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Une politique budgétaire expansionniste en Chine
La poursuite du ralentissement de l’économie chinoise (croissance annuelle 6,9 % au T3, après 7 % au T2 et
7,3 % en 2014), a amené le gouvernement à soutenir l’activité par une politique budgétaire plus expansionniste
depuis septembre. Ces mesures de soutien budgétaire consistent en (i) des investissements en infrastructures (ii)
complétés par une série de mesures favorables aux entreprises, notamment aux PME, et aux ménages. Si les
mesures de soutien à l’activité apparaissent justifiées, l’accent mis sur l’investissement pourrait en revanche
retarder le rééquilibrage du modèle économique chinois. L’ampleur de la relance budgétaire du gouvernement est
néanmoins à relativiser au regard de l’évolution du déficit de l’ensemble de la sphère publique.
La politique budgétaire du gouvernement général
est expansionniste en 2015. Le ministère des
Finances a annoncé début septembre qu’il allait
renforcer sa politique budgétaire expansionniste, en
s’appuyant notamment sur les investissements en
infrastructures. Selon les estimations du FMI, le
déficit budgétaire nominal du gouvernement général
(gouvernement central et collectivités locales)
atteindrait 1,9 % du PIB en 2015 (après 1,2 % en
2014), un niveau jamais atteint sur les 10 dernières
années (1,8 % de déficit nominal en 2009, après la
crise financière, cf. Graphique 1). L’impulsion
budgétaire du gouvernement général se
matérialiserait par un creusement du déficit structurel
de 0,9 point de PIB potentiel en 2015 (contre une
variation nulle du solde structurel en 2014), soit l’une
des plus fortes impulsions budgétaires depuis la
relance de 2008 (1,5 point de PIB potentiel, cf.
Graphique 2).
L’investissement en infrastructure, soutenu par
les partenariats publics-privés et les « policy
banks », est la composante principale du plan
budgétaire. La hausse des dépenses budgétaires a
principalement financé les investissements en
infrastructures. La Commission nationale pour le
développement et la réforme (NDRC) a ainsi
approuvé entre janvier et octobre 237 projets
d’infrastructure pour un montant de 1 900 Mds CNY
(298 Mds USD). Les investissements en
infrastructures sont soutenus par le développement
des partenariats publics-privés. Ce modèle promu par
le gouvernement à partir de 2013 a pour objectif de
faciliter le financement des infrastructures en
partageant les risques avec des acteurs financiers
privés. La capacité de financement des
infrastructures des « policy banks » a également été
renforcée avec l’autorisation d’émission de 300 Mds
CNY (47 Mds USD) d’obligations en 2015 accordée à
la China Development Bank (CDB, 200 Mds CNY) et
à l’Agricultural Development Bank of China (ADBC,
100 Mds CNY). Par ailleurs, la NRDC a autorisé en
octobre les trois policy bank chinoises (CDB, ADBC
et Exim Bank of China) à émettre 1 000 Mds CNY
(157 Mds USD) d’obligations en 3 ans.
L’assouplissement budgétaire passe également
par des mesures favorables aux entreprises,
notamment aux PME, et aux ménages. Les
entreprises ont tout d’abord bénéficié en juin d’une
baisse des contributions versées aux assurances
maladie et maternité pour une économie estimée à
27 Mds CNY (4,23 Mds USD) par an. Les réductions
fiscales aux entreprises de petite taille ont été par
ailleurs étendues depuis le 1er octobre. Les
entreprises dont le bénéfice est inférieur à 300 000
CNY (contre 200 000 CNY auparavant) peuvent
désormais bénéficier d’une réduction de moitié de
l’impôt sur les sociétés. Le gouvernement a
également annoncé en septembre la création d’un
fonds national pour le développement des PME de
60 Mds CNY (9,4 Mds USD). Les ménages ont
également bénéficié de mesures fiscales : baisse de
moitié depuis le 1er octobre des taxes sur l’achat de
voitures de petit cylindre ; mesures visant à faciliter
l’achat d’un premier logement.
L’impulsion budgétaire est néanmoins plus
modérée si l’on prend en compte l’évolution du
« déficit augmenté » qui inclut l’activité « hors-
bilan » des collectivités locales. Le « déficit
augmenté » calculé par le FMI – qui prend en compte
les activités des véhicules de financement des
collectivités locales - atteindrait 10 % du PIB en 2015,
contre 9,9 % en 2014 et 9,4 % en moyenne sur les 5
années précédentes. Ces activités « hors bilan » ont
été développées par les collectivités locales en raison
de l’interdiction qui leur était faite d’emprunter depuis
1994. Le gouvernement a pris, depuis août 2014, un
ensemble de mesures destinées à maîtriser
l’endettement des collectivités locales, qui est
maintenant autorisé mais strictement encadré.
Si la mise en place d’une politique budgétaire
expansionniste apparait justifiée, l’accent mis sur
l’investissement pourrait en revanche retarder le
rééquilibrage du modèle économique chinois.
L’objectif des autorités de maîtriser les pressions à la
dépréciation du yuan contre le dollar, apparues
depuis la flexibilisation du régime de change chinois
en août, contraint l’usage de la politique monétaire
pour soutenir l’économie. La marge de manœuvre
budgétaire resterait plus importante. Le FMI estime
que la « dette augmentée » (incluant l’endettement
des activités « hors bilan » des collectivités locales)
atteindrait 60 % du PIB en 2015. Le choix de
privilégier l’investissement en infrastructures pourrait
toutefois retarder le rééquilibrage de l’économie
chinoise de l’investissement vers la consommation.
Benjamin Jie Pan et Maxime Darmet-Cucchiarini