepsie” (B. Coffin, R. Jian, p. 354) : Il est clair
qu’aucun des médicaments disponibles n’a pu être incontesta-
blement distingué de l’effet placebo qui varie de 30 à 60 % dans
ce type de pathologie. Cette inefficacité relative peut être en rap-
port avec des effets pharmacologiques insuffisants, une mauvaise
sélection des patients par rapport aux effets pharmacologiques
des médicaments et une trop grande hétérogénéité de la physio-
pathologie des symptômes.
– au chapitre “Troubles fonctionnels intestinaux” (J. Frexinos,
M. Delvaux, p. 51) : L’effet placebo pèse sur les résultats théra-
peutiques constatés et les différentes études contrôlées n’appor-
tent pas toujours de résultats significatifs. En effet, à court terme,
sur 2 à 3 mois, l’évolution des troubles fonctionnels digestifs est
le plus souvent favorable. Ceci s’explique en grande partie par
l’importance de l’effet placebo dont l’efficacité peut atteindre
70 % d’amélioration, la moyenne se situant à 35 ± 20 % (2 DS).
En résumé, on dispose essentiellement dans la dyspepsie des pro-
kinétiques, et dans le syndrome du côlon irritable des antispas-
modiques. Dans ce syndrome, l’efficacité des antispasmodiques
sur la douleur a été suggérée par une méta-analyse (2) avec en
moyenne une différence de 18 % par rapport au placebo (28 essais
randomisés analysés). La méta-analyse a cependant le défaut de
ne pouvoir inclure les essais négatifs non publiés.
De nouveaux médicaments sont donc clairement nécessaires et la
reconnaissance de cibles pharmacologiques au niveau des afférences
viscérales ouvre la voie à la mise au point de molécules candidates.
Cependant, il est indispensable que les médicaments du XXIesiècle
possèdent d’une part, une efficacité indiscutable et cliniquement
significative, d’autre part une sécurité d’emploi absolue.
Dans le cadre de l’élaboration de la classification de Rome II, un
groupe de travail a élaboré des recommandations pour le design des
essais thérapeutiques pour les troubles fonctionnels digestifs (3).
L’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA)
a également produit des guidelines pour les essais concernant par
exemple le syndrome de l’intestin irritable. Une méthodologie rigou-
reuse des essais cliniques devrait permettre de situer l’intérêt exact
d’une nouvelle molécule. Il apparaît bien sûr indispensable que la
différence avec le placebo soit non seulement statistiquement signi-
ficative, mais également “cliniquement” significative.
Le niveau de la différence avec le placebo n’a pas été déterminé
mais pour le clinicien une différence de 15 à 20 % n’apparaît pas
comme une exigence démesurée. La molécule doit également
faire clairement la preuve de son efficacité sur la douleur diges-
tive et ne pas agir uniquement par le biais d’une amélioration des
troubles du transit associés.
Le défaut d’enregistrement du tégasérod par l’Agence européenne
du médicament est lié à l’absence de ces critères d’efficacité.
Enfin, la sécurité d’emploi doit être absolue dans le cadre d’une
pathologie parfaitement bénigne. Un grand nombre de malades doit
donc être inclus dans les essais de phase III, et la pharmacovigi-
lance, après commercialisation, a un rôle particulièrement impor-
tant. L’exemple récent de l’alosétron, retiré du marché après
quelques mois de commercialisation aux États-Unis en raison de
la survenue de cas de constipation sévères et de colites ischémiques,
montre bien l’importance de la sécurité d’emploi d’une molécule
destinée à être administrée à de grandes populations de malades.
Espérons que malgré toutes ces difficultés, l’industrie pharma-
cologique pourra mettre à la disposition des médecins, une ou
plusieurs molécules actives et sûres dans les prochaines années,
même si l’histoire de l’oméprazole dans les maladies acido-
dépendantes a peu de chances de se répéter dans le domaine des
troubles fonctionnels digestifs.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Rambaud JC. Traité de gastroentérologie. Paris : Flammarion, 2000.
2. Poynard T, Regimbeau C, Benhamou Y. Meta-analysis of smooth muscle
relaxants in the treatment of irritable bowel disease. Aliment Pharmacol Ther
2001 ; 15 : 355-61.
3.Veldhuyzen Van Zanten SJO, Talley NJ, Bytzer P et al. Design of treatment trials
fort the functional gastrointestinal disorders in Drossman DA ed. Rome II : the func-
tional gastrointestinal disorders. Diagnosis, pathophysiopathology and treatment :
a multinational consensus. 2nd ed. Mc Lean VA. Degnon Assoc ; 2000.
L
* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy.
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