Articles scientifiques Cas clinique Ann Dermatol Venereol 2006;133:679-82 Périartérite noueuse cutanée associée à une infection par le virus de l’hépatite C, régressive après une bithérapie antivirale M. NAOURI (1), Y. BACQ (2), M.C. MACHET (3), C. ROGEZ (4), L. MACHET (1) Résumé Introduction. Le virus de l’hépatite C (VHC) est souvent responsable de vasculites leucocytoclasiques par le biais d’une cryoglobulinémie de type II ou III. Les vasculites liées au VHC sans cryoglobulinémies sont plus rares. Observation. Une femme âgée de 33 ans consultait pour un purpura infiltré nécrotique des membres inférieurs, responsable d’ulcérations infracentimétriques des membres inférieurs. L’examen anatomopathologique montrait une vasculite touchant les artérioles hypodermiques, correspondant à une périartérite noueuse. Il n’y avait pas d’atteinte extracutanée. La malade avait une infection par le VHC (génotype 3) asymptomatique et non traitée depuis deux ans. Le traitement antiviral permettait la négativation de la virémie et la guérison des lésions cutanées avec un recul de deux ans par rapport à la fin du traitement. Commentaires. Il s’agissait d’une vasculite répondant aux critères de la périartérite noueuse cutanée, liée au VHC sans cryoglobulinémie. L’atteinte hépatique était peu sévère et ne nécessitait pas un traitement antiviral. L’atteinte cutanée n’ayant pas régressé avec la colchicine et le génotype viral étant favorable, nous avons décidé d’instituer un traitement antiviral. Cette option thérapeutique doit être connue des dermatologues, en pesant toutefois le risque potentiel d’aggravation de la vasculite par l’interféron. L es trois manifestations cutanées les plus significativement liées à l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) sont les vasculites, essentiellement cryoglobulinémiques, la porphyrie cutanée tardive [1, 2] et le lichen érosif [3]. Une cryoglobulinémie mixte, le plus souvent asymptomatique, est détectable chez 40 p. 100 à 50 p. 100 des malades (1) Service de Dermatologie, (2) Service d’Hépato-gastroentérologie, (3) Service d’Anatomie Pathologique et de Cytopathologie, Centre Hospitalier Universitaire, Université François-Rabelais, Tours, France. (4) Anatomocytopathologiste, Tours. Tirés à part : L. MACHET, Service de Dermatologie, Centre Hospitalier Universitaire, Université François-Rabelais, 37044 Tours Cedex, France. E-mail : [email protected] Summary Background. Hepatitis C virus (HCV) frequently causes leucocytoclastic vasculitis as a result of type II or III cryoglobulinemia. HCV-associated vasculitis without cryoglobulinemia is less common. Patients and methods. A 33-year-old woman consulted for infiltrative necrotic purpura of the lower limbs, responsible for leg ulcers measuring less than 1 cm. Histopathological examination revealed vasculitis affecting the hypodermic arterioles and caused by periarteritis nodosa. No extracutaneous involvement was observed. The patient had presented asymptomatic untreated HVC infection (genotype 3) for two years. Antiviral treatment resulted in elimination of the patient’s viremia and no relapse of skin lesions was observed two years after the end of treatment. Comments. This patient presented vasculitis due to cutaneous nodular periarteritis associated with HVC without cryoglobulinemia. Hepatic impairment was mild and did not require any antiviral treatment. No further skin involvement was seen after treatment with colchicine and because the patient’s viral genotype was favorable, we decided to initiate antiviral therapy. This therapeutic approach should be considered by dermatologists, but it is nevertheless important to assess the risk of interferon-induced aggravation of vasculitis. Interferon-alpha and ribavirin treatment in a patient with hepatitis C virus-associated cutaneous periarteritis nodosa. M. NAOURI, Y. BACQ, M.C. MACHET, C. ROGEZ, L. MACHET Ann Dermatol Venereol 2006;133:679-82 infectés par le VHC [4]. Cette cryoglobulinémie devient symptomatique chez le tiers des malades par le biais d’une vasculite qui atteint préférentiellement les petits vaisseaux [4]. Certaines vasculites au cours de l’infection par le VHC ne sont pas associées à une cryoglobulinémie, les artérioles hypodermiques sont alors principalement atteintes, réalisant un tableau de périartérite noueuse (PAN) [5]. Le traitement des vasculites liées à une infection par le VHC pose deux questions. Les corticoïdes ou les immunosuppresseurs risquent-ils d’augmenter la réplication virale et d’aggraver l’atteinte hépatique [6, 7] ? Le traitement antiviral est-il susceptible d’aggraver la vasculite et d’entraîner une atteinte systémique [8-10], ou au contraire de guérir la vasculite [11] ? Nous rapportons le cas d’une jeune malade atteinte d’une PAN cutanée pure au cours d’une hépatite chronique 679 Ann Dermatol Venereol 2006;133:679-82 M. NAOURI, Y. BACQ, M.C. MACHET et al. C, sans cryoglobulinémie, chez laquelle la bithérapie antivirale a permis une réponse virologique prolongée et une disparition de la vasculite avec un recul de 18 mois après l’arrêt du traitement. Observation Une femme de 33 ans était hospitalisée en décembre 2002 pour un purpura infiltré nécrotique prédominant à gauche, avec un œdème de la cheville, responsable d’ulcérations infracentimétriques des membres inférieurs. L’examen histologique des lésions cutanées montrait une atteinte prédominante des artérioles (fig. 1) avec une infiltration par des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, et une nécrose fibrinoïde de leur paroi (fig. 2). La coloration par l’orcéine a confirmé la nature artériolaire du vaisseau. Cet aspect était en faveur du diagnostic de PAN. L’examen clinique était normal en dehors des lésions cutanées et d’arthralgies des chevilles. La pression artérielle était normale. Il n’y avait aucune douleur abdominale, aucune anomalie neurologique clinique. La recherche d’une atteinte infraclinique par un examen électromyographique n’a pas été réalisée. La numération-formule sanguine, la vitesse de sédimentation, la créatininémie, l’ionogramme sanguin et l’électrophorèse des protides étaient normaux. La protéinurie des 24 heures était négative. Les anticorps anti-noyaux étaient à la limite de la positivité, le complément hémolytique CH50 (70 UI, normale supérieure à 85) et la fraction C4 (0,11 g/L, normale supérieure à 0,13) étaient modérément abaissés. Le facteur rhumatoïde et les anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles étaient négatifs. La recherche d’une cryoglobulinémie était négative à deux reprises. La malade était infectée par le VHC de génotype 3. Cette sérologie positive, découverte fortuitement lors d’une grossesse, était connue de la malade depuis deux ans. L’antigène HBs était absent du sérum et la sérologie anti-VIH était négative. L’activité sérique des transaminases était le plus souvent normale ou modérément augmentée. La ponction biopsie hépatique avait montré une fibrose portale et une activité minime (score Metavir A1 F1), et il avait été décidé de ne pas traiter la malade. Un traitement oral par colchicine à la dose de 1 mg/j et local par un dermocorticoïde de classe II était débuté puis arrêté au bout de six semaines pour inefficacité. Un traitement antiviral associant l’interféron α-2b pégylé (Viraféron Peg£) à la dose de 1,5 mg/kg/semaine et de la ribavirine (Rebetol£) à la dose de 800 mg/j était alors instauré. Dès le premier mois de traitement, on constatait une régression des lésions cutanées et une négativation de la virémie. À la fin des 24 semaines de traitement, la malade n’avait plus aucune lésion de vasculite. Dix-huit mois après la fin du traitement, la virémie était toujours négative. Les lésions cutanées n’ont pas récidivé avec un recul actuel de deux ans après l’arrêt du traitement antiviral. Discussion Il s’agissait d’une femme infectée par le VHC ayant une vasculite cutanée touchant les artérioles. Le diagnostic de PAN a Fig. 1. Examen histologique à faible grossissement : infiltrats périvasculaires du derme profond et nécrose de la paroi d’une artériole (HES × 10). 680 Fig. 2. Examen histologique à fort grossissement : nécrose fibrinoïde et infiltration par des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles de la paroi d’une artériole (HES × 40). Périartérite noueuse cutanée liée à l’hépatite C et régressive après bithérapie antivirale été retenu sur la concordance entre la clinique et l’anatomopathologie. L’absence d’atteinte systémique permettait de retenir le diagnostic de PAN cutanée [12]. Cette entité, longtemps discutée, est maintenant individualisée au sein de la classification des vasculites [13]. L’intérêt d’individualiser ce sousgroupe de vasculite est de ne pas traiter par excès les malades par des schémas agressifs comme la corticothérapie générale associée à un immunosuppresseur. En l’absence d’atteinte systémique, la malade a été initialement traitée par colchicine et dermocorticoïdes sans aucune amélioration durant six semaines. Une bithérapie antivirale a alors été instituée durant 24 semaines, entraînant la guérison clinique et une rémission virologique prolongée avec un recul de 18 mois. Le lien entre PAN et infection virale, en particulier le virus de l’hépatite B est bien connu [7], qu’il s’agisse de PAN systémiques ou plus rarement de PAN cutanées. Des cas de PAN ont également été décrits en rapport avec le VHC. Dans une série française de 17 vasculites systémiques associées à l’hépatite C, 10 cas étaient des PAN systémiques et 7 des vasculites leucocytoclasiques des petits vaisseaux secondaires à une cryoglobulinémie mixte [5]. Dans cette étude, le génotype 1b était deux fois plus fréquent dans le groupe cryoglobulinémie que dans le groupe PAN. Une autre série française de 16 PAN cutanées associée à l’infection par le VHC a été rapportée [14]. Dans la mesure où l’infection par le VHC peut-être asymptomatique, il paraît logique de demander une sérologie du VHC chez les malades atteints d’une PAN cutanée, même lorsque l’activité sérique des transaminases est normale [15]. En effet, comme dans le cas rapporté, l’augmentation des transaminases peut être fluctuante. Ceci étant dit, cette recherche s’est révélée négative 78 fois dans une série américaine de 79 malades atteints d’une PAN cutanée [16]. Le traitement des vasculites et en particulier des PAN associées au VHC n’est pas clairement codifié. Les manifestations cliniques sévères nécessitent le recours aux corticoïdes et parfois aux immunosuppresseurs. Toutefois, aucune étude prospective n’a précisé la place respective de ces traitements. Il faut garder à l’esprit la présence de l’infection virale sous-jacente, limiter ainsi la posologie et la durée des corticoïdes, réserver aux manifestations rebelles ou particulièrement menaçantes l’utilisation des immunosuppresseurs [7]. Si l’on considère que la vasculite est liée à l’infection virale elle-même éventuellement associée à une cryoglobulinémie mixte, le traitement antiviral devrait logiquement traiter la cause et la conséquence [17]. Cependant, chez des malades traités pour une hépatite C, le traitement par interféron-α peut déclencher des poussées sévères de vasculite cryoglobulinémique [18-21] ou de PAN [9, 10]. Ces cas restent relativement rares et régressent généralement après l’arrêt du traitement. Une étude contrôlée de 53 malades (27 traités, 26 témoins) atteints d’hépatite C et d’une cryoglobulinémie mixte a montré que 15 des 27 malades traités par interféronα étaient significativement améliorés : négativation de la virémie, amélioration de l’atteinte cutanée et de la créatininémie [17]. Une série plus récente de 14 malades atteints d’une vasculite systémique liée au VHC a montré que la bithérapie Ann Dermatol Venereol 2006;133:679-82 permettait de guérir 10 malades de leur vasculite, et 9 de leur hépatite avec un recul de 6 mois [22]. Quand, comme dans notre observation, la vasculite est purement cutanée et que l’atteinte hépatique est minime, la décision de traiter doit être discutée. La réponse virologique est liée au génotype, ce qui peut influencer la décision thérapeutique. Le génotype 3 trouvé chez la malade présentée est de bon pronostic puisque l’infection virale peut être éradiquée dans 80 p. 100 des cas par une bithérapie [15, 23] et la guérison de la vasculite est elle-même liée à la guérison virologique [22]. Références 1. Pawlotsky JM, Dhumeaux D, Bagot M. Hepatitis C virus in dermatology. A review. Arch Dermatol 1995;131:1185-93. 2. Dupin N, Chosidow O, Lunel F, Frances C. Quand demander une sérologie de l’hépatite C en dermatologie ? Ann Dermatol Venereol 1994; 121:574-8. 3. Sanchez-Perez J, De Castro M, Buezo GF, Fernandez-Herrera J, Borque MJ, Garcia-Diez A. Lichen planus and hepatitis C virus: prevalence and clinical presentation of patients with lichen planus and hepatitis C virus infection. Br J Dermatol 1996;134:715-9. 4. Schott P, Hartmann H, Ramadori G. Hepatitis C virus-associated mixed cryoglobulinemia. Clinical manifestations, histopathological changes, mechanisms of cryoprecipitation and options of treatment. 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Le titre de l’article C’est un élément essentiel puisque souvent les lecteurs potentiels ne liront que cela et détermineront à cette lecture s’ils doivent étudier le résumé ou l’article entier. Un titre doit être explicite et souligner l’intérêt, l’originalité du travail. Les mots les plus importants doivent figurer au début du titre (question forte). Les expressions sans utilité (bois mort) doivent être évitées telles que : « À propos de ... », « Considérations sur ... », « Analyse de ... ». 682